Pour garantir leur équilibre économique et leur pérennité, les éditeurs belges doivent se déployer hors de leur territoire. Il est rare en effet que des éditeurs parviennent à vivre sans exporter leurs ouvrages. Quelques exceptions existent. Elles sont généralement liées à une distribution qui fonctionne en circuit fermé : l’édition scolaire, par exemple, est intrinsèquement liée à la spécificité du réseau et des programmes en Fédération Wallonie-Bruxelles.
L’exportation représente environ 55 % du chiffre d’affaires des éditeurs belges (ce qui équivaut à environ 75 % de livres produits, qui sont destinés à l’export) ; le pourcentage peut atteindre 90 % à 95 % pour les secteurs de la bande dessinée et de la jeunesse. La plupart des autres genres littéraires doivent écouler leur production sur des marchés complémentaires et organiser un réseau de distribution sur des territoires francophones hors Belgique (France, Suisse, mais aussi le Canada).
Si les secteurs qui réalisent ce pourcentage de vente en dehors de la Belgique sont coutumiers des réseaux de diffusion et distribution qui leur permettent une visibilité sur le territoire français et dans ses librairies, ce n’est pas le cas de tous les éditeurs belges. Ils ne peuvent pourtant pas se passer de chercher des moyens complémentaires de se déployer sur ce territoire.
Le marché français étant dix fois supérieur à celui de la Belgique francophone, le développement des capacités d’exportation et le développement des stratégies de diffusion et distribution qui y sont liées sont primordiales. Elles permettent de vendre et promouvoir les livres des éditeurs belges hors des frontières de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’objectif des éditeurs belges est de déployer les ventes de leurs livres francophones en France, et dans une moindre mesure en Suisse et au Canada.
Pour ce faire, l’ADEB (Association des éditeurs belges) et Les Éditeurs singuliers travaillent sur trois axes de rayonnement :
1 - La formation en vue de la professionnalisation des éditeurs : les deux associations souhaitent pousser les éditeurs à se professionnaliser en leurs donnant des outils, via des formations, ou des réseaux afin d’affiner leurs stratégies de diffusion et de distribution.
En 2022, 5 coachings ont été proposés aux éditeurs professionnels de la FWB :
- Développement des ventes sur le marché français : mise en contact avec un professionnel du milieu, études de cas et conseils personnalisés.
- Présentation du marché du livre en Allemagne et contact avec des éditeurs allemands en vue de ventes ou achats de droits pour les secteurs jeunesse, littérature et sciences humaines.
- Stratégie et techniques de ventes de droits de traduction.
- Communication professionnelle et exercices de pitching en anglais.
2 - La présence dans des foires et salons : à travers des stands collectifs, les deux associations invitent et rendent possible la présence d’éditeurs belges dans des foires et des salons à l’étranger. L’appréhension d’un marché à travers son lectorat et la rencontre avec des professionnels du milieu sont ainsi facilitées par une présence physique qui permet le développement d’un réseau sur place.
L’ADEB et les Éditeurs singuliers permettent ainsi, à l’international, la représentation de leurs membres dans une dizaine de salons ou de festivals par an (Genève, Marché de la poésie de Paris, salon Étonnants Voyageurs de Saint-Malo … et dans des salons professionnels tels que Bologne et Francfort).
La représentation virtuelle à travers la vitrine Wallonie-Bruxelles Édition : la Covid et la suspension des événements publics ont mis au jour la nécessité du développement d’un outil d’information et de communication pour les éditeurs belges. Le site internet Wallonie-Bruxelles Édition est né de cette volonté de proposer la mise en lumière de tous les éditeurs francophones belges (membres ou non des associations professionnelles pour autant qu’ils répondent aux critères définis par la charte de l’édition professionnelle) et de leur production.
Le site est entièrement bilingue (français-anglais) et l’on peut y trouver, outre des informations de contenus et de contacts relatifs aux éditeurs, un répertoire des livres dont les droits sont disponibles à la traduction. Depuis sa création, le site draine à la fois un public étranger et un public belge.
