Ce lundi 19 juin, l’arrière-petit-fils de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline, Guillaume Grenet, répondait aux questions de Sonia Devillers sur France Inter, en tant que représentant des descendants du célèbre romancier. Il confirme l’assignation prochaine de l’éditeur de l’auteur du Voyage, comme des deux ayants droit, l’avocat François Gibault et l’ancienne élève de Lucette Almanzor, Véronique Robert-Chovin.
Le 19/06/2023 à 17:37 par Hocine Bouhadjera
4 Réactions | 711 Partages
Publié le :
19/06/2023 à 17:37
4
Commentaires
711
Partages
Le réveil de la famille semble, de prime abord, intimement lié à tout ce qui a été généré par la réédition des « inédits » de Louis Ferdinand, suite à la découverte d'une malle d’archives durant l’été 2021. En clair : essayer de récupérer une part du magot qui dépasse pour sûr le million d’euros.
Guillaume Grenet s’inscrit en faux : « Ce n’est pas ce qui nous concerne en premier lieu », affirme-t-il, et de continuer : « Les enfants de Colette et les petits-enfants, nous nous sommes manifestés dès le décès de Lucette Destouches en 2019 ». L’intérêt portait alors sur la maison de Meudon de l’écrivain et de sa compagne, des papiers, des souvenirs et des photos liés à la grand-mère de Guillaume Grenet, soit la fille de l’auteur de Guerre.
L’arrière-petit-fils de Louis-Ferdinand Céline rappelle aussi que la malle retrouvée ne contenait pas seulement les manuscrits publiés, mais « des effets personnels », mis au jour par l'entremise à un inventaire : des documents de divorce, militaires, ou médicaux : « Des papiers qui nous concernent directement. »
Il adjoint un argument massue : dans cet ensemble ne se trouve « aucun effet personnel qui aurait appartenu à Lucette », et de ce fait, des pièces qui ne sont « jamais entrées dans le patrimoine de Lucette ». Cette question relative aux régimes de droits d’auteur et de succession sera traitée à l’occasion de la procédure judiciaire enclenchée par la famille contre Gallimard et les deux ayants droit.
Avant Lucette, Louis-Ferdinand Céline a été marié de 1919 et 1926, à Édith Follet, issue d’une grande famille bretonne, avec laquelle il a eu son seul enfant, Colette Destouches. Guillaume Grenet parle d’ailleurs d' un père « affectueux », « attaché à sa fille », « prévenant », et avec qui il garda contact jusqu’à la fin de sa vie, ce dont témoignent les lettres qui ont été conservées par les descendants d’Édith Follet. Cette dernière est décédée en 1990. Céline ne connut en revanche pas ses petits-enfants.
Dans cette relation père-fils, une grande ombre au tableau néanmoins : les liens plus que distendus avec le mari d’Édith, Yves Turpin : « Céline expliqua à sa fille que si elle se mariait avec lui, ils ne se reverraient plus », confie Guillaume Grenet. Se révèle ici tout le caractère possessif de l’écrivain controversé.
En 1961, Louis-Ferdinand Céline meurt, et l’année suivante Colette Follet renonce à l’héritage, sous l’influence de son mari qui « s’occupait de tout ». Si l’auteur de Mort à Crédit laissa des dettes, il léguait également ses droits d’auteurs… Selon l’arrière-petit-fils de Louis-Ferdinand Céline, le grand-père a fait preuve d’une incroyable naïveté : « Il n’avait aucune connaissance de ce qu’étaient les droits d’auteur et de quoi vivait Céline », résume Guillaume Grenet, et d’ajouter : « Aucun inventaire n’avait été fait lui permettait de savoir précisément de quoi il se privait. »
En 1996, Yves Turpin revint tout de même à la charge pour s’enquérir de la succession de la maison de Meudon de Céline et Lucette, et de recevoir, logiquement, une fin de non-recevoir… Les droits de succession ont été abandonnés, mais quid du fameux droit moral ?
Guillaume Grenet est formel : celui-ci n’a pas été délaissé, puisque perpétuel, inaliénable et imprescriptible en droit français, et de ce fait, la famille garderait un droit de regard sur les publications tirées de Louis-Ferdinand Céline. Un cas qui rappelle celui qui a opposé la fin de Franquin et les éditions Dupuis autour de la parution d'un nouveau tome de Gaston Lagaffe. Les descendants de Céline s'appuient aussi sur le droit de divulgation : l’auteur de Mort à crédit avait explicitement indiqué que ni ses pamphlets ni ses autres œuvres ne devaient être édités.
Ce « droit de divulgation », inscrit dans le Code de la propriété intellectuelle, garantit que l'auteur a « seul le droit de divulguer son oeuvre ». Un droit transmissible au ou aux exécuteurs testamentaires. À la mort de Céline, aucun n'avait été désigné. Aujourd'hui la famille revendique ce droit en tant que descendants directs de l'écrivain.
