A Paris, dans le 14ème arrondissement, il existe une librairie appelée La petite Lumière. Le nom vient d’un livre de l’auteur italien Antonio Moresco, qui a tardé à s’affirmer dans le panorama littéraire italien. En France, depuis 2014, il est accueilli avec un grand enthousiasme, de la part de tout le monde : libraires, critiques, lecteurs. Verdier, son éditeur, a sorti en septembre 2021 Les ouvertures, son dernier livre traduit en français. Entretien avec l’auteur et son traducteur Laurent Lombard.
Le 17/11/2021 à 11:15 par Federica Malinverno
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17/11/2021 à 11:15
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Federica Malinverno / ActuaLitté : Comment êtes-vous devenu le traducteur d’Antonio Moresco ?
Laurent Lombard : Je suis devenu le traducteur d’Antonio Moresco après avoir proposé ses romans à l’éditeur Verdier. J’ai connu Moresco en lisant par hasard un de ses livres, que j’ai aimé tout de suite pour son écriture, pour son style. Il m’a très vite semblé évident que c’était un auteur qui devait arriver en France. Pour quelles raisons ? Parce que c’est une littérature généreuse, épique, réversive également : elle bouleverse et elle renverse. En ce sens, c’est une littérature courageuse et pour le moins singulière dans le contexte italien.
Une littérature aussi qui n’a pas de dégradés dialectaux ni de colorations géographiques particulières et qui est dépouillée de psychologisme : cela lui donne une teinte universelle, comme les fables. Au moment où l’on découvre l’œuvre de Moresco, on demeure ébloui par une sorte d’éclat, qui pourrait ressembler à un vif crépuscule du soir ou bien à un vif crépuscule du matin. On ne peut pas savoir. On est constamment dans cette indécision, dans ce trouble qui devient un ébranlement de nos certitudes, de la réalité et se métamorphose en émerveillement.
La lumière, le trouble, l’étourdissement caractérisent d’ailleurs les personnages de Moresco. J’ai pensé que la matière de l’écriture de Moresco et le propos, pourquoi pas philosophique, qui en émane, pouvaient trouver une résonance sur le lectorat français et sur d’autres pays. Surtout, ce qui m’a plu immédiatement c’est que bien que les blessures soient le noyau brûlant de son écriture, jamais il ne s’agit d’une littérature nosocomiale ou asthénique (à considérer dans leur sens grec) : récits de situations hospitalières, mort ou maladie d’un parent, blessures psychologiques...
La littérature est imaginaire. Elle peut dire tout ça, elle peut raconter les blessures, mais le réel doit y entrer en fusion avec le merveilleux. Cette fusion est évidente chez Moresco.
Quels livres avez-vous traduits d’Antonio Moresco ? Quel livre aimeriez-vous traduire ?
Laurent Lombard : L’œuvre d’Antonio Moresco est considérable, imposante même, et complexe à la fois. Il s’est d’abord agi de faire un choix éditorial et pour cela j’ai dû m’engager dans la lecture de toute l’œuvre. L’idée était d’emmener progressivement le public français au cœur du projet littéraire de l’auteur. Et il m’a paru que la meilleure solution était de faire entrer les lecteurs français dans la cathédrale littéraire de Moresco par de petites ouvertures. Sur le même principe que quelqu’un qui se trouve face à un lieu inconnu de lui, et poussé par la curiosité, à parfois besoin de regarder à travers des interstices pour avoir une vue facile de l’endroit à explorer.
J’ai donc proposé La petite lumière (Verdier, 2014), ensuite Fable d’amour (Verdier, 2015), et ensuite Les incendiés (Verdier, 2016), dans une sorte de progression, rendant compte d’une partie de l’imaginaire et de la vision de Moresco, qui a abouti ensuite à Les ouvertures. Ce livre est une des parties de la structure monumentale, architecturale de cet ensemble bâti sur près de 3000 pages qui a pour titre Jeux de l’éternité. C’est difficile d’un point de vue éditorial de faire connaître un écrivain étranger avec un projet aussi immense que prodigieux. Entrer dans la grandeur de l’œuvre par Les ouvertures aurait donc peut-être été difficile pour faire connaître l’auteur.
