La pratique est ancienne, courante pour certains éditeurs, mais reste recouverte d'un voile pudique : le pilon, ou la destruction des exemplaires invendus, reste indissociable de l'industrie du livre. Justifiée par les incertitudes du marché, la maitrise des coûts de fabrication et les frais de stockage, elle se trouve néanmoins de plus en plus critiquée, face à l'impératif de la sobriété environnementale...
Le 21/06/2023 à 16:56 par Antoine Oury
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Publié le :
21/06/2023 à 16:56
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C'est le secret le mieux connu, mais aussi le plus strictement gardé, du secteur. Chaque année, des milliers d'ouvrages disparaissent. Invendus et retournés chez les distributeurs, ils sont détruits sur décision de l'éditeur, estimant qu'il ne les écoulera pas à court et moyen termes, et que leur entreposage sera trop coûteux.
D'après le Syndicat national de l'édition, qui représente plusieurs centaines de structures françaises, 26.300 tonnes de livres par an sont pilonnées, en moyenne.
Ce qui représente, toujours en moyenne, 13,2 % de la production apportée par les distributeurs aux points de vente (librairies, grandes surfaces culturelles, hypermarchés...). Mais aussi plus de la moitié des volumes d'ouvrages invendus (42.200 tonnes par an) : un livre sans lecteur aura donc de bonnes chances d'être purement et simplement broyé.
Publiée en février 2020, la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) entend réduire les destructions des produits invendus, qu'ils soient alimentaires ou non-alimentaires. Elle s'attaque d'abord à la première catégorie, en introduisant des obligations — limitées — de non-destruction des invendus et de don.
Les consommateurs sont aussi encouragés, notamment par la diffusion de messages relatifs aux dates de durabilité minimale des produits alimentaires : le pictogramme et le slogan « Observez, sentez, goûtez » sont désormais connus.
Pour les invendus non-alimentaires, cette même loi AGEC oblige les producteurs, importateurs et distributeurs à les réemployer, réutiliser ou recycler, depuis le 1er janvier 2022. Le secteur du livre était largement épargné par cette législation, mais bien concerné par l'interdiction de la destruction des invendus, souligne Karen Politis Boublil, chargée de mission pour les commissions Économique et Environnement et Fabrication du Syndicat national de l'édition.
« Au sens de la loi, la “destruction” consiste en une incinération ou un enfouissement. Dans le secteur de l’édition, les invendus ne sont pas détruits, mais recyclés, pour produire de la pâte à papier qui retourne ensuite dans les circuits de production », nous précise-t-elle. Le SNE insiste d'ailleurs sur ce point depuis plusieurs années : 100 % des livres pilonnés seraient recyclés.
La pratique du recyclage constituait il y a quelques années un véritable progrès, par rapport à l'anéantissement pur et simple. Le développement de cette seconde vie du papier et des cartons est indéniable et, estime Karen Politis Boublil, « [l]es papiers graphiques et les cartons sont plutôt bien recyclés en France, avec un volume de l’ordre de 70 % de la production ».
En 2021, d'après l'Actualisation 2021 des flux de produits graphiques en France proposée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), 6,8 millions de tonnes de papiers graphiques et de cartons ont été recyclées. « L’édition, sur la même année, représente 26.300 tonnes d’ouvrages recyclés, soit 0,38 % de l’ensemble », remarque la chargée de mission du SNE.
Un volume qui parait négligeable, mais que l'urgence environnementale remet néanmoins en perspective. D'autant plus que ce recyclage n'est pas sans perte qualitative pour le papier en question : « Une petite part de cette pâte à papier issue de livres recyclés est réutilisée pour la fabrication de livres. Elle est plutôt utilisée pour d’autres emplois, notamment le papier destiné à l’impression de journaux », détaille Karen Politis Boublil.
Le secteur de l'édition lui-même n'utilise qu'une très faible proportion de papier recyclé, autour de 1 % de ses achats totaux, un volume qui n'a pas évolué depuis des années. En cause, une qualité moindre du papier, qui ne laisserait pas les lecteurs satisfaits.
En somme, si un bouquin se recycle, cette opération ne compense pas totalement les ressources utilisées pour le fabriquer, d'autant qu'un titre recyclé n'équivaut pas à un neuf.
