L'écrivain américain Paul Auster, connu pour ses romans existentialistes teintés de noir, est décédé à l'âge de 77 ans des suites d'un cancer du poumon, dans sa résidence de Brooklyn. Sa disparition a été annoncée ce 30 avril par Jacki Lyden, ami et collègue écrivain. Il est mort entouré de ses proches dont son épouse Siri Hustvedt et sa fille Sophie Auster.
Le 01/05/2024 à 09:46 par Clément Solym
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Publié le :
01/05/2024 à 09:46
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Natif de Newark dans le New Jersey et fils d'immigrants juifs polonais, Paul Auster a déménagé à New York pour étudier à l'Université Columbia. Il était devenu une figure emblématique de la scène littéraire de Brooklyn, bien qu'il jouissait également d'une grande popularité en France. Diplômé de l'Université Columbia, il y a obtenu une licence et un master en littérature comparée.
Après ses études, il passa quatre années à Paris, se consacrant à la traduction de littérature française, pour affiner son style d'écriture, avant de retourner aux États-Unis.
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Les années 1970 furent marquées par des périodes difficiles, notamment son mariage puis son divorce avec l'écrivaine américaine Lydia Davis, mère de Daniel. La mort soudaine de son père en 1982 l'a poussé à écrire L'Invention de la solitude (traduction Christine Le Boeuf, Actes Sud), une réflexion poignante sur les relations père-fils, thème récurrent dans son travail.
Sa carrière, qui s'étend sur plusieurs décennies, inclut une profusion de romans, mémoires, recueils de nouvelles, pièces de théâtre, essais et poèmes. Il a également écrit plusieurs scénarios, remportant l'Independent Spirit Award du Meilleur Premier Scénario pour le film Smoke de Wayne Wang en 1995.
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L'œuvre de Auster est reconnue pour ses thèmes de hasard et de coïncidence, une inspiration peut-être tirée de sa propre vie. Lorsqu'il était adolescent en colonie de vacances, il se trouva à côté d'un garçon qui fut mortellement frappé par la foudre. Ses textes oscillent ainsi entre culture populaire et littérature savante, se retrouve autant dans les aéroports que sur les listes de lecture universitaires et a été traduite dans plus de quarante langues.
Durant ses dernières années, des tragédies familiales ont assombri sa vie, notamment le décès de sa petite-fille de dix mois suite à une ingestion accidentelle d'héroïne et la mort de son fils Daniel, père de l'enfant, d'une overdose dix mois après.
Paul Auster avait acquis un statut culte durant les années 1980 et 1990 grâce à sa Trilogie new-yorkaise, (traduction : Pierre Furlan, chez Actes Sud) série de mystères métaphysiques : un point culminant dans sa carrière, qui revisitait le genre policier à travers un quatuor d'enquêteurs privés du nom de Blue, Brown, Black et White.
On gardera aussi à l'esprit son son film Smoke, qui explore la vie des âmes perdues fréquentant une boutique de tabac à Brooklyn. Son talent pour les dialogues incisifs aura de toute évidence joué un rôle clé dans le succès de cette production qu'il a écrite et co-réalisée : le sort du propriétaire d'un magasin de tabac à Brooklyn interprété par Harvey Keitel, aura passionné l'Amérique et le monde à sa sortie, en 1995.
Auster a également co-réalisé la suite, Blue in the Face, où Keitel apparaît sur l'écran avec Jim Jarmusch, Michael J. Fox, Madonna et Lou Reed.
En 2017, il se détacha de son style concis pour publier 4 3 2 1, (traduction de Gérard Meudal, Actes Sud) un volumineux roman de 1024 pages, dans sa version française, qui trace le portrait de la société américaine à travers la vie d'un homme ordinaire, Archie Ferguson, présenté comme son chef-d'œuvre.
