En France, le 9 juin prochain, les Européens et Européennes sont appelés aux urnes afin d'élire leurs représentants au Parlement. 38 listes ont été officiellement enregistrées auprès des autorités françaises, lancées dans une campagne ouverte depuis le 27 mai dernier. Pas toujours abordée dans les programmes, la culture compte tout de même parmi les préoccupations de plusieurs partis. Avec des différences d'approche parfois radicales...
Le 31/05/2024 à 12:15 par Antoine Oury
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Publié le :
31/05/2024 à 12:15
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Dès le 8 juin pour certains territoires d'outre-mer et à l'étranger, mais le lendemain pour la majorité, les Français sont appelés aux urnes pour élire 81 représentants au Parlement européen. 720 députés seront ainsi désignés à l'issue de ce vote au suffrage universel direct, un scrutin proportionnel qui se déroulera dans l'Union entre le 6 et le 9 juin.
Près de 360 millions de personnes pourront exercer leur droit de vote lors de ces élections européennes, et 3 électeurs sur 4 se déclaraient partants pour se rendre aux urnes, selon un sondage Eurobaromètre réalisé trois mois avant le scrutin. Cependant, les intentions de vote sont généralement un peu plus élevées que leurs concrétisations, le jour du scrutin.
Le Parlement européen a un poids évidemment important dans la politique menée par l'Union. Une fois élus, les eurodéputés désigneront d'abord le président ou la présidente du Parlement en juillet, qui succédera à la Maltaise Roberta Metsola, puis celui ou celle qui présidera la Commission européenne, sur une probable proposition du Conseil européen — qui s'appuie lui-même sur les résultats des élections européennes.
Pendant toute la durée de leur mandat (2024-2029), les eurodéputés exerceront leurs pouvoirs législatif, budgétaire et de contrôle politique, déterminant les orientations prises par l'Union européenne et appliquées aux États membres.
Les prérogatives de l’Union européenne fixent les domaines où le droit européen doit être respecté par les États membres, et le secteur de la culture en fait partie, qualifié de compétence européenne depuis un traité de 1992. Parmi les actions de l'Europe, signalons plusieurs directives, comme celle sur le droit d'auteur de 2019, l'encadrement des usages de l'intelligence artificielle ou le programme Europe Créative, qui apporte un soutien financier à des projets culturels, notamment éditoriaux.
En France, les partis pouvaient déposer leur candidature aux élections européennes jusqu'au 17 mai dernier. Au total, le ministère de l'Intérieur a validé la participation de 38 listes, une légère hausse par rapport aux 34 déposées en 2019. Afin de rendre compte de la place de la culture dans le scrutin européen, ActuaLitté a passé en revue la documentation des 38 partis candidats.
Nous présentons ci-dessous les propositions culturelles des différentes listes, en respectant l'ordre établi par le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, et en ajoutant un lien vers le programme complet. Parmi les candidats, un petit nombre, souvent de formations assez confidentielles, ne propose pas de programme officiel, quand d'autres partis n'évoquent pas la culture dans programme, et sont donc aussi absents du relevé suivant.
La liste d'extrême droite, sans trop de surprise, souhaite « affirmer les racines de notre civilisation européenne et chrétienne ». Pour ce faire, elle entend « inscrire dans les traités la mention des racines grecques, latines et chrétiennes de l’Europe », mais aussi « favoriser la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel historique européen ».
Le programme propose de récupérer à cette fin les fonds du programme « Europe Créative », qualifié de « propagandiste », tout en réduisant les contributions nationales qui lui sont allouées. Il veut également supprimer l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture, qui détermine les financements accordés aux projets par la Commission européenne.
Reprenant l'obsession de la tête de liste et de son soutien, Éric Zemmour, La France fière se dresse contre « l'idéologie woke » et veut interdire « tout financement au wokisme et aux associations militantes LGBT », tout en prétendant, malgré tout, « réaffirmer la liberté d’expression comme valeur cardinale et non-négociable [...], sans biais politiquement corrects qui servent souvent à déguiser la censure ».
Parmi les principales mesures de La France insoumise, la volonté d'« étendre et renforcer l’exception culturelle française », en agissant pour les artistes auteurs. La liste soutient ainsi « la création d’un statut européen de l’artiste et des régimes sociaux adaptés notamment pour les artistes auteurs » et souhaite « lutter contre l’ubérisation dans ces métiers et conditionner les subventions d’Europe Créative [...] au respect de ces statuts spécifiques de travailleur ».