Le livre ne se recycle pas à l'infini, et ce recyclage lui-même a par ailleurs un coût énergétique. Des voix s'élèvent donc contre un pilon qui, s'il a changé de moyen en délaissant l'incinération, reste problématique, dans la mesure où il « excuse » une production de masse.
Sans surprise, ce discours s'entend du côté du marché de l'occasion, voire de l'économie sociale et solidaire. Représentant le premier, le groupe allemand Momox, géant de la reprise et de la revente de livres et de produits culturels, a diffusé un communiqué à l'occasion de la Journée mondiale du recyclage, le 18 mars, pour attirer l'attention sur le cas de l'édition.
« À titre d’exemple, interdire le pilonnage des livres invendus permettrait une réduction de plus de 47.000 tonnes de CO2/an, si on considère qu’un livre neuf peut émettre jusqu’à 1,8 kg de gaz à effet de serre », souligne le message en citant des données de l'association française The Shift Project, présidé par Jean-Marc Jancovici.
Le raccourci doit être explicité : la remarque de Momox vise moins le recyclage que la surproduction d'ouvrages : le chiffre de The Shift Project, établissant l'émission de 1,8 kg de gaz à effet de serre à un livre neuf, recouvre toute son existence, de sa fabrication à son achat par le client, et pas du tout la phase de recyclage à proprement parler.
Interrogé, Heiner Kroke, président directeur général de Momox, précise : « Aujourd’hui, les méthodes de production les moins durables sont celles qui coûtent le moins cher et le pilonnage des invendus constitue l’une des seules solutions pour minimiser les frais de stockage. »
Évoquant surtout la fabrication et le transport du livre, Kroke poursuit en suggérant des leviers d'amélioration, comme « l’utilisation de papiers recyclés et issus de ressources durables, la réduction des déchets d’emballage et des émissions liées au transport, ainsi que la baisse de la consommation d’énergie liée à la fabrication et l’impression des livres ».
Interrogé sur la situation en Allemagne, le PDG de Momox ajoute qu'il n’existe pas de réglementation spécifique au pilonnage des livres outre-Rhin, lequel « reste malheureusement une pratique courante, bien que plus limitée qu’en France ».
Du côté de l'économie sociale et solidaire, l'un des acteurs, Ammareal, se prononce aussi en faveur d'une régulation. « Qu’il y ait une loi qui cherche à interdire ou limiter cette mise au pilon, cela me semble quelque chose de complément pertinent », assure Renan Ayrault, cofondateur et président de la société. « J’imagine que, pour les éditeurs, cela ferait réfléchir aux quantités produites, aux méthodes de production, à la gestion du réassort. »
Selon lui, « contraindre les éditeurs changerait un mode de production bien établi » et les habitudes d'un autre temps. « Il n’y a pas de raison que le secteur soit traité autrement que d’autres producteurs ou industries », affirme-t-il.
Un discours en faveur de la législation et de la responsabilisation qui fait son chemin dans le secteur, où les études et formations des agences régionales et autres associations sur le sujet se multiplient.
Depuis 2019, l'Association pour l'écologie du livre propose ainsi un autre discours pour penser l'impact écologique, considéré comme un objet social, d'une part, mais aussi comme un produit souvent fabriqué en série, dont l'existence a des conséquences environnementales.
L'exclusion du livre de la filière à responsabilité élargie des producteurs, encore confirmée en début d'année 2023, témoigne d'une aura persistante, l'objet étant abordé comme un bien culturel à part. « La presse et le livre ne sont pas des contenants polluants, mais des contenus vertueux sur lesquels nous devons nous appuyer pour ne pas sombrer dans une société où les mots, noyés dans un torrent numérique, perdraient de leur valeur et de leur sagesse », annonçait ainsi Laurent Esquenet-Goxes, député Démocrate et apparentés, en janvier dernier.
