La semaine dernière, Marc Filipson, directeur et fondateur de la librairie Filigranes, était accusé de harcèlement moral et sexuel par un groupe d’anciens et actuels employés de l’établissement. Une tempête médiatique en Belgique, qui l'a poussé à annoncer, ce dimanche, « faire un pas de côté » et chercher à recruter un nouveau directeur. Mais la démarche ne fait pas l'unanimité auprès des personnes concernées.
Le 28/03/2022 à 11:18 par Fasseur Barbara
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28/03/2022 à 11:18
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En décembre dernier, 48 employés de la librairie déposaient auprès de l'organisme belge Securex une demande d’intervention psychosociale mettant en cause les méthodes managériales agressives du fondateur et directeur, Marc Filipson. Trois mois plus tard et sans réponse concrète de la part du comité d’administration de l’établissement, les signataires faisaient entendre leur voix dans des témoignages sans réserve.
Burn-out, dépression, heures supplémentaires non payées et impossibles à rattraper, sautes d’humeur imprévisibles et humiliations ne seraient que des exemples du quotidien au sein de la librairie. Pour autant le Comité d'Administration semblait prendre la défense de Marc Filipson au grand désarroi des employés et ex-employés de la librairie.
Depuis, le directeur de Filigranes l'a assuré : « Je vais faire un pas de côté. » Il lancera également des recrutements afin de trouver un nouveau directeur à l’établissement bruxellois. Ce dimanche, il a même présenté des excuses : « Ma surprise de ces derniers jours n’était pas feinte. Je n’avais pas réalisé que mon attitude pouvait provoquer tant de souffrances chez certains, et j’en suis absolument désolé. À tous ceux d’entre vous, collaborateurs, clients, amis de Filigranes que j’ai pu heurter ou blesser je tiens à présenter aujourd’hui mes excuses sincères. »
Le fondateur de l’établissement se dit conscient que ses excuses ne seront pas un geste suffisant « pour rétablir la confiance ». Il entend ainsi, aux côtés du CA de l’entreprise, mettre en place des « choses concrètes » pour venir à bout de la situation « rapidement et radicalement » comme le rapporte La Libre.
Et de poursuivre : « dans l’intérêt de tous et de l’entreprise que j’ai créée il y a plus de trente ans, je fais aujourd’hui un pas de côté en lançant le recrutement d’un.e directeur.trice. Enfin, à titre plus personnel, j’entamerais dans les jours prochains un travail psychothérapeutique visant à me départir de mes mauvaises habitudes. Excès de familiarité, colère, j’en passe… j’ai compris que j’avais du boulot. »
Enfin, « une rencontre aura lieu entre le Conseil d’Administration et les membres du personnel pour entendre au mieux leurs doléances », cette dernière devrait avoir lieu dans les prochains jours.
Toutefois, pour les signataires de la demande, réunis au sein d’un collectif qui « s’est créé malgré lui », il est douloureux d'entendre les accusations de harcèlement moral et sexuel qualifiées par le directeur de Filigranes de « mauvaises habitudes ». Et ce, même si ses excuses constituent « une avancée ».
Dans un communiqué adressé à ActuaLitté, le collectif rappelle que ses intentions « vont toutes vers une amélioration des conditions de travail des employés actuels de Filigranes ». Plus encore, « [i]l leur a paru important de prendre la parole pour rendre publics les agissements de la direction ».
Pour autant, « [i]l n’est pas anodin que ces témoignages aient interpellé d’autres anciens employés et leur aient donné l’occasion de témoigner à leur tour ». Et d'ajouter : « Pas de préméditation, aucun esprit de vengeance : la nécessité et le soulagement. L’absence d’organisation de ce collectif improvisé, la non-connaissance des démarches légales entamées par les employés en interne ne sont que des preuves de l’absolue spontanéité des témoignages. »
« En interne, les employés vont prendre contact avec les autorités compétentes pour trouver l’aide nécessaire et les démarches à effectuer. En externe, si cela est nécessaire et peut servir à notre cause première, une plainte collective sera déposée au pénal. » Et de souligner qu’il n’appelle pas au boycott de la librairie, ce dernier pouvant mettre en péril les emplois des actuels salariés.
