La récente réunion avec le ministère de la Culture — censé intervenir en qualité de médiateur indépendant — aura fini en eau de boudin : séance levée, interlocuteurs contrariés, rencontre écourtée… Une fois encore, la rue de Valois démontre combien il est dangereux de courir plusieurs lièvres à la fois.
Le 11/10/2023 à 14:18 par Nicolas Gary
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11/10/2023 à 14:18
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Une quinzaine de minutes après que chacune et chacun a goûté au confort des fauteuils de Valois, la réunion consacrée à l’encadrement de l’avance s’achève. Florence Philbert, directrice générale de la DGMIC (Direction générale des Médias et des Industries culturelles) estime n’avoir pas d’alternative : plusieurs interlocuteurs, en leur nom personnel, ont quitté la salle Colette. Ajourné, sans autre forme de procès écrirait-on en singeant La Fontaine.
Deux poids, deux mesures : quand, en janvier 2022, la Charte quitta les négociations, la réunion se poursuivit tout de même. Reste que si les personnes partent, en leur nom, l’organisation qu’ils représentent est-elle toujours autour de la table ?
« Suite à notre réunion, il faut malheureusement constater que l’organisation de notre dialogue social par madame la Ministre de la Culture révèle [...] des dysfonctionnements empêchant toute évolution », écrit Thomas Fouchault, Secrétaire général de la Ligue des auteurs professionnels. Cet imbroglio aura « fait perdre du temps à tous et éloigne les auteurs des progrès que leur situation de précarité croissante devrait nous conduire à adopter ensemble ».
ActuaLitté l’avait constaté : la rencontre n’avait pas commencé pour le mieux. En décidant d’être accompagnée d’un avocat, Me Denis Goulette, la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse avait manifestement contrarié le Syndicat national de l’édition.
À LIRE – La Fable de Valois, de l'avocat et de l'huissier...
Nicolas Georges, directeur adjoint à la DGMIC, avait d’ailleurs averti la veille au soir la Charte que la présence d’un avocat ne serait pas tolérée — une exigence du SNE, confortée par le cabinet de la ministre, avec injonction au DA de transmettre le message, sans étayer.
L’objection venait du SNE, mais l’explication du fonctionnaire restait floue : tout au mieux servait-il de passe-plat pour servir l’opposition des éditeurs. De fait, durant la semaine ayant précédé ce rendez-vous, d’autres organisations d’auteurs avaient exprimé leur refus, ne voyant pas d’un bon œil l’apparition de Me Goulette. Certes, Nicolas Georges s’y opposait, fermement, mais l’information finit par remonter au cabinet : « C’est la ministre et son cabinet qui ont tranché », avancera-t-il.
Mais quand on implique de la sorte Rima Abdul-Malak, impossible de mettre ces choses par écrit : la Charte attend toujours le mail promis, qui expliquait la décision. De quoi crisper la Charte, comprenant que des discussions d’alcôves entre Valois et le SNE avaient abouti à refuser la présence du conseil de la Charte. Dans un courrier à ses membres, la structure interroge : était-ce là, pour le SNE, une façon de vérifier « son ascendant sur les services ? [...] Si c’est le cas, réjouissons-nous que cet ascendant soit devenu si relatif et limité par les lois. Nous parions plutôt pour le prétexte. »
Interrogé le vendredi 6 octobre, l'organisation patronale de l'édition nous expliquait sa position : « Ces discussions d’ordre interprofessionnelles sont d’ordre politique et réunissent les représentants des organisations concernées. Le fait que ces organisations d’auteurs viennent accompagnées de leurs conseils respectifs — en la personne d’avocats — en dénaturerait par conséquent l’esprit et la teneur. »
Pour autant, quand se présenteront les intervenants, le fonctionnaire agitera le drapeau blanc et se résignera à accepter ce convive. Courageux héraut, mais pas téméraire, le directeur général adjoint aura certainement mesuré les risques encourus à s’opposer à l’article 6 de la loi de 1991, accordant à toute personne le droit d’être assisté par un avocat devant les administrations publiques ?