Une déclaration à laquelle répondait Thomas Bout, membre de l'Association pour l'écologie du livre et fondateur des éditions Rue de l’échiquier, dans nos colonnes : « Il est évident que le secteur doit s’interroger sur ses pratiques et que nous sommes concernés, en tant que producteurs, par une empreinte environnementale. Exclure le livre, sur ce plan-là, me semble extrêmement hypocrite et contestable. »
Les acteurs de l'occasion auraient bien sûr intérêt à une limitation des destructions d'ouvrages, comme le reconnait Renan Ayrault : la société assume parfois le rôle d'un soldeur, en reprenant à moindre coût des exemplaires invendus. « Ammareal en bénéficierait un peu, puisque nous devrions voir, logiquement, plus d'éditeurs se tourner vers nous. Cela dit, on ne pourrait pas se permettre non plus de reprendre des milliers d'exemplaires invendus, et à des tarifs trop élevés, car cela serait trop risqué. »
Dans le domaine de l'occasion, « notre offre alimente notre demande : nous sommes en recherche de titres », précise-t-il. Toutefois, un stock de 2000 à 3000 ouvrages invendus du même ouvrage ne représente qu'un faible intérêt : les ventes d'occasion sont constituées d'une multitude de références qui s'écoulent à un ou deux exemplaires, sauf exception — les best-sellers d'un temps et certains classiques.
À ce jour, Ammareal travaille avec 6 éditeurs, auxquels elle rachète des ouvrages, mais aussi avec un grand nombre de librairies, qui souhaitent se séparer de titres de leur stock qu'il n'est plus possible de retourner. Sans oublier les bibliothèques, à l'occasion d'un désherbage des collections.
La société Ammareal elle-même a recours au recyclage, « pour un certain nombre de titres dont nous avons trop d'exemplaires. Nous essayons toutefois de les donner, auparavant, notamment à des associations ou à des écoles. » L'entreprise cède gratuitement entre 30.000 et 50.000 exemplaires par an, selon son cofondateur. Pour le recyclage, elle se tourne principalement vers Paprec, qui s’est engagé par écrit à un traitement de 80 % des volumes en France et 20 % en Espagne et en Allemagne.
« La cession d'ouvrages à des soldeurs précède la fin de l'exploitation d'un livre », précise Renaud Lefebvre, directeur général du Syndicat national de l'édition. « Il ne peut s'agir que d'un solde total : en application de la loi de 1981 sur le prix unique du livre, des livres en librairie au prix public ne peuvent pas coexister avec des ouvrages soldés. Dans le cadre de cette opération, un certain volume d’exemplaires trouve acquéreur auprès d’un soldeur intéressé. Cette exploitation concerne une part faible des ouvrages vendus, bien inférieure à 1 % du marché du livre. »
Une pratique marginale, donc, qui rapporte assez peu d'argent à l'éditeur, et parfois moins — voire rien du tout — à l'auteur. À ce sujet, « [l]e SNE travaille actuellement avec les organisations d’auteurs pour mettre en place une rémunération des auteurs qui n’existe pas encore dans la quasi-totalité des cas », ajoute Renaud Lefebvre. « Les montants seront surtout symboliques », prévient-il, « car les prix de cession aux soldeurs sont très bas, sans commune mesure avec les prix de vente publics en librairies ».
Outre-Rhin, un aménagement dans la loi sur le prix unique du livre permet « aux vendeurs de fixer le prix de leur choix si un ouvrage neuf ne s’est pas vendu dans les 18 premiers mois » détaille Heiner Kroke, le PDG de Momox. Par ailleurs, « le pilonnage des livres est très impopulaire dans l’opinion allemande, c’est pourquoi de nombreux éditeurs préfèrent donner leurs invendus à des associations ou les revendre à d’autres libraires, puisqu’ils en ont la possibilité, contrairement à la France ».
Modifier la loi sur le prix unique, afin d'ouvrir les possibilités d'écouler plus facilement des stocks ferait sans doute courir un risque aux librairies, notamment les plus fragiles économiquement.
D'après GfK, les fonds récent (1 à 2 ans après la parution) et ancien (3 ans et plus) représentent en effet une part significative des ventes de livres. Mieux encore, le fonds ancien « contribue à la performance des circuits », avec une dynamique conséquente entre 2012 et 2021, surtout dans les librairies, où fonds récent et ancien pèsent pour plus de la moitié du chiffre d'affaires.
