Dicker, Zemmour, Sattouf : trois noms significatifs dans l’édition puisqu’ils pèsent à eux seuls plusieurs millions d'euros de chiffre d’affaires. Ils ont tous opté pour un changement de paradigme, mais réellement en rupture avec l’industrie du livre jusqu’à lors connue ? Pour point commun, un outil de diffusion et distribution qui leur ouvrira les portes des libraires, grandes surfaces culturelles et autres enseignes… Bref, les points de vente du livre. Un schéma disruptif, supposément, qui provoque des sueurs froides dans l’ensemble du milieu. Panique à Saint-Germain ?
Le 10/09/2021 à 11:52 par Nicolas Gary
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10/09/2021 à 11:52
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Tout a débuté avec une histoire d’héritage, dont aucun des acteurs ne souhaite commenter ni les tenants ni les aboutissants : le décès de l’éditeur historique de Joël Dicker, Bernard De Fallois. Et quelques semaines plus tard, une annonce qui fait chavirer l’ensemble de l’industrie. « Les moyens de Bolloré font trembler, c’est certain. Même Antoine Gallimard l'a dit, à demi-mots, dans la presse », commente une éditrice parisienne. Plus certain encore, personne ne souhaite aborder le sujet à visage découvert : « Le milieu est petit, la puissance qu’Editis acquiert laisse deux options : pour ou contre. » L’ambiance est posée.
Cette arrivée, structurelle, mais orchestrée savamment par Gilles Cohen-Solal fait sourire les plus naïfs. Ils étaient quelques-uns seulement à présumer qu’une tendance se dégagerait – à raison ? Celle d’Éric Zemmour, plus circonstancielle et rock’n roll, fait hésiter les volontés les plus fermes. « Comme la politique s’en mêle, ça devient préoccupant », poursuit l’éditrice. « Mais le coup de grâce, c’est Sattouf. »
Contacté par ActuaLitté, Guillaume Allary, fondateur de la maison qui publiait jusqu’à lors les ouvrages du dessinateur, ne fait aucun commentaire « sur la décision de Riad Sattouf de s’autoéditer ». Il précise cependant que cela « ne change rien en termes de logistique pour la maison car les deux séries L’Arabe du futur et Les cahiers d’Esther restent chez Allary Éditions pour les titres parus et à paraître ». D'ailleurs, le 6e et dernier volume de L’Arabe du futur sortira chez l'éditeur en 2022, comme annoncé par Riad Sattouf. « Tout comme le volume 7 des Cahiers d’Esther (histoire de mes 16 ans) et les suivants, jusqu’à ses 18 ans. »
Pour le mieux, dans le meilleur des mondes, donc ? « La réalité c’est qu’un tabou de l’édition s’effondre : le diffuseur/distributeur ne touche pas aux auteurs de ses éditeurs tiers », attaque un éditeur indépendant. « Tout le monde essaye de séduire un auteur, pour l’attirer dans sa propre maison, c’est le jeu, ok. Mais même Arnaud Nourry respectait la ligne rouge : Hachette Diffusion laissait les auteurs de ses clients tranquilles. »
Même Nourry, l’ex-PDG de Hachette Livre ? Qu’est-ce à dire ? « Le secret s’entretient, mais lorsqu'Arnaud de Puyfontaine [président du directoire de Vivendi, NdR] confie la direction d’Editis à Michele Benbunan, cela représente une opportunité : démontrer que Nourry l’avait sous-estimée, et que son départ de Hachette était une erreur. » Sous-estimée, ou prise bien trop au sérieux, au point de se débarrasser d’une collaboratrice menaçante ? « Nourry a commis une boulette », indique une ancienne proche de la direction de Hachette, « et les a multipliées à son égard, quand elle est entrée en responsabilité à Editis ».
