L'Association des Bibliothécaires de France (ABF) a investi le pavillon 5 de la Porte de Versailles pour son 63e congrès annuel, articulé autour de la thématique « Bibliothèques : Inégalités territoriales et égalité des chances ». Le président de l'association, Xavier Galaup, fait le point sur les projets, les polémiques et l'avenir des bibliothèques et de ceux qui les font vivre.
Le 16/06/2017 à 11:28 par Antoine Oury
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16/06/2017 à 11:28
Xavier Galaup : Le nombre d'adhérents a légèrement baissé, et se stabilise autour de 3 000 personnes, ce qui n'est inquiétant, d'autant plus que les gens présents sont très engagés. Les groupes régionaux organisent des journées d'étude, travaillent avec les collègues, alimentent les réflexions...
Les finances se sont stabilisées, avec un léger excédent, pour la troisième année consécutive.
Xavier Galaup : Il y a des groupes qui sont plus dynamiques, cela dépend aussi des périodes : en Franche-Comté, le groupe est moins nombreux, à l'inverse de celui de Bretagne, très dynamique, comme dans le Sud de la France ou en Île-de-France. Les groupes évoluent beaucoup en fonction de l'investissement des personnes, mais globalement dans chaque région, un groupe se bouge pour aller au contact des adhérents pour sentir les difficultés, les questions qui se posent, les réflexions à mener.
Xavier Galaup : Nous avons ouvert d'importants chantiers avec ces campagnes pour les présidentielles et les législatives, menées par la commission Advocacy avec Bibliothèques sans Frontières. Nous sommes contents du résultat, pour un sujet qui est difficile à porter auprès du grand public, avec près de 5 000 signatures sur la pétition liée à cette campagne.
Les candidats ont eux aussi répondu massivement, avec plus de 300 signataires. 75 % de ceux qui ont signé sont d'ailleurs présents au second tour. On aimerait qu'il y ait plus de candidats de La République En Marche, d'ailleurs, ce qui est paradoxal, car le Président s'était engagé et le Premier ministre s'intéresse aux bibliothèques. Nous les avons de nouveau sollicités, mais je pense que beaucoup d'entre eux font leur entrée en politique, sans l'aide d'une équipe, ce qui les freine peut-être. Après les élections, nous continuerons à les solliciter, et nous sommes prêts à travailler avec eux ensuite.
Xavier Galaup : Nous allons continuer notre plaidoyer en direction des pouvoirs publics. La thématique du prochain congrès nous permettra de poursuivre notre travail en ce sens, en lien avec l'enquête sur l'impact social et économique des bibliothèques. Ce sujet nous permettra de travailler davantage avec les directions générales, avec les directions des affaires culturelles, mais aussi avec les usagers, pour avoir un regard pluriel sur les bibliothèques. Nous voulons plus de témoignages d'usagers dans des tables rondes, pour savoir pourquoi le public va ou ne va pas en bibliothèque. Nous irons dans cette direction, pour conforter les bibliothèques dans la perception qu'en ont les directions générales et les affaires culturelles dans les collectivités.
Xavier Galaup : C'est la fonction première des bibliothèques d'aller chercher des usagers. C'est pour cela que, quoi qu'en disent certains, le concept du troisième lieu est intéressant, car l'attente des usagers a changé. Il y a une baisse des inscrits, c'est ce qu'a dit la ministre hier, et que les usagers viennent pour autre chose, c'est à nous de les associer à la vie de la bibliothèque, dans la mesure où les projets sont culturels et ont du sens pour l'établissement. Des gens qui viennent échanger sur des langues, par exemple, pour de l'apprentissage, la projection d'un film documentaire suivie d'un débat ou des jeux vidéo qui éviteront aux jeunes de rester seuls dans leur chambre. Ces personnes reviendront peut-être plus tard, ils auront en tout cas une autre image de la bibliothèque.
La bibliothèque reste un lieu où l'on accédera à la culture à travers des documents, qu'il s'agisse de livres, de CD, de DVD, mais on sait aujourd'hui que les gens lisent moins, ce qui a un impact sur la bibliothèque qui est principalement identifiée comme lieu de lecture. C'est pour cela qu'il faut proposer une expérience culturelle différente : assister à une conférence philosophique est tout aussi important que lire un livre. La bibliothèque est souvent le seul lieu culturel dans une commune sans cinéma, sans théâtre, et nous devons jouer ce rôle de donner accès à toute la culture.
