LeLivreaMetz24 – Attention, exposition majeure : le photojournaliste serbe Goran Tomasevic est mis à l'honneur à Metz depuis le 11 avril dernier, à l'Arsenal. 30 ans de carrière au cœur des points les plus chauds de la planète, à travers 267 photos : Libye, Irak, Chili, Palestine, Mozambique, Kenya, Soudan du Sud, Honduras, République Démocratie du Congo, Ukraine, Burundi, Israël... Il en est revenu avec des images démentes, bouleversantes, d'une poignante humanité.
Le 19/04/2024 à 13:00 par Hocine Bouhadjera
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19/04/2024 à 13:00
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Sans jamais céder à une compassion de bon ton, mais d'une sensibilité brute, les images de Goran Tomasevic confrontent à la réalité sans concession des conflits armés. De ces scènes de combat, de vie, portraits, apparaît ce travail méticuleux de composition et cadrage, et des clichés entre empathie et regard critique. Son objectif, souvent atteint en prenant pleinement son risque : raconter une histoire en une seule prise.
Un moment, la raison d'être de ses photographies saute aux yeux, comme une mine « anti-personnelle » : silencieuse en apparence, elle donne voix aux victimes des guerres et catastrophes... « Pour prouver à travers la puissance et la beauté pathétique de ses images que la guerre n'est jamais belle - mais toujours sale », selon Alain Mingam, commissaire d'exposition et ancien Vice-Président de Reporters Sans Frontières.
« Les photos présentées ici ne sont qu'un petit nombre des dizaines de milliers de clichés que j'ai pris. Je cherche toujours à être suffisamment près de l'action pour rendre justice aux sujets, et témoigner de la réalité pour ceux qui voient le monde à travers l'objectif de mon appareil photo », témoigne de son côté le photojournaliste.
Aujourd'hui où trop souvent les paroles masquent la vérité, la photographie reste résolument du côté de la réalité. Une photo dit la vérité. Depuis près de deux siècles, la photographie est l'art qui grave l'histoire à jamais et nous empêche d'oublier, même si nous ne retenons pas toujours les leçons du passé.
Dans le monde moderne, un monde de conflits, de confrontations et d'inquiétude face à l'avenir incertain de notre planète, la photographie est plus importante que jamais. C'est ce qui m'a poussé à avancer depuis trente ans que l'appareil photo est ma vie. Au cours de cette période, j'ai pu aider le monde à voir la réalité, des guerres dans les Balkans à la guerre contre le terrorisme, du Printemps arabe à la répression du soulèvement en Syrie. En Afghanistan ou en Afrique, en Irak ou en Amérique latine, j'ai eu la possibilité, et le devoir, de faire face à l'humanité dans toute sa diversité, capable du meilleur comme du pire, et de l'enregistrer pour l'éternité. Parfois l'expérience est dangereuse, parfois elle est magnifique, et toujours elle est intéressante.
- Goran Tomasevic
Goran Tomasevic, né en 1969 à Belgrade, grandit dans une Yougoslavie marquée par les prémices de la guerre civile. Dès l'âge de 12 ans, après avoir reçu un appareil photo FED 5V de son père, il a rapidement développé une passion pour la photographie, transformée avec le temps en vocation pour le photojournalisme. Les manifestations politiques et le mouvement anti-Milosevic pour premiers reportages, prélude à la guerre des Balkans durant laquelle il a couvert les conflits en Bosnie et Croatie pour le quotidien Pristina et l'agence Reuters.
En 2014, il est récompensé par le premier prix dans la catégorie « Spot News Stories » au 57e World Press Photo à Amsterdam pour ses photographies qui capturent des combattants de l'Armée syrienne libre durant des combats à Damas. Ce travail lui a par ailleurs valu d'être élu photographe de l'année 2013 par le quotidien britannique, The Guardian.
Il s'est concentré sur les réalités cruelles de guerres qui s'étendent de Kiev à Kaboul, en passant par Gaza et Rafah, et plus récemment dans les villes et villages marqués par les récents conflits en Palestine et Israël depuis le 7 octobre.
Ses compositions photographiques transmettent une connaissance du terrain, l'impression d'une immersion, d'une fusion avec le sujet. Son objectif capture des éléments éphémères, à une distance de quelques coudées plutôt que d'interminables mètres. Tous les sens sont sollicités, les nerfs atténués. Les photos de Goran sont imprégnées de bruits, d'odeurs et de la quintessence du lieu. La peur personnelle est absente et les compositions dégagent une force de vie, ténue et noble.
En les regardant, on prend nettement conscience du mouvement et du contournement du danger pour trouver ces fils humains qui nous relient tous ensemble.
David Thomson, Président de Thomson Reuters et employeur du photojournaliste
Des jeunes qui jouent à quelques centaines de mètres des bombardements quotidiens, d'autres enfants ou mères endeuillés à Gaza, la chute du buste de Saddam Hussein à Bagdad en 2003, Le président palestinien Yasser Arafat après la prière du vendredi dans son quartier général en Cisjordanie, le 12 septembre 2003...
Mais aussi un manifestant israélien ultranationaliste qui saute par la fenêtre d'une maison qui va être démolie, dans cette même Cisjordanie de 2006, des manifestants qui agressent une policière accusée d'avoir tiré sur l'un d'eux dans le quartier de Buterere à Bujumbura...
À découvrir dans cette exposition aussi, entre autres, un échange retranscrit par écrit entre le journaliste et actuel Président de Reporters sans frontières (RSF), Pierre Haski, mesuré, et le philosophe, dit-on, Bernard Henri-Lévy, fidèle à lui-même... Un échantillon : « B.-H.L. : Comment pouvez-vous comparer des gens qui ont quitté leur maison définitivement pour se retrouver dans un camp de réfugiés, et des Gazaouis qui ont, pour échapper aux bombes, été évacués et dont personne de sérieux ne dit qu'ils sont déplacés à jamais ! P.H. : Mais c'est parce que la frontière est fermée ! Vous croyez que si un million de Gazaouis étaient passés en Egypte, ils seraient rentrés chez eux après ? Les Palestiniens qui quittent aujourd'hui Gaza pour l'Egypte ne rentreront jamais ! »
L'exposition s'achève par la projection de plusieurs reportages du Serbe, s'ajoute ainsi le commentaire aux images.
En 2022, sous l'initiative d'Alain Mingam, les Éditions Lammerhuber ont par ailleurs publié un recueil de 30 années de reportages de Goran Tomasevic : 444 pages qui couvrent des zones de conflit de la Bosnie au Soudan, de l'Irak au Mozambique.
Cette exposition, peu commune, dure elle jusqu'au 2 juin, à l'Arsenal Jean-Marie Rausch de Metz. Entrée libre. Fortement recommandée !
Crédits photo : Mozambique, ActuaLitté (CC BY-SA 2.0)
DOSSIER - Le Livre à Metz 2024 : bas les masques pour cette 37e édition
Paru le 22/08/2022
444 pages
Antique Collector's Club
59,00 €
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