Un commissaire de justice (anciennement désigné comme « huissier ») qui constate l’infraction commise par le ministère, sur demande du SNE, a pu jouer : le DGA, pris en flagrant délit, aurait eu toutes les peines du monde à justifier l’interdiction. Sauf à avouer qu’il était en service commandé. Bien lui en prit, après tout : pourquoi devenir bouc émissaire et d’assumer l’indéfendable du point de vue du droit ?
« Notre proposition est de cesser de perdre du temps et de réorganiser notre cadre de travail à la lumière de cette expérience collective », reprend dans un courrier Thomas Fouchault. Autrement dit : en finir avec une farce sans issue, où l’entité qui porte le rôle de médiateur n’a finalement ni l’indépendance ni les compétences pour l’assumer.
De fait, en matière d’impartialité, le MCC a depuis longtemps fait état de positions douteuses : sans revenir à l’épisode de la numérisation des livres indisponibles, condamnée par la justice européenne (ah, tiens, si, revenons-y…), la transposition de la directive Droit d’auteur de 2019 démontrait aussi une certaine nonchalance. Au point que le Conseil d’État aura aussi condamné le ministère pour avoir omis un petit point : toute rémunération doit être proportionnelle ET appropriée.
La tentative de recourir à un cavalier législatif, pour la seconde fois par l'intermédiaire d'un sénateur de la majorité, démontre tout l'intérêt que la ministre porte à la cause des auteurs – incluant leur rémunération.
Difficile d’être juge/médiateur et d’endosser une fonction active dans la formulation des lois — particulièrement dans le contexte de majorité que l’on connaît, où l’exécutif devient de fait législateur. Par ailleurs, que le MCC tente aussi ouvertement de faire droit aux demandes du SNE laisse planer quelques doutes quant à l’impartialité que les organisations d’auteur sont en droit d’attendre d’un médiateur.
Sauf à éclairer cette incurie par les propos de la précédente locataire, Roselyne Bachelot, en mai 2021 : « Quant au reste, régler les conflits qu’il y a entre les artistes-auteurs, je préférerais régler les conflits territoriaux en mer de Chine, ce serait plus simple pour moi. »
De ces observations découle une réelle problématique : celle de l’efficacité que l’on prête à Valois. Si des règles de représentativité lors de ces rencontres ont été posées, où se trouvent-elles ? N’incombe-t-il pas au médiateur de les rappeler, voire de les graver dans le marbre afin de s’y référer en cas de litige ?
Thomas Fouchault souligne à ce titre que « des pratiques hasardeuses dans l’organisation des cycles de négociations » ont exclu des acteurs clés du processus. Le médiateur n’a-t-il pas pour mission de poser le cadre des échanges, sans porter préjudice aux parties représentées ?
Que la séance soit levée, en invoquant le fait que les conditions d’une discussion sereine ne sont pas réunies prête à sourire. Comment sont établis les quotas d’intervenants lors de ces réunions et sur quels critères ? Si le médiateur n’a pas fixé au préalable les règles du jeu, comment s'y référer pour raison garder sans laisser chacun libre de les modifier pour favoriser ses intérêts ?
Et ce, en se satisfaisant d'un hochement de tête, de ce qu’un pareil comportement implique de discrimination, jusqu'à ce qu'elle soit constatée par un officier public. De récurrents rappels à la loi semblent nécessaires à Valois, y compris des condamnations…
Nous attendons les réponses du ministère de la Culture, du Syndicat national de l'édition, ainsi que des précisions des autres organisations présentes lors de cette séquence.
Crédits photo : Rima Abdul-Malak - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
21 Commentaires
Jojo
11/10/2023 à 19:52
"Le ministère de la Culture, médiateur des auteurs, marionnette des éditeurs ?"
Clown de la culture.