LFI suggère aussi de « généraliser la pratique artistique et les échanges culturels dès le plus jeune âge en Europe via Europe Créative et la mise en place d’un fonds de développement pour l’Éducation artistique et culturelle pour les citoyens européens tout au long de la vie ». D'une manière générale, les financements européens, notamment ceux d’Europe Créative, seront rendus plus accessibles « par la simplification de leurs démarches d’obtention et le développement de dispositifs pérennes ».
Le parti entend également interdire « toute prise de contrôle de plus de 20 % du capital par une même personne physique ou morale dans les médias et industries culturelles les plus significatives (audiovisuel, musique, livre, jeu vidéo) comme le groupe Bolloré, et encourager la constitution d’acteurs européens alternatifs misant sur la diversité culturelle et la liberté de création pour résister face aux plateformes américaines ».
Du côté de la diffusion et de la coopération, le programme défend « l’attribution de ressources dédiées » à la culture dans les territoires ultramarins, ainsi que le soutien à « la production et la diffusion des créations et œuvres culturelles en langue créole dans l’espace européen ». Il souhaite aussi « relancer les politiques de coopération avec les pays de la Méditerranée occidentale autour de projets d’intérêt commun », dont la culture et l'éducation.
LFI agira également pour lever les obstacles à l’accessibilité dans le domaine de la culture, et pour « encadrer l’usage de l’intelligence artificielle dans les secteurs culturels et créatifs notamment par la transparence des algorithmes utilisés dans ces domaines et la création de statuts juridiques spécifiques pour les œuvres créées par IA ou ayant eu recours à cette dernière ».
Peu présente dans le programme d'extrême droite, la culture y est évoquée au détour d'une phrase simpliste mais révélatrice du projet réactionnaire : « Défendre et promouvoir la civilisation européenne, en s’opposant à la déconstruction de notre histoire, de nos cultures [...]. »
Au sein de l'imposant programme d'Europe écologie (171 pages tout de même), la culture trouve sa place, à travers le prisme de l'émancipation. La liste proclame la nécessité d'« un soutien accru à la diversité culturelle sur l’ensemble des territoires, avec une attention particulière aux expressions des personnes marginalisées géographiquement et/ou socialement ».
Le parti écologiste souhaite également défendre « la mise en œuvre des droits culturels dans toutes leurs dimensions », mais aussi « le droit d’auteur ». Il entend « améliorer la mise en œuvre et l’accompagnement des porteur·euse·s de projet pour obtenir les fonds culturels » et, assez logiquement, accompagner « la transition écologique du secteur culturel ».
Enfin, le programme mentionne une facilitation de « l’accès aux programmes de soutien à la culture pour les actions de protection, de promotion ou de reconnaissance des langues régionales ou minoritaires », et entend faire « des langues des sourd·e·s des langues officielles de l’Union européenne ».
À l'instar du programme présenté aux élections législatives de 2022, le Parti pirate se présente aux européennes avec un grand nombre de propositions pour la culture. Pour faciliter la libre circulation des connaissances, il suggère ainsi l'augmentation de « l'utilisation de ressources disponibles en libre accès sans restrictions sur les copies », sous licence libre, par les institutions éducatives européennes.
Il soutient aussi « la numérisation et la publication des documents conservés dans les bibliothèques et les archives publiques à travers l'UE », et invite les municipalités à « questionner la faisabilité [...] de l'accès numérique aux catalogues de leurs espaces culturels (médiathèques, bibliothèques, cinémathèque) ».
En faisant référence au programme européen Plan S, le Parti pirate souhaite « imposer la licence Creative Commons CC-BY à toutes les publications scientifiques issues des établissements publics français de recherche et de sociétés, ou de projets de recherche financés entièrement ou partiellement par des fonds publics ».
Promouvant la culture libre, le Parti pirate souhaite que le patrimoine culturel soit « autant que possible numérisé et mis à la disposition du public » et veut « limiter la période de monopole commercial du droit d’auteur entre cinq et vingt ans ». « La copie, le stockage, l'utilisation et l’accès à des œuvres littéraires et artistiques à des fins non commerciales doivent non seulement être légalisés, mais protégés par la loi et activement promus », ajoute encore le programme du Parti pirate.
Le parti soutenu par Emmanuel Macron propose la création d'un Pass Culture européen, à l'image de ceux mis en place en Italie, en France et en Allemagne. Il entend également « valoriser l'exception culturelle européenne » à l'aide d'« un réseau européen des Instituts culturels nationaux pour la diffusion de la culture européenne », l'objectif étant de faciliter la circulation des œuvres européennes dans l'Union.
Le PACE suggère lui aussi de « créer un Pass Culture pour tous les jeunes de 16 à 25 ans (accès gratuit à un certain nombre de musées, théâtres, opéras, concerts, monuments historiques…) de toute l’Union européenne » et le rapprochement des instituts culturels des États membres « au sein de Maisons des cultures européennes ».
