La censure de six ouvrages du Dr Seuss nous avait donné l’opportunité d’interviewer le traducteur français de certains titres. Stephen Carrière est avant tout éditeur, et posait les bases de réflexions plus profondes sur ce qu’il identifiait comme des menaces pour l’industrie du livre. Devant l'enthousiasme suscité par ce premier entretien, nous lui avons demandé de développer plus largement ses intuitions et de revenir sur la question du trigger warning. Un principe d’avertissement pas forcément charitable.
Le 15/03/2021 à 07:05 par Auteur invité
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15/03/2021 à 07:05
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Une des traductions françaises de trigger warning propose un néologisme intéressant : le « traumavertissement ».
La pratique consiste à avertir (to warn) le lecteur de l’existence de passages contenant des actions ou propos pouvant déclencher (to trigger) une souffrance émotionnelle et réactiver un possible traumatisme. Citons les coupables les plus évidents : les descriptions de violences physiques ou verbales (agressions, viols, racisme, homophobie, etc…) et les représentations de troubles psychologiques (troubles alimentaires, dépression, tendances suicidaires, etc.…).
Il me semble important de préciser à ce stade que mon opposition au trigger warning est bien sûr restreinte à son utilisation à l’usage d’un public adolescent et adulte. Un éditeur d’ouvrages pour enfants est contraint par la loi de garantir un contenu approprié au jeune âge de ses lecteurs, et c’est la moindre des choses.
Exemples réels (liste non exhaustive) de trigger warning :
Page xx : consommation d’alcool
Page xx : consommation de drogues
Page xx : transphobie : personne non binaire mégenrée
Page xx : transphobie : personne trans deadnamée
Page xx : agression verbale lesbophobe
Page xx : cissexisme
Page xx : islamophobie et antisémitisme
Page xx : agression sexuelle
Page xx : bagarre violente
Page xx : bullying
Page xx : grossophobie
Page xx : crise d’angoisse
Page xx : anorexie
Page xx : accident de voiture.
Etc…
Le trigger warning, importé des États-Unis, est souvent lié aux associations féministes et LGBTQIA+. S’il est vrai que ces associations l’ajoutent fréquemment à leurs revendications, il me semble plus pertinent de l’envisager comme une conséquence du concept de safe space (espace sécurisé). Un safe space est un environnement physique ou moral au sein duquel une personne se sentant marginalisée n’a pas peur de subir des regards ou des attitudes hostiles.
Le concept de safe space trouve aussi son origine dans les milieux activistes LGBT des années 60, mais je pense que cette notion s’est depuis tellement généralisée qu’elle dit quelque chose de toute une génération, d’un état d’esprit global dépassant largement le groupe qui lui a donné naissance.
Quitte à partager mes intuitions, j’avancerais que les concepts de trigger warnings et de safe spaces sont indissociables des nouvelles pratiques sociales numériques. Il me semble que le safe space est à la sensibilité, ce que l’echo chamber* (chambre d’écho) est à l’esprit critique.
Pourquoi cette introduction un peu didactique ? Parce qu’il serait malhonnête de parler de ces sujets dans le monde de l’édition en faisant comme s’ils n’étaient pas ultra-politisés.
La critique généralisée des républicains américains à l’égard de la génération des milléniaux consiste à se moquer de leur « susceptibilité » et de leur « fragilité », d’où les sobriquets de snowflakes (flocons de neige), thin-skinned (à la sensibilité exacerbée), emotional hephomiliacs (hémophiles émotionnels). Bienvenue sur Fox News.
Signe des temps, le débat s’est polarisé au point que tout individu se réclamant d’une pensée progressiste remettant en cause les notions dont on parle ici se voit immédiatement traité de réac.
Je ne veux pas transformer cet article en exposé, mais deux autres pistes de réflexion me semblent intéressantes à évoquer. La première est que de nombreux psychologues spécialistes du TSPT (Trouble de Stress Post-Traumatique) sont très critiques sur les dégâts des stratégies d’évitement dans le parcours thérapeutique des victimes. La deuxième est que cette soif d’avertissements peut nous interroger sur la part croissante des décisions prises par des personnes physiques ou morales au nom de la vertu quand elles ont en fait plus à voir avec la préservation à court terme de leurs intérêts économiques et la gestion de leur image.
Je ne suis bien sûr pas la personne la plus compétente pour faire une leçon sur le sujet. Le débat est partout, il est majeur, complexe. Mais avant de revenir à l’édition, et dans le souci d’assumer toutes mes positions, je partage tout de même les deux interrogations que cela m’inspire :
1/« Que nous disent ces jeunes réclamant à cor et à cri d’être protégés du monde réel ? »
2/« Que ne nous taisent leurs détracteurs plus âgés quand ils méprisent les jeunes en les taxant de “fragiles” en oubliant qu’ils sont supposés les avoir élevés ? »
Et la chaîne du livre dans tout ça ? D’abord, sachez que j’ai rencontré plusieurs jeunes libraires et bibliothécaires qui souscrivent au trigger warning. Je ne vous étonnerai pas en affirmant que je parle de professionnels charmants, intelligents et bien intentionnés.
Pourtant, il y a là une cause qui devrait nous fédérer au-delà de nos désaccords politiques, parce que le sujet dont on ne parle pas assez, il me semble, c’est la fonction de la fiction.
Ce serait le bon moment de rouvrir le « dossier mimesis » chez Platon et Aristote, mais, si cela me paraît particulièrement pertinent par rapport à notre thème, je laisse cette mission à un prof de philo parmi les lecteurs d’Actualitté.
Partons du principe que vous croyez que la fiction a un sens, une valeur pédagogique, une beauté propre. Partons du principe que vous êtes d’accord avec Emmanuel Carrère pour dire que le roman nous offre une sortie du temps et nous permet de vivre d’autres vies que la nôtre.
