Ces couvertures noires, mariant un modèle féminin, une arme à feu ou une tenue aguichante, ont fait une partie de la réputation de ces livres. Les Éditions Gérard de Villiers, aujourd’hui dirigées par Christine de Villiers, connaissent une vague de modernisation. Sans rien toucher du texte originel, les quelque 200 titres se mettent au goût du jour. Pour le plus grand plaisir du Prince Malko Linge, Son Altesse Sérénissime. Bienvenue dans le monde de SAS, espionnage, contre-espionnage et voyages à travers la planète.
Le 09/10/2015 à 12:45 par Nicolas Gary
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09/10/2015 à 12:45
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Il a traversé le XXe siècle, et s’attaque au XXIe, mais la directrice l’affirme : « Personne ne poursuivra l’œuvre de mon mari. » Et tout d’abord, parce que Malko et Gérard de Villiers sont un seul homme. « Gérard n’avait pas d’identité propre : pas de père officiel, et sa mère pourrait être une mère adoptive. Avec Malko, il a forgé l’identité de ce prince, un aristocrate autrichien, travaillant pour la DGSE. Tous deux aimaient les belles voitures, le luxe, avaient les yeux dorés, et les femmes. »
Et c’est ainsi que Malko renoue avec le public moderne. « L’écriture de Gérard est intemporelle, parce que journalistique. » Et ses intrigues restent d’une troublante actualité. « Les Américains sont passionnés par les livres. Les fous de Benghazi a été imprimé à 30.000 exemplaires, vendus sans aucun retour. » Pour la petite anecdote, c’est le traducteur américain de Katherine Pancol, William Rodarmor, qui s’est chargé de rendre en anglais les SAS.
Random House bichonne les livres : « L’éditeur s’intéresse à tout ce qui touche aux relations entre les USA et la Russie, ainsi que la guerre en Afghanistan. Des studios ont pris, comme ils le font systématiquement, des options pour une adaptation. » Pour l’instant, rien de concret, mais assurément, SAS fascine. Une admiration réciproque : « Quand il a signé pour la traduction des livres, Gérard était comme un enfant. Il avait promis qu’il assurerait la promotion sur place, mais il était déjà malade. »
En janvier 2013, un papier dans le New York Times revenait longuement sur la carrière de Gérard de Villiers et, soudainement, c'était comme si « la presse française redécouvrait un auteur oublié ».
En France, c’est l’auteur que l’on aime détester : l’homme est critiqué, et l’on confond volontiers les livres et celui qui les écrivait. « Sa vision des enjeux diplomatiques, économiques, géopolitiques ne peut pas être niée. L’intelligentsia parisienne le détestait : je me souviens d’une dédicace au Maxim’s Business Club, avec un auteur Gallimard. Ce dernier venait de publier Funérailles de la sardine [prix Renaudot 86], et dédicaçait en face de Gérard. Il avait fait un scandale, jurant qu’il était “hors de question qu’on le laisse en face de cet individu”. Sauf qu’il n’y avait personne pour ses livres : le public était venu pour les SAS, et rencontrer leur auteur. »
À l’exception des premiers ouvrages, d’ailleurs, la presse n’a eu de cesse que d’étriller la collection et l’homme. « Bien entendu, il a souffert de cela, du mal que lui ont fait les critiques. Il était contesté, voire détesté. Il avait une éthique qui lui appartenait, mais qu’il a respectée toute sa vie. » Et puis, le succès est venu, et des ventes pharaoniques. « Je me souviens d’une interview, dans Playboy, où il parlait de ce qui avait changé pour lui. “Je suis beaucoup plus seul qu’avant”, avait-il répondu au journaliste. Évidemment qu’il souffrait de ce mépris affiché. »
C’est en 86 que Gérard de Villiers rencontrera Christine, alors journaliste. « Il vendait des palettes entières, 500.000 exemplaires par trimestre. Moi, j’étais reporter pour L’Express, et je devais le rencontrer pour une interview. Après deux heures d’entretien, de retour au journal, je me suis rendu compte qu’il m’avait baladée, sans rien me raconter d’intéressant. »
Avec elle, Gérard de Villiers a également lié de nouvelles relations qui ont apporté des intrigues plus complexes aux ouvrages. « Nous avons mélangé nos carnets d'adresse, et par mon intermédiaire, fille de militaire, il a pu entrer en contact avec des militaires et des diplomates, alors que ses relations étaient exclusivement avec la DGSE auparavant. Sa curiosité était permanente, et toujours motivée par les personnes qu’il rencontrait. Il devenait une véritable encyclopédie, accumulant les renseignements. Les journalistes apprenaient de lui, contrairement à ce que l’on a voulu faire croire. » Une autre raison pour laquelle SAS ne saurait être poursuivi.