Les trois livres, qu’Antonio a définis lui-même comme des météorites qui se sont détachées de la pièce maîtresse de son œuvre — Les jeux de l’éternité — paraissaient donc des voies légitimes et opportunes.
Le désir du traducteur, quand il propose un auteur et son projet littéraire, est de traduire l’ensemble. Bien sûr il y a les deux autres tomes des Jeux de l’éternité, à savoir Chants du chaos (Canti del Caos) et Les incréés (Gli increati). Mais cela demandera un peu de temps : il m’a fallu près de trois ans pour traduire Les ouvertures. Mais peut-être que ces publications à venir seront ponctuées d’autres petites ouvertures comme Chant des arbres (Canto degli alberi). Cela dépendra du désir de l’éditeur.
Combien de temps avez-vous mis pour écrire Les ouvertures ?
Antonio Moresco : Il m’a fallu 14 ans pour écrire ce roman. À l’époque, j’avais une machine à écrire. J’ai fait le premier jet à la main et cela m’a pris quatre ans, puis j’ai tapé à la machine et cela m’a pris beaucoup de temps, notamment parce que je corrigeais sur les pages tapées, et à chaque fois, pour chaque erreur, je retapais tout le texte. Il a fallu ensuite de nombreuses années pour le publier, pour trouver un éditeur.
En Italie, le livre a été publié d’abord par Feltrinelli en 1998 puis par Mondadori en 2011. Il y a de nombreux de changements entre ces éditions, mais elles ne déforment pas l’histoire, ce sont des petites interventions linguistiques. L’année prochaine, une nouvelle édition sera publiée par mon éditeur SEM et il y aura encore des modifications, dues en partie aux discussions que j’ai eues avec Laurent Lombard lors de son travail de traduction pour l’édition française.
Quel rapport avez-vous avec l’auteur ? Est-ce que vous lui posiez des questions pendant votre travail de traduction ?
Laurent Lombard : Pour tous les auteurs que je traduis, la première chose que je fais — s’ils sont encore en vie bien entendu — est de prendre contact avec eux. Par ailleurs, je crois que la traduction ne peut pas être une tâche solitaire. Il y a le travail personnel, mais il y a aussi une collaboration où l’auteur peut aider à ce travail d’adaptation de son livre dans un autre système linguistique et culturel. Dans le cas de mon travail de traduction des romans d’Antonio Moresco, son avis est très précieux. Sa langue est pleine d’inventions qui sont parfois difficiles à restituer en langue française et j’aime lui demander s’il est satisfait des solutions trouvées.
Cela tient du respect. L’échange entre un traducteur et un auteur est pour moi un bien précieux. Une richesse. Le résultat d’une traduction, parfois, ne dépend pas seulement des ruses et de l’efficacité du traducteur, mais de la richesse invisible de la relation entre l’auteur et le traducteur. Relation qui peut également alimenter la connaissance profonde d’un texte. J’ai exprimé depuis plusieurs années les procédés inhérents à la traduction par cette forme : le traducteur polytrope. Polytrope est l’épithète qu’Homère attribue à Ulysse dès le premier vers de l’Odyssée, mais également à Hermès, le messager rusé. Polytrope, c’est le triomphe de l’art ingénieux déployé lors de longues épreuves.
Polytrope indique aussi quelque chose d’accidentel. Et en effet, il y a quelque chose de très accidentel dans l’acte de traduire. Et à l’instar d’Athéna, l’auteur devient aide et conseil auprès du traducteur aux mille expédients, polytrope.
Entrer dans Les ouvertures c’est comme si on regardait des vitraux, il y a ce jeu de lumière, à travers lesquelles on observe des personnages qui ont probablement existé et sont transformés en art, qui prennent vie grâce aux jeux de couleurs, de lumière. Son avis lors de la traduction de cet ouvrage a été important pour savoir si tous ces jeux de lumières et de couleurs des trois vitraux, qui forment les trois parties du livre, étaient bien reconstruits en français.
Comment définiriez-vous le style d’Antonio Moresco ?