Si les listes de trigger warning se résumaient à : « attention baston et/ou orgie à la page XX », on pourrait lever un sourcil et penser qu’il existe des prescripteurs qualifiés appelés libraires et bibliothécaires et qu’ils ne doivent pas être remplacés par des algorithmes, des robots et des listes de T.W.
On pourrait sourire en imaginant les listes de T.W. préfaçant les Contes de la folie ordinaires, Orange mécanique ou American Psycho, et qui feraient presque la même taille que les ouvrages.
On pourrait surtout s’étonner que des adultes aient besoin d’être avertis de la présence d’idées ou descriptions dangereuses quand des siècles de culture de l’écrit nous hurlent : « Hé, mon têtard, c’est exactement comme ça qu’on grandit, en s’exposant à des idées dangereuses, sors de ta flaque, le monde est vaste et rempli de prodiges. »
Si l’on nous ramène au public adolescent, on pourrait rappeler que c’est justement un âge où l’on cherche la transgression et les sensations fortes et qu’on a plus de chance d’accrocher à la littérature avec Bukowski, Burgess et Easton Ellis qu’avec des couillonnades à jaquettes « trop mignonnes » dans lesquelles la seule chose choquante est la compétition entre la mièvrerie et la pauvreté du langage.
Mais le plus dangereux n’est pas là : « Page xx : agression verbale lesbophobe » !
Comprenons bien tous ensemble qu’il s’agit d’avertir un lecteur que, dans une œuvre de fiction, un personnage négatif va exprimer des propos négatifs. Avertissement : le méchant ne dit pas des choses gentilles, c’est même souvent à cela qu’on le reconnaît.
Si cela vous fait marrer, je vous encourage à rechercher les nombreux exemples d’Américains qui ont perdu leur job pour avoir prononcé un mot « offensant » dans le but de prouver le racisme d’un texte dans lequel il figurait.
Les deux sujets sont intriqués parce que se dessine une pensée pas si nouvelle et qui devrait nous alerter. Un lecteur qui n’évoluerait qu’au sein d’une fiction safe ne me semble pas très éloigné d’un membre d’une secte ou d’un croyant radicalisé. Quand tous les gens qui veillent à votre tranquillité vous privent d’être exposé à une pensée contradictoire, c’est généralement le trigger que vous traînez en assez mauvaise compagnie.
Précisément pour cette raison, je trouve que les « conservateurs » jouent un jeu hypocrite et très dangereux en mettant tout sur le dos des LGBTQIA+, des intersectionnels, des anticapitalistes, bref des wokes. Il me semble que c’est même la plus grosse arnaque de notre époque. Partout dans le monde, les « gauches » se déchirent et les « droites » comptent les points quand ce ne sont pas les nouveaux militants.
D’où vient le mal ? Je pense que les algorithmes favorisant les biais de confirmation* sur lesquels sont construits Google, Facebook et autres narcotrafiquants d’opinion sont les véritables prédateurs de notre idéal civilisationnel. Écoutez ceux qui les développent, ils sont les premiers à nous expliquer que leur marketing consiste à nous laisser nous auto-radicaliser.
Ce sont eux qui nous veulent fragiles, catégorisés, esclaves de pensées simples. Et eux, les trigger warnings, ils connaissent depuis longtemps, ils appellent ça les « conditions d’usage ».
C’est pour cela que je me permets de m’adresser à mes confrères de la chaîne du livre et plus particulièrement aux jeunes qui ne sont pas d’accord avec moi.
La littérature est un lieu de tumulte, de doutes, de grands bouleversements. Les coups qu’on y prend ne nous mettent pas à terre, mais nous dessillent les yeux. Aspirons à nous confronter à cette violence parce qu’elle est supposée nous botter le cul et nous décrotter de nos certitudes. Et quand nous sommes enfin choqués ? Remercions.
Dans l’histoire de la littérature, la pensée « progressiste » a avancé en abrasant, page après page, nos cerveaux encrassés de préjugés. Et nous voudrions avertir ? Atténuer ? Éviter l’émotion déplaisante ? Ce protocole existe déjà : il dessine les contours d’un divertissement consensuel. C’est le cahier des charges de toute émission de télé à une heure de grande écoute.
Confiez les trigger warnings aux éditeurs et ils en feront des « points forts » dans les PowerPoint de leurs réunions de représentants. Un peu plus d’édition se légitimant par « les attentes du public »… tout ce qu’on aime, n’est-ce pas ?
Pour conclure, la question que je pose (en m’excusant d’avoir été si long) est la suivante : si dans la fiction, on ne laisse plus au diable une chance de nous séduire, est-ce qu’on ne devient pas un peu des bêtes dans la réalité ?
crédit illustrations : Cdd20, CC 0 ; Ramdlon CC 0
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30 Commentaires
Crazy
15/03/2021 à 14:00
Le but des TW n'est pas de censurer ou de renforcer des biais de confirmation, mais de permettre aux personnes sensibles de pouvoir *faire le choix* de lire ou nom tel ou tel ouvrage.
Alors après, il faut voir sous quelle forme on peut les présenter, pour que ça ne gâche pas l'intrigue ni ne donne une mauvaise image de l'ouvrage.
N'oublions pas que ce genre de mécanisme est déjà présent dans d'autres médias (TV, jeux vidéo...) et que personne n'y trouve à redire.
J'ai détaillé mon avis ici, si ça vous dit de jeter un oeil : https://chezcrazy.blogspot.com/2021/01/to-pull-or-not-to-pull-trigger.html
NAUWELAERS
15/03/2021 à 21:51
Pas d'accord avec vous, Crazy.
On n'a pas à tenir compte de «trigger warnings» pour les ouvrages à publier.
C'est déjà avancer dans une mauvaise direction de censure.
Si on rejette celle pratiquée en Hongrie (nouvel article de ce 15 mars), alors autant abjurer de telles méthodes puisque des «trigger warnings» vont dans ce sens sans censurer tout à fait...
