Mai a été consacré en 2022 mois du livre audio par le Syndicat national de l’édition (SNE). Le Festival Vox, dévoué à la lecture à voix haute, a intégré l’audiobook pour élargir son offre. Le marathon de la lecture et le Prix collège du livre audio reviennent pour une seconde année, pour le premier le 13 mai à la Maison de la Poésie, et le second le 1er juin au Cinéma Méliès à Montreuil.
Le 08/05/2023 à 09:55 par Hocine Bouhadjera
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08/05/2023 à 09:55
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L’ancienne Présidente de la Commission livre audio du SNE, lancée en 2015, et actuelle Présidente de l’Association de Promotion du Livre Audio/Vox, Paule du Bouchet, nous présente l’esprit du Festival Vox : « Lorsque la Commission livre audio du SNE a été créée, l’idée était de généraliser l’usage du livre audio, qui était alors émergent. Pour favoriser cette ambition, il est important de façonner des événements qui existent déjà dans l’édition d’ouvrages “traditionnels” : des salons, des prix, des rencontres… »
Autant de moments où le public rencontre les acteurs de ce secteur : « Ce festival est né de cette volonté. »
La toute première édition de Vox fut initiée par le fondateur de la librairie Folies d’encre et participant actif à la création du Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ), Jean-Marie Ozanne. Elle se tournait vers la lecture à voix haute en milieu urbain. En 2019, s’est adjoint le livre audio, considérant que les deux univers se rejoignaient sur le terrain de la littérature couplée à l’oralité. Après une édition 2020 en ligne du fait de la pandémie de Covid-19, et une édition 2021 hybride, « car les choses n’étaient pas revenues d’aplomb », l’initiative s'est véritablement déployée à partir de 2022.
Pour la seconde fois, la Maison de la Poésie, « lieu symbolique de l’oralité à Paris », accueillera un véritable marathon vocal. Ce 13 mai, entre 15h25 et 19h30, les curieux profiteront d’une série de lectures ininterrompues d’extraits de livres audio portés par des comédiens, tous deux choisis par les maisons productrices d’audiobooks.
Entre autres, Samuel Labarthe lira Les quatre d’Agatha Christie (Audiolib), Rachel Arditi Le royaume désuni de Jonathan Coe (Ecoutez Lire Gallimard), Dominique Reymond Le papier peint jaune de Charlotte Perkins Gillman (Des femmes - Antoinette Fouque), Lola Naymark Sa préférée de Sarah Jollien-Fardel (Audible)... En tout 12 extraits d’œuvres restitués, avant un verre de l’amitié, et une soirée autour de l’auteur Peter Kurzeck à la Librairie EXC, en face de la Maison de la Poésie, à partir de 20h30.
En ouverture du marathon de lecture à 14h, une table ronde, De la page à la voix, sera proposée, « destinée à approfondir la réflexion autour du livre audio, ses qualités, son évolution ou encore ses spécificités », reprend Paule du Bouchet qui mènera les discussions.
Quatre participants, dont deux comédiens qui liront chacun l’extrait d’un ouvrage durant l'après-midi : Isabelle Carré (16h05 : Le jeu des si, éditions des femmes - Antoinette Fouque) et Jacques Bonnaffé (15h25 : Chien 51 de Laurent Gaudé ; Actes Sud). « La première, Isabelle Carré est actrice, mais également autrice, apportant sa double expérience de l’oralité et de l’écrit », détaille Paule du Bouchet, « quand Jacques Bonnaffé est un lecteur d’une intensité qu’on ne présente plus, et qui nous parlera du rapport création-interprétation, en sachant qu’il est également un metteur en scène respecté. »
Participeront également à cette discussion le directeur de la Maison de la Poésie, Olivier Chaudenson, et la co-directrice des éditions des femmes, Christine Villeneuve : « Une structure qui a presque été à l’origine en France des éditions sonores, et qui continue à soumettre de nombreux titres. L’occasion de pointer que ce sont les éditions des femmes qui ont été, avec d'autres, à l'initiative de cette mise en valeur de la parole. »
Enfin, nouveauté cette année, en parallèle au marathon, des lectures déambulatoires passage Molière seront présentées à partir de 14h, « comme des croques en bouche pour le promeneur, qui s’arrête un instant, et pourquoi pas, se décide à passer la porte de la Maison de la Poésie ». Toute une programmation avec un esprit, « le partage », constitutif de la pratique de la lecture à haute voix.
La partie dite jeunesse du Festival Vox maintient cette édition le Prix collège du livre audio, sur la base d’une sélection de six titres réalisée par les éditeurs. Elle a été soumise à des classes de six collèges de Seine Saint-Denis, contre deux l’édition précédente.
Une initiative, parrainée cette année par le « grand défenseur de la lecture à voix haute » Daniel Pennac, bien plus ambitieuse que seulement récompenser une œuvre écrite, interprétée par un comédien : « On a lié un partenariat avec la formation théâtrale des Tréteaux de France, afin que deux de leurs comédiens interviennent auprès des jeunes pour les initier aux arts de la scène », décrit Paule du Bouchet.
