La réorganisation des maisons décidée en octobre 2020 aura conduit Antoine Caro à la tête de Seghers. Une première rentrée littéraire, donc, qui amorce les trois axes de développement — tout en renouant avec l’histoire même de la maison. Poésie, beaux livres, littérature, la transition s’inscrit dans la tradition, celle d’une époque où Pierre Seghers conjuguait les genres et les talents.
Le 07/09/2021 à 11:01 par Nicolas Gary
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07/09/2021 à 11:01
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Les liens entre Seghers et Robert Laffont sont historiques à plus d’un titre : le rachat en 1969, vingt-cinq ans après la création, avait abouti à un regroupement logistique aujourd’hui encore d’actualité. Pierre Seghers avait créé sa filiale de diffusion, Inter, et son ami Robert Laffont, Forum. Le regroupement donna lieu à Interforum, structure de diffusion et distribution aujourd’hui pilier du groupe Editis. Car Pierre Seghers savait à quel point diffuser la poésie était essentiel, lui qui œuvra toute son existence à la démocratiser.
« J’ai commencé ma carrière en 93 chez Robert Laffont, jusqu’au poste de directeur général : Seghers est une entité qui a toujours occupé une place particulière. Et que je connais bien », souligne le patron de la structure. Revendiquant une pleine autonomie, et une longue période de gestation pour organiser sa rentrée littéraire, Antoine Caro entend renouer avec l’identité de ce que la société fut.
« Certains éléments, comme le format presque carré de Poètes d’aujourd’hui, ou encore ces liens établis entre poésie et chanson populaire, quand il décida de publier Brel, Ferré et Brassens… Seghers, avec ses monographies, servit de laboratoire au livre de poche, parce qu’il avait à cœur de partager la poésie et ses auteurs. »
Une vocation qui débuta durant la guerre de 39-45 : Pierre Seghers parvient à convaincre son officier, qui était chansonnier, de réunir des textes — publiés dans la revue Poètes Casqués. La parole aux soldats, et la franchise postale dont bénéficiait l’armée pour expédier les documents. Habile et passionné. Et plus sympathique encore quand on se souvient qu’il créa sa maison d’édition pour s'autoéditer, après avoir essuyé les rebuffades de Grasset, qui refusa la publication de ses livres.
Mais au fil des années, après la reprise sous la bannière de Robert Laffont, la voix s’atténue — non sans avoir passé le flambeau à plusieurs figures : « Ce furent notamment Paul Fournel, qui publia Hervé Le Tellier, entre autres, de par sa proximité avec OuLiPo, puis Bruno Doucey, quand Leonello Brandolini dirigeait le groupe Robert Laffont qui ouvrit le champs de la maison jusqu’à décider de créer la sienne », reprend Antoine Caro. Reste qu’au gré du temps, Seghers était devenue la belle endormie, agitée de soubresauts splendides — le leporello de Liberté, poème d’Eluard déjà produit en 1953 et réédité en 2016 ou le Gainsbook, somptueux ouvrage sur l’auteur compositeur. Mais globalement bien assoupie…
« Le travail de préparation fut énorme : replonger dans le fonds, saisir l’identité que l’on souhaitait faire émerger… et puis, donner à la maison une force au sein du groupe », lance Antoine Caro, épaulé par Anne Dieusaert, directrice littéraire. Avec une reconquête des librairies en perspective, des tournées pour exposer ce renouveau, défendre l’originalité au sein d’Editis. « L’aide de Cédric Bouton, directeur marketing et commercial qui compte aussi Perrin dans son périmètre, fut précieuse. »
Plonger non vers l’inconnu de Baudelaire, mais le connu, justement, pour en extraire ce qui fera le nouveau de Seghers. Entre le centenaire de Brassens et le documentaire à venir des Beatles autour de l'album Let it be de 1969, la modernité aura des saveurs d’antan, avec quelques petites notes bien acidulées, promet l’éditeur.
Pour les jeunes gens aux cheveux dans le vent, ce sera mi-octobre, avec Get Back, un livre qui remontera dans le temps, à la redécouverte de cette dernière année de vie des Beatles. Photos, commentaires, le tout découlant d’un documentaire tourné à l’époque et en direct du studio de répétitions. « C’est presque de la téléréalité avant l’heure », s’enthousiasme l’éditeur. Le tout couplé à la diffusion sur Disney+ d’un long-métrage signé Peter Jackson, Get Back, qui a repris les 50 heures d’archives vidéo inédites…
Pour le second, le centenaire de sa naissance donnera l’occasion d’un livre signé Sophie Delassein, suivant le bon mot de Maxime Le Forestier, tellement d’actualité : « Brassens, c’est un vaccin contre la connerie. Il faut régulièrement faire un rappel. » L’ouvrage, en livre-album renouera avec l’éternel adolescent, à travers les témoignages d’une vingtaine d’artistes. La voix du géant n’a pas fini de résonner.
Et comme on aime la facétie, et que le leporello d’Eluard, Liberté j’écris ton nom, a fait plus de 21.530 ventes (donnée Edistat), la maison récidivera avec Dentelle d’éternité de Jean Cocteau. Une réédition du poème objet tiré en 1953 à 100 exemplaires, cette fois plus rare et précieuse.
Mais entre temps, la rentrée littéraire aura frappé, avec un texte d’Héloïse Guay de Bellissen, Crions c’est le jour du fracas, aux accents de Raymond Carver. Un récit double, qui remonte à l’Île du Levant, et le bagne qui y fut implanté pour donner une porte d’entrée sur la société aux jeunes délinquants. Fermée en 1970, cette institution connut un incendie, une révolte — le tout dans une atmosphère de Sa majesté des mouches que contrebalance un récit nettement plus contemporain, où les années grunge font un étrange écho.
Il y aura d’autres choses encore, comme la réédition de l’autobiographie de Langston Hughes, The Big Sea (Les Grandes profondeurs), poète afro-américain d’exception — qui traversa les cuisines des cabarets de Paris dans les années 20 et, des années plus tard, rencontra Seghers, fasciné. « Nous avons d’ailleurs découvert en retravaillant le texte, qu’il manquait près de 25 pages — le livre en comptera 400 — oubliées par le traducteur », s’amuse Antoine Caro.
D’autres rééditions, La Diane française d’Aragon, ou Il ne m’est Paris que d’Elsa, ou encore les Derniers poèmes d’amour d’Eluard ainsi que L’immaculée conception, cosignée avec André Breton… Seghers renaît, progressivement, mais toujours en poésies. « Fonds et nouveautés, ce sera la ligne », insiste l’éditeur. Et pour charmer les lecteurs, le travail graphique de conception réalisé par l’artiste Vahram Muratyan. « Il a collaboré avec la haute couture, dans des revues prestigieuses. Grâce à lui, nous renouons avec la marque Seghers par une identité alliant modernité et tradition. »
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Crédits photo © Editions Seghers - Antoine Caro © Editions Seghers
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1 Commentaire
Gigolin
21/09/2021 à 06:47
Un peu d'effort iconographique please... L'image avec le Tube Citroën doit bien avoir une légende...