Mais modifier à l'avance des oeuvres pour de telles raisons, renoncer à sa liberté d'auteur ou autrice soit sous pression de «sensitivity readers» soit par autocensure frileuse, est-ce mieux ?
Je ne crois pas.
En tant qu'amoureux de littérature, à mon tour de me sentir offensé et indigné par ces reculs de la liberté - y compris dans bien d'autres domaines de la vie.
Moi je lance des «trigger warnings» contre les attaques concrètes contre la liberté, si essentielle.
Si un bon sens absolument progressiste et pas réac -n'en déplaise aux lanceurs d'anathèmes -subsiste, ces avertissements servent à éviter à des gens sensibles sur tel ou tel point...de lire tel ou tel ouvrage, qui n'a aucunement le devoir de se conformer à leur type de sensibilité.
La liste de Stephen Carrière est assez édifiante...
Son exposé est passionnant et très éclairant.
Mais il faut sortir du côté binaire: les progressistes sont woke, les républicains conservateurs de droite ne le sont pas...
Mais Obama n'est-il pas démocrate, lui qui s'en est pris frontalement à la «cancel culture» dont les «trigger warnings» sont des antennes...comme les «sensitivity readers», ce triste nouveau métier de censure moralisatrice moderne ?
Cela se passait fin octobre 2019 à sa Fondation devant des jeunes.
Et je recommande à tout le monde, si pas déjà fait, l'étincelante tribune «La cancel culture a assez duré»publiée en ligne par «Marianne» le 24 août 2020 et toujours lisible.
Et qui a été suivie de nombreux articles sur ce thème.
Il faut une mauvaise foi phénoménale -certaines personnes l'ont prouvé tout récemment -pour assimiler à de la réaction d'extrême droite tous les opposants la «cancel culture».
Il s'agit de mensonge pur et simple.
Cela me choque profondément.
Alors ne pas oublier la gauche universaliste: la gauche n'a pas à être victime dans sa totalité de telles dérives.
Qui n'apportent rien de bon.
Enfin très bon article -bravo - qui ajoute une pièce au débat fort présent et enflammé et qui ne risque pas de s'apaiser en France à mesure que l'on s'approchera de la prochaine période électorale.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Crazy
16/03/2021 à 11:26
Vous devriez vous renseigner davantage avant de vous indigner.
Il ne s'agit pas de "tenir compte" ni d'être (ou de s'auto-)censuré/r.
Il s'agit d'écrire *comme d'habitude*, *ce qu'on a envie d'écrire*, et de prévenir quelque part "attention, vous risquez d'y trouver tel contenu potentiellement dérangeant".
Les Sentitivity readers sont un autre sujet, même si leur travail peut être utile pour débusquer des TW.
Quant à vos digressions sur la cancel culture et le reste, elles ne sont pas le sujet.
Quelque part, il s'agit ici d'accessibilité, de compassion et d'empathie. Vous avez sans doute la chance d'avoir vécu une vie sans traumatismes, et c'est tant mieux, mais notre société a tendance à dire à ceux qui n'ont pas cette chance de serrer les dents, d'"être un homme" (sic). Ce n'est pas sain, ce n'est pas un modèle à reproduire, et la sensibilité n'est pas un défaut, "même" chez un homme.
Je comprends que vous vous préoccupiez de voir des changements de normes et de moeurs, c'est par nature déstabilisant, mais ça ne veut pas dire que ce soit une mauvaise chose.
NAUWELAERS
16/03/2021 à 18:00
Toujours pas d'accord, Crazy.
Non dans toutes les langues, espéranto compris.
Désolé.
Vous ne savez strictement rien de ma vie, que je ne vais pas étaler.
Ce n'est pas le sujet.
Le sujet est le suivant: si une oeuvre offense qui que ce soit, la personne en question n'a qu'à s'en écarter.
Et la «cancel culture» -ne pas se cacher derrière son petit doigt -est la prolongation inévitable de cette façon de voir les choses.
Je m'informe tout le temps et à des sources diverses.
Françaises et anglo-saxonnes.
Ce qui me permet d'en savoir beaucoup sur la question et donc de m'opposer à cette tendance lourde et dangereuse, même si d'aucuns la sous-estiment voire la justifient.
Autrefois les critiques de films dans un journal comme «La Libre Belgique» comportaient pour certains films la mention: «à déconseiller» ou «à proscrire»...
Et il y avait le fameux carré blanc sur l'écran qui apparaissait lors de certains programmes un peu sulfureux (à l'époque !).
Et la censure frappait de temps en temps...
L'Armée du Salut tempêtait contre le spectacle «Hair» dont la version française se tenait au théâtre de la Porte Saint-Martin.
Mais pas d'interdiction...
Vous voulez un retour à ce type de mentalité ?
Moi non.
Ne confondez pas tout: oui à l'empathie.
Non aux réactions abusives qui tendent à empêcher des oeuvres d'exister.
La seule attitude à avoir: ignorer ce qui ne nous convient pas.
Voire contester.
Mais de vrais amateurs de littérature n'ont pas envie de chaperons moraux qu'on appelle aujourd'hui «sensivity readers».
Il faut des «readers» -lecteurs -considérés comme des adultes libres de plein droit, Crazy.
Stop à cette chape de plomb «pour notre bien» (de telle communauté, et telle autre, et telle autre etc. sans fin discernable à ce processus absurde) qu'on voudrait nous imposer à tout le monde.
Il s'agit d'un abus caractérisé sous un vernis faussement progressiste qui risque de faire oublier le caractère indispensable du vrai progressisme...
Bien d'autres que moi tirent cette sonnette d'alarme.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Crazy
17/03/2021 à 07:12
>Non aux réactions abusives qui tendent à empêcher des oeuvres d'exister.
>La seule attitude à avoir: ignorer ce qui ne nous convient pas.
