Les romans de James Bond expurgés de tout terme problématique
L’agent 007 n’a jamais brillé par son humanisme ni son respect à l’égard des femmes — quant à son langage, il dérape régulièrement. Avec le 70e anniversaire de l’agent secret qu’avait imaginé Ian Fleming, de nouvelles éditions arrivent. Modernisées, au point de les avoir dépouillées de tout terme raciste et sexiste. L’épuration linguistique continue.
Le 27/02/2023 à 10:38 par Clément Solym
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Publié le :
27/02/2023 à 10:38
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L’affaire Roald Dahl, où furent dévoilées la réécriture et correction en profondeur des textes, a explosé en Angleterre voilà une dizaine de jours. Et une nouvelle œuvre subit donc le même procédé éditorial : dépouiller les romans de tout langage potentiellement problématique. La question demeure : en regard de quels critères ?
Apparu en 1953, James Bond fait ainsi face à un ennemi inattendu, et difficile d’imaginer que les gadgets ou les talents au combat de l’agent suffiront. Les éditeurs britanniques, également ayants droit de l'écrivain, ont demandé une révision passée au filtre des sensitivity readers — des lecteurs spécifiquement mandatés pour traquer tout ce qui est susceptible de choquer.
À LIRE: Quand Ian Fleming trouva l'inspiration au service de sa majesté
De la sorte, une séquence de strip-tease a été supprimée du roman Live And Let Die. Le recours au mot « nègre », récurrent dans les parutions des années 50 et 60, a été systématiquement supprimé. Il en va de même pour des expressions touchant à l’homosexualité. De fait, tout ce qui relève d’allusions racistes et sexistes disparaît donc.
Pour Ian Fleming Publications, qui publie les titres, cette révision vise à rendre les récits plus acceptables vis-à-vis de l’époque. Excès de prudence, visée mercantile flattant une tendance contemporaine ou véritable enjeu éditorial, tout cela devient complexe à démêler.
Ce livre a été écrit à une époque où les termes et les comportements qui seraient aujourd’hui considérés comme injurieux étaient monnaie courante.
Un certain nombre de mises à jour a été apporté à cette édition, tout en restant aussi proche que possible du texte originel et de la période où ils se déroulent.
– Avertissement de l’éditeur
Dès lors, toute allusion à l’ethnie pour des personnages est gommée, la maison s’abritant derrière l’esprit de Ian Fleming, auquel elle se serait constamment référée pour opérer les corrections.
Les nouvelles éditions sortiront en avril, rapporte le Telegraph. Nul ne sait si l’on laissera à l’agent le permis de tuer…
Crédits photo : Sean Connery dans Goldfinger, 1965
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14 Commentaires
Jojo
27/02/2023 à 12:59
Roald Dahl a co-écrit le scénario de l'adaptation cinématographique de Chitty Chitty Bang Bang (1968). Le fameux livre pour enfants de Ian Felming.
Dahl et Fleming se connaissaient. Ils ont été tous deux espions britanniques pendant la Seconde Guerre Mondiale…
Je vais finir par croire que cette censure est un complot !
Smar
27/02/2023 à 21:12
Interdisez les livres aux enfants, mais arrêtez de réinventer l'histoire.
Une œuvre s'apprécie en remettant dans le contexte. Faut vraiment être un debilos premier degré pour voir de l'offense
Julie
18/03/2023 à 08:42
Malheureusement, les gens n'ont désormais plus accès au 2nd degré au recul nécessaire pour apprécier une œuvre dans son contexte d'écriture.
Avis
28/02/2023 à 04:55
Bientôt, ils vont caviarder la Bible ! En effet, ce texte sacré est truffé de mysoginie. Et dès les premières lignes : pour avoir été tentés, Eve prend bien plus cher que Adam...