Le collectif conclut : « Par ailleurs, les mesures proposées devront être accompagnées d’un cadre légal solide, de véritables garanties et d’obligations de résultat. »
De son côté, Charles Olivier Tchoungang, responsable du site web de Filigranes a également répondu aux accusations faites par le collectif, dans un email qu'ActuaLitté reproduit ci-dessous :
Les gens ne mesurent peut-être pas combien c'est insupportable d'assister à cette morale en bouillie. D'un côté les puissants décadents, de l'autre les honnêtes citoyens sans privilèges. D'un côté les amis ou clients ignorants les réalités de l'entreprise, de l'autre les gentils employés chaque jour écrasés par le quotidien. Cette vision à deux vitesses est simplement insupportable, et c'est quand même une blague.
Qui parle à qui de quoi ? Qui parle au nom de qui au nom de quelle cause ? Est-ce que des inconnus sont plus légitimes à cracher sur quelqu'un à qui ils n'ont jamais adressé la parole, que des amis à témoigner de leur expérience pour défendre ce qu'ils connaissent ? Qui est aimé de tous, qui n'a pas de détracteurs ou des amitiés défaites ? C'est quand même une blague. Combien de fois (sur 5 ans) n'ai-je pas entendu une certaine catégorie de collègues, dans l'ombre des couloirs ou dans le réfectoire insulter gratuitement la vie privée de cet homme, la bouche pleine de leurs rires, insulter ses enfants, ses photos de vacances, sa judéité, ses amis, ses choix de lecture ? Se moquer de son bronzage, de son physique, ou de sa coupe de cheveux, enorgueillis par les avantages d'une hypocrisie crasse, et les mêmes collègues lui sourire quelques instants après, lui demander des faveurs (financières, professionnelles, de réseautage) ou tenter d'obtenir sa confiance en dénonçant les autres hypocrites.
Je suis arrivé dans ce pays sans rien, sans parti pris. Je ne connaissais personne et personne ne me devait rien. Quel mépris n'ai-je pas observé dans cette librairie par les honnêtes citoyens sans privilèges qui font la leçon aujourd'hui ? Quel racisme, par des clients que je vois se réjouir du lynchage ? Et je ne suis pas le seul à pouvoir attester de cela en interne. Il faut qu'on parle du sujet ? Bien sûr, et cette parole doit avoir lieu dans les prétoires. Pas sur le trottoir avec tout et n'importe quoi. Des collègues qui ont souffert d'une pression au travail et qui disent avoir subi des violences ? C'est leur droit absolu de s'exprimer et leur devoir de prouver devant la loi ce qu'ils dénoncent.
Il faudra aussi parler des dessous d'en dessous, ce que les gens ne savent pas : des vols, des frustrations, des fautes professionnelles, des incompétences, des mensonges, des largesses, des emprunts et des dettes, etc.
Et s'il devait y avoir encore un peu d'honnêteté, il faudrait expliquer comment une requête d'intervention sur les conditions de travail auprès de Securex (en cours) devient dans la presse une plainte pour harcèlement par 48 employés. Certains dans ces 48 sont en colère qu'on ait dévoyé l'objet initial de leurs signatures.
Le monde n'est pas binaire. Et un homme ne peut pas porter la culpabilité en 4 secondes après 30 ans de boulot sans droit de défense. Un homme qui a usé sa vie à défendre le livre, les auteurs, les éditeurs petits et grands, accueillir les gens peu importe leurs opinions, écouté et aidé ses employés (même ceux qui l'invectivent parfois par-derrière) dans leurs difficultés familiales comme très peu de patrons le font. Malgré cette salive infecte, il continue de se battre, de faire la part des choses.Par ailleurs, merci de ne pas me répondre que je suis un privilégié ou un ami ou un vendu, au risque de se confondre en ridicule, voire pire. Je suis un employé qui travaille, qui aime Filigranes parce que c'est un monde magique et qui défend un patron sanguin, peut-être imparfait, généreux et volubile, loin de mériter la caricature ordurière du prédateur que vous faites.
Soutien à Marc Filipson et à notre Librairie Filigranes
crédit : Facebook filigranes
8 Commentaires
NAUWELAERS
28/03/2022 à 22:03
BRAVO à ce site qui présente tous les volets, tous les points de vue, ou beaucoup d'entre eux.
