AnniversaireXIII – Cette année 2024 n'est pas seulement celle du centenaire de la mort de Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, mais aussi des 40 ans de la naissance d'une série culte de la bande dessinée belge, XIII. Le scénariste Jean Van Hamme, qui a également façonné les cultes Thorgal et Largo Winch, a accepté de retrouver l'un de ses personnages fétiches à l'occasion d'un album très spécial, qui réunit une pléiade de dessinateurs.
Le 22/01/2024 à 16:44 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
22/01/2024 à 16:44
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Traquenards et sentiments, sorti ce 19 janvier chez Dargaud, propose plusieurs histoires courtes construites par le créateur de la série, qui s'intercalent parmi les événements de l'arc principal de XIII. Pour ce faire, ont été réunis Philippe Xavier, Iouri Jigounov, Callède, Henriet, Gontran Toussaint et Mikaël.
Jean Van Hamme s'est déplacé à la Fnac - Ternes à Paris, afin de signer ce tome événement. ActuaLitté a pu assister à l’échange entre le scénariste et deux dessinateurs qui ont participé à cette édition, Philippe Xavier et Olivier TaDuc.
Philippe Xavier a découvert XIII durant sa jeunesse, quand le regretté William Vance était au dessin : « Ça a vraiment bercé ma jeunesse. En tant que gamin, j'ai grandi avec William Vance, Hermann et Jean Giraud. Ils ont été mes références. Je les copiais à 14-16 ans. Ils font ainsi partie de mon ADN de dessinateur. » De ce fait, beaucoup de facilité à entrer dans l'imaginaire visuel de l'oeuvre, malgré un travail conséquent.
Jean Van Hamme est de son côté formel : « Un scénario c’est rien, le plaisir est de le voir prendre vie en dessin par des gens doués. » Et d'ajouter : « Je connais Philippe Xavier seulement depuis quelques années, mais je suis toujours ravi quand il dessine quelque chose que j’ai écrit, c’est un vrai plaisir. »
Pour son travail sur cet album, le dessinateur de 54 ans s'est mis au service de la bande dessinée, et de l'histoire à mettre en image, et non l'inverse : « Mon but principal était de faire plaisir à tous les lecteurs qui ont grandi avec XIII, et à mon éditeur aussi... »
Cet album spécial ne s'inscrit pas dans les 28 volumes initiaux, mais dans la série dérivée, XIII Mystery, qui propose des one shots supervisées par Jean Van Hamme, mais non scénarisé par lui : « Je ne suis intervenu qu’une seule fois avec mon droit moral, parce que le scénariste avait coupé la main de Jones. Je n'étais pas content du tout. La main a fini foulée », raconte le Belge, non sans humour.
Dans ce 14e tome, des intrigues en pagaille : la révélation de l'identité secrète d'Eleanor Davis-Brown, l'agent XX ; le parcours de Lullaby, de ses jours au Minneapolis Hot Dance à la gestion de son établissement au Mexique ; et les efforts de XIII pour démêler les fils de son passé, notamment à travers un échange avec un ancien camarade d'université, dont les véritables intentions demeurent incertaines...
