Antoine Gallimard reprend les éditions de Minuit
La directrice de la maison d’édition l’assure à l'AFP : il est temps de penser à l’avenir de la société. Et voici que dans un communiqué, le groupe Madrigall, avec à sa tête Antoine Gallimard, annonce le rachat des éditions de Minuit.
Le 23/06/2021 à 20:08 par Nicolas Gary
3 Réactions | 550 Partages
Publié le :
23/06/2021 à 20:08
3
Commentaires
550
Partages
« Irène Lindon, présidente des Éditions de Minuit, et Antoine Gallimard, président de Madrigall, ont conclu un accord scellant l’adossement des Éditions de Minuit à Madrigall le 1er janvier 2022 », indique le communiqué diffusé par le groupe Madrigall.
De quoi affilier définitivement la structure éditoriale, qui depuis sa création avait fermement tenue à son indépendance. 70 années après sa création, avec un catalogue où l’on retrouve Samuel Beckett, aussi bien que Robbe-Grillet.
INSOLITE: Éric Chevillard publié sur des arbres vivants
« L’âge venant, il fallait que je pense à l’avenir de la maison, de ses collaborateurs et de ses auteurs », indique Irène Lindon, âgée de 72 ans.
« C’est donc naturellement que je me suis tournée vers Antoine Gallimard, dont le catalogue et les librairies sont un modèle de la profession et qui assure depuis plusieurs années par l’intermédiaire du CDE-Sodis notre diffusion-distribution auprès des libraires. »
Le montant de la transaction n’a évidemment pas été dévoilé. On apprend seulement que Thomas Simonnet, actuellement directeur de collection pour Gallimard prendra la direction éditoriale de Minuit.
Mise à jour : 24/06 - 10 h 40
ActuaLitté a obtenu le communiqué intégral et commun d'Irène Lindon et d'Antoine Gallimard. Le voici reproduit ci-dessous. En outre, l'une des interrogations portait sur le devenir de la librairie Compagnie, fondée en 1986 à l'initative des éditions de Minuit. Située rue des écoles dans le Ve arrondissement de Paris, l’établissement, nous indique le groupe Madrigal, « est également racheté avec les éditions ». De quoi porter à huit le nombre de librairies que possède le groupe Madrigall, dont la direction est assurée par Philippe Touron.
« L’âge venant, il fallait que je pense à l’avenir de la maison, de ses collaborateurs et de ses auteurs : ceux dont la notoriété n’était plus à faire comme ceux qui commençaient et avaient besoin de temps long pour être reconnus. Bref, ceux qui nous avaient fait confiance et dont je voulais qu’ils puissent continuer à être publiés sous notre couverture. C’est donc naturellement que je me suis tournée vers Antoine Gallimard dont le catalogue et les librairies sont un modèle de la profession et qui assure depuis plusieurs années par l’intermédiaire du Cde-Sodis notre diffusion-distribution auprès des libraires dont le soutien n’a jamais manqué aux Editions de Minuit.
J’ai aussi appris à mieux connaître Thomas Simonnet dont le talent me paraît convenir à la fois aux auteurs du catalogue mais certainement aussi à des auteurs encore inconnus qui pourraient rejoindre la maison, lui donnant un nouveau souffle. » Irène Lindon
« Accueillir les Éditions de Minuit dans le groupe Madrigall est une grande fierté : des auteurs et un catalogue littéraire d’une qualité exceptionnelle, une créativité toujours à l’œuvre, une maison vivante et indépendante qui a su conserver le meilleur de l’édition artisanale tout en s’ouvrant au renouveau de la librairie et du lectorat.
Nées dans la clandestinité en 1942 à l’initiative de Jean Bruller (Vercors) et de Pierre de Lescure, les Éditions de Minuit, dirigées après 1948 par Jérôme Lindon puis par sa fille Irène, ont toujours été un modèle d’engagement et de conviction. Ces vertus ont été mises au service de la littérature de création, du débat d’idées, de la défense de la liberté d’expression et d’une conception équilibrée de la filière du livre, telle qu’elle s’est exprimée en particulier dans la Loi sur le Prix unique du livre.
