L’écrivaine Patricia Highsmith fit couler beaucoup d’encre il y a peu à l'occasion de la parution de ses écrits intimes chez Calmann-Lévy. L’auteure du Talentueux Monsieur Ripley (trad. Jean Rosenthal), dont on fêtait l’année dernière le centenaire de sa naissance, refait parler d’elle grâce à un documentaire qui lui est consacré, Loving Highsmith, par la Bâloise Eva Vitija. Le film, qui sortira le 15 juin dans les salles françaises, propose un portrait de femme solitaire et libre, passant de hit girl new-yorkaise dans les années 1940 à ermite rageuse dans la solitude suisse de ces derniers jours.
Le 13/06/2022 à 17:04 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
13/06/2022 à 17:04
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À ceux qui souhaiteraient trouver une exégèse de l'œuvre de Patricia Highsmith dans ce documentaire, passez votre chemin. L’ambition de la réalisatrice, qui avoue une fascination pour la personnalité et la vie de l’auteure, est de brosser un portrait de femme libre dans une Amérique puritaine.
L’écrivaine Patricia Highsmith fait ici place à Pat. Le début du film, qui s'appuie sur de nombreuses images d'archive, révèle une jeune femme d’une grande beauté, qui s'est construite dans le manque d’amour d’une mère et l’absence du père. La suite s'enrichit de la voix de l’artiste, notamment tirée d’interviews qu’elle offrit aux médias du monde.
Patricia Highsmith, 1942, à 21 ans. Rolf Tietgens / Keith De Lellis.
Une icône lesbienne ?
Patricia Highsmith, dit Mary Patricia Plangman, est née en 1921. Elle vivra les premières années de sa vie dans le Texas des rodéos, avant de déménager à New-York pour rejoindre sa génitrice. Cette dernière est partie (a divorcé) quelques jours avant la naissance de l’écrivaine, pour ensuite changer de vie avec un nouvel homme.
Deux États, deux ambiances ; et en 1950, le premier roman de l’auteure, L’Inconnu du Nord Express (trad. Jean Rosenthal). Le texte est adapté deux ans plus tard par Alfred Hitchcock, sa carrière est lancée. Dès ce premier livre, tous les ingrédients des œuvres de Highsmith sont présents : une langue visuelle, un rapport cynique, voir ludique, au meurtre, et des personnages masculins ambigus.
Mais un roman se singularise dans son œuvre : en 1952, elle publie son second titre, mais sous un nom d’emprunt, Claire Morgan, Carol (trad. Emmanuèle de Lesseps). Ce texte, écrit en une semaine, qui évoque une romance lesbienne entre une femme mariée et une jeune vendeuse, rend compte de l’homosexualité de l’artiste.
Sa sexualité, provocatrice dans les années 50, le documentaire en fait son sujet principal. Les quelques témoignages proposés tournent majoritairement autour de cette question. Passent notamment une Américaine qu’elle connaîtra dans sa vingtaine et qui partagera sa vie un moment, et une Française qui la côtoiera après son déménagement en France dans les années 60.
Monique Buffet, qui vécut une histoire sentimentale avec Patricia Highsmith en France. Filmstill Loving Highsmith, Ensemble Film. Paris, 2019.
Une fin de vie douloureuse
Car, outre ses penchants intimes, le documentaire présente également une autre facette importante de la romancière : celle de la grande voyageuse. C’est l’Europe qui obtiendra ses faveurs, et de grands réalisateurs européens sublimeront certains de ses romans, comme René Clément qui adapte en 1960 Le talentueux Monsieur Ripley sous le titre de Plein Soleil, ou Wim Wenders qui s'appuie sur Ripley s’amuse (trad. Janine Hérisson) pour réaliser son film, L'Ami américain.
On regrettera d’ailleurs que les quelques images tirées de l’adaptation cinématographiques du premier opus de la saga des Ripley le soient de la version américaine de 1999, avec Matt Damon dans le rôle-titre. L’acteur ne pouvant tenir la comparaison avec le Alain Delon de la version française de 1960...
Si la réalisatrice n’insiste pas, les côtés sombres de Patricia Highsmith ne sont pas éludés. Son alcoolisme, qui commence le matin, et sa méchanceté, qui n’est pas sans rapport avec sa solitude, et qui s'amplifiera avec le temps. Une vie seule, en voyage, et longtemps agrémentée d’une sexualité libre et débordante.
Sa fin de vie se déroulera dans une dernière maison, construite par elle-même, qui ressemble plus à un bunker qu’à un chalet suisse. Les diatribes de sa fin de vie solitaire et alcoolique contre les Noirs, les Arabes et les Juifs ne sont également pas occultées, comme un retour aux sources du Texas de ses jeunes années ?
À LIRE: L'adaptation en série du Talentueux M. Ripley de Patricia Highsmith se dévoile
Ce documentaire, riche de belles archives, permettra aux curieux de l’écrivaine ou de son œuvre de mieux comprendre la femme derrière la romancière. Il manquera néanmoins le témoignage de son esprit méchant et corrosif, où le brio désabusé des meilleurs artistes acariâtres pointe à l'occasion.
Patricia Highsmith, autour de 1955. Ellen Rifkin Hill / Swiss Social Archives.
Crédits : Filmstill Loving Highsmith, Ensemble Film
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
Paru le 03/11/2021
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478 pages
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7,90 €
1 Commentaire
Aleph
16/06/2022 à 11:00
"sa génitrice (...) est partie quelques jours avant la naissance de l’écrivaine"
Ca va plaire à Antoine Oury, ça.