À moins d’étudier à Poudlard, on en a fini avec l’image des bibliothèques aux ouvrages poussiéreux (trop lourds) endormis sur des étagères (trop hautes). Nouvelles technologies, événements et rencontres, elles ouvrent leurs portes et démultiplient leurs services – en fonction évidemment des budgets.
Le 17/09/2018 à 09:40 par Justine Souque
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Publié le :
17/09/2018 à 09:40
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ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Pour autant, quel intérêt auraient ces établissements de prêt à inviter le livre audio dans leurs rayons, et au sein de leurs programmes ? Éléments de réponse.
Rien qu’avec les collections adultes fictions et documents, la diversité de la production éditoriale permet d’enrichir le catalogue des bibliothèques. Alors qu’aux États-Unis, le nombre de titres disponibles est rapidement accessible — 36.000 titres produits par an, comme le déclarait en 2016 Michele Cobb de l’APA, Audio Publishers Association —, les chiffres des éditeurs français sont encore obscurs.
Notons toutefois que l’ambition de la marque Lizzie (groupe Editis) est de publier en 2018, pour sa première année d’existence, 200 titres. Globalement, trois facteurs majeurs démontrent, sans aucun doute, l’effort et la détermination des éditeurs français pour étendre et diversifier l’offre : le laps de temps de plus en plus court entre la publication papier et sa version audio, la spécialisation des maisons d’édition (Audiolib, Gallimard — Écoutez lire, Sixtrid…), ainsi que leur volonté de proposer une réelle diversité de genres (thrillers, romans historiques, développement personnel, etc.).
De nombreux reportages et de récentes études montrent à quel point le livre audio s’est lui aussi débarrassé de son image désuète d’un support uniquement destiné à des lecteurs en situation de handicap, ou empêchés de lire (personnes âgées ou malvoyants). Ce panel d’éditeurs audio s’adresse donc à un public nouveau, jeune, dynamique, et nomade. C’est ce même public qui pourrait emprunter des audiobooks en bibliothèque de manière plus régulière, et fréquenter ce lieu afin d’y trouver des activités en lien avec l’oralité.
Les bibliothécaires ont-ils le choix ? Si l'on se fie uniquement à l’éventail de titres proposés par les éditeurs, oui. Mais la méconnaissance du livre audio en tant que produit culturel spécifique rend complexes la commande et la gestion des audiobooks. Comme dirait l’homme à la langue bien pendue, « la connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est que de l’information ».
Il s’agit donc de tester l'audiolivre, mais pas seulement en tant que produit fini : il faudrait l’appréhender dans son ensemble, depuis sa fabrication. Pourquoi ? Parce que la chaîne éditoriale audio est unique, différente de l’édition papier, de la production cinématographique ou musicale. Avant de savoir quels livres audio commander, comment les classer et les utiliser afin de valoriser chaque bibliothèque, une question se pose : ça se passe comment en coulisses ?
Cette curiosité est d’autant plus perspicace qu’une récente étude du SNE d’avril 2018 ainsi qu’un sondage OpinionWay de mars 2017 pour Audible démontrent que la signature vocale de l’artiste-interprète et la qualité de l’enregistrement sont deux critères qui influencent grandement l’appréciation d’un livre audio.
En étant formés sur le déroulé d’un casting d’artistes-interprètes et sur les conditions d’enregistrement en studio, les bibliothécaires cerneront le travail de la voix derrière un micro et de l’ingénieur du son derrière une console. Ils auront les clefs pour se faire avis personnel sur ce qu’est un audiolivre, comprendront la pratique de l’audiolecture, sauront conseiller leurs abonnés, et en convaincre de nouveaux.
Comment les bibliothèques peuvent-elles, matériellement et numériquement parlant, faire profiter les usagers des livres audio ? Pour cet objet, le service de prêt peut se décliner de deux manières : prêt physique sous forme de CD, et prêt numérique avec des fichiers audio en ligne. Chacun soulève des problématiques : pour le prêt physique, qui assumerait le budget d’acquisition, la gestion des collections, des fonds, le rayonnage et la rotation ?
Le personnel en charge des DVD ? Du rayon des CD de musique ? Des livres imprimés ? Quels dispositifs seraient installés afin de permettre une écoute agréable sur place (tablettes, lecteurs Daisy, bornes d’écoute, endroits insonorisés, etc.) ? Et pour le prêt numérique, comment le rendre accessible à toutes les bibliothèques ? Disons, au-delà de BiblioStream, proposé par Book d’Oreille qui, pour l’instant en France, est la seule solution à faire face au problème d’intégration de DRM.
