Les éditions La Volte apprennent à ActuaLitté le décès de Philippe « Tronche » Curval, survenu ce 5 août. L’écrivain avait récemment entamé un projet émanant d’un moment fiévreux vécu durant un séjour à l’hôpital. La saga familiale des Tronche s’ouvrait ainsi sur une héroïne avant-gardiste et indépendante, symbolisant les années 60 : Rosépine.
Le 05/08/2023 à 15:07 par Nicolas Gary
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Publié le :
05/08/2023 à 15:07
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Né Philippe Tronche le 27 décembre 1929, l’écrivain, illustrateur, connu avant tout pour son œuvre de science-fiction débutée en 1956, Philippe Curval s’est éteint. Il aura parcouru son chemin en compagnie des surréalistes, côtoyant des écrivains célèbres tels que Boris Vian et Topor. En tant qu’auteur de classiques de la science-fiction et de romans qui défient toute catégorie, il se distingue comme un authentique observateur de son époque et des changements radicaux qu’elle a connus.
L’éditeur et cofondateur de La Volte, Mathias Echenay, nous racontait l’une de leurs plausibles rencontres : « [Philippe] raconte à qui veut l’entendre qu’en 2004, je l’aurais quasiment harcelé ! Oui, à cette époque il était critique au Magazine Littéraire, et nous venions de créer La Volte pour publier La Horde du Contrevent. Nous avions désespérément besoin d’une critique affluente pour attirer l’attention sur ce livre. Mais je crois qu’il ne l’a jamais reçu. Plus tard, il nous a aidés à mettre en lumière d’autres auteurs, à commencer par Stéphane Beauverger. »
À LIRE - Mathias Echenay : “J’ai rencontré Philippe Curval un nombre incalculable de fois”
Philippe Curval naît en 1929 à Paris dans une famille de dentistes et de pharmaciens. Très jeune, il se passionne pour l'art et l'hédonisme, baignant dans l'univers des peintures abstraites d'Ernst et de Miro qui ornent les murs de sa chambre. Son père, converti alors en collectionneur et marchand de tableaux, lui inculque le goût de la modernité et de la radicalité, qui émaillera des années plus tard sa pratique artistique, et son aptitude à capturer l'esprit d'une époque et anticiper l'avenir.
Le jeune Philippe, avide de liberté, s’accommode mal de l’école qu’il préfère déserter pour fréquenter la cinémathèque de Paris. Après avoir travaillé comme assistant photographe, soumis au service militaire, il simule la folie pour se faire reformer et rentre à Paris où il rejoint la première librairie de science-fiction en France, La Balance 2.
C’est dans ce lieu, situé au cœur du bouillonnement du quartier de Saint Germain des près, point de rendez-vous des intellectuels et artistes de l’époque, qu'il rencontre Robert Doisneau, Michel Butor, Boris Vian et Roland Topor, avec lesquels il partage le goût de ce nouveau genre qu’est la science fiction américaine.
Il consacre des articles à Max Ernest et fait paraître entre 1995 et 1998, quatre ouvrages sur des artistes importants, Yann Kersalé, Roger-Edgar Gillet, Hervé Télémaque, Gérard Guyomard. Boulimique de création, il réalise des collages inspirés des œuvres de Max Ernst pour la revue Fiction, première revue de SF en France, mais aussi des céramiques sous l’influence de l’art brut qui émerge alors. En 1985, il participe à l’exposition Les Immatériaux au Centre Georges Pompidou sur les rôles de la technologie dans la modernité, travaillant sur la définition de mots par Internet avec des physiciens, des philosophes, des sociologies. Plus récemment, il expose l’un de ses collages au Centre Pompidou Metz dans le cadre de l’exposition Les Portes du Possible (2022-2023).
Alors, Curval et l’art, une histoire d’amour ? C’est le cas de le dire puisque c’est par ce biais qu’il rencontre en 1960 celle qui sera sa compagne à vie : Anne Tronche, critique d’art et curatrice élève de Jankélévitch et de Claude Rivière. Elle lui apprend l'art contemporain et lui fait découvrir le Nouveau réalisme, un mouvement artistique français des années 1960 qui compte parmi ses représentants Nikki de Saint Phalle, Martial Raysse, Daniel Spoerri, ou encore Yves Klein : un pendant français du Pop art américain qui cherche à créer des œuvres en utilisant des matériaux et des objets de la vie quotidienne, qui cherche à représenter le réel et la société de consommation.
Rosépine Tronche se présente ainsi comme un hommage à ce mouvement et à la culture populaire, autofiction sur la passion pour l'art et l'avant-garde, ou apparaissent, en ombres chinoises les rencontres stimulantes qui ont façonné la vie de Philippe Curval. Plongez dans l'univers du Nouveau réalisme et du Pop art, et laissez-vous inspirer par la vision radicale de Philippe Curval pour capturer l'esprit de son époque, à l’âge d’or du Jazz et de la liberté qu’on été les années 1960.
Philippe Curval est une figure fondatrice de la science-fiction française, au milieu du siècle précédent. Il a publié de nombreux romans, nouvelles et essais depuis les années 1960. Employé de la première librairie de science-fiction établie rue des Beaux arts, La Balance 2, aux côtés de Valérie Schmidt, sa créatrice, au début des année 1950, Philippe Curval participe au mouvement littéraire souterrain qui fonde la science fiction française, avec Gérard Klein, Jacques Sternberg ou encore Boris Vian, traducteur pour la collection Présence du Futur du Monde.