Et avec les coudées franches, la patronne d'Editis allait disposer pleinement d'un outil pour mettre en place son projet. Tout en faisant peser dans le Landerneau, une certaine atmosphère. « Il faut admettre que personne ne lui a facilité la vie : entre les patrons qui lui reprochaient de ne pas être éditrice, au point de chercher à tenir sur la touche, et ceux qui l'ont prise de haut... », relève une directrice marketing. « This is a men's world, comme le dit si bien la chanson. »
Un monde d'hommes, qui voit arriver sur l'échiquier une reine peu décidée à se laisser faire. Ou bien est-ce là un laboratoire générant des fantasmes ? Il est vrai que les trois hommes cumulent bien des ventes : 8,743 millions d’exemplaires (les titres chez Albin Michel uniquement pour Zemmour, L'arabe du futur et Les cahiers d'Esther chez Allary pour Sattouf et les quatre romans de Dicker, avec leur déclinaison poche). Cette seule perspective a de quoi nourrir quelques débuts d'ulcère.
Pourtant... « Les craintes exprimées par Antoine Gallimard n'ont pas de lien avec ces arrivées d'auteurs, à mon sens », analyse un proche. « C'est la bombe Hachette / Editis qui fait trembler, parce qu'en face, Madrigall [la holding de Gallimard] ou Média Participations [dirigé par Vincent Montagne] ne pèsent pas bien lourd devant l'empire Bolloré. Et qu'arrive dans l'arène un joueur au poids significatif, capable d'envoyer Emmanuel Macron sur les roses. » Le cas d'Europe 1 en est l'une des démonstrations...
La réalité serait donc qu'il n'y a pas de modèle Editis secret, pas plus que d'intervention de la Cinquième colonne.
L'exemple de Riad Sattouf rappelle que le monde de la bande dessinée est relativement plus coutumier de ces créations de structures autonomes et les exemples, que ActuaBD passait en revue, notoires : L’Écho des Savanes, Métal Hurlant, Fluide glacial, les éditions Albert René, etc. Sans verser dans l’inventaire à la Prévert, le 9e art aligne plus d’auteurs partis à l’aventure de l'autoédition (pas toujours avec succès, comme ce fut le cas pour Pilote) que dans la littérature. Et les exemples de Marc-Édouard Nabe ou Renaud Camus ne tiennent pas la route une fraction de seconde, économiquement.
Mais pour l'auteur de BD, les choses furent plus simples encore : « D’abord, il a attiré l’attention de tout le monde avec son projet, et tous les groupes éditoriaux l’auraient volontiers pris en diffusion », commente une observatrice. « Or, non seulement il avait déjà des contacts avec Interforum, mais surtout, cela s’est opéré en accord avec son éditeur. » Conclusion : Editis se serait montré le mieux-disant dans ce pèlerinage pour fournir à la maison de Sattouf Les Livres du futur, la maison de Sattouf, une solution pour diffuser ses ouvrages.
Et que si l’on entend grogner, sur le rôle de l’éditeur, son devenir et autres dans les grandes directions, il faut peut-être mieux tendre l’oreille : on y décèlerait aisément une pointe de jalousie. « Ce qui pousse à pointer de nouveau la directrice générale d’Editis comme destructrice de la chaîne. »
De même, quand on examine l’arrivée d’Éric Zemmour : « N’oublions surtout pas que cela commence avec une rupture de contrat : Francis Esmenard a laissé Gilles Haéri se dépatouiller et agir en président de la société. Ils ont perdu l’auteur, mais ce sont des vases communicants : désormais, l’actionnaire à un levier d’action si jamais il envisageait de se séparer de son directeur général », s’amuse un visiteur du soir.
À ce titre, l’avocat des éditions Albin Michel, Me Christophe Bigot, a récemment fait passer à ActuaLitté une liste pointant de « multiples contre-vérités particulièrement dommageables ». Ainsi, la rue Huygens affirme « n’avoir commis aucune faute », mais souligne encore que « la liberté d’un éditeur de publier ou pas un livre est inaliénable, comme celle de refuser de voir une maison instrumentalisée au service d’un calendrier et de visées politiques qui lui sont étrangères. C’est si vrai que l’enchaînement des faits, depuis le mois de juin, montre très clairement que le livre en cause est bel et bien un élément de stratégie électorale, ce que n’étaient pas les précédents ouvrages de l’intéressé ». Laissons l'ex-éditeur se débattre dans des contradictions déjà évoquées.