L’histoire retiendra aussi des traductions dans 47 langues – là encore avec des nuances. « Pour une grande partie, c’était de la contrefaçon. Quand les impôts se sont penchés sur la société, ils croyaient tomber nez à nez avec une multinationale. Ils sont tombés de leur chaise. »
Et sans ajouter à la légende, qui se suffit à elle-même, voici l’autre raison qui rendra impossibles des suites à SAS. « Tout se déroulait en amont, dans des enquêtes invisibles : il bouclait ses rendez-vous sur place, écoutait. Tout ce que l’on ne trouvera jamais dans ses archives, ce sont ces échanges, avant même les déplacements, qui préfiguraient l’écriture. » Au point qu’il avait prévu, au cas où la maladie l’empêcherait de voyager, d’être épaulé. « Mais jamais personne n’aurait eu accès à ses informateurs. Continuer la série serait inimaginable. Et il ne l’a jamais voulu. »
Pour amorcer cette nouvelle existence, l’intégralité des couvertures a été repensée. « Elles dataient des années 70, et devenaient insupportables, trop marquées dans le temps, trop ancrées dans le temps », explique Christine de Villiers, un brin agacée. « Nous avions besoin de changement, depuis ce logo que Guy Trillat, alors directeur artistique de Paris Match, avait conçu ». Table rase, ou presque : « Près d’une cinquantaine d’années est passée, et mon mari lui-même voulait ce changement. Il était toujours en retard sur les manuscrits et n’avait pas le temps de vérifier les photos. Cela occasionnait des colères noires contre les photographes. » Dont certains n’hésitent aujourd’hui pas à se servir de leur travail, en profitant abusivement de la marque SAS.
Et puis, l’arrivée chez le distributeur Interforum imposait ce changement. Des couvertures plus élégantes, soft, chics, sans renier l’héritage que des photographes comme Helmut Newton ou Olivier Dassault ont pu apporter. « Il nous fallait rompre également avec la discordance entre le texte et les anciennes couvertures. Pour ne parler que de marketing, cela n’allait plus du tout. Gérard était un homme passionné par la géopolitique, capable d’en parler des heures et des nuits. Voire les livres classés dans le rayon Érotisme, ce n’était plus possible. »
Tout est là : SAS s’est souvent taillé une réputation pour les quelques scènes de sexe qui s’égrainaient dans les romans. « C’est un mythe », s’exclame Christine de Villiers. « D’abord, Gérard n’aimait pas écrire ces passages – et il faut reconnaître qu’il n’avait pas vraiment de talent pour cela. En réalité, il se rendait à des ventes aux enchères, pour se procurer des stocks de livres très anciens. Il choisissait des ouvrages avec de l’érotisme, pour réécrire les scènes, et les adapter. Il n’était ni particulièrement doué ni à l’aise pour ces passages. » Et de toute manière, « le cœur de SAS, ce n’est pas le cul : c’est la fiabilité des informations disséminées ».
Dans tout cela, certains sujets resteront totalement tabous. Ne jamais écrire sur le terrorisme en Corse, ne jamais parler de la France, plus généralement. « Il avait son avis, son idée sur les sujets. Il avait également des contacts, qui auraient pu être attaqués, avec la publication d’un livre. »
L’an prochain, les éditions Gérard de Villiers célébreront leur 50e anniversaire. L’occasion d’un événement particulier. Et d’ici là, probablement de nouvelles parutions. « Quelques projets, suivant la même ligne éditoriale, viendront, autour du polar et de l’espionnage. Probablement des témoignages de personnes issues de ces milieux... » Pas plus. À l’image de Malko, on cultive ici une certaine discrétion, tout aristocratique.
Crédits photo : collection personnelle Christine de Villiers
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
10 Commentaires
Duret Dom40
25/01/2018 à 15:45
Je suis un passionné :-) de SAS javais alors 18 ans et maintenant 55.
Alors c'est peut dire !