>Voire contester.
>Mais de vrais amateurs de littérature n'ont pas envie de chaperons moraux qu'on appelle aujourd'hui «sensivity readers».
>Il faut des «readers» -lecteurs -considérés comme des adultes libres de plein droit, Crazy.
On ne parle pas ici de censure.
On ne parle pas non plus de sensitivity reading (qui n'est PAS de la censure, mais se rapproche d'une chasse aux incohérences).
Quant à ignorer "ce qui ne nous convient pas", c'est justement le coeur des TW : comment vous allez deviner que tel ou tel roman contient quelque chose qui ne vous convient pas, sans liste de TW ?
Il ne s'agit pas d'infantiliser les lecteurs - et vous semblez avoir une définition bien restrictive de l'adulte : une personne qui encaisse tout, qui ne souffre pas de traumatismes et qui ne prend pas en compte les avis des autres.
Les gens qui, comme vous le dites, "tirent la sonnette d'alarme", ce sont ceux qui n'aiment pas être bouleversés dans leurs petites habitudes et ne veulent pas se remettre en question ni chercher à comprendre le point de vue de l'autre.
Ce n'est pas parce que "ça a toujours été comme ça" et que vous y avez survécu qu'il faut perpétuer un système.
Bref, vous campez sur vos positions, ça ne sert à rien d'argumenter davantage.
NAUWELAERS
17/03/2021 à 17:10
Non les «sensitivity readers» ne chassent pas les incohérences: c'est le rôle des correcteurs et relectrices.
Ce que vous appelez «petites habitudes», c'est l'attachement à la liberté, Crazy qui que vous soyez.
Vous campez sur une position qu'effectivement tous les amateurs de littérature, de démocratie et de liberté contestent.
Comme le dit l'expression anglaise: «We agree to disagree»...
On n'a pas à brider et orienter l'art pour ne pas offenser telle ou telle minorité.
Au degré pire, on en arrive aux talibans...qui agissent «pour le bien».
Eh bien non...
On a le droit de refuser cela.
Y compris dans les rangs de la gauche universaliste.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Vie Quatresixquatre
16/03/2021 à 07:28
Vous ne pouvez pas savoir à quel point cette prise de position me fait plaisir.
Concernant les enfants et les ados, bien évidement ils veulent voir et lire de préférence ce qu'on leur cache, ce qu'on leur interdit.
Que des parents qui ne sont pas fichus de paramétrer un smartphone ou un PC en cliquant sur une touche de façon à protéger leurs mômes des tarés en tous genres (et des multinationales) se sentent obligés de stigmatiser les points de vue des personnages de fiction est tout à fait significatifs quant à notre époque.
La violence existe. Le racisme existe. La connerie existe. L'important c'est de pouvoir en parler à quelqu'un.
Quant aux personnes sensibles adultes, elles ont besoin qu'on leur fiche la paix et qu'on les laisse faire leurs propres choix et leurs propres découvertes, à leur rythme.
Le puritanisme hypocrite a de beaux jours devant lui.
Pourtant, rappelons-le encore une fois. Lire un livre est une démarche active et le lecteur peut à tout moment interrompre sa lecture. Rien de commun avec le "visionnage" (le glandage sur canapé?) d'une fiction filmée.
Dominique Truteau
18/03/2021 à 14:36
islamophobie et antisémitisme ?
Pourquoi il n'y a pas la christianophobie ?
Aïe
19/03/2021 à 06:28
parce que, pour ces gens-là, vous avez le droit (et le devoir !) de taper sur les chrétiens : ce n'est pas un problème (voire, ce serait plutôt la solution).
Il faut quand même savoir que la cancel culture cherche à promouvoir une culture de remplacement (de la culture actuelle, judéo-chrétienne en ce qui concerne le monde occidental). Tout sera donc mis contre cette culture : on ne « dénoncera » donc aucune transgression contre cette culture (qui forme, quand on le regarde de près, la majorité des cas de transgressions dans la réalité).
NohGoa
18/03/2021 à 16:38
"narcotrafiquants d’opinion" : rien que pour cette expression, bravo !
Quant au Trigger Warnings, j'en exige deux :
Attention, ce livre parle de voyages dans le temps/super-héros/magie : le scénario va donc se vautrer dans l'incohérence !
Attention, ce livre relate une histoire d'amour : ça finit mal, en général !
Clairrr
21/03/2021 à 12:58
En réponse à Crazy : il me semble qu'on oublie une différence essentielle entre le livre et l'image. Une image choquante est imposée au spectateur. A part tourner la tête ou fermer momentanément les yeux, trop tard, il ne peut pas ne pas voir ce que l'écran lui montre. Dans un livre, ce que l'on ne peut pas supporter, on ne le comprend simplement pas. J'ai enseigné la littérature à des élèves pendant quinze ans, et j'ai toujours été frappée de constater que même en lisant attentivement un chapitre, ils ne voyaient littéralement pas ce qui risquait de les choquer.
Pour le reste, je souscris à ce qui est dit dans l'article: le pouvoir de la fiction est de nous confronter à l'autre, même "méchant", sans nous mettre en danger directement, mais de manière à ce qu'on puisse justement grandir de cette confrontation.
Et vous, Crazy, quels livres aimez-vous? pour quelles raisons?
Hoggystyles
21/03/2021 à 20:44
Je ne supporte pas les scènes de viol, peu importe le médium. C'est aussi le cas de beaucoup de femmes victimes ou non de violences sexuelles. Je suis déjà exposée à ça au quotidien en tant que femme, je n'ai pas envie de retrouver ça dans les livres que je lis.
En revanche, je n'ai aucun problème pour les scènes de guerre, le sang, le gore, les membres coupés etc. D'autres, si.
Les trigger warnings permettent d'en savoir davantage sur le contenu qu'on s'apprête à lire, point.