Quant à la diffusion de M. Z chez Interforum, rien de sensationnel : « Le livre était fini, il avait besoin de le vendre en librairies, fin de la conversation. L’arrivée de Lise Boëll chez Plon laisse entendre que le prochain Zemmour a déjà une maison d’édition. S’il n’est pas président d’ici là », renchérit, sarcastique, notre interlocuteur.
Certains tiltent cependant sur le prix de vente de l’ouvrage : 21,90 €, très loin des tarifs de l’autoédition, tels que pratiqués. « Il y a certainement une forme de marque blanche derrière cela : Editis fournit un support pour les métiers-relais, ce qui rend le livre plus cher. » Loin, en tout cas, très loin, du cost-killer pratiqué par les auteurs indépendants, qui pratiquent un rabais sur leurs livres pour les rendre plus attractifs. « Après, il a certainement besoin de financer sa campagne… » Aux lecteurs de trancher d’ici peu.
Quant aux liens entre le polémiste, Vincent Bolloré, propriétaire de Vivendi, donc d'Editis, s'ils existent indéniablement, n'ont pas abouti à une intervention du grand patron. « Contrairement à Bernard Arnault, Bolloré ne fait pas de politique : il fait des affaires », rappelle-t-on.
La Vérité sur l’Affaire Joël Dicker devient, elle, nettement plus intéressante : « Quand autour de 2008, Bernard de Fallois envisage de vendre sa maison et se tourne vers son distributeur — Hachette Livre — le PDG d’alors en riait presque. » Le refus catégorique — « dédaigneux », ajoutent certains — d’Arnaud Nourry se heurtera à la réussite commerciale d’un jeune auteur suisse arrivé en 2010 dans une coédition avec L’Âge d’Homme. Ce sera Les derniers jours de nos pères, signé Joël Dicker, plus de 372.800 exemplaires (données Edistat), dont 362.000 réalisés avec le poche.
« Dicker et de Fallois avait une relation forte, et son éditeur l’a fait grandir dans la maison avec une colère motivée contre Nourry. Conclusion, à la mort de son éditeur, Dicker qui avait assuré qu’il n’en aurait pas d’autres, refuse à son tour de venir chez Hachette pour sa maison. » Le reste, c’est « le coup de génie de Cohen-Solal » qui le mettra en place, assure une éditrice.
« Ce qui étonne, c’est sa volonté de mener un projet éditorial réel, avec notamment la perspective les jeunes à la lecture », commente une proche. Le tout appuyé par une véritable maison d’édition. Sollicité dernièrement, le romancier faisait savoir qu'il ménageait ses projets et les présenterait en temps utiles : patience, donc, encore un peu. Comment un diffuseur/distributeur refuserait-il l’entrée de best-sellers dans son catalogue ?
Sans oublier qu’Editis a déjà une certaine habitude des traitements spécifiques pour les meilleurs vendeurs : les coéditions réalisées avec Versilio, pour Marc Levy, en sont un autre témoignage. Et des craintes similaires s'exprimaient déjà lors de la constitution de cette structure, qui a depuis bien évolué – sans pour autant se substituer à l'éditeur...
« L’autoédition, personne ne s’y lance sans bien réfléchir : un Foenkinos, par exemple, fait plus de 210.000 exemplaires avec Deux soeurs, mais il n’est pas fou : les responsabilités que cela implique, les emmerdes aussi, pour le dire crûment, il faut les vouloir », appuie une éditrice. « Peut-être qu’un Guillaume Musso, inspiré par ces projets, demanderait à Hachette d’organiser un système similaire, mais il est déjà le roi chez Calmann-Lévy et possède des parts chez Kéro… »
Conclusion d'un vétéran de l'indutrie : « On joue à se faire peur, à Saint-Germain, souvent avec de bonnes intuitions dont découlent pourtant de mauvaises analyses. C’est l’inverse de la géométrie : on raisonne faux, sur des figures justes. » Cryptique ? À dessein : « Les éditeurs ont raison de s’interroger sur leur place, leur relation, leur valeur ajoutée, c’est sain. Car personne ne peut oublier que la plus grande valeur d’une maison, ce sont ses auteurs, et son fonds. »
Crédit illustration : Magrittte, Raminagrobis, 1946 - ActuaLitté, CC BY SA 2.0 ; Riad Sattouf - ActuaLitté, CC BY SA 2.0 ; Espace des auteurs auto-édités - Le Livre sur la Place 2018 à Nancy - ActuaLitté, CC BY SA 2.0; Le monument à Victor Hugo, Rodin -ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
11 Commentaires
NAUWELAERS
11/09/2021 à 00:06
Et autre cas de figure à ajouter à ce très intéressant résumé de Nicolas Gary de ces changements importants qui pointent dans le monde de l'édition: voir sur ce site l'article (1-9-2021) de Clément Solym sur Salman Rushdie qui lui aussi se passe d'éditeur pour le moment et tente un essai de publication (payante) avec la plateforme de newsletters «Substack».