Yoda
19/04/2018 à 08:58
J'ai commencé à lire SAS vers 17 ans et je n'ai pas arrêté. Comme je suis une femme on me regardait bizarrement sur la plage où je lisais les romans. Mais quand on me demandait comment je connaissais si bien la géopolitique du Moyen Orien je répondais SAS (je précise que je suis agrégée d'histoire et que du coup on me prend au serieux ;-))
Dom40
19/04/2018 à 13:24
Bonjour Yoda,
Moi c'est une femme assise à coté de moi dans le métro qui me regardait bizarrement.J'ai compris pourquoi c'était sur un passage un peut hot.J'ai rigoler tout seul :-)
Sergio
26/06/2018 à 07:30
... J'ai, moi-même, commencé à lire SAS très jeune et à cette heure ( 66 ans ) j'en suis à la troisième lecture de chaque numéro : 15 ans environ entre chaque lecture, toujours avec le même plaisir et la même curiosité ! On ne peut retenir tous les détails des intrigues après 15 ans, et c'est un peu comme quand on revoit un très bon film ;-)
dany
07/07/2018 à 14:27
Moi, j'ai toute la collection, et fièrement dans ma bibliothèque, j'ai découvert SAS en 1975 à l`armée, un copain de chambre, puis au bout de quelques semaines tout les 15 gugusse de la chambre ne lisaient que du SAS...que de très très bon souvenir, même les chefs de section se sont laissé (convertir), les livres passaient de mains en mains, étaient échangé, que des bon moments...Merci Gérard, à travers ces romans tu resteras éternel.
Patrick aka sasmalko
10/04/2019 à 02:00
Cette collection m'a tellement marque que moi-meme je me faisait appele Sasmalko. J'ai commence a lire ces livres quand j'avais entre 12-13 ans (94-95). j'etais tellement fascine que je finissait tout un livre en une journee (speciallement pendant les vacances). J'ai toutes la collections dans ma petites biblotheques et quelques extras aussi. j'ai pas encore finis toutes la collections mais je vais recommencer bientot.
Andrea
03/10/2019 à 15:24
Je voulais devenir écrivain et parmi tous les auteurs de best-sellers célèbres à cette époque que j'ai étudié il y avait Gérard de Villiers. Puis quand j'ai voulu être publiée aucun éditeur ne voulait me donner ma chance. Je me suis adressée à Gérard car il était aussi éditeur. Il m'a répondu et m'a confié la série parallèle à la sienne: Les fantasmes de la comtesse Alexandra. J'ai écrit un livre sur cette expérience avec lui qui s'est mal terminée. Vous pourrez le trouver sur Amazon, le titre est: Auteur de romans érotiques - écrivain chez Gérard de Villiers
jean-Pierre de Villers
20/12/2021 à 22:35
Je l'ai lu pendant tous mes voyages entre l'Amérique du Nord et la France, et j'étais fasciné par la justesse de ses analyses politiques. Ce qui était capital, c'était le fait qu'il nous disait ce qui allait arriver avant que cela n'arrive. J'ai toujours admiré son style ferme et concis. Les scènes de sexe importaient peu pour moi. Je l'ai tellement aimé comme auteur que je lui ai emprunté le scénario sur Gerald Bull dans mon livre Guns of Babylon. Chaque fois que j'arrivais à Paris, je m'arrétais chez le premier libraire et je demandais son nouveau roman. Un jour, si je trouve le temps de le faire, j'écrirai un livre sur lui intitulé: Gerard de Villiers, notre père à tous.
Jean-Pierre de Villers. Aucun lien de parenté avec Gerard de Villiers, mais par la pensée , aussi près de lui que cela est possible. Merci Gérard.
Zébulon
28/10/2022 à 13:20
En dehors de la maison, SAS m’a toujours accompagné partout dans le monde. Pendant 40 ans pour mon travail dans le milieu pétrolier, dans 23 pays, SAS faisait partie intégrante et indispensable de mes bagages. Maintenant à la retraite, je prends toujours autant de plaisir à lire SAS d’autant plus que cela me remémore certains lieux et certaines situations bien agréables
Gilchan
02/12/2022 à 07:26
J ai commencé un Sas j avais 18 ans et je n ai plus arrêtée jusqu à son 200eme livre. Des bons, des moins bons mais je les achetais toujours. Depuis son décès je n ai plus ouvert un Sas.