En outre, un cahier spécial a été inclus dans ce dernier tome, avec la participation d'artistes éminents du du dessin, comme Enrico Marini, Éric Henninot, Alcante, Boucq, Richard Guérineau, Dominique Bertail, Olivier Grenson, Colin Wilson, Jean-Pierre Pécau et Corentin Rouge. Olivier TaDuc, autre contributeur de ce cahier, est lui aussi un enfant de William Vance : « On ne peut pas aborder XIII sans penser à son immense talent, sur lequel j'ai rêvé. La façon de dessiner les voitures, les personnages. C’est l’un des premiers à m'avoir initié à ce genre d’éléments dans le dessin. »
Ce dernier est au dessin pour une autre série dérivée de XIII qui met en vedette le beau personnage du Major Jones, et explore son passé
Jean Van Hamme, taquin, nous partage une anecdote au sujet de William Vance : « Je vais vous révéler sa manière de travailler, parce que ça vaut la peine. Quand il reçoit le scénario, je lui propose un découpage par page. La première chose qu'il fait : il prend le nombre de pages, découpe des petits carrés, et il écrit des dialogues, ce qui lui permet de voir la place qu'il aura pour dessiner. Le problème, c'est qu’il ne relit pas les dialogues finaux quand il dessine. Alors par exemple une fois, il me met une grosse pluie, quand il était écrit “Avec ce beau temps, on le rattrapera facilement"... »
À la question de savoir quel est le secret pour bien dessiner XIII, Philippe Xavier confesse « chercher encore, car c’est très compliqué finalement », mais « c'est un beau mec athlétique, prêt à tout. J’aime bien dessiner ce genre de personnage. » Dans son histoire pour Traquenards et sentiments, il a repris le personnage dessiné par Jean Giraud pour la série, Kelly Brian, que William Vance n’a lui-même jamais mis en scène : « Sur trois cases, il a le visage dans l’ombre, donc j’avais un peu de liberté », explique Philippe Xavier.
Jean Van Hamme pointe en outre deux beaux défauts, si on peut les définir ainsi, partagés par Philippe Xavier et William Vance : ils son incapables de dessiner une femme quelconque... « Je m’explique. Je demande qu’un personnage demande à une dame quelconque son chemin, et je dis bien quelconque, et c’est à chaque fois une éblouissante jeune femme, généralement blonde, à se rouler par terre. Mais nom d'un chien, essaye de dessiner quelqu'un de banal, dis-je alors. Impossible… »
Réponse de Philippe Xavier : « C'est vrai que j'aime bien dessiner des personnages sexy, que ce soit masculin ou féminin. Et puis quand on est dessinateur, dans sa bulle tous les jours, huit heures à dix heures par jour, on a envie de dessiner une belle femme. »
Olivier TaDuc confirme pour lui-même : « Comme Philippe, j'aime bien aussi dessiner les jolies demoiselles, et je me suis régalée avec Jones. Vous avez, avec William Vance, créé un super personnage. Presque, elle vole la vedette à XIII, je trouve. » Ce dernier n'avait jamais dessiné le personnage de XIII, hormis pour la planche hommage de cet album événement.
En quarante ans d'existence, XIII, c'est près de vingt millions d’exemplaires vendus, un homme retrouvé à moitié mort par un brave couple de retraités, et qui, encore aujourd'hui, est nimbé de mystères. Beaucoup d'identités pour autant d'aventures, d'amitiés, d'amours difficiles, de risques inconsidérés et des souvenirs, dans ces États-Unis à la large part d'ombre... « C’est le 13 décembre 1981, un dimanche, que dans une lettre adressée à Vance, j’ai écrit pour la première fois le chiffre XIII sur ma vieille Olympia mécanique », raconte Jean Van Hamme.
Un solide gaillard aux allures de baroudeur se retrouve sans nom, sans passé, sans souvenir, dans un lieu inconnu. Son seul début d'indice pour découvrir son identité est un chiffre, XIII, qu'il porte en tatouage. Ce récit d'espionnage a pour cadre un pays moderne non précisé, mais qui ressemble fort aux États-Unis.
À l'automne 1984, soit trois ans plus tard, une pré-publication dans le magazine Spirou. Le succès se construit lentement, mais sûrement : le troisième volume, Toutes les larmes de l’enfer, qui voit notre amnésique malmené dans une prison à la Midnight Express, est rapidement en rupture de stock, avec plus de 31.000 exemplaires écoulés en deux mois, dans la seule version française.
Le scénariste, qui pensait « boucler » son affaire en cinq tomes, en aura loin d'avoir fini. 28 tomes aujourd'hui, avec un premier cycle signé Jean Van Hamme et William Vance, et un second démarré en 2007 par Yves Sente et Iouri Jigounov, dont le tome 29 paraîtra en octobre prochain. XIII, c'est à présent des versions dans 17 langues, dont le serbe, le chinois ou le tamoul.