Celle-là même qui accueille des journalistes américains qui n'en peuvent plus de la culture «woke»...
Qui est particulièrement virulente au Canada (les livres de Tintin et d'Astérix carrément brûlés pour racisme -ce qui donne paradoxalement froid dans le dos - actu toute récente)...
Cette néocensure devenue folle -ce qui ne justifie en rien la censure «traditionnelle» - est flinguée, pour ceux que cela intéresse, par Oliver Stone dans le n° de septembre de «VSD».
CHRISTIAN NAUWELAERS
Ed
11/09/2021 à 10:26
Si je peux me permettre, le cas de figure de Rushdie est radicalement distinct et ne s'inscrit dans aucune des démarches évoquées ci-dessus. D'abord, parce que l'agent de Salman Rushdie est un homme connu pour avoir toujours tenté, à travers le numérique, de véritablement contourner les éditeurs. Là, il y est brillamment parvenu – tout en obtenant de la plateforme une belle avance pour son auteur. Et ce serait peut-être là le seul point commun avec Joël Dicker : être payé pour se servir de l'outil (numérique pour Rushdie, distribution pour Dicker).
Donc, comparaison n'est pas raison : Rushdie a clairement parlé d'un one shot, expérience unique, et qu'il ne réitérera pas forcément. Zemmour est flou, mais rejoindra certainement Plon (le papier le dit bien), Dicker a en effet un véritable projet éditorial, quant à Sattouf, il ouvre une porte avec deux premiers tomes...
Pour ce qui est du woke, en revanche je suis mauvais cuisinier, quant à la cancel culture, je la digère mal.
Aradigme
11/09/2021 à 11:55
Les techniques du numérique et de l'impression "à la demande" ont rebattu les cartes dans le milieu de l'édition.Ses différents acteurs vont donc devoir peu à peu s'adapter à la nouvelle donne.
Un éditeur, dans le modèle classique, offrait aux auteurs plusieurs services de logistique (typograhie, impression, stockage, distribution, publicité), le tout résumé dans une marque, le nom de l'éditeur (Gallimard, Grasset, etc...) censée garantir au lecteur un niveau de qualité tel que défini par l'éditeur.
Nous voyons pour le moment des "élus" de l'ancien système qui tentent de profiter des avantages du nouveau système. La démarche est relativement sans risque et profitable car leur notoriété est déjà établie. Mais comment fonctionnera le nouveau système avec des auteurs inconnus du grand public?
Il me semble qu'on verra dans un premier temps une fragmentation ou même un émiettement de l'offre sous la forme de milliers de publications de qualités fort variables. Les grandes maisons d'édition maintenaient un certain ordre (à leur profit, c'est entendu et c'est normal). Si cet ordre disparaît et que la qualité moyenne des oeuvres publiées s'en ressent, quel en sera l'effet sur le lectorat? Ne risque-t-il pas de se réduire après plusieurs déceptions? Qui demeurera ou deviendra prescripteur? Qui prendra en compte non seulement la qualité mais aussi la pertinence et l'originalité d'un texte?
Fabienne
12/09/2021 à 22:04
Qui jugera de la qualité d'un texte ? se demande un commentateur. Les lecteurs et lectrices.