Extrait d'une étude GfK Market & Consumer Intelligence pour le Syndicat de la Librairie française (2022)
Parallèlement à la responsabilisation des producteurs, l'écoconception des ouvrages est devenue une question centrale, tant pour l'industrie que pour les observateurs. L'écoconception du livre consiste à prendre en compte l'impératif de sobriété énergétique et l'impact environnemental de la production avant même la fabrication. Une démarche par laquelle un éditeur vise le plus petit bilan carbone, le plus faible coût sociétal pour sa parution.
Outre l'utilisation d'encres particulières, l'écoconception peut limiter l'usage de certains matériaux, difficilement recyclables, bannir le pelliculage des livres — qui donne un aspect brillant —, ou encore s'assurer que le lieu de fabrication se trouve le plus proche possible du lieu de distribution, voire de vente.
« Contraindre à l'écoconception augmenterait les coûts de fabrication, ce qui conduirait mécaniquement à une baisse de la production », souligne Anaïs Massola, présidente de l'Association pour l'écologie du livre. Elle cite en exemple la hausse récente des tarifs du papier, qui a eu pour effet de réduire le rythme de parution de Gallimard Jeunesse, entre autres...
Imposer certaines obligations en matière de fabrication éviterait par ailleurs certaines situations aberrantes, comme l'impression d'ouvrages très loin de leurs lieux de vente, notamment en Chine, fait relevé par plusieurs études passées. L'édition déplore souvent un manque de savoir-faire technique en France ou en Europe, mais l'écoconception pourrait peut-être, justement, faire renoncer à certains produits éditoriaux...
L'écoconception suffirait-elle à circonscrire les productions carbone ? Elle a, pour commencer, certaines limites, rappelées par le Syndicat national de l'édition. « Il faut garder à l’esprit la durabilité du livre : pour un manuel scolaire, il peut être plus pertinent de le doter d’une couverture plus solide, plus épaisse, certes, mais qui permettra de multiples usages, sur la durée », souligne Karen Politis Boublil. « À chaque projet éditorial correspond une écoconception. »
Par ailleurs, plusieurs analyses pointent les conséquences d'une logique de surproduction, en l'attribuant majoritairement aux grands groupes éditoriaux, comme l'a fait le Shift Project dans un rapport de 2021. Citant des données de 2015 relevées par le SNE, l'organisme rappelle qu'« entre 2012 et 2013, le nombre de nouveautés produites par les cinq plus importantes maisons d’édition adhérentes au SNE a augmenté de 23,3 % contre 0,3 % en moyenne pour les autres » (p. 119).
Si 10 années se sont écoulées, les fondamentaux n'ont pas vraiment changé. 69.577 titres (nouveautés et réimpressions) ont été mis sur le marché en 2021, contre 59.461 en 2020 — année exceptionnelle —, 62.483 en 2019 et 61.831 en 2018. S'il faut prendre en compte un possible effet de rattrapage dû au Covid en 2021, l'inflation de la production reste de mise.
Et les habitudes commerciales ont la peau dure : dans une librairie, une grande surface spécialisée ou alimentaire, une pile d'ouvrages ou un présentoir rempli d'exemplaires du même titre sont réputés plus vendeurs.
L'organisation professionnelle des éditeurs, dont le bureau est majoritairement composé de représentants d'importants groupes éditoriaux, assure par la voix de son directeur général qu'elle « mène un travail de fond engagé sur ces questions environnementales, qui vont rester primordiales sur les 10 prochaines années ».
Pour lutter contre la surproduction et le « gaspillage » d'exemplaires, le SNE met en avant le développement de son outil Booktracking, attendu de longue date. Celui-ci « vise à fournir prochainement aux éditeurs des données quotidiennes sur les ventes réelles en librairies, ce qui leur permettra d’estimer les stocks en magasin et de prendre des décisions de retirage en connaissance de cause. À l’heure actuelle, ils ne disposent pas de ces informations », souligne Renaud Lefebvre.
« Ne pas réimprimer un ouvrage dont les stocks excèdent la demande est évidemment la meilleure option du point de vue environnemental », complète-t-il.
Comme d'autres structures professionnelles, notamment les agences régionales et la Fédération interrégionale du livre, le SNE se penche effectivement sur la question, à travers un « Club environnement » qui réunit régulièrement la Commission Environnement du SNE et les adhérents du syndicat intéressés par ces questions, en ligne, afin de faire émerger les interrogations, d’éventuelles solutions et de partager les bonnes pratiques.