Gain de place, facilité d’accès, abolition des contraires d’horaires, réponse pertinente aux pratiques d’écoute en phase avec les nouvelles technologies et les activités des utilisateurs (voyages, sports)… Autant d’atouts attribués au prêt numérique qui limitent les dépenses liées à l’aménagement de l’espace et modernisent l’image de la bibliothèque. Ces avantages invitent à se pencher sur la mise en œuvre généralisée de ce type de prêt en France, et sur toutes les questions juridiques et fiscales qui en découlent.
Sur ce point, l’Allemagne aurait beaucoup à nous apprendre, avec l’exemple de sa plateforme Divibib (pour les bibliothèques germanophones en Allemagne, Suisse, Autriche, et au Liechtenstein), et les pays scandinaves pourraient nous orienter quant à l’harmonisation des lois.
Se pose également la question, pour les deux types de prêts, de l’écoute d’extraits avant de choisir son livre audio. Si, entre autres, la marque Audiolib propose des QR code au dos des jaquettes, cette solution n’est pas systématique chez les éditeurs. Et en bibliothèque, les abonnés n’ont pas encore le réflexe de les scanner... De plus, pour le prêt numérique, il est rare que les catalogues en ligne des bibliothèques incluent un extrait par titre. Or, cette écoute préalable est indispensable avant de se lancer dans une audiolecture de plusieurs heures.
L’image de la bibliothèque silencieuse, dont l’acoustique rappellerait celle d’une cathédrale, est obsolète. Idem, l’idée de la bibliothèque comme simple lieu de passage pour emprunter des ouvrages : surannée. À travers le biais de l’oralité, les abonnés pourraient passer du temps en bibliothèque et participer à des activités qui incluent le livre audio : s’improviser eux aussi lecteurs, écouter les performances des autres, ou bien encore échanger sur le dernier livre écouté…
Ces expériences pourraient être partagées sur les réseaux avec des stories, des posts et des commentaires qui fidéliseraient une communauté de lecteurs.
D’ailleurs, les audiolecteurs représenteraient-ils une communauté à part ? Ne faudrait-il pas, en tant que bibliothécaire, éviter de distinguer les formats et mettre en avant la complémentarité des différentes lectures possibles grâce aux duos livre papier/livre audio et livre numérique/livre audio ? Ces passerelles permettraient en effet de lire en toute circonstance et d’enrichir nos interprétations d’un texte.
Par exemple, ranger son livre papier dans un métro blindé, et sortir ses écouteurs pour reprendre là où on en était. Ou bien se rendre compte de la dimension polyphonique d’un passage écrit en activant la fonction audio sur sa liseuse, sa tablette… Et ceci, qu’importe la marque ! Quand la problématique des DRM sera réglée en France, on pourra tout imaginer…
En bref, cette interaction des formats pourrait être clairement visible dans les rayons des bibliothèques en cessant d’isoler le livre audio ou, du moins, en le décloisonnant de manière ponctuelle lors d’animations transmédiatiques mêlant sons, images, et textes.
Dans cette dynamique, pourquoi ne pas mettre en avant la version livre audio d’un film qui serait projeté en bibliothèque, ou bien qui serait à l’affiche dans les salles de cinéma ? Les bibliothécaires, qui suivent l’actualité culturelle de leur ville, pourraient également profiter de la thématique d’une exposition ou de la programmation d’un théâtre pour valoriser tel ou tel audiolivre, créer des rencontres et des performances où s’inviteraient plusieurs métiers (auteurs, conférenciers, dessinateurs, artistes-interprètes…).
Ces initiatives, qui pourraient attirer et fidéliser des publics variés, ne présenteraient plus le livre audio comme un objet isolé dans une section spéciale, mais bien comme un support transversal, reflet des activités diverses proposées ou envisagées en bibliothèque. Préférons plutôt « en médiathèque », si on admet désormais que ce lieu n’est plus seulement la place du livre (biblio thêkê en grec), mais celle de tous les médias.
2 Commentaires
Bibliothécaire
21/09/2018 à 17:23
Les rapports des stagiaires ne sont pas TOUS publiables :cheese:
Bibliothécaire 2
13/10/2018 à 04:30
Les commentaires ne sont pas tous pertinents :cheese: !