Le programme évoque également « une licence globale pour l’accès à la culture sur Internet » ainsi qu'un « grand programme européen d’accessibilité à la culture » pour les personnes handicapées.
La liste du parti Les Républicains souhaite « interdire toute forme de financement par les institutions européennes d’idéologies qui cherchent à discréditer la culture européenne (wokisme, islamisme, etc.) ».
Dans le même ordre d'idées et sans vraiment de précisions, le programme souligne que l’argent du contribuable européen sera utilisé pour « faire de la recherche scientifique (et non militante) et enseigner l’esprit critique aux étudiants sans diffuser des idéologies qui s’opposent aux valeurs de notre civilisation ».
Particulièrement radicale, cette liste indique dans son programme : « Nous souhaitons que les instances européennes n’interviennent plus dans le domaine de la culture. »
Au sein du programme de la liste menée par Raphaël Glucksmann, la volonté de doubler « le budget européen de la culture alloué au programme “Europe Créative” pour qu’il atteigne 800 millions d’euros par an ». Mais aussi la protection « des droits d'auteur », l'engagement d'« une réflexion commune sur les intelligences artificielles dans le secteur culturel et artistique » et « l’exclusion de la culture de toute négociation d’accords de libre échange et soutenir toute gouvernance permettant de défendre et promouvoir le secteur culturel européen en dehors de l’Union européenne ».
Par ailleurs, Réveiller l’Europe entend « soutenir le multilinguisme, la diversité culturelle, la traduction des œuvres, et les langues et cultures minoritaires », ainsi que « faciliter les échanges entre les territoires ultramarins de l’UE » dans le domaine de la culture.
Une partie du programme d'Alliance rurale est axée sur les patrimoines régionaux, avec la « création d‘un institut de sauvegarde des langues régionales européennes » et une inscription des « pratiques traditionnelles européennes au patrimoine mondial de l’UNESCO ».
Le document souligne aussi que « les activités traditionnelles et culturelles européennes doivent être maintenues et protégées de façon à assurer leur pérennité et leur transmission par une directive européenne “Cultures et Traditions”, comprenant toutes les pratiques liées à notre art de vivre et nos identités culturelles ».
La formation écologiste souhaite mettre en place un Pass Culture européen, mais aussi doubler les moyens du programme « Europe Créative ». Le programme mentionne également une protection et une reconnaissance des langues régionales et minoritaires de l’Union européenne, et une régionalisation des aides européennes, afin de « développer les initiatives culturelles en dehors des grands centres urbains ».
D'après son programme, les candidats de cette liste souhaitent agir « [p]our promouvoir les échanges culturels et éducatifs, pour renforcer les liens avec d'autres territoires sans oublier l'Outre-mer et favoriser une compréhension mutuelle ».
« L’Union européenne doit favoriser les échanges entre les cultures, les artistes et les professionnels de la culture et du spectacle, sur la base de la connaissance et du respect mutuel », proclame le programme de cette liste. L'entrée et le séjour des artistes des artistes hors UE, ainsi que l'accueil de leurs créations doivent être facilités.
Au sein des propositions de la Gauche unie, « l’octroi des subventions dans les domaines de la recherche (fondamentale et en “recherche et développement”), du développement industriel et de la culture, doit être conditionné à la production au sein de l’UE, à hauteur d’un minimum de 50 % des montants alloués ».
Désireux de protéger les artistes auteurs contre la censure, le parti souhaite que l'Europe garantisse « les libertés de création et de diffusion comme libertés fondamentales ». Mais entend également améliorer leurs conditions de vie et de création en s'opposant « au piratage et à la contrefaçon en ligne » et en instaurant un revenu de remplacement pour les artistes auteurs temporairement privés de ressources.
Cette dernière proposition s'inspire largement d'une proposition de loi portée par des députés communistes en France, qui suggère la mise en place d'un régime semblable à celui des intermittents du spectacle pour les artistes auteurs.
Désireux de promouvoir la diversité culturelle et les langues régionales minoritaires, le parti réserve aussi un paragraphe, dans son programme, au secteur du livre européen : « Ce dernier contribue à la diversité culturelle, à la diffusion du savoir et à la préservation de notre patrimoine littéraire. Avec plus d’un demi-million de personnes employées et environ 600 000 titres publiés chaque année, son impact économique et culturel est considérable. Face à la crise du papier, à l’augmentation des coûts de livraison, à la concurrence des grandes plateformes comme Amazon, il est indispensable de mettre en place des mesures de protection et de soutien. »
Afin d'améliorer l'accessibilité, cette formation prévoit de contraindre les établissements recevant du public « à se mettre en conformité » par rapport à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Centré sur la pratique et la diffusion de l'espéranto, ce programme appelle à son enseignement dans les écoles européennes, à la création de filières d’études supérieures européennes avec l’espéranto comme langue d’enseignement et à la naissance d'une « chaîne de télévision européenne en espéranto avec des programmes éducatifs, culturels et informatifs ».