« Nous avons lancé un chantier sur l’analyse du cycle de vie de plusieurs types d’ouvrages, pour aller plus loin que le simple bilan carbone », ajoute encore Karen Politis Boublil. « Il s’agit de mesurer l’impact environnemental du livre, de la conception au lecteur. L’Ademe, très intéressée, nous assiste sur le sujet. » L'Association pour l'écologie du livre, pour sa part, dévoilera prochainement une cartographie « écologie du livre ». Pratique, pour un cheminement qui ne fait que commencer...
Photographie : illustration, Ana Guzzo, CC BY-NC 2.0
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
18 Commentaires
Vasseur Laurence
22/06/2023 à 00:05
Très riche article...
Les marchés secondaires comme BookOff ou Gilbert Jeune contribuent largement au recyclage des livres et évitent sans doute des mises au pilon de livres, non?
Dommage que des éditeurs brandissent toujours le même bouclier des coûts de fabrication plus élevés si on produit local plutôt qu'en Chine .. ils ont pensé au coût du fret maritime, la pollution des mers??
Alors que les " gros éditeurs" se font de jolies marges, par rapport à leurs auteurs, dernière roue du carrosse mais oh! combien précieux 🙏🤣🙏...
J'adresse mes meilleures salutations aux courageux qui commencent à prendre fait & cause pour l'eco-conception !
Je la soutiens à 150%....
Stop tout
22/06/2023 à 08:02
Et si tout simplement les éditeurs prenaient en compte les remarques des forces de vente des éditeurs : d’arrêter d’avoir la grosse tête et de vouloir faire plus que la demande. La finalité c’est trop de retours, du pilon etc etc..
sandra ZTL
22/06/2023 à 17:47
Vous parlez bien des Gros et Grands éditeurs là, voir groupe éditorial ? On est bien d'accord ?
JBC Toulouse
22/06/2023 à 08:45
Bel article, bon résumé. Comme tous les produits ayant une date limite de consommation, le livre doit être mangé rapidement, ou finir à la poubelle. C’est en toute connaissance de cause que l’édition continue inexorablement à publier des milliers de romans à deux balles et d’essais non transformables pour continuer d’exister. Surproduction à la base, pilonnage en fin de course. Mais de quoi nous plaignons-nous ? La filière consomme du papier issu de forêts plantées à cet effet, imprime avec des encres en voie d'innocuité, protège du mieux qu’elle peut les circuits courts, développe ses propres réseaux d’occasion, donne à des associations ou des bibliothèques, recycle son trop-plein et réfléchit à son empreinte écologique…
La problématique est celle de faire correspondre l’offre et la demande pour générer le moins de déchets possible. Sachant qu’à l’origine il n’y a PAS de demande, il suffirait de n’avoir rien à offrir pour limiter à tout jamais la casse. Plus sérieusement, tout est question de dosage et de réglage. Éviter la surproduction, mieux répartir. Quant au pilon, il est pour l’heure inévitable et sert au recyclage.
À titre comparatif, je crois me souvenir que 80% des magazines et journaux des kiosques finissent eux aussi pilonnés.
Marie
22/06/2023 à 17:37
La DLC pour les livres? Je ne comprends pas. Il ne vous est jamais arrivé de "relire" un livre, une ou plusieurs fois?Si le mot "consommation" incluant la notion de destruction plus ou moins lent, ne s'applique pas pour tout, c'est bien, "en premier", pour le livre. De plus l'offre et la demande ne s'appliquent pas non plus au livre...Ou alors vous écrivez au second degré, au temps pour moi!!!
Éric Dumas
22/06/2023 à 09:56
Enfin un article sur cette question !
À mon sens, la question n'est pas de savoir si le pilon représente 0.38 % ou 38 % des déchets de la filière papier, pas seulement de l'éco-conception du livre.
La question est plutôt simplement de notre acceptation à vendre des dizaines de livres sur les scandales écologiques dans les autres filières de l'économie, sans accepter de se poser la question sur notre propre comportement.
La surproduction a un coût écologique. Pour tous, dans le secteur du livre comme dans celui de la mode, chez Shein et chez Gallimard.