LOL
13/09/2021 à 07:04
Ça fait quelques années que le niveau éditorial s'est singulièrement relâché dans l'édition. Se faire publier, et même se faire publier chez un « grand », n'est plus du tout un gage de qualité. On ne compte plus les bouses et le bon bouquin devient l'exception.
On se trouve du coup totalement sur le même plan avec l'auto-édition : la bouse est la règle et l'exception l'heureuse trouvaille.
Quelle différence ? Aucune. Le vainqueur est tout trouvé et le futur gros aussi : un Amazon-like.
L'avenir est totalement écrit, grâce à l'édition qui lui a forgé une voie royale. Il y a sans doute encore moyen de renverser les choses, mais personnellement, je n'y crois pas : il est trop tard...
Cromanche
12/09/2021 à 18:35
Non ! "Les derniers jours ne nos pères" de Joël Dicker n'a pas été un succès de librairie à sa sortie, mais vraiment pas. Il s'est un peu vendu en Suisse, et quasiment pas en France. C'est son deuxième livre, "La Vérité sur l'affaire Harry Quebert" qui a propulsé Dicker vers les sommets. Tout naturellement, une partie des lecteurs de ce best-seller ont alors acheté le premier roman de Dicker, d'abord dans sa version grand format, puis, beaucoup plus massivement, comme le montrent les chiffres que vous citez, dans sa version poche.
A noter que Bernard de Fallois, qui commença sa carrière d'éditeur en secondant Guy Schoeller, puis en lui succédant, à la direction du Livre de poche d'Hachette, avait créé aux éditions de Fallois une collection de poche dédiée à Joël Dicker, De Fallois-poche. Honneur jusque-là réservé dans cette maison à Marcel Pagnol, grand ami de Bernard de Fallois, pour qui celui-ci avait créé la collection de poche "Fortunio" (même format, même apparence que Folio. Les libraires rangent donc les deux collections sur les mêmes rayonnages, et les clients achètent des Fortunio en croyant que ce sont des Folio. Quand on vous dit que Bernard de Fallois était un grand éditeur !)
Je parle des poches car, si on consulte les données d'Edistat ou de GFK, on s'aperçoit que, par rapport aux grands formats, jamais ils ne se sont mieux vendus. Les poches vont donc être un enjeu majeur dans les années qui viennent. De plus en plus d'éditeurs vont créer leur propre collection de petits formats. Et que feront les auteurs auto-édités ? (Dicker, par exemple, qui n'a jamais connu d'autre collection de poche que celle que son défunt mentor avait créée pour lui, va-t-il imiter son exemple ?)
Team ActuaLitté
12/09/2021 à 23:22
Bonjour
Alors, "Les derniers jours de nos pères".
Grand format : 10.705 exemplaires - 57 % de ventes en librairie
Poche : 362.587 exemplaires - 46 % de ventes en librairie. (données Edistat pour les deux formats)
On peut raisonnablement parler de succès, semble-t-il.
Cromanche
13/09/2021 à 09:39
Nous nous sommes mal compris. J'ai écrit que "Les derniers jours de nos pères" n'avait pas été "un succès À SA SORTIE". J'en veux pour preuve ce passage d'un article de Mohammed Aissaoui dans Le Figaro du 3 août 2013, consacré aux débuts de Joël Dicker, et plus précisément à la sortie de son premier roman :
"Côté ventes, on ne peut pas dire que ce fut le raz de marée : moins de 1 000 exemplaires, mais c'est le sort de nombreux premiers romans. « Alors, quand Bernard de Fallois m'a proposé de publier "La Vérité sur l'affaire Harry Quebert", j'ai pensé que c'était vraiment trop tôt, cela ne faisait que six mois que Les Derniers Jours de nos pères était en librairie. Et je vous l'avoue, j'avais peur que mon premier roman soit complètement écrasé... » En fait, le grand succès de La Vérité ... relance les ventes du premier titre, qui finit par atteindre 10 000 exemplaires."