Bien que National Public Radio l'ait qualifié d'éblouissant, il a reçu des critiques mitigées, notamment de la part du Irish Times qui le décrit comme « le dernier gros roman d'une fierté américaine déchue », rapporte l'AFP. Le roman fut tout de même sélectionné pour le prix Man Booker.
En mars 2023, sa compagne, également auteure, révélait sa maladie au public.
« C’est avec une immense et profonde tristesse que nous vous annonçons le décès de Paul Auster, survenu ce mardi 30 avril, des suites d'un cancer », indique la maison d'Arles. Bertrand Py, directeur éditorial des éditions Actes Sud, lui consacre un texte, reproduit ici dans son intégralité.
Paul Auster n’est pas, dans le catalogue d’Actes Sud, un auteur parmi d’autres. Sa rencontre avec nos éditions – à l’époque presque aussi inconnues qu’il l’était lui-même dans son propre pays – date d’un voyage d’Hubert Nyssen à New York, au milieu des années quatre-vingts.
Dès que fut traduit (par Pierre Furlan) Cité de verre, Paul Auster vint à Paris où la modeste maison arlésienne avait organisé, dans l’enthousiasme, comme s’il s’était agi du nouveau prix Nobel, une “conférence de presse” ! C’est qu’immense était alors en France le désir de lectures neuves, l’appétit de traduction. Et rapidement, la subtilité narrative et les chausse-trappes existentielles de la Trilogie new-yorkaise, portées par le charisme, la poésie et l’érudition francophile de Paul Auster, allaient s’imprimer – le mot dit bien la chose – dans l’identité littéraire de toute une génération.
Être son éditeur – ou son éditrice, en l’occurrence Marie-Catherine Vacher – était une chance, et devint pour Actes Sud une carte de visite circulant amplement dans le cercle toujours plus large des amis de Paul Auster…
Son œuvre n’en était qu’à ses débuts – mais déjà nous faisait grandir. Et quand ici ou là sont cités les noms des fondateurs d’Actes Sud, il faudrait ajouter qu’assurément, la confiance que Paul Auster leur a accordée fut aussi bienfaisante que déterminante dans leur histoire.
« Pour faire ce que tu fais, il te faut marcher. Marcher, c’est ce qui attire les mots à toi, ce qui te permet d’entendre les rythmes des mots à mesure que tu les écris dans ta tête. Un pied en avant, puis l’autre, le double battement de tambour de ton cœur. Deux yeux, deux oreilles, deux bras, deux jambes, deux pieds. Ceci, puis cela. Cela, puis ceci. Écrire commence dans le corps, c’est la musique du corps, et même si les mots ont un sens, s’ils peuvent parfois en avoir un, c’est dans la musique des mots que commence ce sens. Tu t’assieds à ton bureau pour noter les mots, mais dans ta tête tu es encore en train de marcher, toujours en train de marcher, et ce que tu entends, c’est le rythme de ton cœur, le battement de ton cœur. Mandelstam : « Je me demande combien de paires de sandales Dante a usées en travaillant sur la Commedia. » L’écriture comme forme inférieure de danse. »
– Paul Auster, Chronique d'hiver (trad. Pierre Furlan)
Auteur mondialement reconnu de la Trilogie new-yorkaise, il était pour les Français le grand écrivain américain par excellence, qui menait par son art du récit et de l’intrigue une réflexion profonde sur les contradictions, les contingences et les hasards de l’existence. Paul Auster s’est éteint le 30 avril 2024, à l’âge de 77 ans.
Né comme son aîné de 14 ans, l’écrivain Philip Roth, à Newark, au sein d’une famille juive originaire d’Europe de l’Est, Paul Auster était entré en littérature au début des années 1980, à la suite du décès de son père, avec L’Invention de la solitude (1982). S’ensuivirent des dizaines de livres, essais, textes autobiographiques, et même une pièce de théâtre et des scénarios de films, dont certains qu’ils avaient réalisés en personne.
