Affaire Depardieu : l'impunité des puissants, confortée par leurs pairs ?
L’affaire Gégé accompagnera donc la fin de cette année 2023, comme une traînée de poudre divisant à proprement parler le monde culturel. Réagissant à une première tribune de soutien parue dans le Figaro ce 25 décembre, un collectif s’est monté pour cette fois exprimer leur désaccord. Ces 55 personnalités empressées à défendre l’acteur contre le lynchage en cours dévoilent « un vieux monde qui s’écroule ».
Le 31/12/2023 à 10:41 par Clément Solym
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31/12/2023 à 10:41
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« Nous sommes artistes, écrivains et producteurs de cinéma. C’est à ce titre que nous nous exprimons ici. Nous ne souhaitons pas entrer dans la polémique, et laissons la justice faire son travail. Gérard Depardieu est probablement le plus grand des acteurs. Le dernier monstre sacré du cinéma », affirmaient donc les signataires de cette première tribune dégainée pour venir à la rescousse de Gégé.
À LIRE - Les voix en soutien Depardieu plus fortes que celle des victimes ?
Leur texte ne semblait pas prendre en considération les propos tenus, les plaintes déposées : juste l’héritage supposé, ou prêté, à l’acteur. Et qu’il serait honteux de fouler aux pieds avant que la justice n’ait rendu son verdict. Une évidence : la présomption de culpabilité n’existe que sur les réseaux sociaux et à ce titre, le comédien demeurera innocent jusqu’à preuve du contraire.
La très contestée décision du Québec que de destituer Depardieu de l’Ordre national qui lui avait été remis en atteste : juger, condamner et exécuter la sanction, que prononce le tribunal populaire représente un véritable danger.
“Des crachats à la figure”
Pour autant, l’équilibre reste à préserver entre les accusations et les plaintes — ou plutôt, les plaignantes. Et la contre-tribune que signent quelque 600 artistes le souligne : « En plus des propos abjects découverts dans Complément d’Enquête, qui sexualisent en permanence les femmes, y compris une petite fille de 12 ans, rappelons que Depardieu est visé — à ce jour — par 3 plaintes pour viols et agressions sexuelles. Médiapart a également publié 13 témoignages de femmes accusant Depardieu de violences sexuelles. »
Le tout appuyé par les déclarations plus qu’inadmissibles d’un président de la République hors sol dans ses propos et totalement sorti de sa fonction et de la réserve qu’elle imposerait. « Cette tribune et la défense de Macron sont autant de crachats à la figure des victimes [présumées, NdR] de Gérard Depardieu, mais aussi de toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles. C’est l’illustration sinistre et parfaite du monde d’avant qui refuse que les choses changent », affirment les signataires.
On dénombre cette fois près de 130 personnalités du monde de l’édition, écrivaine et écrivains, poètesses, autrices aussi bien qu’auteurs et scénaristes de BD qui apportent leur nom aux 600 signataires.
Toutes et tous sont regroupés autour de cette notion éminemment sensible : « L’histoire nous montre à quel point il est difficile pour une victime d’agression sexuelle de parler, d’obtenir gain de cause, de voir les violences qui lui ont été infligées être reconnues officiellement. Et cela est d’autant plus le cas lorsque celui-ci est puissant. Pour un Harvey Weinstein, combien d’agresseurs impunis malgré les accusations des victimes ? »
L'agression et le silence
Le cas Depardieu démontrerait la manière dont les agresseurs se posent souvent en victimes, aidés par leur entourage, créant ainsi un paradoxe où la présomption d’innocence de l’agresseur se transforme en une présomption de mensonge à l’égard des femmes accusatrices. Et d’appeler ainsi à un engagement collectif contre la trivialisation de ces actes.
Tout en reconnaissant l’importance de la justice, leur texte souligne les lacunes des institutions policières et judiciaires dans l’écoute et le traitement sérieux des victimes, en prenant l’exemple de Gérard Depardieu. Il insiste sur la nécessité de briser le silence et de lutter contre l’impunité, en mettant en lumière la vérité et en éliminant les zones d’ombre qui entourent ces affaires.
« Comme l’écrit Elvire Duvelle-Charles dans l’ouvrage « Moi aussi », l’idée que certaines femmes puissent porter préjudice à l’image d’un honnête homme suscite plus de réactions et d’effroi que l’idée que les femmes violées n’obtiennent pas justice, exception faite du 0,6 % des viols qui sont condamnés.