Cette page est importante pour ceux et celles qui ne veulent pas revivre des traumatismes ou ceux et celles qui veulent avoir le temps de se préparer avant. Mais il n'y a aucune obligation de lire cette page. Alors pourquoi vous venez pleurer pour une page qui ne change RIEN à votre vie ?
On vous plaque le visage contre le livre pour lire les trigger warnings ? On vous met un couteau sous la gorge pour que vous les récitiez à haute voix ? Les trigger warnings sont un complément du résumé, si ça ne vous plaît pas, vous passez la page. C'est beaucoup plus simple que d'en faire tout un article ou un commentaire victimaire sur la liberté d'expression (que personne n'a jamais touchée).
Cette injonction à tout encaisser sans distinction sous prétexte d'élévation spirituelle ou intellectuelle quelconque est un concept dépassé et affligeant.
NAUWELAERS
22/03/2021 à 12:39
Hoggystyles,
C'est vrai, les membres coupés sont tout à fait anodins...
Les «trigger warnings» sont une partie seulement, la plus acceptable à première vue de la «cancel culture», style cheval de Troie.
Mais vous omettez les «sensitivity readers» qui interviennent directement sur les textes.
Alors non, on doit traiter les lectrices et lecteurs comme des adultes.
Et non les infantiliser.
Si un roman noir, un polar est violent -et pour cela, la quatrième de couve suffit il me semble -il est grotesque et inconvenant d'avertir: attention, viol p.165 !; attention, parole homophobe p.215 !; attention, on maltraite un chat p.241; un peu d'antisémitisme en p.254; on mange un steak p.265 (les végétariens n'aimeront pas); etc.
Rien ne justifie ces délires.
Ou alors on censure tout ce qui est inconvenant.
Même Flaubert qui a évoqué une prostituée de douze ans sans condamner cela, vision de cette époque-là.
Sérieusement, on peut parfaitement éviter ce genre de romans pour éviter d'irréparables traumatismes...(!).
Mais cela posé, non, pas de problèmes avec les membres coupés...
Vous rendez-vous compte de cette contradiction ?
On va établir un hit-parade des exactions?
Moi je trouve cela monstrueux les membres coupés.
Mais si c'est décrit dans un texte: tant pis, c'est comme ça et je ne vais pas commencer à me plaindre et me lamenter car j'ai lu une horreur.
Si je n'avais que ces soi-disant soucis-là, mais je signe des deux mains (l'une après l'autre) !
On peut penser à vivre -vivre vraiment ! -loin de ces polémiques absurdes alors qu'il y a tant de vrais maux que je n'ai pas besoin d'énumérer...!
Quelle chance ont ces gens qui ont l'occasion de s'affliger avec ce genre de choses...beaucoup de nos frères humains qui eux souffrent vraiment (de tous sexes et genres) en rêveraient...!
Non mais quel luxe,excusez-moi...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Hoggystyles
22/03/2021 à 14:33
Les sensitivity readers n'interviennent pas sur les textes, et j'en sais quelque chose puisque je suis modératrice sur un blog anglophone qui conseille les lecteurs sur leur manuscrit, en plus de connaître des auteurs qui y ont eu recours. Les sensitivity readers sont employés à la demande de l'AUTEUR le plus souvent, et comme pour les éditeurs/assistants d'édition, leurs conseils restent des CONSEILS. Les seules personnes à directement toucher au manuscrit dans la chaîne du livre sont l'auteur (qui écoute ou non les suggestions faites en annotations par son éditeur) et le correcteur.
Les trigger warnings sont établis le plus souvent à la demande de l'auteur également, je n'ai pour l'instant vu aucune maison d'édition les imposer. Pour le moment, on les retrouve surtout en littérature adolescente, ce que je trouve parfaitement justifié puisque cette catégorie a une définition très floue et que certains romans adultes s'y retrouvent par erreur.
Très souvent, les trigger warnings concernent les violences, les discriminations et les addictions. Donc non, il n'y aura pas de liste interminable comme vous semblez le fantasmer. Est-ce que vous avez aussi un problème avec les avertissements au début des films ou c'est simplement pour le plaisir d'être outré ?
Et rien à voir avec la cancel culture, au contraire. Les trigger warnings offrent plus de liberté aux auteurs qui savent qu'ils peuvent aller plus loin, leurs lecteurs seront de toute façon avertis. On parle d'une simple page ajoutée en début de roman lors de la finalisation du manuscrit, mais à vous entendre on fait des autodafés des livres sans avertissements.
NAUWELAERS
22/03/2021 à 19:47
Moi je veux bien, Hoggystyles...
Ma question: on s'en est parfaitement passé(s) durant des décennies, qu'est-ce qui justifie la nécessité de ces «trigger warnings» aujourd'hui ?
Il s'agit d'une fausse avancée et d'un vrai recul selon moi, franchement désolé.
Moi je préfère les écrivains et autrices vraiment libres qui n'ont pas recours à ce genre d'artifices.
Je n'adhère pas à l'esprit de soumission.
Jamais les innombrables auteurs vivants ou morts que j'aime n'y ont eu recours.
Je ne vais pas en infliger une liste, pour ne pas déborder.
Je comprends que si c'est votre activité, ma position vous déplaise fatalement.
Il n'empêche que cela reste celle de très nombreuses et nombreux lectrices et lecteurs qui n'ont rien à faire de ce genre d'avertissements.
J'ai vu des foules de films récents et anciens sans l'ombre d'un avertissement, parfois très durs et violents et j'ai survécu.
Vous faites donc allusion à des films que je ne connais pas.
J'adorais les dessins animés de Disney et heureusement, on ne devait pas supporter ces avertissements totalement débiles d'aujourd'hui.
Et non je ne suis pas devenu raciste à cause de cette absence d'avertissements pour nos âmes qui risqueraient de s'égarer parmi les stéréotypes racistes etc.
Je n'aime pas qu'on essaie d'imposer une sorte de religion ou de dogme.