Jojo
11/10/2023 à 21:23
Madame Abdul-Malak a débuté chez les clowns sans frontières. Alors, pourquoi pas continuer comme marionnette des éditeurs pour finir comme guignol de l'info.
Philomène Atout
11/10/2023 à 22:39
Chacun peut constater à quel point les politiques sont des autrices/auteurs (presque) comme les autres. Ils rêvent tous de publier leur livre, si possible chez un éditeur connu et comme les auteurs, ils craignent de ne pas être choisis.
C'est un impensé que nous considérons comme triviale "M'enfin! ça se peut pas!"... mais une peur bien réelle au fond à ne pas trop s'exposer face aux éditeurs (qui peuvent si facilement se rappeler qu'un tel ou une telle les aura finalement bien emmerdé) Et d'ailleurs le politique y pensera aussi le jour où il sollicitera un éditeur de bien vouloir le publier...
Pour les éditeurs, publier des politiques est un investissement finalement pas trop onéreux et qui, on le voit à chaque rapport de force, fait son office.
Marie
12/10/2023 à 08:37
De quoi se mêle-t-elle, ou plutôt son ministère? "Qui trop embrasse mal étreint"? Le pouvoir de censure montrait son nez, ou bien alors elle ne savait que faire pour occuper son temps. Lire, peut-être...?
Dominique Sels
12/10/2023 à 09:45
Il est temps de commander à Jonathan Swift Une Modeste proposition pour empêcher les auteurs, si pauvres, de France, d'être à la charge de leurs éditeurs et libraires ou de leur pays et pour les rendre utiles au public
- puis de soumettre la proposition à madame la ministre.
Mathias Lair
12/10/2023 à 17:19
Point d'histoire : Le SNE esquivait toute négociation avec les organisations d'auteur, il était impossible de déboucher sur quelque accord que ce soit. Les auteurs ont été heureux de voir apparaître la médiation du Ministère de la culture, qui a permis malgré tout quelques accords lors du dernier round de négociation, et qui a permis la relance (difficile, donc) de celle-ci cette année. Sinon il n'y aurait rien eu. Attendons la suite...
Jojo
13/10/2023 à 10:23
Sauf qu'attendre la suite revient sans arrêt à attendre la suite de la suite de la suite de la suite…
Les ministres se succèdent et font toujours le jeu du SNE.
La carrière d'un ministre de la culture est courte et il doit penser à l'après, ne pas se brouiller avec les éditeurs qui pourraient le publier. L'ex-ministre doit faire le choix entre l'intérêt personnel et l'intérêt général (ou du plus grand nombre) et, faute de courage, l'intérêt du plus grand nombre (celui des auteurs) passe systématiquement à la trappe. Il y a un conflit d'intérêt qui ne dit pas son nom. C'est ce que révèle aussi ce mot "appropriée" que les politiques ont voulu effacer.
La rémunération proportionnelle, c'est la reconnaissance d'un droit de propriété lié au succès. La rémunération appropriée, c'est la reconnaissance d'un droit du travail lié au talent qui pour l'instant est volontairement invisibilisé.
Attendons la suite… c'est tout vu, l'auteur ne sera jamais rémunéré pour son acte créatif mais seulement sur l'exploitation du produit de sa création. Ça arrange les éditeurs et la liberté d'expression est aussi un prétexte pour ne surtout pas faire valoir un droit du travail.
L'auteur ne sera jamais rémunéré de manière appropriée parce qu'aucun ministre n'aura le courage de se placer en véritable médiateur. Le système du droit d'auteur est ultralibéral et non libéral puisque l'État refuse de jouer son rôle d'arbitre, de définir des règles du jeu claires entre les intérêts des éditeurs et ceux des auteurs. Ce qui serait dans l'intérêt de tous si on pousse la logique à très long terme. Mais non, le monde de l'édition préfère regarder vers le passé. Un monde poussiéreux, dépassé par son époque. Une aristocratie ridicule ou le népotisme existe trop souvent.
