L'essor des Émirats arabes unis n'est pas uniquement économique : l'ouverture du Louvre Abou Dabi n'est qu'une manifestation supplémentaire d'un phénomène qui s'observe depuis plusieurs années. Les émirats, aidés par la mondialisation, s'ouvrent de plus en plus, culturellement parlant. Entre l'accueil des groupes éditoriaux étrangers et le développement d'un secteur plus local, aperçu d'un monde du livre en train de se créer.
Le 25/11/2017 à 09:11 par Antoine Oury
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25/11/2017 à 09:11
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Jeune État fédéral né en 1971, les Émirats arabes unis se composent de 7 émirats, dont les plus connus sont Abou Dabi, Dubaï et Charjah. Si l'exploitation du pétrole figure encore parmi les principales ressources de certains émirats, d'autres se sont pliés à l'économie de marché et abritent des grandes fortunes — qui se confondent parfois avec les familles royales — basées sur les télécoms, le tourisme, les technologies de pointe ou encore l'énergie solaire.
La culture fait aussi partie de ces voies de développement qu'emprunte la région : en 2009 se créé l'Association des éditeurs émiratis, signe que l'activité d'éditeur se professionnalise et se régularise de plus en plus. Dans les Émirats arabes unis, le secteur de l'édition représente 233 millions $, ce qui la place au 34e rang des marchés mondiaux, et seulement 500 livres sont publiés chaque année.
Souvent créées dans les années 2000, les maisons d'édition des Émirats arabes unis sont souvent issues de grands groupes comme Kalimat, fondé par Bodour Al Qasimi, la fille de l'émir de Charjah, ou la Fondation Mohammed ben Rachid Al Maktoum, qui porte le nom de l'émir de Dubaï... Côté censure, chaque émirat à sa politique, Charjah étant la plus stricte sur le sexe et la religion, mais elle porte surtout sur tout ce qui concerne... les familles royales.
Outre ces sujets, une bonne partie de la production occidentale est disponible dans la région, soit en traduction, soit en anglais par l'intermédiaire des distributeurs indiens. De jeunes maisons d'édition peuvent ainsi émerger en publiant les classiques de la littérature mondiale traduits : Dar Waraq Publishing a ainsi connu de beaux succès avec Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell, Raison et Sentiments de Jane Austen ou le dernier livre de l'Urugayen Eduardo Galeano. La plupart des éditeurs se créent avec leur filiale de distribution, qui se met parfois au service d'autres éditeurs.
Les auteurs locaux existent aussi, mais en très petit nombre : l'Union of Emirates Writer, Union des écrivains émiratis, réunit seulement 240 membres, dont 120 des Émirats et le reste d'autres pays arabes. Créée en 1984, elle accueille environ 20 % de femmes et « accompagne les écrivains dans les démarches, ou en cas de problème », explique Ahmad Hasan, également photographe et designer. Si le nombre d'écrivains professionnels est encore faible, l'Union a accueilli 23 membres cette année, contre 14 en 2016.
Le stand de l'Emirates Writer Union, à la Foire du Livre de Charjah (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Dans les Émirats arabes unis, la durée des droits d'auteur est de 3 ans seulement, et l'éditeur verse une rémunération unique à l'auteur au moment de la signature du contrat. Une fois les 3 ans écoulés, l'auteur récupère ses droits et peut aller proposer son livre à un autre éditeur pour une nouvelle publication. La rémunération de l'auteur s'élève environ à 10.000 dirhams, soit un peu plus de 2000 €, mais « le niveau de rémunération fluctue beaucoup d'année en année ».
« Nous sommes passés d'un petit pays sans secteur de l'édition ou presque à un centre émergent pour l'édition doté d'une culture de la lecture en croissance », expliquait Bodour Al Qasimi, également présidente de l'Association des éditeurs émiratis, à ActuaLitté. La première étape du développement d'un marché de l'édition, c'est en effet l'apparition de lecteurs, pour créer une demande.
La lecture n'est en effet pas une habitude aux Émirats arabes unis ou dans les pays arabes : il y a celle des textes religieux, bien sûr, mais elle se limite ensuite pendant longtemps à la poésie, plus volontiers oralisée, d'ailleurs. Le roman arabe est né au début du XXe siècle, tout comme le théâtre, et c'est dans les années 1980 qu'il se révèle au monde avec le Nobel de Littérature attribué à Naguib Mahfouz.
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Pour accélérer le mouvement, les autorités des différents émirats mettent en place des opérations diverses, comme une journée libre à la Foire du Livre pour les élèves de Charjah ou l'organisation d'un Challenge de lecture arabe, qui réunit des participants de 25 pays différents. Mais c'est surtout grâce au développement de l'éducation à la lecture que les progrès se font sentir.