Surtout, se réfugier derrière le « laissons faire la justice », ou le pathétique « il faut séparer l’homme de l’œuvre », c’est accepter de mettre son propre jugement de côté. C’est estimer que nous n’avons aucun rôle à jouer dans l’évolution de notre société. Que nous ne pouvons pas aider et soutenir les victimes.
Or c’est faux. »
– Contre-tribune de Cerveaux Non Disponibles
La justice doit agir, mais nous devons aussi soutenir les victimes et défier les agresseurs, exhorte le texte. Critiquer l’impunité de Depardieu souligne la réalité des violences subies par les femmes.
On retrouvera l’intégralité de leur texte à cette adresse.
Compléments au Complément d’enquête ?
À l’origine de ces débats, les images présentant l’acteur en Corée du Nord, filmé par un certain Yann Moix, et que l’émission Complément d’enquête dévoila le 7 décembre dernier sur France 2. L’avocat de l’écrivain et réalisateur improvisé est revenu sur le devant de la scène médiatique ces derniers jours pour clamer que toute cette histoire serait un sinistre malentendu : les propos seraient surjoués, les remarques grossies… pour les besoins d’une fiction.
« Il est important de rappeler que Yann Moix est le réalisateur de toutes ces images et [qu’il] a été envoyé en Corée en tant que réalisateur d’une œuvre de fiction. […] Il a comme acteur principal, et quasiment unique, Gérard Depardieu. Et la mission de Yann Moix, et le rôle de Gérard Depardieu, c’est de surjouer son propre rôle et de créer, suivant les différentes situations dans lesquelles Yann Moix met Gérard Depardieu, un certain nombre de scènes », assurait Me Jérémie Assous, sur BFM TV. Ah ?
Le fait est, pointe cependant Libération que ce revirement fictionnel ne tiendrait pas la route une seconde. Remontant à septembre 2018, nos confrères débusquent les propos de Yann Moix qui réfute toute idée de fiction, et affirmait sur France Inter : « J’ai eu l’idée de filmer Gérard, c’est d’ailleurs de manière tacite que je l’ai fait, je ne lui ai pas demandé l’autorisation, puisque moi j’allais finir un documentaire là-bas. Il ne m’a dit ni oui ni non, j’ai filmé, il n’a rien dit. »
Et ces explications se poursuivent, se prolongent et se répètent, sur d’autres médias et résumées comme suit : « Il y a eu quelque chose de tacite entre nous, il savait qu’il était filmé, on n’a jamais fait allusion à ça, et nous avons obtenu quelque chose qui n’est ni un documentaire ni un film de fiction. C’est, d’une certaine manière, Pantagruel à Pyongyang. »
Quatre ans plus tard, sur Canal+, même son de cloche : un documentaire, pas une fiction : « Mais j’ai rien fait, moi, j’ai filmé Gérard en Corée », clamait Moix. Les sorties de pistes incontrôlables le mettent mal à l’aise, mais « il serait faux et injuste — j’étais sur place et je le sais mieux que quiconque — de le réduire à cette image ».
Jamais l’intention ne fut de l’accabler, promet-il. Peut-être pas même de dévoiler quoi que ce soit…
Crédits photo : Gérard Depardieu - UMP, CC BY NC ND 2.0
Par Clément Solym
Contact : clements@actualitte.com
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26 Commentaires
Aurelien Terrassier
31/12/2023 à 11:09
Cette contre-tribune de 500 artistes venus rappeler les faits tout en précisant bien ne pas se substituer à la justice était prévisible et donc légitime. Les mêmes qui s'acharnent contre le "wokisme" et qui réduisent l'art au show-biz un peu comme on réduirait les cafétérias aux MC Do sont pathétiques. Nadine Trintignant et Carole Bouquet ont beau regretté d'avoir signé la tribune sous le prétexte que l'auteur de celle-ci est un militant d'extrême droite le mal est fait. Idem pour Yvan Attal qui prétend comprendre les victimes, ne regrette pas d'avoir signé la tribune tout en précisant ne pas être d'accord entièrement. Le malaise et le cafouillage complet chez les soutiens de Gege...
Pierre la police
31/12/2023 à 11:40
Le vieux monde qui s'écroule bouge encore un peu par ici. Bonne année à tous et évitez d'écraser des kiwis chez votre belle-mère.
Marioniet
01/01/2024 à 10:40
Où que vous soyez, quoi que vous ayez fait, très heureuse année, Gérard Depardieu!
