Comediedulivre2024 – La collaboration entre le Centre culturel italien — Dante Alighieri et la Comédie du livre, pour l’édition 2024, s’est focalisée sur une rencontre autour de la biographie de Nathalie Castagné. Son essai, consacré à la comédienne italienne (1924-1996) originaire de Sicile rendait prolonge le travail de traduction entamé sur l’ensemble de l’œuvre de Goliarda Sapienza. Une petite visite s'imposait.
Fondé à Rome vers la fin du XIXe siècle, le réseau de ces centres culturels avait originellement pour mission d’accompagner la diaspora italienne. « Historiquement, le contexte est celui de l’unification du pays, sous l’impulsion de Victor-Emmanuel 2 et les actions militaires de Garibaldi », nous raconte Maria-Antonietta Lensi, chargée de projet à la Società Dante Alighieri. Ou Société Dante.
Originaire des Pouilles, elle prolonge l’action initiale : « Après la création de la démocratie, des vagues migratoires ont conduit les Italiens à quitter le Bel Paese. Les antennes Dante Alighieri avaient à charge de promouvoir l’italianité et de servir de repère pour ceux résidant à l’étranger. » Ainsi, ces associations ont fleuri dans le monde entier et celle de Montpellier n’a pas à rougir : voilà 73 ans qu’elle s’implique dans la vie culturelle locale, ce qui en fait la plus ancienne Société Dante de France.
Mireille Rousseau, la présidente de l’association reprend : « Aujourd’hui, nous intervenons comme médiateur, sur la littérature contemporaine — nous avons d’ailleurs monté une exposition sur le polar dans nos locaux — aussi bien que le cinéma, la danse, la musique. » Et dès que l’occasion se présente, son équipe initie rencontres et événements, sans avoir peur de programmations transversales.
« La communauté italienne est grandissante à Montpellier. Voilà six ou sept ans, nous avons pleinement pris part à la Comédie du livre, car le thème était l’Italie : c’est là que notre mission est la plus importante. Sensibiliser au monde italien d’aujourd’hui — en plongeant dans les auteurs du passé, mais plus encore nos contemporains. »
Forte d’un catalogue d’ouvrages disponibles en prêt, tant en français qu’en italien, l’organisme a constitué un corpus au fil du temps. « Les Italiens qui quittent la ville nous laissent parfois une partie de leur bibliothèque : nous accueillons les dons avec plaisir et achetons de nombreux ouvrages. Quant à la présence de titres traduits, elle découle du besoin de s’adresser aux italianophiles », insiste Maria-Antonietta Lensi.
« Ce pays exerce une véritable et légitime fascination auprès du public français », reprend Mireille Rousseau. « Il est associé à la nourriture, bien entendu, mais aussi à la culture — bien que ce soit souvent, pour les élèves en Histoire de l’art, sur des périodes anciennes. Ainsi, nous jonglons avec l’attrait pour la culture et une forme de méconnaissance à l’égard des réalités italiennes. »
Et le Centre le remarque d’autant plus qu’il n’œuvre pas uniquement à la promotion culturelle « Nous avons un statut de centre de formation, tourné vers les actifs qui, pour des raisons professionnelles, ont besoin d’apprendre la langue. Avec une certification au terme de cet apprentissage. Et puis, nombre de personnes à la retraite, ou se découvrant des origines italiennes, viennent suivre nos cours, plus largement », insiste la présidente.
Mais l’une des plus importantes spécificités, à Montpellier, reste le statut de presidio literrario — que la présidente traduit par « sentinelle littéraire ». « Le siège des Centres Dante Alighieri nous a donné de titre, dans le cadre de notre promotion de la littérature italienne. Et il est vrai que nous organisons chaque deux semaines des rencontres avec des auteurs », reprend Maria-Antonietta Lensi.