Que l'URSSAF prélève des cotisations sur un droit de propriété et non sur un droit du travail, ça ne choque personne ?
Qu'un auteur retraité continue de cotiser pour sa retraite sur ses droits annuels sans pour autant bonifier sa retraite, ça ne choque personne ?
Le scandale de l'AGESSA, disparu dans le vortex !
Etc.
Le système de rémunération des auteurs et le système de protection sociale des auteurs sont absurdes. Il faudrait tout remettre à plat et tout repenser. Aucun ministre de la culture ou/et des affaires sociales n'aura le courage de faire les réformes nécessaires pour faire entre le métier d'auteur dans la modernité. Là, on est coincé au XIXè s. avec une vision romantique (donc libérale de la première heure) de l'artiste. On est dans une forme de capitalisme complètement anachronique avec une répartition de la valeur entre éditeurs et auteurs mais aussi entre auteurs on ne peut plus archaïque.
Attendre la suite revient à découvrir inlassablement que les dés sont pipés. La suite sera la rediffusion de l'épisode en cours : se réunir pour discuter de tout cela afin de décider de se réunir ultérieurement afin de remettre tout cela toujours à plus tard… C'est Sisyphe chez les clowns !
Mathias Lair
15/10/2023 à 12:06
Oui, je ne parlais que des petits pas… Vous imaginez un grand pas, pas mal vu, Jojo ! Mais je ne vois pas les petits et moyens éditeurs payer l’acte de création, ils n’en ont pas les moyens. Ce système serait valable pour les gros tireurs édités par des grosses machines. C’est la mort du petit commerce ! Le livre n’est pas un produit. En tous cas pas un produit comme les autres. La création ne peut entrer dans le process de production habituel, c’est un casse-tête ! Pour la fabrication des gros bouzins pour large public, à forte valeur ajoutée, oui. La plupart des œuvres qui restent n’ont pas été écrites par des écrivains professionnels.
Jojo
16/10/2023 à 08:06
Petit ou gros éditeur, l'acte de rémunération doit être rémunéré. Tout travail mérite salaire, c'est un principe philosophique. Peu importe la taille de l'éditeur. Qu'une entreprise soit minuscule ou gigantesque, elle doit payer ceux qui travaillent pour elle. Ne pas payer un travailleur, c'est le réduire en esclavage. Peu importe la taille de l'exploiteur. Le petit éditeur rêve de devenir gros et ce n'es tpas à l'auteur de lui faire la courte échelle.
Si un commanditaire fait construire un immeuble pour louer ses appartements, il ne se contente pas de rémunérer les ouvriers et l'architecte sur un pourcentage à provenir des loyers. Il paye la construction : les salaires et les matériaux. Les éditeurs se contentent de rémunérer les auteurs avec un intéressement aux bénéfices qu'on nomme pompeusement droit d'auteur. L'avance ne rémunère jamais le travail contrairement à ce que croient beaucoup d'auteurs. L'avance n'est rien de plus qu'un prêt à taux zéro que l'auteur doit rembourser intégralement sur les ventes de ses ouvrages. Ventes hypothétiques. Un pari. Le succès de ce pari est comparable à un billet de loterie. L'auteur peut espérer gagner su un billet mais l'éditeur, sur plusieurs. De plus, l'éditeur n'a pas un mais plusieurs couloirs pour amortir cette avance (la gestion, la finance sont des métiers). Si l'auteur ne termine pas son ouvrage, il doit rendre son avance. Mais s'il a versé des cotisations sociales sur cette avance, l'URSSAF ne lui rendra rien et il aura doublement travaillé à perte. Ce système est absurde et la redistribution de la valeur qui doit être refondée.
En cent ans, le métier d'auteur a changé. Cette activité n'est plus réservée a une élite bourgeoise cultivée qui possédait du bien et pouvait s'offrir le luxe de ne pas se rémunérer pour son travail de création. La classe moyenne a engendré des auteurs. Le métier s'est démocratisé.