« Mes albums préférés de XIII sont ceux qui ont d'ailleurs été un peu critiqués, parce qu'ils sortaient de l’intrigue. On y parle de l'enfance du personnage », raconte Jean Van Hamme, qui développe : « Il ne s'en souvient pas, mais on lui en parle. Il y a quelque chose de plus intime. C'est la seule fois où on évoque de cette manière son amnésie. »
Au sujet de son impressionnante galerie de personnages, le Belge raconte s'amuser d'abord à construire ses enquêtes. Néanmoins, selon ce dernier, « un bon personnage, c’est quelqu’un qu’on comprend, qui a un but, et qui fait réfléchir à ce qu’il recherche véritablement, qui il est. C'est comme une personne que vous croisez dans le train et que vous trouvez sympathique, ou pas. Qu’est ce qui fait que vous pensez ceci ou cela de lui ou elle ? Il doit y avoir quelque chose dans le regard. J’admire les dessinateurs qui savent mettre une étincelle dans un regard. »
Il arrive même par moment, dans la construction d’un scénario, d'atteindre ce que le scénariste appelle, un « moment parfait » : « C'est quelque chose qui se passe dans la tête des personnages, et sans qu’il le dise, vous le ressentez. Comme un personnage de dos qui vient d’apprendre une nouvelle, et vous savez son état émotionnel et d’esprit. C’est l’occasion de se mettre à la place du personnage, ce que ne le lecteur ne fera pas s’il est de face. L’art du hors champ. »
Son célèbre personnage a par ailleurs reçu des adaptations en séries télévisées, jeux vidéo ou « visual novels ». Par ailleurs, du 19 janvier au 13 novembre, les amateurs de la série sont invités à se glisser dans la peau de XIII dans une expérience de jeu immersive. Les participants interprètent le rôle de Jason MacLane, connu sous le nom de XIII, et explorent les souvenirs cachés dans sa mémoire tout en interagissant avec des figures marquantes de la série, telles que Jones, le Général Carrington, Maria et Sean Mullway.
Si le joueur a rassemblé tous les indices nécessaires et réussi la mission de retrouver les souvenirs de XIII, il aura accès à un formulaire pour participer à une loterie. Les prix incluent un original de William Vance et de nombreuses autres récompenses.
Et en bonus, Jean Van Hamme nous révèle une information qui va ravir les lecteurs de sa série : « Le 3 juin, va paraître un exemplaire du journal Spirou en l'honneur des cent ans de Dupuis. Et je ne sais pas si vous vous en souvenez, les plus âgés d'entre vous certainement, qu’à l’époque dans Spirou, il y avait un mini-récit. Une petite page qu’on pouvait découper, et qui était en général comique. Et bien, ils nous ont demandé si on pouvait faire un mini-récit sur XIII, dessiné par Philippe Xavier. »
Et d'assurer : « J'ai eu un énorme plaisir à complètement déconner. Ça ne ressemble pas du tout aux XIII classiques, pas du tout, et ça va avoir un succès boeuf. »
Crédits photo : ActuaLitté (CC BY-SA 2.0)
DOSSIER - XIII : 40 années d'amnésie
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
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4 Commentaires
L'auteur masqué
22/01/2024 à 23:41
Vous auriez quand même pu rappeler que XIII n'est au départ qu'un vulgaire plagiat de la série des Jason Bourne de Robert Ludlum.
Jean Van Hamme n'a pas attendu l'Intelligence Artificielle pour recycler des œuvres sous copyright.
Greg
23/01/2024 à 18:19
Et Largo Winch est un décalque de L'Héritier le film de Philippe Labro (son Blake et Mortimer lui reprend son vergogne Les 39 Marches de John Buchan adapté par Hitchcock).
Sandaloïs
23/01/2024 à 13:20
Quelle joie de lire cet article !
Née en 1974, j'ai grandi avec XIII, et c'est avec bonheur que je lirai cet opus pour le quarantenaire de ma BD de chevet!
Merci beaucoup.
Iznogoud
05/07/2024 à 20:09
Gnagnagnagnagnagna toujours les mêmes rabat-joie, souvent des auteurs ratés frustrés de ne pas avoir aussi bien réussi que Van Hamme. Lui au moins a réussi...