NAUWELAERS
02/01/2024 à 00:59
L'article ne mentionne pas un autre rétropédalage tout récent: celui de Pierre Richard...
Il n'aurait pas dû signer, ...«Le Distrait» !
Je constate qu'une des rares à avoir pris la défense de Polanski, Fanny Ardant, n'a pas signé la tribune de soutien à Depardieu, qui est surtout un plaidoyer pour une vraie justice.
Ce qui est compliqué: en l'absence de preuves, on condamne sur des paroles (que ce soit l'affaire Depardieu ou toute autre) ?
Si on ne condamne pas sans preuve(s), on crie alors à la «présomption de mensonge chez les victimes»...
Mais dans le cas contraire, une parole équivaut à une preuve et on assassine une certaine conception de la justice, qu'on le veuille ou non.
Il ne faut pas oublier le terme: les présumées victimes.
Je reconnais volontiers que des affaires de ce genre sont très compliquées à juger.
Si cette tâche m'incombait, je serais bien embarrassé...
Un Ary Abittan a été innocenté d'accusations du même genre: mais les stigmates restent et sa carrière risque fort d'en pâtir durablement.
L'impunité n'est pas du tout totale comme on essaie de nous le faire croire.
Ce que vit Abittan est soit dégueulasse s'il est innocent.
S'il est coupable, il s'en tire en revanche beaucoup trop bien.
Mais fi de ces procureurs et procureuses de réseaux sociaux et de ces idéologues qui, parfois derrière un vernis académique, veulent orienter l'opinion dans leur sens...sans savoir la réalité des faits car c'est tout bonnement impossible, du moins dans la grande majorité des cas !
Je précise aux bas de plafond pénibles que je défends une certaine idée de la justice et évidemment pas une culture du viol qui m'est totalement étrangère.
Certains pratiquent la culture de l'amalgame et violent la bonne foi la plus élémentaire.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Gilles
04/01/2024 à 13:45
Depardieu est, par ses propos, un immonde porc.
Après en effet laissons la justice impartiale (qui condamne moins de 1% des agresseurs sexuels) faire son blanchiment.
Mais on reproche à Depardieu ses propos sur une gamine hein, mais si vous les défendez ou en attendez de la justice...
Marioniet
08/01/2024 à 09:06
On dirait vraiment que vous n'avez jamais goûté du bon...cochon. De plus le porc est une des bêtes les plus intelligentes qui soient... et non artificiellement!
Pierre-Henry Huysmans
01/01/2024 à 14:01
Chacun sait pourtant qu'il ne faut jamais faire confiance à Yann Moix.
Rappelons-nous comment il traina sa propre famille dans la boue pour cacher ses turpitudes et de ses dessins nauséabonds dans d'immondes petits fanzines révisionnistes.
Aurélie
02/01/2024 à 09:58
Vous pouvez actualiser votre article : regrets de Pierre Richard, de Jacques Weber. Nouvelle tribune par Anne Roumanoff, Alexandra Lamy, Muriel Robin.
Pétition sur Change.org "Adresse au vieux monde" 2000 signatures.
Aurelien Terrassier
02/01/2024 à 11:04
Aurelie Merci de faire connaître cette pétition que je viens de signer.
Pierre la police
02/01/2024 à 12:13
Oui, Yves Duteil s'est également rétracté, Dorothée aussi et mon patron de PMU pour qui "faut pas toucher à Gégé". Après, il ne reste plus que les cercles de bridge de Vichy, le Rotary club de saint Gudule les fraisiers, l'amicale des toucheux de gardons et les fans de Johnny Hallyday et de Pierre Perret (souvent les mêmes).
Jasper the disaster
02/01/2024 à 12:22
Les migrants ont fait confiance à Yann moix et leur situation ne s'est pas améliorée.
Aurelien Terrassier
04/01/2024 à 15:29
Jasper the disaster Les migrants qui ont fait confiance à Yann Moix ont eu tord. Si le livre de François Krug était sorti à l'époque peut-être qu'ils ne lui auraient pas fait confiance.
ECHO
02/01/2024 à 12:49
Le titre de l'article s'avére mal choisi au moment où un bon nombre de signataires de la pétition pro-Depardieu rétropédalent sans vergogne , le pompon étant selon moi Jacques Weber ( gardez-moi d'amis de ce genre!)