C'est parfaitement contre-productif et on n'a pas à faire marcher les gens au pas de l'oie, une tendance actuelle qu'il ne faut pas accepter.
Nous n'envisagerons jamais le fait littéraire ni la vie de la même façon.
Désolé si cela heurte vos conceptions à vous...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Crazy
23/03/2021 à 07:45
"Je, je, je, je, je"...
Je ne souhaitais plus répondre, mais franchement, Christian, regardez un peu plus loin que le bout de votre nez (et lisez réellement les réponses, au lieu de les survoler : j'ai déjà abordé ce point).
IL NE S'AGIT PAS DE VOUS.
Il s'agit de tous les autres, que vous trouverez sans doute inférieurs, puisque plus fragiles et nécessitant de tels avertissements afin de conserver leur santé mentale.
Le "on a jamais fait ça avant" n'est pas un argument. S'il l'était, nous serions tous encore à l'âge de pierre.
Sortez un peu, et apprenez à écouter les autres.
Aïe
23/03/2021 à 09:14
« "Je, je, je, je, je"... »
De la part de soutiens inconditionnels à des mouvements autocentrés sur leurs sexes, leurs couleurs de peau ou leurs névroses, ça a un côté franchement hallucinant.
NAUWELAERS
23/03/2021 à 11:36
Crazy,
Merci de ne pas faire de discussions des prises de becs personnelles, je vous prie.
Ce qui ne convient pas à quelqu'un qui recommande à autrui d'écouter les autres...
Je vous lis correctement et intégralement mais cela ne m'oblige pas à être de votre avis,Crazy.
Il ne s'agit pas de vous ni de moi ni de quiconque en particulier mais d'un échange d'idées.
Vous n'avez pas à déclarer que je pense que les autres sont inférieurs etc.
Cela s'appelle: un procès d'intention.
Je désapprouve le principe du «trigger warning» et je vous recommande l'excellent article sur ce site -le deuxième -de Stephen Carrière, éditeur, à ce sujet, sur ce site productif et positif.
Il vient de paraître et il donne encore du grain à moudre...
Et je regrette, un recul comme le «trigger warning» est désolant et à combattre.
La comparaison avec l'âge de la pierre...
Oui, c'est très convaincant et cela justifie de tout lisser et de flinguer la liberté de l'auteur ou autrice !
La liberté est un progrès et non l'autoapitoiement permanent que je trouve assez méprisant par rapport aux gens qui vraiment souffrent dans la vraie vie.
Loin des pages d'un livre !
Quand on veut voir tout en noir et souffrir pour tout ou rien...
Quel nombrilisme, tout de même, de ne pouvoir supporter de lire quelque chose de problématique (mais tout ou presque finit par devenir problématique selon cette mentalité !).
Bon j'arrête ici.
Et cet espace de discussion est libre et le reste.
Ce n'est pas un espace d'imprécations ni d'attaques «ad hominem»..
Notre désaccord subsiste: eh bien il faut en prendre acte.
Souffrez que nous ne pensions pas pareillement, merci Crazy.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Aïe
23/03/2021 à 09:13
« Les sensitivity readers n'interviennent pas sur les textes, et j'en sais quelque chose puisque je suis modératrice sur un blog anglophone qui conseille les lecteurs sur leur manuscrit, en plus de connaître des auteurs qui y ont eu recours. Les sensitivity readers sont employés à la demande de l'AUTEUR le plus souvent, et comme pour les éditeurs/assistants d'édition, leurs conseils restent des CONSEILS. Les seules personnes à directement toucher au manuscrit dans la chaîne du livre sont l'auteur (qui écoute ou non les suggestions faites en annotations par son éditeur) et le correcteur. »
LOL. Leur emploi est quasi systématique dans l'édition aux États-Unis et au Québec. La peur terrible d'être attaqués par des « minorités » en proie à l'appât du gain que peut rapporter un procès dans le système judiciaire américain.
En France, on y vient aussi, notamment en jeunesse, où il n'est nul besoin d'avoir des spécialistes externes pour lisser les romans : les éditeurs sont parfaitement formatés pour exiger des auteurs tout ce qu'ils veulent : obligation d'un garçon et d'une fille, personnages de couleurs, handicap, etc.
Bref, une culture pré-formartée qui n'a plus rien d'artistique.
CHRISTIAN NAUWELAERS
23/03/2021 à 11:06
Aïe,
D'accord avec vous évidemment !
CHRISTIAN NAUWELAERS
clairrr
23/03/2021 à 13:03
Effectivement, je préfère qu'il y ait plus de pages que moins. Et la littérature jeunesse a un statut particulier, qui n'a rien de "flou". Heureusement quand même que les ados ont la possibilité de lire autre chose que de la littérature jeunesse, mais c'est un autre débat.
Comme cela a été dit plus bas, ces "avertissements" sont surtout une manière de prémunir auteur et éditeur contre des procès, pas forcément de protéger la sensibilité des lecteurs (puisque justement la loi sur les publications jeunesse a déjà ce rôle, c'est la loi de juillet 1949 modifiée en 2011). Bref, c'est un ajout qui n'ajoute rien, voire qui rend caduque une loi déjà appliquée en littérature jeunesse pour protéger les lecteurs de contenus choquants.
En revanche, l'idée de protéger les lecteurs adultes de contenus choquants (et la liste de ce qui choque étant tout de même assez idéologique et réductrice) me semble tout de même une conception de la lecture assez étrange, mais soit.
J'espère seulement que la sensibilité de ces lecteurs ne les empêche pas de voir l'injustice, la violence, la misère, à travers les fictions ou de leurs propres yeux, et de tenter de les combattre.
J'espère seulement que les livres, vidés de leurs contenus, ne sont pas en train de perdre tout ce qui en fait des moyens de contre-pouvoir au profit d'une hégémonie culturelle de "bon ton" , soft capitaliste si j'ose dire.