« Or, ce statut nous octroie aussi de pouvoir prendre part au vote, lors de la remise du prix Strega, en tant qu’organisme représentant tous les Italiens de France. Nous portons leur choix pour cette sélection d’une récompense littéraire aussi importante que le Goncourt en France. »
Alors que la Comédie du livre s’achève, ce 19 mai, le Centre propose une petite exposition autour du polar italien — quand en France, on l’a rebaptisé littérature noire, de l’autre côté des Alpes, c’est en raison de ses couvertures jaunes qu’il fut surnommé Giallo.
« Mondadori nous a fait parvenir une reproduction de la toute première publication du genre, La Strana morte del Signor Benson (traduit par Paride Mantovani, pseudonyme du critique d’art et littéraire Enrico Piceni.). Le roman de SS Van Dine parut en 1926 et fut traduit trois ans plus tard, ouvrant la voie au genre en Italie », reprend Maria-Antonietta Lensi.
Des nouveautés et des auteurs confirmés, aussi bien que de jeunes voix sont ainsi exposées, et commentées au besoin par l’équipe, qui raconte volontiers toute la mise en scène et le sens du détail. Sur une table, un écrivain leur a même communiqué des reproductions de ses propres notes, afin d’agrémenter le projet d’éléments plus authentiques encore.
« Le Giallo, en Italie, est un genre spécifique, caractérisé par le récit d’un événement criminel associé à une enquête », poursuit-elle. « Cette définition fut à la base du projet éditorial que Lorenzo Montano soumit chez Arnoldo Mondadori, à compter de 1929. »
La présentation, particulièrement soignée, sert ici de contextualisation, en puisant elle-même dans les codes du genre. « Nous pensons ces expositions comme autant de manières d’introduire les visiteurs dans la littérature italienne contemporaine. Et plus spécifiquement à travers un genre populaire en France », insiste-t-elle.
Et Mireille Rousseau de conclure : « Le polar italien connaît de très grands noms — Camilleri, bien entendu —, mais n’a pas encore le succès des polars traduits des auteurs islandais ou scandinaves. Pourtant, il y a des merveilles à découvrir. » Pour ce faire, le Centre accueille bien volontiers les curieux, au 25 rue Sainte-Ursule (Montpellier - voir le site internet).
Née en 1924 à Catagne et décédée en 1996, cette romancière parcourut une vie semblant tout droit sortie d'un roman. Issue d'une famille recomposée et engagée dans le socialisme, Sapienza a grandi entourée de personnes défavorisées. Elle quitte rapidement sa Sicile natale pour Rome, où elle se lance dans le théâtre et le cinéma, tout en fréquentant le cinéaste et membre du Parti communiste italien Francesco Maselli. Cependant, c'est dans l'écriture qu'elle trouvera sa véritable voie, en commençant par des poèmes et des textes autobiographiques.
Son œuvre majeure, L'Art de la joie (paru au Tripode) et son héroïne Modesta, reflètent sa vie et ses aspirations les plus profondes. Malgré les refus des éditeurs italiens et sa mort solitaire, soutenue par son compagnon Angelo Pellegrino, la traduction posthume de son roman en français connaît un succès retentissant. Ce triomphe permettra à Goliarda Sapienza d'être réhabilitée en Italie et de devenir une icône littéraire et féministe reconnue mondialement.
Sa traductrice, Nathalie Castagné, dans l'ouvrage Vies, morts et renaissances de Goliarda Sapienza dresse justement le portrait d'une femme extraordinaire qui a vécu intensément le XXe siècle. Et révèle par là même la naissance d'une œuvre vibrante et une aventure éditoriale hors du commun. Elle conte les différentes vies de Sapienza, de militante à romancière, en passant par son parcours d'actrice et ses démêlés avec la justice. Mais également ses périodes sombres et ses résurrections, notamment grâce à sa passion pour l'écriture et son succès posthume.
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
DOSSIER - Comédie du livre 2024 : Damasio Imaginaire et Littératures
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 03/05/2024
390 pages
Seuil
25,00 €
Paru le 02/05/2024
320 pages
Le Tripode Editions
25,00 €
Paru le 27/10/2016
797 pages
Le Tripode Editions
14,50 €
Commenter cet article