Il n'est pas plus acceptable de consommer des matières premières, de produire des déchets et de la pollution (je vous invite dans ma ville de Tarascon pour constater dans les eaux et sentir, au sens olfactif au plus près ce que veut dire l'industrie papetière, en France), pour des livres sans avenir ou pour des fringues sans avenir.
Pour la première fois aux RNL de Marseille, nous avions posé cette question, avec un succès d'estime, avec des réponses de nos interlocuteurs peu convaincantes.
Essayer de nous faire croire que ce sont des gestes dans nos librairies (nombre de PLV, ampoules LED, recyclage...) qui changeront l'impact environnemental de la filière est un leurre, cela ne suffira pas.
La réalité est que si la distribution reste le maillon de la chaîne du livre le plus rentable, il est impossible de bouger, et tant que des très gros éditeurs ont la double casquette....
Et voilà comment nous participons sereinement à ce que nous dénonçons avec vigueur dans nos merveilleux rayons "écologie et environnement"...
Domino
22/06/2023 à 11:38
Et l’écologie de la vie des écrivains ? C’est-à-dire l’économie de la création ?Un certain agacement m’a prise, j’ai lâché la lecture car au bout de quatre paragraphes de l’article, il n’est toujours pas question de la rémunération des auteurs lors de la vente d’un livre, d’occasion ou pas. Je ne saurai donc pas si vous en parlez, de cette priorité des priorités, mais si c'est le cas, c'est trop loin dans l'article. Dès que vous parlez de vente d’occasion, il est impératif d’exiger une rémunération de l’auteur. Ne pas en parler est un scandale. Comparer avec les auteurs de musique ou de cinéma. Le cinéma a trouvé un système, de prélever sur le ticket une part qui va aux auteurs. Tout prix de livre, tout acte marchand relatif au livre neuf ou d'occasion, doit être prélevé, de la même façon, d’une fraction qui doit financer la création des auteurs et leur vieillesse, et leur dignité. Bonjour les rémunérés de la chaîne du livre, éditeurs, journalistes, utilisateurs de livres, professeurs, bibliothécaires, qui maniez des livres au travail et vivez votre vie de bourgeois, en nous bouffant le foie. Quelle honte ! Au combat ! J'entends votre objection, "ce n'est pas le sujet". Précisément, comment se fait-il que ce ne soit jamais le sujet ?
Gilles
22/06/2023 à 13:15
Le cinéma ne vend rien d'occasion, donc la comparaison est nulle et non avenue.
Sinon, du coup, si j'achète un livre neuf et que je le revends sur le Bon Coin, comment on me taxe pour l'auteur et combien ?
Si vous revendez une table de jardin de la même manière, vous devrez donc repayer le fabricant/détenteur du brevet ?
Domino
22/06/2023 à 14:34
Actualitte a d’ailleurs commis une coquille éloquente dans son message envoyé aux boîtes aux lettres courriel : « Le scandale écologique du pillon ».
C’est « Le scandale écologique du Pillons ! (les auteurs) qu’il eût fallu orthographier
(notamment en espérant regratter sur le bon coin trois sous pour sa pomme tandis que les auteurs crèvent bouche ouverte). Allez-y, « Pillons », Pillez ! Je ne compte pas convaincre la Noblesse ni le Clergé, il y a mieux à faire.
Domino
22/06/2023 à 14:38
Actualitte a d’ailleurs commis une coquille éloquente dans son message envoyé aux boîtes aux lettres courriel : « Le scandale écologique du pillon ».
C’est « Le scandale écologique du Pillons ! (les auteurs) qu’il eût fallu orthographier
(notamment quand on espère regratter sur le bon coin trois sous pour sa pomme tandis que les auteurs crèvent bouche ouverte).
Allez-y, « Pillons », Pillez ! Je ne compte pas convaincre la noblesse ni le clergé, il y a mieux à faire.
Guigue
22/06/2023 à 16:05
Bonjour,
La différence entre votre table de jardin (ou votre livre) est que vous l'avez acheté... et donc que ceux l'a créée, fabriquée, distribuée ont été rémunérés.
Par contre, quand un livre invendu revient de chez un libraire, l'éditeur est facturé par le distributeur car il n'a fait que le déposer..
Quand il est ensuite stocké, l'éditeur est facturé par le distributeur...
