Paris s'éveillait, et le monde de l'édition avec lui, ce 20 juillet, au chant gazouillant de l'acceptation du collectif budgétaire 2012 validé par l'Assemblée nationale. Ce dernier doit encore se rendre au Sénat, pour les navettes réglementaires, mais comportait ce que tous attendaient avec impatience. En effet, la TVA sur le livre allait revenir à 5,5 % contre les 7 % imposés par le plan de rigueur Fillon II. Un exercice de vertu, dont tout l'honneur revenait évidemment aux socialistes et au gouvernement Ayrault. Vraiment ?
Le 25/07/2012 à 12:38 par Clément Solym
Publié le :
25/07/2012 à 12:38
Aurélie Filippetti et l'ancien président du SNE, Antoine Gallimard
À l'occasion du discours prononcé par la ministre de la Culture, suite à l'Assemblée générale du Syndicat national de l'édition, Aurélie FIlippetti avait en effet charitablement prévenu :
J'ai confirmé que le Gouvernement entendait respecter son engagement de ramener la TVA sur le livre au taux de 5,5%. Cette mesure est inscrite dans le projet de collectif budgétaire.Il m'avait semblé judicieux, dans un premier temps, de repousser l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2013. Ainsi, la création d'un fonds de soutien à la libraire aurait pu compenser le surcroît de taxe collectée par le ministère des Finances. Malheureusement, la situation de nos finances publiques éloigne les perspectives de ce fonds et je m'interroge désormais sur une application plus récente.(voir notre actualitté)
Pas question donc d'accélérer la mise en place d'une TVA réduite avant l'heure : l'Etat et Bercy ont besoin des recettes budgétaires venant de toutes parts. Mais revenons sur le projet de loi AN n° 71 art. 24 du projet de loi de finances rectificative pour 2012. Ce dernier, soumis à l'Assemblée Nationale, propose de rétablir le taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne les opérations (y compris la location) portant sur les livres, à compter du 1er janvier 2013.
7 %, qui dit mieux (ou pire ?)
Rappelons que les livres sont soumis au taux réduit de 7 % depuis le 1er avril 2012 (depuis le 1er janvier 2012 s'agissant des livres téléchargés). En effet, la 4e loi de finances rectificative pour 2011, dans son article 13 III, dernier alinéa prévoyait que le taux réduit de 7 % ne s'appliquerait qu'aux opérations pour lesquelles la TVA devenait exigible à compter du 1er avril 2012 (le taux de 5,5 % continuant de s'appliquer aux opérations pour lesquelles l'exigibilité de la taxe interviendrait avant cette date).
Selon le rapport AN n° 4104 (tome I), ce délai devait permettre notamment de faire coïncider dans un grand nombre de cas l'entrée en vigueur du nouveau taux de TVA avec le début de l'exercice comptable des libraires, la majorité des librairies clôturant leurs comptes au 31 mars. Ce report concernait les livres imprimés, ainsi que ceux fournis sur un autre support physique (cassette audio, disque compact, cédérom, clé USB...), à l'exception des livres fournis par téléchargement (ou livre numérique). En effet, les livres fournis par téléchargement, soumis au taux normal jusqu'au 31 décembre 2011, bénéficiaient du taux réduit de 7 % à compter du 1er janvier 2012 en application des articles 25 de la loi de finances pour 2011 et 13 de la 4e loi de finances rectificative pour 2011.
Quant à la notion de « livre numérique », la doctrine administrative de Bercy tarde à s'exprimer. La question se posait notamment de savoir si les produits comportant des enrichissements ou des fonctions supplémentaires (moteur de recherche, mise à jour Internet...) par rapport au livre papier devaient pouvoir bénéficier du taux réduit de 7 %.
Dans ce contexte, il convient de rappeler que la Commission européenne a ouvert une procédure d'infraction contre la France et le Luxembourg du fait de l'application d'un taux réduit aux livres numériques. Dans la directive TVA, le téléchargement de livres numériques est, en effet, considéré comme un service fourni par voie électronique et ne fait pas partie de la liste des biens et services pouvant bénéficier d'un taux réduit de TVA.