Et ce sera ensuite l'explosion des ventes avec la parution en poche. C'est donc dans le sillage de l'immense succès de "La Vérité sur l'affaire Harry Quebert", que le premier livre de Dicker a commencé à bien se vendre. A sa sortie, et durant les premiers mois de sa présence en librairie, il a plafonné à 1 000 exemplaires. Les récapitulatifs d'Edistat n'indiquent la progression des ventes d'un ouvrage que pour les 4 dernières semaines. Si l'on veut connaître cette progression depuis l'origine, il faut consulter les archives de l'époque, si on les a conservées.
L.F. Courteveille
16/09/2021 à 10:24
En ce qui me concerne, je publie en indépendante avec un souci de finition éditoriale du texte largement meilleur que celui de nombre de maisons d'édition, tout simplement parce que je connais le métier (et j'ai déjà été publiée, sous un autre pseudonyme, ce n'est plus un enjeu)…
Ces dernières années, certaines maisons plutôt conséquentes ont laissé sortir des textes à l'état de friche. On sent le besoin de produire vite et beaucoup, d’économiser sur la révision. Cela ne rend service à personne.
J'ai en outre fait ce choix parce que je n'ai pas d'illusion sur la réalité : aujourd'hui, ce n'est plus seulement le livre qu'on vend, mais aussi l'auteur. Il doit être "bankable", faire joli sur la photo, avoir envie de briller en société. Pour ma part, je produis des textes, pas des spectacles. Je ne corresponds pas au modèle, je ne les intéresserai pas.
Écrivant dans le domaine de l'imaginaire, je ne souhaite pas non plus me conformer au schéma commercial dominant, qui consiste souvent en une surenchère de violence et de virilisme. Vous arrivez avec une œuvre singulière, on vous accueillera avec une tête de porte close, "ça ne se vendra pas" vous dira-t-on... Non, pas au début, peut-être, effectivement (quoique). Ça fait partie du jeu, quand on explore des chemins moins fréquentés... il faut le temps de la cristallisation, impossible lorsqu'on demande à un bouquin de faire ses preuves en trois mois, sous peine de pilon, dans un contexte où il sort plusieurs dizaines de livres par jour.
Pour finir, il est clair que les contrats standard d'édition actuels sont inadmissibles. Je ne vendrai jamais mes droits dans ces conditions. J'ai travaillé trop dur depuis des années pour me laisser marcher dessus.
Alors, ça sera plus difficile, plus long, plus tortueux ? Tant pis. Côté accueil des lecteurs... je ne peux vraiment pas me plaindre. Et ce sont eux qui importent, en définitive.
Margarita Dewey
08/10/2021 à 00:08
Sur le point d'être édité par un gros éditeur, je découvre perplexe à quel point un livre peut être bâclé pour sortir dans les temps. Grosse panique, et je suis assez déçu du résultat et des relations. Je ferai le boulot pour qu'il se vendre, mais le prochain ne sera probablement pas chez eux... En auto-édition je pense.
g. trompas
07/10/2021 à 12:22
Au Moyen-Âge, le libraire était aussi éditeur, imprimeur. Maintenant, il ne fait que vendre un objet qu’il ne connaît plus. Les trusts de distribution sont énormes et imposent leurs règles, leurs offices. Le libraire peut se défendre : c’est lui qui vend, après tout, qui tient le dernier maillon de la chaîne. Mais les rapports de force sont déséquilibrés.
Les distributeurs ménagent les libraires, en jouent ; ils les divisent entre eux, laissant à certains une marge de 30 %, à d’autres de 40 %. En fait, ils les tiennent sur la comptabilité, sur les avances. Ils s’informent auprès d’eux, compatissent à leurs revendications, les adoucissent pour mieux les tenir. Objectivement, libraires et distributeurs vont la main dans la main, mais l’un est la carotte et l’autre l’âne.
Quant au lecteur, lui, il achète, et se tait. De toutes façons, il n’a pas de visage, rien qu’un portefeuille.
François COUPRY, L’Anti-éditeur, Éditions Hallier, 1976, Albin Michel 1979. premier directeur de la Maison des écrivains (1984-1986), président de la SGDL, Société des gens de lettres de France (1996-2000), président et cogérant de la SOFIA, Société française des auteurs de l’écrit (2001-2005, puis 2010-2013). Président de la SGDL.