AttaqueRushdie - Suite à l’agression dont le romancier a été victime, les ventes de son ouvrage Les versets sataniques connaissent un regain d’intérêt. Et depuis, les témoignages de soutien se sont multipliés, accompagnés de nouvelles rassurantes : la santé de l’auteur se rétablit manifestement. Mais les dommages collatéraux se poursuivent.
Le 15/08/2022 à 23:13 par Nicolas Gary
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Publié le :
15/08/2022 à 23:13
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Paru en 1988 et frappé d’interdiction en Iran quelques mois plus tard, le livre de Salman Rushdie devient un symbole pour les lecteurs américains. Deux jours après la tentative de meurtre, les ventes ont explosé sur Amazon et les autres ouvrages semblent suivre un chemin similaire.
Auprès de l’AFP, Katie Silvernail, responsable de rayon à l’emblématique Strand Bookstore de New York explique : « Les gens cherchent n’importe lequel de ses ouvrages, et nous demandent ce que nous avons. Certains de nos plus jeunes employés n’avaient jamais entendu parler de lui : ce fut intéressant d’échanger avec eux, après que les clients sont venus pour ses écrits, qui il était et comment il a influencé le monde de la littérature. »
Parmi les derniers messages de soutien envoyés à Rushdie, celui de l’Académie Goncourt en France : « L’appel au meurtre le visant a constamment été renouvelé par la République islamique d’Iran. Des éditeurs et des traducteurs de son livre ont été attaqués, tués, blessés un peu partout dans le monde faute de pouvoir en atteindre l’auteur », indiquent les membres.
À LIRE: L'écrivain Salman Rushdie poignardé lors d'une conférence
« Le 12 août dernier, quelques instants avant qu’un terroriste le poignarde très grièvement dans un centre culturel de l’État de New York où il s’apprêtait à prendre la parole, il s’entretenait par courriel avec la présidente du PenClub américain afin de proposer son aide à des écrivains ukrainiens en quête d’un refuge. »
Et de souligner : « Devenu malgré lui un symbole inébranlable de la résistance face au totalitarisme et à l’obscurantisme islamistes, il s’est toujours plu à souligner que cette violence à son endroit avait pour origine une œuvre de fiction et qu’elle avait paradoxalement pour effet de confirmer la puissance de la littérature. » Et l’Académie de condamner « cet acte barbare que rien ne saurait justifier ».
De son côté, Bernard-Henri Lévy, dans le JDD en appelle à lui accorder le prix Nobel de littérature. « Cet écrivain puni pour avoir écrit, depuis trente ans, des textes libres et qui rendent libre mérite réparation. Cet acte de terreur absolue qui, par-delà son corps poignardé et ses livres, est une terreur sur tous les livres et tous les mots du monde, appelle une riposte éclatante », indique-t-il.
« La communauté internationale devra, elle aussi, signifier aux commanditaires du crime qu’il y a un avant et un après la nouvelle affaire Salman Rushdie. Mais ses amis, ses pairs, ceux dont l’opinion compte un peu, la presse, ont entre les mains une décision. Faire que soit décernée à l’auteur des Versets sataniques la plus haute distinction des écrivains. Faire qu’au nom de tous les siens et en son nom propre lui soit décerné, cette année, c’est-à-dire dans quelques semaines, le prix Nobel de littérature. »
Il conclut : « Je n’imagine pas un autre écrivain avoir l’outrecuidance, aujourd’hui, de le mériter plus que lui. La campagne commence maintenant. » Au moins peut-on y voir le signe que BHL n’est pas sur les rangs.
Il aura fallu une lourde opération pour que le romancier parvienne à finalement échapper à la mort — et aux multiples coups de couteau portés par Hadi Matar, son agresseur. Si ce dernier a plaidé non coupable, l’auteur n’est pas encore hors de danger, et reçoit un traitement intensif non-stop, a assuré sa famille.
Le respirateur a été coupé, ainsi que l’apport en oxygène ce qui implique qu’il puisse désormais respirer par lui-même. Les blessures restent très sérieuses et auront des conséquences sur sa vie, indique Zafar Rushdie, son fils, dans un message sur Twitter. Pour autant, il a pu parler avec sa famille, avec le sens de l’humour qui le caractérise.