La vision romantique du livre qui n'est pas un produit comme les autres fait le jeu des éditeurs. Le livre est devenu un produit comme les autres, surtout depuis qu'internet existe et depuis que l'édition s'est globalement financiarisée. Les éditeurs indépendants sont devenus rares et le seront de plus en plus. La distribution les fera tous plier. Les éditeurs ne sont pas des poètes, pas des littéraires mais des marchands et seulement des marchands. Les auteurs ont besoin de ces marchands mais ils n'ont plus à leur être inféodés.
La vision romantique du droit d'auteur, nous la tenons de Caron de Beaumachais et de Hugo. Beaumarchais pour la rémunération au succès et Hugo pour le droit moral. Mais l'erreur de Beaumarchais est de n'avoir pensé que la rémunération du succès. C'était son intérêt personnel. En 1777 se crée de qui s'appellera las SACD et en 1776, Adam Smith publie "An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations". LEs Lumières sont aussi écossaises. La vision de Smith de la rémunération de l'artiste est basée non pas sur le succès mais sur le talent, c'est-à-dire, le savoir-faire, c'est-à-dire le travail. S'il convient de faire aujourd'hui, c'est la synthèse des deux. Rémunérer le talent (rémunération appropriée) ET le succès (rémunération proportionnelle). Les deux ne sont pas nécessairement compatibles, malheureusement.
Le jeu des éditeurs est d'utiliser les concepts de liberté d'expression et de droit d'auteur pour ne pas rémunérer le travail. Mais expliquez-moi comment un auteur peut avoir une liberté d'expression s'il est pauvre, s'il n'a pas moyen de financer sa création ?
Joseph Béhé
16/10/2023 à 09:52
Il me semble qu'il y a, de fait, une différence entre
> d'un coté des "projets d'auteurs" (que les auteurs imaginent tous seuls chez eux, puis essaient de les placer chez un éditeur et pour lequel, au final, ils obtiendront dans le meilleur des cas "le prix du marché").
> et de l'autre les "projets d'éditeurs" où ce sont les éditeurs qui appellent des auteurs pour leur commander un livre, de travailler sur un sujet ou de proposer une collaboration. J'estime que lorsque les éditeurs font cela et qu'au final ils octroient une rémunération de merde, c'est assez abjecte (pour rester poli).
Jojo
16/10/2023 à 12:33
Que ce soit un projet personnel ou un projet de commande quand bien même, il faut rémunérer l'acte de création. Dans les deux cas, le travail existe et n'a pas à être invisibilisé.
L'avance et les pourcentages ne correspondent qu'à des droits patrimoniaux, JAMAIS à un droit du travail, JAMAIS !
Un travailleur non rémunéré s'appelle un esclave. Ce que sont les auteurs pauvres qui nourrissent els éditeurs.
Si vous faites une différence entre la rémunération du travail d'un projet d'auteur avec celle d'un projet de commande, les éditeurs se débrouilleront pour ne jamais considérer le travail qui correspond à la majeure partie des ouvrages publiés en considérant tous les projets de commande comme des projets d'auteur. Avec le discours, on manipule qui on veut. Avec des lois, un cadre, c'est plus difficile. Le cadre pour définir l'acte de création, il n'existe pas parce que les éditeurs refusent de le voir exister et l'État est de leur côté. Les ministres ont des visions à court terme et pensent uniquement à leur intérêt personnel.
À partir du moment où un projet d'auteur est accepté par un éditeur, une date de rendu est décidée entre les parties. Le projet d'auteur est rarement terminé lorsqu'il est présenté à un éditeur et l'éditeur travaille dessus aussi pour le faire rentrer dans sa politique éditoriale. Par conséquent, puisqu'il y a date de rendu, il y a travail et ce qui était "projet personnel" devient "commande".