Espéranto Langue Commune entend créer un « statut européen du traducteur » et « coordonner, favoriser et subventionner les traductions dans tous les domaines », dont la littérature.
Au sein de sa profession de foi, cette liste indique simplement qu'elle cherchera à « préserver les enfants (identité de genre, wokisme, écriture inclusive) » et à « sécuriser, limiter les nouvelles technologies (écrans, IA) ».
Photographie : illustration, EU2017EE Estonian Presidency, CC BY 2.0
5 Commentaires
Will I am
31/05/2024 à 14:21
Et le Parti animaliste, alors ?!
Qui veut "introduire dans le parcours éducatif la sensibilisation au respect des êtres humains et des animaux"...
"On peut juger de la grandeur d'une nation et ses progrès moraux par la façon dont elle traite les animaux."
Dixit Gandhi, excusez du peu !
PS
LFI propose - si ça ce n'est pas de l'obsession ! - l'interdiction de "toute prise de contrôle de plus de 20 % du capital par une même personne physique ou morale dans les médias et industries culturelles les plus significatives (audiovisuel, musique, livre, jeu vidéo) comme le groupe Bolloré..."
Ce qui signe la fin de France Télévisions et de Radio France !
Toujours l'esprit aussi affûté les Insoumis...
Les couacs et conséquences de "leur" commission parlementaire, en forme de tribunal révolutionnaire contre Bolloré, auraient dû pourtant les éclairer...
Rose
03/06/2024 à 10:22
Les chaînes France Télévisions et Radio France sont publiques ; pas d'amalgame avec le capital privé.
Will I am
03/06/2024 à 12:52
France TV est une société anonyme dont l'Etat est actionnaire à 100 %...
C'est pire !
Payée avec nos impôts le minimum minimorum serait qu'elle respecte le pluralisme éditorial.
Or elle est clairement orientée à gauche.
Qu'elle soit à gauche et privée ne me gênerait aucunement.
Si elle était publique et à droite, cela me gênerait autant.
Ce n'est pas une question de couleur politique. Mais de neutralité de l'Etat.
Visiblement ça passe au-dessus de la tête de LFI. Tellement qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils marquent contre leur camp.
Rose
02/06/2024 à 10:38
Alors on y va dimanche prochain, mais 38 listes, c'est un peu éparpillé. D'ailleurs, certains partis feraient bien de garder leurs prisons pour eux. La culture est universelle comme la cuisine, le sport et la planète ; un monde plus grand, un monde entier.
Pour en revenir aux élections européennes, à savoir que la présidente actuelle de l'UE est poursuivie par une plainte pénale, que le libre-échange nous détruit et saccage la planète et que beaucoup de mauvaises décisions sont prises, comme l'autorisation de camions de 25m et 60t, un peu dangereux non ? Au lieu de privilégier le fret ferroviaire ; que les pesticides autorisés donnent 4 fois plus de cancers, après il ne faut pas s'étonner du déficit de la sécurité sociale. Je reste dans les clous, là, si on est mort ou très malade, on ne peut pas profiter de la culture. Bref, une Union Européenne d'envergure, harmonieuse, honnête, pas cupide serait la bienvenue.
Rose
02/06/2024 à 10:38
Alors on y va dimanche prochain, mais 38 listes, c'est un peu éparpillé. D'ailleurs, certains partis feraient bien de garder leurs prisons pour eux. La culture est universelle comme la cuisine, le sport et la planète ; un monde plus grand, un monde entier.
Pour en revenir aux élections européennes, à savoir que la présidente actuelle de l'UE est poursuivie par une plainte pénale, que le libre-échange nous détruit et saccage la planète et que beaucoup de mauvaises décisions sont prises, comme l'autorisation de camions de 25m et 60t, un peu dangereux non ? Au lieu de privilégier le fret ferroviaire ; que les pesticides autorisés donnent 4 fois plus de cancers, après il ne faut pas s'étonner du déficit de la sécurité sociale. Je reste dans les clous, là, si on est mort ou très malade, on ne peut pas profiter de la culture. Bref, une Union Européenne d'envergure, harmonieuse, honnête, pas cupide serait la bienvenue.