Cette absence de parti-pris, de jugement à l'emporte-pièce contredit la tendance contraire du web: l'émocratie, les jugements de qui n'a aucune preuve dans un sens ou un autre, pour les polémiques qui se suivent sans discontinuer.
Je prends acte de la réaction au moins extrêmement claire et franche de Monsieur Tchoungang.
Mais même lui ne peut nier que Marc Filipson reconnaît de vraies erreurs et qu'il est impossible que son comportement humain et managérial soit aussi blanc que sa chevelure de neige.
Et le texte de monsieur Tchoungang soulève le même problème très difficilement soluble, la quasi-quadrature du cercle...
Les accusations doivent être étayées par des preuves.
Des faits pas corrects relevant des salaires, d'heures supplémentaires non payées (et encore, pas évident) peuvent être retenus factuellement contre le patron et éventuellement faire l'objet de compensations financières.
Mais aller prouver qu'un caissier a subi une main patronale aux fesses (et le jour et l'heure ?) ou qu'une collaboratrice a pleuré face à de brutales invectives -quelles qu'en soient les raisons...
Et si on renonce à cela, avec la phrase nouvelle: «On vous croit !», on tombe dans l'arbitraire le plus total et on jette l'État de droit aux orties.
Quant aux graves accusations de propos antisémites -un délit -qu'auraient tenus certains (qui, quand, quels propos ?) au sujet du patron, en cas de réaction, il s'agit également de prouver !
Tout cela est infiniment complexe et sensible...
CHRISTIAN NAUWELAERS
jujube
29/03/2022 à 04:58
Il est très peu courant qu'une personnalité de leader soit accueillie à bras ouverts par tous les membres de son entreprise ou équipe. S'il prend la grosse tête, se pause en dictateur ou commet gaffe sur gaffe avec ses employés ou collaborateurs, il ne doit pas s'attendre à des déclarations d'amour quotidiennes de leur part. Ceux-ci, avec raison, espèrent un dédommagement et passent à la case judiciaire.
S'excuser, c'est élégant mais pas assez.
Se taper une cure (espérons) psychanalytique (de dix ans, en moyenne) peut lui faire le plus grand bien. Faut voir s'il possède assez d'argent pour payer et son psy et son (ses) avocat(s).
Dimitri
29/03/2022 à 16:03
Dans les revues de Filigranes, on voit Filipson en couverture, même à côté de Baudelaire ou Rimbaud, je sais plus. Ce qui montre un profond égocentrisme. Oui, cet homme est égocentrique. Je vais souvent au Furet du Nord, et jamais on ne verra les dirigeants dans leurs magasins...
Quand à sa judéité, il remplit toutes les cases caricaturales du juif: riche, aimant l'argent, intelligent, cultivé, manipulateur. Un Strauss Kahn bis.
Il se caricature tout seul. A se demander s'il ne le fait pas exprès.
Quant aux dénonciations d'hacèlement sexuel, si elles devaient s'avérer réelles, alors Marc serait une vraie ordure...
NAUWELAERS
29/03/2022 à 23:32
Dimitri,
Certains de vos propos -sans prendre la défense de Marc Filipson -flirtent dangereusement avec l'antisémitisme...!
Le Juif riche, aimant l'argent etc.
Non mais là je suis assez choqué, sans être juif moi-même.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Dimitri
01/04/2022 à 11:46
A croire que vous ne savez pas lire...
NAUWELAERS
01/04/2022 à 17:44
«Quand à sa judéité, il remplit toutes les cases caricaturales du juif: riche, aimant l'argent, intelligent, cultivé, manipulateur. Un Strauss Kahn bis.»
Cette phrase pourrait être mal interprétée...
En une époque qui manque de subtilité et du sens du second degré...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Dimitri
02/04/2022 à 17:30
Intelligent etc, c’est pas négatif.
A part manipu
Agathon
02/04/2022 à 11:52
Moi, je préfère la librairie Molière de Charleroi, la deuxième en Belgique après Filigranes. La direction s'efface derrière les vendeurs que ce soit pour les rencontres d'auteurs ou les interviews dans la presse.