L'équipement est donc central, et ne doit pas être dévalorisé par le numérique, tout comme les effectifs : nous l'avons dit clairement aux candidats aux législatives, il faut qu'ils s'engagent à défendre des moyens pour la culture et les bibliothèques, et qu'il y ait une promotion sur les effectifs, à travers des bibliothécaires professionnels ou des bénévoles formés sérieusement.
Xavier Galaup : Nous faisons un métier de passion, où la transmission est très importante : dès que cela est remis en cause, les réactions des professionnels sont très vives parce que la relation au métier fait très mal, je le comprends. Mais nous n'avons pas le même positionnement qu'un syndicat ou qu'un collectif à caractère syndical.
Nous les invitons toujours à adhérer et à s'exprimer au cours de l'assemblée générale pour porter leur voix. C'est le principe d'une association : elle est ce qu'en font les adhérents. S'ils adhérent et parviennent à convaincre les gens qu'il faut agir différemment, l'association évoluera en fonction de ses adhérents, puisque le bureau national est mandaté par ces derniers. C'est un débat démocratique, et pas une tentative de venir imposer des points de vue, ce qui a pu gêner lors des débats.
Xavier Galaup : Nous restons sur cette ligne : il faut aller vers un droit de prêt numérique, autant que possible, tout en respectant les éditeurs et les auteurs, qui doivent obtenir une rémunération légitime pour leur travail. Aujourd'hui, nous subissons un embargo sur une partie des fichiers numériques qui pose des difficultés, avec des coûts parfois élevés. L'avantage de PNB, c'est la licence multiple, qui permet plusieurs prêts simultanés, mais qui coûte encore trop cher, avec des incohérences au sein des collections des éditeurs. Professionnels comme usagers sont parfois dépourvus devant un service qui évolue en cours de route, avec un manque de clarté.
Nous œuvrons avec EBLIDA sur cette question au niveau européen, car un droit de prêt numérique et une législation nous semblent essentiels, et le modèle économique doit être discuté, évidemment.
Xavier Galaup : Nous sommes clairement hors-la-loi sur ce type de situation, c'est sûr. Il y a parfois une méconnaissance de la législation, et parfois des usagers qui veulent découvrir la lecture numérique. Nous sommes en train d'enquêter pour mesurer ce phénomène et pouvoir en discuter avec les pouvoirs publics et la chaîne du livre.
Xavier Galaup : Personnellement, j'attends des actes, je ne vais pas préjuger de son action. Elle a fait preuve d'un véritable enthousiasme et d'une réelle passion pour les bibliothèques : elle a travaillé à Arles avec la bibliothèque, de manière très proche. Nous attendons de voir concrètement s'il y a une interférence par la suite, mais je ne veux pas faire de procès d'intention.
Xavier Galaup : Le côté positif, pour certains, tient au fait que les communes seraient obligées de créer une bibliothèque, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui contrairement à d'autres pays, notamment nordiques. En France, actuellement, c'est plutôt une affaire de convictions des élus départementaux vis-à-vis des maires. Une loi permettrait par ailleurs de normer les choses, avec une surface et des effectifs minimums.
Le risque, c'est de se retrouver avec une coquille vide, c'est ce que nous craignons : d'une part, la loi Dalo, sur le droit au logement opposable, a prouvé que la mise en œuvre est délicate. Malgré les sanctions, certains élus n'en tiennent pas compte et considèrent qu'il est préférable de payer des amendes. D'autre part, l'établissement peut être construit, mais laissé en sommeil : rien ne se passe, les usagers ne viennent pas...
Le vide juridique actuel permet une plasticité, et d'avoir des bibliothèques adaptées à leur contexte, sans norme étatique, mais un projet politique porté localement avec les citoyens et les professionnels, ce qui permet que l'alchimie se fasse. Mieux vaut un discours offensif de l'État et de certains élus, pour que, petit à petit, la fracture se réduise.
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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