J'espère que le marché du livre de bon goût (car au fond, il s'agit de questions de goût) ne finira pas par étouffer encore un peu la littérature qui résiste à cet air du temps, et ses courageux éditeurs, qui nous aident à vivre, à penser, à comprendre soi-même et les autres, ceux qu'on ne sera jamais, et à accepter le paradoxe.
Hoggystyles
23/03/2021 à 14:52
Je n'ai jamais dit que la littérature jeunesse en tant que telle avait un statut flou. En revanche la littérature young adult, quand bien même sous-catégorie de la littérature jeunesse, voit parfois passer des titres classés adultes aux Etats-Unis (c'est le cas de quelques livres publiés chez Lumen ou Hachette par exemple). Pour ces livres, je pense que les trigger warnings seraient les bienvenus. J'ai des amies libraires qui ont découvert sur les réseaux sociaux l'existence de scènes de viol dans des livres qu'elles recommandaient aux jeunes ados, en pensant qu'ils étaient dans la lignée "magique" des précédents bouquins. La page d'avertissements est aussi un outil professionnel dans ce cas particulier.
Quand on est confrontés à la violence au quotidien, on a encore le droit de choisir si on veut la retrouver dans ses lectures. Parfois on veut des lectures légères, parfois on veut être surpris et déstabilisés. Beaucoup lisent pour s'évader de leur réalité, ça n'en fait pas pour autant des lâches qui ne combattent pas les injustices au quotidien.
Et je trouve ça extrêmement drôle qu'on parle de livres potentiellement "vidés de leurs contenus", alors que pour mon cas je défends farouchement la diversité dans la littérature justement parce qu'il y a d'énormes "vides" dans certains rayons. La seule "hégémonie culturelle" que je perçois, ce sont ces éditeurs qui affirment que des livres avec des personnages noirs ne se vendront pas, ou ignorent sciemment des best-sellers écrits par des auteurs musulmans voire des maisons d'édition qui n'ont publié que des auteurs blancs en 15 ans d'existence. J'espère que le livre de bon goût n'est pas celui qui n'est écrit et édité que par les mêmes personnes.
En tout cas, l'existence des trigger warnings fait couler beaucoup plus d'encre que son application n'en nécessite !
Aradigme
09/05/2021 à 10:28
Je connais au moins une maison d'édition qui exige des trigger warnings pour les manuscrits, afin d'éviter de choquer les membres du comité de lecture.
Lyo
23/03/2021 à 15:22
Mais il est où le problème ?
Il ne s'agit même pas de censure, juste de rajouter une page disant par exemple: "Attention ! Contient des violences sexuelles contre les enfants"
Au pire, si ça gêne, t'achète le livre et t'arrache la page ensuite.
Surtout, qu'en réalité, ce genre d'avertissement existe déjà. En tout cas, moi j'en ait déjà vu donc...
J'ai même vu des préfaces entières d'avertissement qui expliquaient pourquoi telle pratique était bien vue à l'époque et comme ça a été criminalisé de nos jours.
Il y a rien, strictement rien de nouveau.
Faudrait peut-être pas que ce genre d'avertissement fasse 30 pages non plus mais c'est tout quoi...
Sur les sites où des livres sont publiés gratuitement en ligne, il y a un système de tag, et tu peux les filtrer si par exemple tu ne veux pas lire de scène violente.
Les gens ont le droit de savoir sur quoi ils vont tomber. Faut arrêter de voir la censure partout.
Alex-si
25/03/2021 à 08:54
Je suis assez d'accord avec vous Lyo, si l'idée est que le lecteur est libre de sauter les passages qui le dérangent, alors il est tout aussi libre de sauter les TW.
Mon expérience personnelle de publication en ligne (et non pas d'ouvrage papier) est que le TW, qui se présente sous forme d'étiquette/tag, libère l'écriture. J'ai pu me permettre d'explorer des thèmes sensibles avec plus de confiance et d'aller plus loin que ce que j'aurai écrit normalement en sachant que quiconque lirait mon texte n'en serait pas surpris. Et inversement, certaines descriptions me dérangent profondément et les TW m'ont permis d'éviter ces lectures là.
Ceci posé, il faut tout de même distinguer plusieurs choses.
Tout d'abord, on ne lit pas toujours pour les mêmes raisons. Qu'on lise un essai ou de la fiction, on n'y cherche pas toujours la même chose. Évasion, ouverture à d'autres cultures/expériences de vie, philosophie, engagement politique, la liste est longue. Le simple fait d'ouvrir un livre dans notre société de surconsommation de l'image est déjà un exploit et je trouverai dommage que quelqu'un qui cherche à oublier momentanément ses soucis dans un bon roman se trouve brutalement ramené à la réalité par une description inattendue de ce qui fait son quotidien et décide ensuite que lire est trop "dangereux". Car oui, pour une personne en souffrance psychologique on parle bien de danger, réel, même s'il n'est pas physique et appelons un chat un chat, la maladie mentale n'est pas seulement faite d'extrêmes ni d'assassins à mitraillette. Elle ne se voit pas, elle est beaucoup plus répandue qu'on ne veut bien l'admettre et elle peut être très invalidante. On ne devrait pas demander à un cul-de-jatte de descendre un escalier. De même on ne devrait pas demander à une personne qui souffre mentalement de lire des textes qui sont dangereux pour son équilibre psychologique.
Avoir un complément du résumé qui indique qu'il y a des descriptions de violences est donc très utile pour les trop nombreuses personnes qui risquent de souffrir des conséquences réelles d'une telle lecture. Nous ne sommes hélas pas tous égaux en termes de santé mentale et je trouve bon de donner des outils aux personnes vulnérables -qui ne sont pas toujours vulnérables en raison de leur âge- qui leur permettent d'adapter leur choix de lectures à leurs capacités. Je vous accorde qu'un bon libraire devrait être capable de faire ça mais outre le fait que les libraires se raréfient, être vulnérable mentalement signifie aussi qu'on n'est pas toujours capable de demander l'aide d'autrui. Faut-il pour autant cesser de lire?