En 1954, ils sont parmi les premiers à croire que la SF est la grande littérature du XXe siècle et bien décidé à promouvoir ce genre venu des Etats-Unis, ils organisent une exposition dédiée à la science-fiction : Présence du futur.
Très vite, le noyau dur des amateurs de science fiction – se stabilise autour de la figure Alain Dorémieux, fondateur de la revue Fiction, première revue de SF en France pour laquelle Philippe Curval écrit et réalise des couvertures. Les défenseurs du genre se réunissent dès 1955 tous les lundis autour d’un repas ouvrant la voie aux déjeuners du lundi qui connaîtront leur âge d’or dans les années 1990, et où se succèderont A. Jodorowski, Topor, mais aussi des monuments de la SF américaine, Frank Herbert, Richard Matheson, ou encore Robert Silverberg. Une tradition perpétuée jusqu’en 2020 par Philippe Curval, André Ruellan, Marianne Leconte et Gérard Klein.
À REVOIR - Juin 1978 : Pivot parlait SF avec Curval dans Apostrophes
Le travail critique de Philippe Curval sur la SF, commencé dans Galaxie, se poursuivra au Monde (1976-1980), et dans le Magazine littéraire (1986-2012) se poursuit avec le lancement d’anthologies de science-fiction qui contribuent à révéler des auteurs : Futurs au présent (1978) avec Jean-Pierre Vernay, Serge Brussolo et Jean-Marc Ligny; et Superfuturs (1986) consacré à la très jeune SF française. MaisPhilippe Curval demeure avant un écrivain majeur, traduit dans quatorze pays, avec à son actif plus de quarante volumes.
Philippe Curval restera comme l'un des principaux auteurs de la "nouvelle vague" dans la SF française, un mouvement émergent dans les années 1960, son approche expérimentale, foisonnante, terriblement sensuelle et littéraire du genre lui ont valu plusieurs distinctions. Le prix Jules Verne pour Le Ressac de l’espace (Hachette/Gallimard, « Le Rayon fantastique », 1962), le Grand Prix de la Science-fiction française pour L’Homme à rebours (Robert Laffont, « Ailleurs & Demain », 1974), le prix Apollo pour Cette chère humanité (Robert Laffont, « Ailleurs & Demain », 1976).
La Volte a diffusé un communiqué sur son site, rendant hommage à Philippe Curval.
Un immense écrivain vient de disparaître, dont l’oeuvre, particulièrement originale est à redécouvrir. Né en 1929, il a connu plusieurs périodes littéraires, entre littérature, science-fiction et surréalisme, en participant à la création de la première librairie de science-fiction, de la revue Fiction, publiant des livres à succès tels Le Ressac de l’espace, faisant découvrir en tant qu’anthologiste et journaliste des autrices et auteurs de SF.
Marié à Anne Tronche, décédée en 2015, critique émérite et curatrice d’Art – en particulier le Nouveau Réalisme – Philippe Tronche, connu sous le nom de Curval, également un amateur d’Art, était d’une liberté de pensée et d’un appétit de vivre, revigorants et inspirants.
Nous venons d’apprendre son décès, après une hospitalisation de 3 mois, et n’avons pas encore le recul nécessaire pour rédiger des commentaires approfondis, nous espérons que les media sauront lui rendre hommage comme il se doit. Pour en savoir davantage, il y a un Bifrost spécial Curval (2003), des chroniques sur le site quarante-deux, des documents savoureux sur le site de la Volte à l’entrée Tronche, Rosépine son roman paru en mai, et sa voix sur une playlist de Phaune radio.
Merci Philippe de nous avoir fait confiance, merci pour ces soirées, repas fortement arrosés, ces échanges, au Crotoy et à Paris, merci pour ton amitié et ta présence, ton talent et ton humour.
Voici de quoi mieux comprendre l'origine de Rosépine :
Crédits photo : Rama (CC BY-SA 3.0)
4 Commentaires
Arthur Magnus
05/08/2023 à 15:26
Bonjour Nicolas Gary, que Philippe repose en paix, et il me semble mériter que vous relisiez votre chapô...
L'albatros.
05/08/2023 à 17:31
Bel article biographique.
" Presence du Futur ", fut le titre d' une collection de Science Fiction, aux éditions DENOEL, pendant les années 50, en France.
Marie
07/08/2023 à 14:18
Merci pour la photo de Boris Vian. Avec cette drôle de machine.
Vincent Daumail
10/08/2023 à 19:00
Je suis tellement triste de cette nouvelle, profondément triste. J'ai découvert assez tardivement Philippe Curval grâce à ma fille, qui m'avait offert «Lothar Blues» pour un anniversaire.
L'occasion de serrer sa main ne m'a été offerte qu'une seule fois, au festival des Imaginales de 2016, alors qu'il arrivait «à la bourre» pour une conférence dans l'un des Magic Mirrors. Depuis cette année-là, je m'étais promis de reprendre contact avec lui, dès que la création de ma maison d'édition indépendante me laisserait un peu de temps. Et puis le temps, cet assassin…