Laurent Lombard : Le style d’Antonio Moresco est un style très délicat, très fragile ; il y a une musique, qui doit être rendue dans la traduction. Cette musique fait en sorte que jamais le texte ne sombre dans un genre déterminé : ni le tragique, ni le pathétique, ni le comique… La délicatesse vient de cette façon que l’auteur a d’entraîner le lecteur comme sur une crête où ce dernier marche sans jamais verser dans une émotion particulière. C’est encore là l’idée du trouble : on ne sait pas si on est dans le crépuscule du matin ou celui du soir.
En fait, le véritable trouble vient de ce que Moresco réunit ces deux crépuscules : le matin et le soir ne s’opposent plus, mais s’enlacent comme s’ils étaient une seule et même chose. Et c’est toute la construction des antagonismes de notre réalité culturelle, sociale et politique qui est pris dans cette mécanique. Les éléments qui forment les antagonismes ne sont plus dans un état d’opposition, mais deviennent compatibles et compossibles. L’un des défis lancés par la traduction des textes de Moresco est qu’il faut être particulièrement vigilant à choisir le mot idoine et éviter ceux, les synonymes d’un même mot par exemple, qui pourrait gêner la liberté du lecteur, l’installer dans une émotion préconçue et, partant, donner au texte une teinte d’un genre particulier...
C’est dans ce sens aussi qu’il faut comprendre que c’est une écriture délicate, car Moresco refuse la canonisation dans un genre, ouvrant grand le champ des possibles et des possibilités, ouvrant donc sur un outrepassement, que d’aucuns appelleraient une transgression, des frontières des genres. Cela lui permet de limoger le réalisme plat et de l’entremêler constamment à l’enchantement, au merveilleux. Il y a comme un jeu constant, une alchimie, entre le matériel et l’immatériel, entre le bas et le haut.
Comment définiriez-vous la langue d’Antonio Moresco dans ce roman ?
Laurent Lombard : La langue est aussi très délicate. Il y a une délicatesse du choix des mots, des figures de style qui s’adaptent parfaitement à la réflexion centrale du projet littéraire d’Antonio Moresco, qui est justement d’ouvrir la littérature et le roman à d’autres possibles, à l’inverse de ce que les théories et certains critiques et universitaires disent en prophétisant la mort du roman.
Au contraire, il y a une volonté de rendre la littérature à sa magie même, à sa possibilité d’ouvrir d’autres voies, d’autres horizons, d’autres imaginaires. Son écriture est une tenaille qui ouvre les imaginaires contre les théories mortifères qui disent que la littérature est seulement répétition, qu’elle est morte. La première phrase du roman Les ouvertures marque cette opposition « Moi au contraire je me trouvais à l’aise dans ce silence-là ». Les premières phrases chez Moresco sont essentielles.
Elles indiquent que quelque chose s’est passé avant le début de l’histoire narrée. Tout se bâtit, la langue, l’écriture, la narration, à partir des premières phrases comme dans la Petite lumière : « Je suis venu ici pour disparaître dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant ». Il y a un avant qui est escamoté. Ce qui ne veut pas dire que ce qui précède n’a pas été vécu par le personnage, mais il n’a pas été écrit avant le début du livre. C’est très fort. C’est très vivant. La littérature et la langue de Moresco bouillonnent de vie.
Comment avez-vous choisi le titre français du roman ?
Laurent Lombard : C’est un titre qu’on a choisi ensemble.
Antonio Moresco : Je me suis rendu compte, notamment lorsque ce livre a été traduit en allemand, qu’il était difficile de trouver un mot qui traduise tout ce que peut contenir le titre italien Gli esordi, que j’aime beaucoup parce qu’il donne l’idée qu’il contient différents commencements, qui sont les trois vies, les trois expériences successives vécues par le protagoniste. Mais le titre prépare également à l’idée d’ouverture qui débouche sur les deux livres qui suivent, comme s’il contenait quelque chose de symphonique.
L’anticipation que contient le titre italien est importante : il prévoit les thèmes qui seront développés ultérieurement dans l’ensemble du triptyque Jeux de l’éternité. En allemand, donc, il n’y avait pas de mot correspondant. En français, il y a le mot « exorde », mais guère courant et qui indique la première partie d’un discours. Le choix de Les ouvertures permettait de faire penser aux ouvertures d’opéra.