L'avocat des plaignants, Me Simonin, est catégorique auprès du Point : « Céline n'ayant pas désigné sa veuve Lucette Almansor comme exécuteur testamentaire, le droit de divulgation de ses oeuvres posthumes n'aurait pas dû lui revenir, selon la loi. Surtout, après le décès de celle-ci, ce droit moral aurait dû revenir aux descendants de Céline. En effet, sa fille Colette n'y a jamais renoncé expressément, pas plus qu'aucun juge n'a autorisé son époux à y renoncer au nom de leurs cinq enfants. »
Rendre accessible les sources à destination des chercheurs, « on n’est pas contre, dans la mesure du respect de notre vie privée », explique Guillaume Grenet, mais pas les utiliser « à des fins commerciales » : « On a déjà beaucoup de documents qui viennent de Céline et de sa famille. Des biens qu’on garde précieusement et qu’on n’a jamais vendus. »
La famille souhaite qu'il « soit mentionné à l'avenir sur chaque exemplaire vendu de Guerre, Londres , La Volonté du roi Krogold et de la version enrichie de deux tomes de la Pléiade, publiés en 2022 et en 2023, à partir des 6000 feuillets manuscrits retrouvés en 2021 dans la malle, que les descendants de Céline n'ont pas autorisé leur publication ». À titre de dommages et intérêts, il est demandé au tribunal que leur soient versés 2 € par exemplaire écoulé, et depuis la mise en place des livres...
En outre, Guillaume Grenet l’affirme sans ambages : les « inédits » de l’auteur de Casse-pipes « ne sont pas des brouillons de Céline, mais des papiers abandonnés en 1944, et il savait très bien où ils étaient. On lui a proposé de les récupérer, il a refusé, en expliquant que ce n’était que des brouillons, que ce n’était pas très grave. »
Et d’enfoncer le clou : « Aujourd’hui , on nous présente ces livres comme des grands crus classés, je ne suis pas certain que ça le soit vraiment, surtout quand on sait le mal qu’il se donnait pour concevoir ses ouvrages. » La famille avait déjà mis en demeure Gallimard après la parution de Londres en octobre 2022, sans succès.
À présent, la crainte des descendants, selon Guillaume Grenet, serait la parution prochaine des pamphlets antisémites. Affaire à suivre, avec une chose de certaine : l’assignation de Gallimard et des ayants droit est « imminente »...
Guerre s’est révélé être une grande réussite de librairie, comme un succès critique, avec 165.984 exemplaires vendus à ce jour (donnée : Edistat). Le texte s’achève par le départ du brigadier Ferdinand vers l’Angleterre. Le 13 octobre, les lecteurs ont pu découvrir la suite, Londres. Et cette fois-ci, on passait de 150 à plus de 500 pages.
À LIRE:Les feuillets perdus de Louis-Ferdinand Céline, enfin retrouvés
Après Londres, vendu à 58.857 exemplaires toujours selon Edistat, un conte médiéval, La Volonté du roi Krogold, refusé à l’époque par Denoël, qui s'est écoulé à 11.424 exemplaires. Enfin, Gallimard a fait paraître un troisième tome des romans de Céline à la Pléiade et un révision des deux autres volumes. On attend encore une édition révisée du fameux texte inachevé, Casse-pipe, imprimé en 1949.
Crédits photo : thierry ehrmann (CC BY 2.0)
Paru le 05/05/2022
185 pages
Editions Gallimard
19,00 €
Paru le 13/10/2022
557 pages
Editions Gallimard
24,00 €
Paru le 20/10/2022
125 pages
Editions Allia
9,00 €
4 Commentaires
koinsky
20/06/2023 à 06:48
Gallimard et les ayant-droits de Céline ? 3 vautours à picorer la langue d'un cadavre juteux.
Démonstration parfaite de la voracité sans filtre et sans fond de la cupidité humaine.
Ces 3-là doivent être mis sans tarder derrière les barreaux et au régime sec.
Je rappelle à ce Gibault de potence que dépouiller un cadavre est un délit passible d'une forte amende et d'une peine d'emprisonnement qui le ferait passer, à coup sûr, de vie à trépas...
Patricia Vignerot
14/08/2024 à 17:07
Alors tout à l'état ?!?
Patrick
20/06/2023 à 07:27
Pour une revue littéraire, je trouve que votre orthographe et votre grammaire sont souvent assez discutable.
Le pluriel de ayant droit (sans tiret) est ayants droit et non pas ayant-droits...
André Droulin lecteur
20/06/2023 à 11:38
Avec la famille Destouches on ne vois jamais le bout du tunnel, ça distrait entre deux rentrées littéraires... ça égaille... plus l'auteur est salopard plus le cadavre est courtisé...