Tous les ouvrages doivent être rémunérés en fonction du travail qu'ils nécessitent pour exister. Il y a une différence entre le travail à fournir pour faire exister une œuvre et le succès qui découle du produit de ce travail. Un livre qui demande deux ans de travail peut ne pas se vendre. Un autre qui demande quinze jours de travail peut être un bestseller. Le droit d'auteur ne prend pas en considération le temps de travail de l'auteur. C'est au code du travail de l'inventer.
Actuellement, le gros problème des éditeurs, c'est l'inflation du coût des matières premières : le papier pour l'impression et le carburant pour transporter les livres (principalement). Dans la cervelle des éditeurs, la matière première qui provient des auteurs n'existe pas et son inflation est nulle. Ben non, la matière première sans laquelle rien n'existerait, c'est l'imagination des auteurs. Cette imagination a un prix. De la même manière que tout ce qui provient de la nature a un prix. La valeur ne débute pas à la transformation de l'imagination en livre imprimé. L'imagination précède. La valeur première, la matière première, c'est l''imagination et cette imagination, c'est du travail. Les concepts, les histoires ne naissent pas par enchantement. Il faut le temps d'y réfléchir et cette réflexion à coût.
Vous pouvez tourner l'équation dans tous les sens, vous ne parviendrez jamais à me démontrer que les éditeurs rémunèrent autre chose que le succès commercial.
Si les ministres successifs prennent la tangente lorsqu'il faut aborder la rémunération de l'acte de création, c'est parce qu'ils savent que tout l'édifice de l'édition repose sur une absurdité depuis Napoléon 1er.
L'État a été condamné pour cette histoire de "rémunération proportionnelle et appropriée". L'État et les éditeurs sont loin d'être des imbéciles. Ils ont parfaitement compris ce que signifie "appropriée" : la rémunération de l'acte de création.
Il faut qu'un droit du travail des auteurs existe et que ce travail particulier soit rémunéré. Refuser de l'admettre, c'est accepter la paupérisation croissante de la majorité des auteurs. C'est accepté leur précarité.
Joseph Béhé
16/10/2023 à 14:39
Bien sûr, je vous suis sur le fond. En théorie vous avez raison. Je cherchais un début de brèche possible pour commencer à changer la donne. Un levier sur lequel s'appuyer.
Sur la "matière première", il me semble que c'est une source qui coule quelles que soient les conditions dans lesquelles les auteur.e.s écrivent ou dessinent.
Jojo
17/10/2023 à 16:10
La "matière première" qu'est l'imagination (donc du savoir-faire) doit être valorisée indépendamment du succès.
Actuellement, les éditeurs prétendent que l'édition est une "économie du succès".
À croire qu'ils sont tous à la tête de la Française des Jeux et que les auteurs sont les joueurs.
Les éditeurs ne retiennent que le succès commercial parce que ce sont des marchands et l'auteur n'espèrent qu'être l'heureux gagnant parce que c'est un poète ou un clown.
Le succès s'accorde avec quantitatif, le savoir-faire s'accorde avec qualitatif.
Si le temps passé pour produire de la qualité est aussi quantitatif, le succès est indépendant de ce temps passé. Un auteur n'a pas nécessairement du succès parce qu'il a du talent et inversement.
Ce qui met la planète en l'air (plutôt l'humanité), c'est cette obsession du quantitatif et ce mépris du qualitatif.
Le capitalisme, c'est cette utopie du "toujours plus", d'un monde sans fin. Cette utopie se réalise au détriment de toutes les ressources. L'imagination n'y échappe pas.
Le qualitatif, commence par la reconnaissance de la source : la matière première. Dans le cas des artistes, des auteurs et des scientifiques, c'est l'imagination. Cette imagination est fondée sur la connaissance et l'expérience. Ce qui correspond a énormément de travail !
Ce n'est pas chez Beaumarchais mais chez Adam Smith qu'on trouve ce qui manque à la réflexion actuelle sur le statut économique et social des auteurs.
La rémunération proportionnelle est quantitative : le succès (nombre d'exemplaires vendus).
La rémunération appropriée doit être qualitative : le talent (travail : connaissances, réflexion, imagination).