En outre, j’ai remarqué par hasard qu’en France dans les ascenseurs il est écrit « ouverture », et j’ai aimé ce mot qui contient à la fois un sens courant et un sens plus élevé. Cette double dimension va bien avec le fonctionnement du titre Les jeux de l’éternité où l’on retrouve le côté « bas » avec le terme « jeux » qui s’enlace avec le côté « haut » de « éternité ». C’est ce qu’on retrouve par ailleurs dans le titre Divine Comédie de Dante. Dans mes livres, je pars toujours d’éléments, de détails, de la vie quotidienne que je transfigure, que j’élève.
Comment avez-vous travaillé pour traduire les noms des personnages ?
Laurent Lombard : Les personnages ne sont nommés que par ce qui les caractérise, à la manière de l’épique en quelque sorte. Il y a par exemple ces deux personnages centraux qui apparaissent dans l’ensemble du triptyque et qui sont mystérieusement liés, il gatto et il matto.
Antonio Moresco : En italien, ces deux noms ont une assonance, une rime enfantine qui évoquent quelque chose de drôle. Si on les traduit littéralement en français — le « chat » et le « fou » — on perd ce jeu enfantin sur ces personnes qui sont unies par cette rime. Laurent Lombard a trouvé une solution pour conserver la similitude phonétique : le chat est devenu le « félin » et le fou le « fêlé ».
Si certains noms ne posaient pas de problème en traduction, comme Pesca/Pêche, Il Nervo/Le Tendon, Sonnolenza/Somnolence, d’autres en revanche méritaient une invention. C’est le cas de « Bortolana » qui en dialecte de Mantoue signifie oreille. J’avais connu un garçon un peu stupide qui avait l’habitude d’éteindre des cigarettes dans son oreille et qui avait donc une oreille noire carbonisée. D’où l’idée de l’appeler Bortolana, nom qui donne aussi une fonction au personnage. En Italie, en dehors de Mantoue, Bortolana est perçu comme un nom étrange. Il fallait conserver l’effet en français.
Laurent Lombard : Voilà pourquoi je suis allé piocher dans le parler stéphanois, qui m’est proche pour des raisons biographiques, un mot qui signifiait oreille. Vanaret, c’est le mot. C’est un mot qui m’a plu, qui nous a plu. Il est beau à entendre. Il a quelque chose de drôle aussi, voire de comique.
Vous souvenez-vous d’un autre exemple de traduction assez difficile ?
Laurent Lombard : Oui. La traduction du verbe « imperversare » que l’auteur utilise régulièrement, notamment après un autre verbe comme pour le corrompre, et donner à ce dernier une expansion plus importante. Il n’existe pas de traduction appropriée de ce mot en français, qui puisse restituer tout l’éclat de la perversion contenu dans le mot italien. Il eût fallu créer le néologisme « impervertir », qui manque à la langue française, mais c’était inventer un mot là où en italien l’auteur ne le fait pas. Il a donc fallu faire preuve de ruse.
Quelle signification attribuez-vous aux noms dans votre œuvre ?
Antonio Moresco : Je crois que de nos jours les noms sont usés et n’ont plus une signification forte par rapport au personnage. Très souvent, dans le passé, les noms sont nés comme des descriptions soit de métiers, soit de caractéristiques physiques, soit de jugements moraux lourds ; ils étaient un peu comme les noms d’Homère, qui caractérisaient un personnage à partir d’une de ses qualités.
Si je prends l’annuaire téléphonique et que je cherche une série de noms, je me rends compte que ce ne sont pas de vrais noms, ils n’ont pas la force d’un nom, car un nom ça se mérite. Si j’appelle un personnage Mario Bianchi, pour moi, c’est comme si je ne l’avais pas nommée. Je refuse ce genre de dénomination : sauf rares exceptions, mes personnages n’ont jamais de prénom ni de nom. De façon homérique, j’utilise des noms qui définissent ce que fait un personnage.