Quand il est ensuite pilonné, l'éditeur est facturé par le distributeur...
Et comme il a été imprimé et ensuite retourné, stocké, pilonné, l'éditeur a tout de même payé l'imprimeur...
Et si l'éditeur revend ensuite ce livre à un soldeur, c'est à un prix tellement minime qu'il ne couvre qu'une minuscule part des dépenses citées plus haut et que cela représente une perte pour lui.
Je me demande ce que dirait un auteur si on lui demandait de contribuer à cette perte...
Scan le Gentil
22/06/2023 à 13:26
Les bouquins des politiques qui ne se vendent presque pas, voire jamais, mais que les éditeurs produisent pour copiner, rien que ça, c'est une catastrophe. Et quand on voit qu'ils sont distribués et disposés en rayonnage pour juste donner une "couleur" politique au présentoir, ça donne une idée du gâchis.
Yves Morel, Librairie eMLS
22/06/2023 à 13:35
Merci pour la qualité de cet article. Je jette un autre éclairage dans ce débat, celui du livre numérique, et de son développement.
Le numérique est souvent décrié comme source importante d'émission de CO2, et c'est vrai car un terminal numérique peu utilisé est une cause inutile d'émission de CO2. Pourtant, dans bien des usages, le numérique est une voie intéressante pour parvenir à la nécessaire réduction de notre impact. Il n'y qu'à comparer le bilan carbone d'une réunion en visio, et en présentiel.
En ce qui concerne le livre numérique, il peut aujourd'hui être lu sur son smartphone de manière relativement confortable. Là, l'émission de CO2 est très faible, le smartphone est déjà là.
Pourquoi les éditeurs ne testeraient-ils pas les volumes devant être imprimés en effectuant un pré-lancement numérique ? Que pourrait-on faire pour permettre au numérique de prendre une place plus importante dans le lectorat ?
Comme vous, je préfère lire sur un support papier que sur un support numérique, et, en tant que libraire numérique et papier, je suis attaché au livre papier. Mais encore plus soucieux de l'avenir du climat et de la planète.
marion
22/06/2023 à 16:28
Très bel article qui fait la synthèse sur le plan de la fabrication.
Un élément qui n'est pas cité : la trésorerie ! Les maisons d'édition, et surtout les grands groupes éditoriaux, fonctionnent sur le paiement des mises en place chez les libraires que le livre se vende ou non : donc même si le livre n'est pas vendu, il a généré un capital qui permet de fabriquer le livre suivant et d'envoyer le premier au pilon ! Ce système vicié implique beaucoup de nouveautés, ce qui ne rend pas la tâche aisée pour les libraires et qui obstrue la visibilité des plus petites structures.
sandra ZTL
23/06/2023 à 10:19
Merci Marion pour cet éclairage que peu de personnes connaissent, et qui en effet met à mal de petites structures comme la mienne.
Denis
23/06/2023 à 07:22
Pas un mot sur le print on demand !?
Vanessa Chauvin-Degenne
24/06/2023 à 17:51
Article vraiment intéressant. Merci à so auteur.
Aurelien Terrassier
25/06/2023 à 11:56
Vaste question aux réponses pas si simples. En effet, s'il faut éviter de réimprimer des ouvrages à faible demande et éviter le transport longue distance pour le recyclage de papier, il n'existe toujours pas une machine de la taille d'une imprimante avec laquelle chaque personne pourrait recycler ses anciens livres et autres prospectus et emballages. Epson avait déjà conçu un prototype de la taille d'une armoire il y a quelques années déjà. Pour ma part, même si ce n'est pas l'unique solution, ça pourrait changer beaucoup de choses car même si la majorité des papiers dans les bacs jaunes sont recyclés le compte n'y est pas. Les éditeurs eux et c'est précisé en début de page adoptent une éthique ecoresponsable contre la déforestation. C'est en tout cas la politique du Livre de poche. C'est pas mal il faut que ça continue et cela doit inciter les éditeurs à faire de leur mieux pour l'eco-conception tout en sachant que les liseuses par ailleurs ne sont pas si écologiques que ça vu qu'elles usent de certains métaux rares et qu'il n'y a pas d'eco-conception. Après le recyclage des composants existe aussi. C'est tout un programme.