Aradigme
28/02/2023 à 08:35
Cette réécriture des livres pour qu'ils correspondent à "l'humeur du moment" me parait non seulement ridicule, mais aussi dangereuse. Elle témoigne d'une intolérance au passé rarement rencontrée dans l'histoire et d'une volonté que personne ne puisse lire des livres qui expriment une pensée "en dehors des clous". C'est plus discret et plus perfide que de brûler des livres en place publique, mais le but est le même...
Psig89
28/02/2023 à 11:59
Une fois de plus la bien pensance montre son vrai visage : l'intolérance.
Sophie Loubière
28/02/2023 à 13:30
S'accorder le droit de réécrire un livre, au prétexte que son contenu pourrait froisser les susceptibilités de nos âmes fragiles, insulter un genre, une ethnie, c'est réécrire l'Histoire, le contexte dans lequel l'ouvrage a été imaginé.
James Bond n'est pas né à notre époque. Ce personnage est ce qu'il est parce qu'il incarne cette période de l'histoire phallocrate et raciste. Il est au contraire primordiale de pouvoir étudier ce regard que Ian Fleming porte sur les femmes et le pouvoir.
S'accorder le droit de réécrire un livre, c'est une dérive grave et dangereuse qui non seulement bafoue l'auteur, mais nie aussi globalement notre passé et lisse notre avenir.
En écrivant "1984", Georges Orwell imagine une société qui sans cesse réécrit journaux et ouvrages afin de s'arranger avec le présent, légitimer une gouvernance aux yeux d'un peuple instrumentalisé, déshumanisé.
Nous, auteurs, autrices de romans et BD, lecteurs, lectrices, journalistes, avons le devoir de protéger l'intégrité des ouvrages tels qu'ils ont été publiés, sauf avis contraire de leur auteur. Nous devons nous élever contre le sensitivity readers (encore un anglicisme de merde) qui hélas, gangrène déjà nos ouvrages.
On en reparlera.
Bgj
28/02/2023 à 14:01
Encore une ineptie...on veut changer le passé alors que l'on ne fait rien au présent
jujube
28/02/2023 à 18:27
ça devient un tic, une manie!
faut soigner ça, même en fin de vie.
tiens, ça rime!
Mireille Dewart
28/02/2023 à 22:37
N'importe quoi///
Ladycashmachine80
02/03/2023 à 15:54
A quand la réécriture de Tintin de Hergé ?
Eric
07/03/2023 à 01:34
C'est curieux, dans les deux cas (Fleming, Dahl), on arrive a 70 ans qui est la fin des droits pour les héritiers. Est-ce que ressortir une edition maintenant n'est pas une astuce pour étendre les royalties des ayant droit apres que les oeuvres soient tombées dans le domaine public?
Je crois tout a fait possible une offensive puritano-hypocrite a la 1984, mais une manoeuvre purement lucrative me semble au moins aussi probable... voire plus
Alda
08/03/2023 à 11:23
Après les œuvres d'art, la littérature ! Quand vont-ils comprendre que cacher les aspects gênants n'est pas la solution ? Ce n'est pas judicieux, puisqu'on en n'apprend rien, le message problématique étant dissimulé sous le tapis dans un accès de honte et de souci d'un puritanisme de plus en plus étouffant. Je comprends que des concepts dans ces oeuvres puissent choquer puisqu'ils datent d'une autre époque, mais ne vaudrait-il pas mieux s'en servir pour indiquer ce qu'il ne faut PAS faire plutôt que de réécrire un travail pour mieux faire passer la pilule. C'est terriblement dangereux à long et même à moyen terme ! Nous n'avons déjà pas une mémoire collective très étendue (trois générations), si même ce qui pourrait nous permettre d'apprendre et d'évoluer à plus long terme disparaît ou change à ce point, à quoi bon ?
Lily
10/03/2023 à 16:26
Donc pour les wokes, tous les livres comportant des adjectifs qui traitent de l',obésité, de la couleur de peau, de la bêtise sont à ranger sans le même panier que Mein Kampf???