Sollicitée par les médias américains, la mère de l’agresseur a récemment assuré que son fils lui était revenu changé, après un voyage au Moyen-Orient. Silvana Fardos, mère de l’agresseur, a présenté toutes ses excuses à la famille de Salman, tout en estimant que son fils est « responsable de ses actes ».
Elle réfute toute orientation religieuse dans l’éducation qu’elle a pu donner à ses enfants, nés en Californie. « Je ne connais personne en Iran, toute ma famille est ici. » Mère de jumeaux, elle indique que Hadi, l’aîné, a en revanche embrassé une religiosité exacerbée en vieillissant. Et notamment suite à un voyage au Liban, auprès de son père, en 2018. Et depuis cette période, leurs liens se sont distendus. « Il était en colère que je ne lui ai pas parlé de l’islam plus jeune. » (via NY Post) Des éléments qui semblent corroborer des liens avec le Hezbollah libanais, déjà évoqués.
Autre dommage collatéral : JK Rowling, qui a apporté son soutien officiellement sur Twitter, a été immédiatement menacée verbalement. « Ne t’inquiète pas, tu es la prochaine », lui a répondu un internaute, poussant la romancière à contacter la police écossaise. « Nous avons reçu des informations sur une menace proférée en ligne et nos agents procèdent à des investigations », assurent les autorités.
Jusqu’à présent, Téhéran n’avait pas réagi à cette agression — alors que la fatwa prononcée contre Rushdie était partie d’Iran, voilà une trentaine d’années. La République islamique vient cependant de nier « catégoriquement », toute implication et toute responsabilité, rapporte l’AFP.
Au cours d’une conférence de presse, Nasser Kanani, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a affirmé que « personne n’a le droit d’accuser la République islamique d’Iran ». Et de renvoyer la faute de cette attaque sur Rushdie et ses partisans qui seuls « mériteraient d’être blâmés et même condamnés. […] En insultant les choses sacrées de l’islam et en franchissant les lignes rouges de plus d’un milliard et demi de musulmans et de tous les adeptes des religions divines, Salman Rushdie s’est exposé à la colère et à la rage des gens ».
« La colère manifestée à l’époque (...) ne s’est pas limitée à l’Iran et à la République islamique. Des millions de personnes dans les pays arabes, musulmans et non musulmans ont réagi avec colère », insiste-t-il.
Et d’ajouter qu’il serait contradictoire « condamner d’une part l’action de l’agresseur et absoudre l’action de celui qui insulte les choses sacrées et islamiques ». Conclusion : Rushdie est coupable de ce qu’il a écrit et ne peut s’en prendre qu’à lui-même ? Pour l’heure, l’association Musulmans de France, qui regroupe 600 organismes en France, n’a pas fait de commentaires.
En revanche, le quotidien iranien et ultraconservateur Javan avance une fameuse théorie : l’agression de l’auteur résulterait d’un complot ourdi par les États-Unis. Et ce, dans la perspective de souhaiter « probablement propager l’islamophobie dans le monde ». Un scénario complotiste qui trouvera ses défenseurs, d’autant qu’un autre journal iranien, Kayhan, insiste sur le fait que « l’attaque contre Salman Rushdie a montré la faiblesse du renseignement des États-Unis et démontré que même des mesures de sécurité strictes ne peuvent empêcher des attentats ».
Il souligne par ailleurs que « se venger de criminels sur le sol américain n’est pas difficile. Désormais (l’ex-président Donald) Trump et (l’ex-secrétaire d’État Mike) Pompeo se sentiront plus menacés ».
Les deux hommes ont en effet obtenu la mort du général Qassem Soleimani, chef des forces Qods, une des branches des Gardiens de la révolution, lors d’un raid en Irak, en 2020. L’agresseur de Rushdie avait fait pour sa part état de sympathies à l’égard de ces Gardiens, branche armée et idéologique en Iran.
crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
DOSSIER - L'attaque de Salman Rushdie ou la liberté d'expression contestée
Par Nicolas Gary
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Toinou
15/08/2022 à 14:46
BHL qui parle d'outrecuidance ? Pour une fois qu'il est dans un sujet qu'il maîtrise...