Une approche pédagogique née d’une réflexion plus globale sur l’art de parler, intimement relié à l’art d’entendre : « Les collégiens sont formés à la comédie, mais aussi à la rhétorique, à la capacité de défendre leur point de vue, de se présenter devant un public, etc. »
De par ce travail, leur choix du livre audio lauréat ne sera que plus éclairé : « Ils vont maîtriser les mécanismes de production, les formes, les causalités. » S’initier à l'expression orale révélera-t-il chez certains des qualités d’éloquences, à même de servir leur avenir ?
Pratiquement, les comédiens interviennent pendant 6 mois pour 4 séances par demi-classe consacrées à l’apprentissage du rapport avec le public et des techniques de lecture à voix haute. Des rencontres avec des éditeurs sont par ailleurs organisées.
Après écoute des productions pré-sélectionnées, chacune de ces classes voteront pour leur livre audio favori, et défendront leur choix publiquement lors d’une restitution qui aura lieu le 1er juin prochain au Cinéma le Méliès à Montreuil.
Enfin, le troisième grand moment du festival sera un nouveau marathon de lectures, mais cette fois-ci d'œuvres jeunesse, qui se tiendra à l’occasion du Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ) 2023, fin novembre-début décembre.
Paule du Bouchet s'attache à défendre le livre audio, car elle en est convaincue : « La lecture orale n’est pas simplement la traduction avec d’autres moyens d’un texte écrit. » Et de développer : « Quand on pratique le livre oral, on se rend compte que ce qui se dit à travers la voix charnelle est quelque chose que vous ne percevez pas lors de la lecture silencieuse. La voix donne une autre dimension à l’oeuvre, nous fait ouïr son mystère. Une mesure que parfois même l’auteur ne sait pas qu’il l’a inscrite dans son ouvrage. Cicéron parlait du chant obscur de la voix. »
La Présidente de l’Association de Promotion du Livre Audio/Vox nous confie sa propre expérience : « Des textes que j’ai moi-même commis, en les entendant par la voix d’un autre, m’ont surpris jusqu’à me faire la réflexion : “Je ne savais pas que j’avais écrit ça !” Une expérience que nombre d’auteurs m’ont également rapportée. »
L’audiobook constituerait donc plus qu’un complément à la lecture, perçue comme une pratique plus noble, mais bien une nouvelle œuvre. Malgré l’augmentation constante des utilisateurs, avec une accélération ces dernières années, des préjugés persistent sur le médium, jusqu’à y voir une forme de paresse.
Paule du Bouchet rétorque : « Vive la paresse ! Pourquoi pas, l’idée est d’abord de creuser un accès supplémentaire au livre. » Elle ajoute : « C’est très important d’avoir de la liberté par rapport à la littérature. C’est Daniel Pennac qui, dans Comme un roman (Gallimard 1992), fait l’éloge, non pas de la fainéantise mais de la possibilité de, face à tous les oukases que l’on a pu nous donner concernant la lecture : commencer par le début, terminer par la fin, pas s’interrompre… »
Et de développer : « Un très grand poète du XXe siècle que je ne citerai pas disait que pour que “le mot tienne sur ma page, il faut d’abord qu’elle tienne sur ma bouche.” Baudrillard faisait l’apologie de sa manière de lire, qui est de faire son marché… On lit comme on veut, et si on a envie d’écouter pourquoi pas : c’est toujours de la littérature. »
En résumé : pas intéressant de faire des jugements de valeur sur les types de lectures, car tout est bon à partir du moment où on favorise l’accessibilité, et donc la démocratisation de la culture. Le livre audio perçu comme destiné aux seuls malvoyants, c’est terminé depuis longtemps avec l’essor de la dématérialisation, la diversification du contenu proposé, et l'exigence qualitative pour répondre à la rude compétition des acteurs du marché : que ce soit en termes d’habillage sonore, de rythme, voire de mise en scène.
D’ailleurs, le Festival Vox propose en ligne des playlists d’extraits par éditeur, Radio Vox, et les replays des lectures des éditions précédentes.
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Paradoxalement, cet attachement ancien à l’oralité retrouve une vigueur avec les outils de la modernité. Paule du Bouchet confirme : « Au Moyen-Âge, ceux qui pratiquaient la lecture silencieuse étaient même mal perçus. Les toutes premières inscriptions gravées sur les vases grecs, c’étaient à voix sorties, hautes, qui s’adressaient à quelqu’un de vivant. Ce n’était pas pensé pour la lecture silencieuse. Cette dernière pratique est une invention de l’imprimerie. »
Et de conclure : « La voix donne quelque chose de plus au texte, et c’est ce plus que nous célébrons. »
Crédits photo : Paule Du Bouchet © Francesca Mantovani
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
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