Mais c’est surtout par son œuvre romanesque que Paul Auster s’était imposé comme une figure majeure de la littérature, traduit et lu dans le monde entier, avec des titres comme Cité de verre (1985), Revenants (1986) et La Chambre dérobée (1986), qui forment sa fameuse Trilogie new-yorkaise, ou encore son œuvre-somme 4 3 2 1, publiée en 2017. Dans ses romans, écrits dans une langue claire et lumineuse et qui ont pour décor privilégié New York et le quartier de Brooklyn, il joue avec les codes de l’enquête et du roman policier pour déployer des personnages souvent étranges et aux destins méandreux.
Francophile et fin connaisseur de la littérature et de la culture françaises, Paul Auster avait vécu quatre ans à Paris au début des années 1970, où il avait fréquenté la scène poétique de l’époque, se liant avec des poètes comme Jacques Dupin ou André Du Bouchet, dont il traduisit certaines œuvres en anglais. La France, qu’il considérait comme son « deuxième pays », avait fait un accueil enthousiaste à son œuvre. Il avait reçu le Prix Médicis étranger en 1993 pour Léviathan. Son dernier livre, Baumgartner, a été publié en mars chez Actes Sud, son éditeur en France depuis des décennies.
[Ndlr : peut-être qu'à l'avenir, les services ministère de la Culture apprendra à la ministre à citer le nom des traducteurs et traductrices lors d'hommages rendus à des auteurs étrangers.]
Crédits photo : Paul Auster © Spencer Ostrander / Actes Sud
Par Clément Solym
Contact : clements@actualitte.com
Paru le 06/09/2017
444 pages
Actes Sud Editions
10,20 €
Paru le 06/09/2017
295 pages
Actes Sud Editions
9,00 €
Paru le 08/01/2020
1213 pages
Actes Sud Editions
14,00 €
Paru le 06/03/2024
199 pages
Actes Sud Editions
21,80 €
4 Commentaires
NAUWELAERS
02/05/2024 à 00:26
Bien sûr on ne peut qu'adhérer à la recommandation finale, entre parenthèses, concernant la traduction qu'il faut créditer...
En espérant qu'une mention obligatoire indiquera les livres écrits ou traduits par une IA: il faut penser à cela, cela arrive et il faut privilégier l'humain toujours.
Qui a envie de lire un livre écrit ou traduit par une IA ?
Pour qui aime ce grand écrivain disparu dont le talent a commencé à se déployer suite à une grande douleur -la mort de son père -je recommande l'audition d'une longue interview de lui, par Jérôme Colin (2021), rediffusée ce 1er mai 2024 sur la Première.
Le lien ci-dessous est trouvable sur le web: l'ai écoutée, c'est passionnant et Auster s'exprime en un français impeccable.
Une grande perte...
Entrez sans frapper - Spéciale Paul Auster
RTBF
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il y a 13 heures — Spéciale Paul Auster Jérôme Colin était parti à la rencontre de l'auteur américain Paul Auster, chez lui à New-York en 2021. Retour sur la
CHRISTIAN NAUWELAERS
Gregoire
02/05/2024 à 06:38
Je découvre seulement depuis hier 1er mai le nom de Paul auster. Oui il fallait lui rendre hommage, puisque nombre de médias lui consacrent un article. Ça suppose donc que certains de ses romans figurent ,( ou vont l être) en livre de poche.
Marie
02/05/2024 à 16:38
Grand merci à Clément Solym DE donner envie de lire Paul Auster que je ne connaissais que de nom. Par ailleurs comme la Maison" Actes Sud" est un gage de qualité parfois insolite, je vais chercher...un roman d'abord. .Merci encore.
Jasper the disaster
10/05/2024 à 20:26
Grand merci a Clément Solym qui, grâce à son article, et aux commentaires, j'ai appris que Monsieur Nauwelaers lisait des livres, et pas que de sylvain Tesson, et que Marie découvre enfin Paul Auster. Cela redonne foi dans l'homme.