Aurelien Terrassier
02/01/2024 à 15:42
Fort heureusement Jacques Weber regrette d'avoir signé cette tribune honteuse. https://www.ozap.com/actu/-ma-signature-etait-un-autre-viol-jacques-weber-regrette-d-avoir-signe-la-tribune-en-defense-a-gerard-depardieu/641260
ECHO
02/01/2024 à 18:40
Arriver à se faire mousser en reniant sa signature. Ce M Weber est vraiment un artiste.
Aurelien Terrassier
03/01/2024 à 17:06
Jacques Weber aurait dû réfléchir plus tôt comme d'autres qui se rétractent aujourd'hui!
Marie
08/01/2024 à 09:02
On peut être légitimement sidéré de cette meute épistolaire à charge, quand un homme de médias comme PPDA est épargné de cette vindicte pour cause de ... prescription!!
Aurelien Terrassier
09/01/2024 à 00:03
Entre le Père Noël et les prophètes des trois monothéismes, je dois dire que les stars du show-biz ont une bonne place. Déjà que certains ont du mal avec la vulgarisation des œuvres musicales, de cinéma et de littérature, mais là avec l'affaire Depardieu, on touche le fond avec cette tribune de soutien aussi honteuse et pathétique qu'elle soit surtout écrite par un militant d'extrême droite. Hier encore c'était les soucis fiscaux de diverses stars d'Aznavour à Pagny en passant par Polnareff et quelques autres et aujourd'hui ce sont les affaires de mœurs et de violences sexistes et sexuelles ce qui est cent milliards fois plus grave lorsque certains relativisent certains comportements et propos obscènes avérés de leur star préférée. Surtout que ce sont des personnalités tel que Sophie Marceau par exemple qui témoigne à juste titre. Il ne s'agit en rien de remettre en cause la présomption d'innocence mais il faudrait arrêter de le rappeler mais en revanche de rappeler que très peu de violeurs, un pour cent sont condamnés par la justice. Certes certains comme Ary Abittan et Luc Besson ont été acquitté mais sait-on toute ma vérité quand leurs plaignantes tentent de faire encore appel? On peut avoir certains doutes. Que Luc Besson et Ary Abittan reviennent sur le devant de la scène tant mieux pour leur public respectif mais il faut avoir conscience que des féministes puissent avoir des doutes légitimes aussi. Toutes ces affaires sont complexes et encore une fois les réseaux sociaux ce n'est pas la justice mais seulement des coups de colère face au silence qui est si d'or même encore dans le milieu du cinéma notamment.
Pierre la police
09/01/2024 à 10:30
"Sait-on toute ma vérité ?" (Sic)La messe est dite.
Marie
09/01/2024 à 11:40
"Les faits sont complètement démentis par mon opinion" Xavier Gorce
Aurelien Terrassier
09/01/2024 à 20:17
Sait-on la vérité? Évidemment. Par ailleurs j'ai ma part de vérité quand les réacs, fachos et leurs trolls complices sont le plus souvent dans le deni...
NAUWELAERS
09/01/2024 à 21:34
Pierre la police,
Bien vu !
CHRISTIAN NAUWELAERS
Aurelien Terrassier
10/01/2024 à 13:29
Rebondir sur une petite faute de frappe la pas "ma" c'est un peu facile surtout quand on minimise ou cautionne la culture du viol...
Echo
09/01/2024 à 11:32
Je pense que l'affaire Depardieu (et d'autres) est seulement un épisode de la guerre cultuelle qui existe en Occident et n'a pas grand chose à voir avec les légitimes préoccupations sur la justice et la difficulté de juger dans les affaires de viol. Un article de Causeur titrait asez joliment : Dis-moi qui t'a violée et je te dirai qui te défend.
Un seul détail montre bien que l'affaire est loin d'être claire. Depardieu si je ne fais pas erreur est accusé, entre autres, par une femme de l' avoir violée ou du moins agressée deux fois au domicile de Depardieu à quelques jours d' intervalle ; que je sache Depardieu n'est pas Fourniret, il n' avait pas enfermé la personne dans sa cave... Il est curieux qu'elle soit revenue subir des outrages quelques jours après chez son "porc".
Si vous aimez la justice et non les guerres culturelles, pourquoi ne pas pétitionner pour de vrais scandales, il n' en manque pas comme ces agresseurs qui ont battu à mort un homme sur un parking de Marseille le 31 décembre et identifiés ont été inculpés mais laissés en liberté par un juge un peu distrait sans doute...
Marie
09/01/2024 à 11:48
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NAUWELAERS
09/01/2024 à 21:36
Bravo Echo pour votre courage intellectuel.
CHRISTIAN NAUWELAERS