En conséquence, avec un retour au point de départ, le législateur devrait entériner un rétablissement du taux réduit de 5,5 % concernant tous les livres quel que soit leur support, y compris les livres fournis par téléchargement. Toutefois, la période intermédiaire se poursuit puisque ces nouvelles dispositions ne s'appliqueraient qu'aux opérations pour lesquelles la TVA est exigible à compter du 1er janvier 2013. Il est permis de s'interroger, sur le pourquoi cette réforme qui revient au statu quo antérieur ne serait pas d'application immédiate dès le vote acquis. Sans doute, le temps d'une digestion législative paresseuse et lente, afin que les vacances de Noël 2012 et les soirées arrosées du réveillon soient passées par là.
Texte de l'article 24. - I. - Le CGI est ainsi modifié :
A. L'article 278-0 bis est complété par un F ainsi rédigé :
« F.- Les livres, y compris leur location. Cette disposition s'applique aux livres sur tout type de support, y compris ceux fournis par téléchargement. »
B. Le 6° de l'article 278 bis est abrogé.
C. Au deuxième alinéa du 2° du 1 du I de l'article 297, après les mots : « 1° du A », sont insérés les mots : « et au F ».
II. - Les dispositions du I s'appliquent aux opérations pour lesquelles la TVA est exigible à compter du 1er janvier 2013.
Faut-il comprendre que le gouvernement, sous des dehors vertueux, préfère - légitimement - engranger quelques dizaines de millions d'euros, bienvenus, en cette période de disette ? Mais dans ce cas, pourquoi ne pas avancer à découvert ?
Consommateur, mon ami, tu vas prendre... oh, tu vas prendre...
Une autre raison de s'interroger, viendra de ce que les éditeurs appliqueront sur le prix façade la réduction de 1,5 % sur le prix des livres. En effet, ActuaLitté a pu avoir confirmation que plusieurs maisons avaient manifestement confondues 1,5 % de hausse de TVA avec l'augmentation de 1,5 € sur le prix de vente. Certaines auraient même joyeusement sauté dans le plat, en décidant de profiter de l'occasion pour augmenter de 2 à 3 € le prix de vente de leurs livres - des romans, essentiellement, pour les informations que nous avons pu collecter.
Si l'entrée en vigueur se fait bien au 1er avril, qu'en sera-t-il du prix couverture. Si celui-ci ne changeait pas, cela aurait deux répercussions. Pour le libraire, qui percevrait un peu plus - et on peut difficilement le lui reprocher - de même que l'éditeur et l'auteur, qui profiterait de cette hausse.
Laquelle se ferait évidemment au détriment du consommateur. Alors que les clients ont déjà pris une hausse, parfois malhonnêtement appliquée, les associations de défense des consommateurs que ActuaLitté a pu contacter attendent avec impatience de constater la politique tarifaire qui sera mise en vigueur à compter du 1er janvier prochain...
On attendra aussi impatiemment la réaction de la rue de Valois, alors que, toujours à l'occasion de l'AG du SNE, Aurélie Filippetti avait ce cri d'amour :
Je souhaite également que la TVA pesant sur le livre numérique soit immédiatement alignée sur la taxe affectant le livre imprimé, en dépit de la procédure d'infraction, que Bruxelles semble sur le point d'introduire à notre encontre. La France maintiendra et défendra sa position, car elle est dans la logique de l'avenir numérique des industries culturelles. Je fais remarquer que nous n'aurons plus, alors, que 2,5 points de différentiel avec le Luxembourg.
En retour, j'attends une aide de votre part et je ne saurais trop vous inviter à répercuter sans hésitation la baisse du taux sur le prix de vos livres numériques. Des efforts ont été faits par certaines maisons, qui donnent le bon exemple. Mais le mouvement est trop faible et peu visible. Même si le marché du ebook tarde à décoller chez nous, nous devons pleinement jouer le jeu, sans demi- mesure. Sans quoi le soupçon s'installera, nos arguments seront affaiblis et votre image sera ternie.
Revendiquera-t-elle, devant les maisons d'édition, qu'ils appliquent le nouveau taux, en se rappelant des tarifs pratiqués, compte tenu de l'inflation, accordons cela, avant la hausse de la TVA ?
Commenter cet article