La cession de droits étant une activité minoritaire chez les éditeurs belges, il était nécessaire de professionnaliser le secteur en le dotant d’outils visant à développer cet aspect.
En complément à cette vitrine, un magazine papier, également disponible au format numérique sur le site, a été créé pour la distribution dans les foires et salons, dans une perspective de diffusion à l’étranger. Le magazine semestriel bilingue anglais-français Wallonie-Bruxelles édition compte aujourd’hui trois numéros. Chaque livraison comprend le panorama d’un secteur éditorial, un portrait d’éditeur, un article à caractère sociétal (édition et écoresponsabilité, par exemple) et des actualités. Un réel focus sur le secteur.
Au niveau de ses institutions, la Belgique reste un pays complexe. Le soutien des actions de rayonnement est principalement assuré par WBI. L’ADEB et Les éditeurs singuliers tâchent de réhabiliter la collaboration de la Région bruxelloise pour des stands collectifs. Ces aides, si elles sont pérennes et planifiées à moyen terme, permettront aux éditeurs de travailler au rayonnement de leurs catalogues et au déploiement des cessions de droits à l’international.
Les régions sont compétentes pour le développement économique de leurs acteurs, comme elles le font déjà pour d’autres Industries Culturelles et Créatives (audiovisuel, gaming).
Pourtant, le travail d’exportation nécessite un temps long auquel certains éditeurs se consacrent pas ou peu. En 2020, les montants culminaient à 15 millions d’euros, à 10 millions en 2021. En comparant les montants réalisés en France, toutes proportions gardées, nous devrions atteindre deux fois plus de revenus. Grâce à la planification des actions et à la formation des éditeurs, ces objectifs pourraient être atteints.
Une des particularités historiques de l’édition en Belgique est d’avoir investi des secteurs négligés par l’édition française. Cette tendance perdure aujourd’hui dans l’édition littéraire : prédilection des éditeurs belges pour des genres marginaux. Même des auteurs belges édités en France se tournent vers des éditeurs belges pour leurs propositions plus hybrides. Les produits de niche restent donc une particularité du secteur en Belgique.
Or, plus la production éditoriale est spécifique et moins les livres sont susceptibles de trouver facilement une place de choix en librairies. Leur diffusion nécessite donc un lien personnalisé avec des points de vente comme avec le public sensible à ces ouvrages. Cette communication spécifique et la rencontre avec un public en adéquation avec ces productions se développe essentiellement dans des salons.
Leur identité de plus en plus définie, permet le rassemblement d’affinités qu’il serait impossible de toucher par une diffusion purement numérique ou systématique. La suspension des salons pendant la pandémie a démontré leur importance : le premier débouché commercial de ces éditeurs « de niche » étant la vente directe lors des foires et salons, ils ont vu leurs ventes chuter considérablement durant la crise de la Covid. Les salons demeurent un lieu essentiel de promotion.
Pour accéder à la distribution sur le territoire français, principalement tenue par de grands groupes, les éditeurs belges sont tenus d’atteindre un certain volume de ventes. Dans l’incapacité d’atteindre ces volumes, ils seront généralement contraints de s’autodistribuer, ce qui rend leur visibilité confidentielle sur le territoire français.
La Librairie Wallonie-Bruxelles à Paris propose à une vingtaine de maisons d’édition belges un service de distribution a minima (ventes à compte ferme uniquement). Il est donc nécessaire de développer une solution de distribution professionnelle plus large qui offrirait à un plus grand nombre d’éditeurs une présence en librairies, en complément à leur présence dans les salons, lieux où ils ont l’opportunité se de faire connaître.
La diffusion, au-delà de la réflexion sur la distribution, fait elle aussi l’objet de coachings par l’ADEB et Les Éditeurs singuliers. L’objectif idéal de l’ensemble de ces outils et réflexions serait la création d’un système mutualisé de diffusion-distribution pour les éditeurs belges. Leurs volumes de production et de ventes leur interdisent l’accès à la distribution des groupes occupant déjà le territoire français. Ces réflexions sont sur la table.
Crédits photo : Le Retour de la flamme (aperçu), René Magritte, 1943 - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Auteur invité
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