Il est bien évident qu'il y a du quantitatif dans le travail aussi : le temps de travail passé.
Voilà, je me répète mais j'essaie d'exposer ma pensée avec le plus de précision possible.
Bien à vous !
Adhérent Charte déçu...
12/10/2023 à 23:36
Ce commentaire a été refusé parce qu’il contrevient aux règles établies par la rédaction concernant les messages autorisés. Les commentaires sont modérés a priori : lus par l’équipe, ils ne sont acceptés qu'à condition de répondre à la Charte. Pour plus d’informations, consultez la rubrique dédiée.
Adhérent Charte déçu...
13/10/2023 à 07:57
La voix de son maître - Actualitte.com censure désormais la parole des auteurs qui ne sont pas dans la "ligne du parti" ? (Cf. dernier message censuré par la rédaction).
Cela dit, rien de très étonnant. Je lis en effet dans la dernière lettre d'info adressée hier par la Charte à ses membres que le journaliste d'Actualitté est désigné en ces termes : "notre journaliste"... Lapsus qui en dit long...
Bonjour Moscou...
Nicolas Gary - ActuaLitté
13/10/2023 à 09:05
Bonjour
L'anonymat est une chose que nous permettons et protégeons pour les commentaires.
Mais l'attaque directe et agressive que vous avez portée dans le commentaire que nous avons refusé (pas censuré, ne vous prenez pas non plus pour un activiste opposant au régime de Vladimir Poutine) nécessite que nous soyons assuré de ne pas avoir affaire à un vilain troll, commentant sans identité ni email, pour être certain de médire.
D'ailleurs, voyez : votre seconde intervention a, elle, été validée, preuve évidente que nous avons une ligne et un part... Risible.
Vous pouvez tout à fait m'écrire à ng@actualitte.com pour régler ce point et dissiper tout malentendu.
Ou continuer de chercher à poster des commentaires accusateurs en tout anonymat : suivant leur niveau, ils seront acceptés ou refusés.
A vous de voir, cher victime de ces horribles censeurs d'ActuaLitté (vraiment... censure... risible........)
Mathias Lair
13/10/2023 à 09:32
Je trouve que la pratique du masque du pseudo est inacceptable : on devrait avoir le courage de soutenir ce que l'on dit ; être responsable, cad répondre de sa parole. Sinon toutes les perversités sont possibles.
Dominique Sels
13/10/2023 à 11:55
Il faut en convenir, la pratique du pseudo est discutable, on se rabaisse soi-même en le faisant. Je trouve une certaine richesse en plusieurs points distincts aux quelques commentaires de cet article, Philomène Atout a bien raison aussi, au sujet de l'énorme impensé de gens aux manettes qui auront toujours un jour un tapuscrit à placer. Nous devons nous emparer de cela pour ce combat
Jojo
15/10/2023 à 10:28
Comme l'isoloir pour le vote, il y a des situations où le pseudonyme est nécessaire. Pour qu'un auteur puisse s'exprimer librement sans craindre des représailles de ses éditeurs. Tous les auteurs n'ont pas deux activités, une pour se faire plaisir en écrivant et l'autre pour payer ses factures. Plus facile de parler sans pseudo lorsqu'on a un filet de sécurité, non ?
Dominique Sels
15/10/2023 à 14:34
Je n'ai pas de filet de sécurité économique, croyez le bien. mais je reçois bien votre argument. Voltaire et Diderot, les articles de l'Encyclopédie etc, pratiquent la publication sans nom d'auteur et tout ça... C'est délicat. Quand j'ai écrit "on se rabaisse soi même en le faisant", c'est que en effet, parfois quand j'ai utilisé un pseudo pour commenter un article d'Actualitte, je me suis sentie pouvoir glisser vers l'acrimonieux, le bas, le pas tres digne... C'est de cette sensation là dont je voulais témoigner
Mathias Lair
13/10/2023 à 09:29
Tout à fait vrai, hélas...