Par exemple, dans Les ouvertures, il y a des noms derrière lesquelles se cachent des membres de ma famille (ma sœur est devenue Turchina/Turquine qui en italien me fait penser à la fée du même nom dans Pinocchio, mon père est le Tendon/il Nervo car il avait de sérieux problèmes nerveux). Je me suis rendu compte qu’il y a en moi une grande rébellion contre les noms en littérature : il ne suffit pas d’avoir créé un surnom, de désigner un personnage sous un sobriquet qui n’évoque rien pour penser qu’on a construit un personnage. Dans mon travail, j’ai essayé de baptiser les personnages avec des noms qui ont une force et un lien avec leur être.
Comment vous situez-vous comme auteur dans le monde littéraire italien ?
Antonio Moresco : Je me situe dans une inconsolable solitude. J’ai eu beaucoup de mal à me faire une place dans le monde littéraire italien. J’ai dû attendre 15 ans avant d’être publié, j’ai dû aussi changer souvent d’éditeurs, non pas que j’étais capricieux ou dispendieux, mais parce qu’ils m’ont écarté. J’avais des relations difficiles avec eux. Ce que j’écrivais était insolite par rapport à ce qui s’écrivait alors en Italie.
Et une œuvre insolite est une œuvre seule. J’ai commencé à écrire tard, j’étais un autodidacte. Je lisais énormément, et certains auteurs m’ont influencé : Melville, Dostoïevski et Emily Dickinson. Je me sentais plus proche d’eux que nombre d’écrivains contemporains.
Malgré les épreuves, les afflictions, et le fait que j’ai toujours du mal à me sentir à ma place dans le monde littéraire italien, je suis fier d’être un écrivain italien et d’écrire dans cette merveilleuse langue qu’est l’italien.
Comment l’œuvre d’Antonio Moresco a été reçue en France ?
Laurent Lombard : La réception des livres de Moresco fut fraternelle et d’une joie rayonnante. Le succès du premier roman, La petite lumière, a été porté par les libraires indépendants, par la critique, par la presse. Il a été finaliste du Prix Médicis étranger. Une librairie parisienne s’appelle désormais La petite lumière… Les deux autres romans ont été lus lors de soirées spéciales au Centre George Pompidou, à la Maison de la Poésie de Paris...
Cette réception à la française a donné de l’élan aux traductions de ses ouvrages dans d’autres pays. La résistance aux malheurs du monde, à la résignation sociale et à la soumission à des codifications et à des catégorisations délétères, se mesure aux ressorts culturels d’un pays. La France possède encore une image de vitalité, d’énergie, d’ouverture culturelles. Il faut d’ailleurs saluer le travail d’un éditeur comme Verdier qui, notamment grâce à sa collection Terra d’altri, contribue à transmettre une littérature italienne exigeante qui trouve un bel écho en France.
Quelle image de l’Italie peut évoquer le roman ?
Laurent Lombard : Je ne crois pas qu’il y ait une image précise de l’Italie qui se détache de ce roman. L’Italie est là parce que c’est le lieu de l’auteur et que c’est aussi celui des trois expériences de vie qu’il narre. Mais les précisions géographiques perdent de leurs contours réalistes. Les lieux, comme les personnages, sont transfigurés. Les lieux réels se décomposent et se transmuent en métaphores. Il s’agit certainement là d’une particularité inhérente à la fable, qu’on retrouve dans presque tous les livres de Moresco.
À cela, il faut ajouter que l’auteur ne recourt pas systématiquement au dialecte pour marquer topographiquement ses romans, à l’inverse de nombreux écrivains italiens qui imprègnent leurs textes de formes dialectales. Si cela a pu avoir son intérêt voire son originalité dans l’histoire littéraire, aujourd’hui c’est un usage trop répandu et facile qui grève les traductions. Car la traduction du dialecte n’est jamais satisfaisante. La littérature, c’est faire voir et entendre.
Le recours au dialecte était intéressant quand il savait faire voir et entendre. Aujourd’hui, dans la plupart des cas, le dialecte ne fait qu’entendre. Entendre une géographie ou un groupe social. Chez Moresco, il y a une alchimie entre le monde visuel et auditif, entre voix et visions ; et c’est toute la représentation mentale imaginaire de Moresco qui se construit sur cette alchimie.
crédits photo : Antonio Moresco © Sophie Bassouls
Par Federica Malinverno
Contact : federicamalinverno01@gmail.com
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