Dans l'émirat de Charjah, 14 « Children Center » se sont ouverts sur le territoire pour prolonger les apprentissages scolaires, dans les domaines du sport, de l'art et de la lecture. « Le niveau est excellent en arabe, et nous prenons le relais pour enseigner d'autres langues », explique une éducatrice spécialisée. « Chaque mois, nous rencontrons les parents d'élèves afin d'inciter à la lecture. Il faut qu'elle devienne une activité familiale. » À ce titre, si les enfants apprennent à lire en arabe, le système éducatif les rend rapidement bilingues, avec une langue anglaise massivement parlée, et encore plus lue.
Créé en 2014, le distributeur spécialisé en bandes dessinées Comic Cave profite largement de l'aubaine : l'enseigne se présente « comme le plus grand magasin de comics et de figurines à collectionner » et fait rentrer la culture pop américaine en masse dans les Émirats. « Beaucoup d'habitants des émirats lisent en anglais, et certains s'appuient même sur les comics pour préparer leur diplôme », nous assure un employé à la Foire du Livre de Charjah. La plupart des histoires de super-héros chez Marvel et DC sont traduites, parfois réunies en des anthologies inédites ailleurs. « Certains épisodes ne passent pas la censure, parfois, en raison de tenues de super-héros un peu trop sexy, ça dépend des pays », explique-t-on.
Pour s'approvisionner en livres, les résidants des Émirats arabes unis peuvent trouver au moins une librairie dans chaque mall, ces immenses centres commerciaux calqués sur leurs équivalents américains. Les librairies sont essentiellement intégrées à des chaînes, souvent disparues en Occident, comme Borders et Virgin Megastore... Enfin, les supermarchés, qui représentent l'essentiel du tissu commercial dans ces pays, ont toujours un espace réservé aux livres. Les livres sont encore assez chers, puisqu'il faut compter 45 à 55 dirhams pour un poche (environ 10-12 €) et jusqu'à 90 dirhams pour un grand format (20 €), dans des pays où les salaires ne sont pas bien élevés.
Outre ces librairies, si Amazon n'est pas présent sur le territoire, les Émirats arabes unis en ont un équivalent, nommé Jamalon, qui livre dans tous le Moyen-Orient. Créée en 2009, la société dispose d'entrepôt dans les émirats, mais aussi au Liban ou en Jordanie, et profite ainsi de l'attrait progressif pour la lecture en vendant des livres en arabe et en anglais. En 2016, à la foire du livre d'Abou Dabi, Jamalon avait fait sensation en présentant sa première solution d'impression à la demande.
(ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Enfin, dernier phénomène de grande ampleur, l'autoédition a aussi fait son entrée dans le marché du livre arabe, avec l'arrivée d'acteurs internationaux comme Lulu.com, l'Allemand OmniScriptum, qui fait aussi la promotion de l'impression à la demande, ou encore le Britannique Packt Publishing, qui a l'avantage d'être bien implantée sur le marché indien.
À la Foire du Livre de Charjah, le livre numérique s'affiche aussi, souvent par l'intermédiaire d'entreprises étrangères, notamment chinoises, même si les Émirats sont très accueillants vis-à-vis des nouvelles technologies. Au détour d'une allée, Hala A. Sulaiman présente ainsi Alrawi (« Le conteur », en arabe), une société d'édition de livres audio qui propose un accès à la pièce (environ 9 € le livre audio) ou à l'abonnement, en formule 3 à 12 mois d'accès.
« Ces 12 derniers mois, nous avons vraiment vu ce marché s'ouvrir, pas seulement pour les lecteurs empêchés de lire : nous avons enregistré 10.000 téléchargements de notre application en moins de 5 mois. Certes, tous ne sont pas des utilisateurs actifs, mais c'est un volume significatif », se félicite Hala A. Sulaiman, cofondatrice et directrice de Alrawi. Ici aussi, Alrawi profite de l'absence d'Amazon et de sa formule Audible pour investir un marché naissant, à l'image de l'édition dans les Émirats arabes unis.
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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MAKOUR ALI
27/05/2018 à 23:17
Bonjour
Je suis auteur et concepteur de deux projets d'édition pour lesquels je cherche une collaboration à savoir:
1- 365 B.D.sur la sécurité routière
2- Livre d'artiste (exercices destinés au monde des arts plastiques,et la mise en valeur des sites touristiques)
Cordialement
Ali MAKOUR
Artiste peintre/Designer
Algérie
Hakima loukili
02/11/2020 à 15:50
je suis profeseure universitaire poétesse et écrivaine, je cherche à publier une traduction en arabe de l'oeuvre de Rita El Khayat' "La Liaison".
Cordialement
HAKIMA LOUKILI
Université Sidi Mohamed Ben Abdallah,Fès Maroc