Admiratif du travail éditorial réalisé par ce confrère dont il se sentait très proche, Gaston Gallimard écrivait en 1959 à Jérôme Lindon : « J’estime vos efforts et votre goût. Je vous envie parfois d’être libre et de savoir l’être. » Les deux hommes auraient salué ce nouveau jalon dans l’histoire de leurs maisons, signe d’une résistance active à l’envahissement des tenants du profit à court terme dans le domaine culturel.
Ces dernières années, j’ai pu apprécier le travail admirable d’Irène Lindon à la tête de sa Maison et à la présidence de l’Adelc (Association pour le développement de la librairie de création), que nous avions créée avec son père et d’autres de nos confrères. Je la remercie vivement de la confiance qu’elle nous témoigne aujourd’hui. Avec Thomas Simonnet, déjà directeur de la collection L’Arbalète, nous nous attacherons à faire vivre le catalogue de Minuit avec une continuité d’intention. Nous veillerons à ce que son lien privilégié avec la librairie soit entretenu, au travers de notre diffusion, de nos engagements interprofessionnels, en nous appuyant sur cette grande librairie parisienne qu’est Compagnie et qui vient rejoindre notre groupement. » Antoine Gallimard
Plus d'articles sur le même thème
Autres articles de la rubrique Métiers
3 Commentaires
Amer
24/06/2021 à 08:11
« « C’est donc naturellement que je me suis tournée vers Antoine Gallimard, dont le catalogue et les librairies sont un modèle de la profession »
On ne mord pas la main qui vous nourrie (proverbe arabe).
Le modèle de la profession, comme bien des gros groupes germanos-pratins, demande encore des manuscrits PAPIER aux auteurs... Quand est-ce que ces éditeurs arrêteront de prendre les auteurs pour des cons en se faisant mousser autour des médias comme des professionnels ?
kujawski
24/06/2021 à 10:03
Toutes celles, tous ceux pour qui la concentration de l'édition, de la diffusion et de la distribution des livres n'est pas un problème doivent regarder le "cas" Minuit à deux fois : pour continuer d'exister, il faut se vendre au moins pire des acquéreurs (Minuit a échappé à une prise de contrôle d'Editis, aujourd'hui aux mains de Bolloré); pour être indépendant, il faut se raccrocher à un groupe industriel dont la viabilité et la rentabilité ne reposent pas sur l'édition, mais sur la distribution.
La survie des éditions de Minuit est la meilleure des nouvelles. La pire est que son existence n'est devenue possible que moyennant la vente de son âme.
Minuit
18/07/2021 à 20:31
Ainsi, le descendant du pleutre et très ambiguë Gaston Gallimard se paye aujourd’hui une maison d’édition qui fut, elle, irréprochable pendant l’Occupation.
Se souvenir de l'habile double-jeu de Gallimard : à la Nouvelle revue Française, deux bureaux se faisaient face : celui de Drieu la Rochelle, collabo notoire, directeur de la revue « N.R.F » pro-nazie, et celui de Jean Paulhan, résistant de la première heure et fondateur, avec Jacques Decour, du journal clandestin anti-boche Les Lettres françaises.
Se souvenir de l’instruction judiciaire du 5 mai 1945 visant Gaston Gallimard de faits intentionnels de collaboration.
A la reparution de la NRF en 1953, François Mauriac évoqua la revue en ces termes : «cette chère vieille dame tondue, dont les cheveux ont mis huit ans à repousser», et le couple qui dirige la maison en ceux-ci : «l'infatigable poisson-pilote» qui ouvre la voie au «plus vorace dentuso […] de toute l'édition française».
L'entrée des éditions de Minuit dans le giron de la tiède et peu digne maison Gallimard est une défaite de plus de l'édition française.