Et pour revenir à mon propos initial sur les raisons que l'on a de lire, si vous cherchez à élargir votre horizon mental, libre à vous de ne pas tenir compte des TW voire même (!) de ne pas les lire.
Ensuite il y a la crainte des dérives possibles. Je ne pense pas que l'auto censure soit un risque, comme je l'ai dit précédemment, de ma propre expérience c'est plutôt l'inverse qui se produit. Les éditeurs vont-ils utiliser les TW pour refuser de publier certains ouvrages? Peut-être, bien que ce soit aussi un outil qui les protège (du système judiciaire américain en tous cas). On peut s'en désoler mais les éditeurs aussi, sont libres de choisir ce qu'ils veulent publier. Fort heureusement car il existe aussi de nombreuses petites maisons d'édition qui vont à contre courant et publient des choses fort intéressantes qui ont été rejetées par les "grands". La censure tout court, elle, n'a pas attendu cette nouvelle invention. Elle sera toujours inventive pour s'insinuer partout sans qu'on la remarque et la résistance à cette oppression là ne sera jamais terminée. Les TW peuvent-ils être instrumentalisés par la censure, qu'elle soit officielle ou bien pensante ? Oui. Cela doit-il suffire à les rejeter avec horreur? Je ne pense pas.
En conclusion, je dirai que ce n'est pas parce qu'un outil peut être détourné et mal utilisé qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain! Ne peut on pas s'emparer d'un nouvel outil pour ce qu'il a de bon, la protection des personnes fragiles, et rester vigilants sur ses dérives possibles?
J'attends vos réactions avec intérêt, et je finirai avec une citation inscrite sur la couverture de nombreux livres de ce grand écrivain qu'était Terry Pratchett : "attention, ce livre peut contenir des traces de noix" (noix=nuts pour les non anglophones, ce qui veut aussi dire idiots)
Femme blanche d'âge moyen
25/03/2021 à 23:59
Odieux, prétentieux, presomptueux, à côté de la plaque, d'un arrogant privilégié.
A 40 ans je souhaite des triggers warnings. Je fuis les histoires d'orphelins et de cancers. Les femmes violées ou battues ont le droit de ne pas revivre leur viol ou les coups. Cet article est d'une bêtise crasse, tout comme le suivant sur les sensitive readers. Le jaloux, c'est clairement l'auteur de ces articles qui se sent menacé. Se documenter et écrire sur un sujet inconnu oui. Mais pas si les personnes concernées n'ont pas un accès équivalent à la publication. Surtout s'il s'agit d'une communauté harcelée, trucidée, humiliée. Achetez vous de la décence et de l'humanité si vous en trouvez. L'education par la lecture n'a clairement pas su vous inculquer ces deux sentiments.
NAUWELAERS
26/03/2021 à 18:01
Femme blanche d'âge moyen,
Merci de ne pas vous attaquer à la liberté des autres.
On se passera de vos insultes.
Non vous n'avez pas à imposer vos besoins et conceptions à toute la littérature.
C'est totalement abusif et je suis ravi qu'une majorité de visiteuses et visiteurs de ce site raisonnent ainsi.
Soutien total au vrai progressisme, au respect d'autrui, à Nicolas Gary et non aux chevaux de Troie (des «trigger warnings» on passe aux «sensivity readers» puis à la censure) des attentats permanents et récurrents contre la liberté et la dignité des auteurs, autrices, du lectorat et de toute la sphère littéraire.
En France et partout ailleurs !
Arrêtez vos clichés méprisants à deux balles, de grâce: la passion de la liberté est partagée par des tas de gens beaucoup moins privilégiés que vous, qui ignorez la vraie souffrance humaine puisque vous focalisez sur ce thème en vous imaginant traumatisée potentiellement par quelques écrits...
C'est n'importe quoi, le virtuel qui efface le réel et les autres devraient en subir les conséquences...
Bénissez votre chance et laissez-nous jouir des livres et de nos lectures non épurées, lissées et pasteurisées !
Celles-là, je les boycotte.
Au pilon...
Ne nous imposez pas vos conceptions: fuyez ce qui vous déplaît, c'est tout.
Vous êtes d'âge moyen donc vous pouvez juger en connaissance de cause, sans plus.
Comme quelqu'une de sensée, tout bêtement...
Bien à vous.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Sandale
28/03/2021 à 22:12
Ironique que vous soyez vous mêmes "triggered" par le concept de "trigger warning". Pour reprendre vos propres termes, si ça ne vous plait pas, ne le lisez pas.
NAUWELAERS
29/03/2021 à 11:24
Sandale,
On s'adresse à quelqu'un en particulier svp sinon personne ne comprend rien !
Je ne lirai pas de «trigger warning» puisque je ne perds pas mon temps avec ce genre de livres.
Je suis un grand lecteur avide...mais cela est rédhibitoire pour moi comme pour tant d'autres.
S'il n'y avait que cela, ce ne serait que moindre mal mais il y a tout ce que cela implique et entraîne: un «trigger warning» est un cheval de Troie de toutes ces restrictions et atteintes à la liberté littéraire.
Et celle de traduire avec une compétence jetée au rebut par une bien-pensance absurde qui fait du tort en croyant bien faire.
Les propos de Stephen Carrière, nettement plus étayés que les miens et émanant d'un professionnel, sont tout à fait clairs et explicites à cet égard.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Ecologie poétique
03/07/2021 à 12:29
Désolé de réagir à un article lu sur le tard. Mais je ne peux dès lors m'empêcher de penser que, par exemple, un ouvrage comme la Bible risque de doubler de volume. Quid des livres d'Histoire ? Sale temps pour la planète...