La journaliste et romancière Claude Sarraute est décédée dans la nuit de ce lundi 19 juin, à son domicile parisien, a annoncé son fils Martin Tzara à l’AFP. Née le 24 juillet 1927, à Paris, elle avait 95 ans. Chroniqueuse prolixe, Claude Sarraute a aussi publié de nombreux romans.
Le 20/06/2023 à 15:19 par Julie Mahé
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Publié le :
20/06/2023 à 15:19
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Elle était la fille aînée de l'écrivaine Nathalie Sarraute (1900-1999), et de l'avocat Raymond Sarraute. Principalement connue en tant que journaliste, Claude Sarraute travaille à la rédaction du Monde de 1953 à 1986, où elle signe notamment le billet quotidien « Sur le vif », en dernière page, une véritable « institution » souligne le quotidien du soir.
De 1985 à 1995, elle use de son franc parlé et de sa vivacité aux côtés de Philippe Bouvard pour l’émission Les Grosses têtes sur RTL, avant d'apparaitre dans Rien à cirer, sur France Inter, avec un certain Laurent Ruquier. Elle le suit pour On va s’gêner sur Europe 1, et de nouveau aux Grosses Têtes, lorsqu'il reprend l'émission en 2014.
Elle a fait quelques apparitions au cinéma, dans la comédie La presse est unanime (2004) et Une vieille maîtresse (2005), ainsi qu'au théâtre.
En parallèle de son travail journalistique, Claude Sarraute était aussi écrivaine. Elle a publié une dizaine de romans, et connait un certain succès public avec son premier, Allô, Lolotte, c'est Coco (1987, Flammarion).
Suivront, aux éditions Flammarion toujours, Maman coq (1989), Mademoiselle, s'il vous plaît ! (1991) ou encore Ah ! l'amour, toujours l'amour (1993), puis, chez Plon, C'est pas bientôt fini ! (1998), Dis, est-ce que tu m'aimes ? (2000), Dis voir, Maminette... (2003) et Belle belle belle (2005).
Son premier livre, Dites donc !, en 1985 (JC Lattès), est un recueil des chroniques « Sur le vif » publiées dans Le Monde, qui lui valent une certaine popularité. À l'image de ces petits textes, une partie de ses écrits repose sur un mélange d'analyse de l'actualité quotidienne et d'anecdotes personnelles.
Dans Des Hommes en général et des femmes en particulier en 1996 aux éditions Plon, elle explore des aspects de la « guerre des sexes ». En 2009, elle choisit Laurent Ruquier pour coécrire Avant que t'oublies tout !, publié chez Plon. Elle y partage des fragments de sa vie, de son enfance à sa vie d'adulte.
En 2017, sort son ultime publication, pour laquelle elle retrouve Flammarion, Encore un instant. Claude Sarraute y raconte les bonheurs et les doutes de la fin de vie avec son inimitable franchise : « J'ai toujours choisi des hommes riches qui me faisaient des cadeaux. Il ne me serait jamais venu à l'idée de payer un dîner. J'avais une libido qui marchait à fond et j'allais vers celui qui me tentait le plus, et celui qui me tentait le plus, c'était le plus riche mais aussi le plus patient. »
Laurent Ruquier, avec lequel elle était amie depuis plus de 30 ans, lui a rendu un hommage sur RTL en évoquant « une femme formidable, parce que c'était une des premières femmes libres, peut être plus féministe qu'on ne l'imagine. (...) Elle avait tellement de choses à raconter. »
Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, a rendu hommage à Claude Sarraute dans un texte, dont voici un extrait : « À quatre-vingt-cinq ans, Claude Sarraute quitte la radio puis nous livre, en 2017, ses meilleurs souvenirs truffés de commentaires pétillants sur l’époque actuelle dans un dernier ouvrage : Encore un instant. Nous aimerions, nous aussi, retrouver encore un instant son œil averti et son irrévérence. J’adresse à sa famille, à ses proches et à tous ceux qui ont pendant soixante ans attendu impatiemment la parution de ses chroniques, mes plus sincères condoléances. »
Plume singulière du Monde et voix familière des « Grosses têtes », Claude Sarraute a ému des milliers de français par sa liberté de ton et le piquant de ses observations en peignant « sur le vif » les affres de ses contemporains.
Si l’écriture est devenue sa vie, ses premières amours sont dramatiques. A dix ans elle voit son premier film Blanche-neige et dans son esprit cela ne fait aucun doute : plus tard elle sera comédienne. De l’école Alsacienne aux bancs de la Sorbonne, Claude Sarraute mène une brillante scolarité en rêvant de pouvoir un jour monter sur les planches. Pour la fille de la théoricienne du Nouveau Roman, pas question d’imiter sa mère. Elle prend des cours du soir, se forme et joue dans des pièces d’avant-garde.
Mais rien n’y fait : elle aussi est habitée par le désir d’écrire.
Le journalisme lui ouvre ses portes. D’abord dans les colonnes du Sunday Express dont elle est la correspondante à Paris puis au journal Le Monde où elle restera quarante ans. Affectée aux pages « spectacles », elle y note tout ce qui se joue à Paris avant de réaliser ses premières chroniques sur les programmes télévisés. Pressée d’écrire davantage, elle multiplie les idées d’articles jusqu’à ce que le directeur de la rédaction de l’époque, André Laurens, lui confie contre l’avis des chefs de service « Sur le vif », une rubrique en fin de journal qui deviendra avec les dessins de Plantu une des pages les plus lues du journal.
Il faut dire qu’elle écrit sa rubrique comme le babil addictif d’une pipelette, dénonçant avec malice le ridicule et les contradictions de ses contemporains. De la vie de bureau à celle des hommes politiques – François Mitterrand, qu’elle appelait son « mimi », ou Jacques Chirac, son « Jacquot » – Claude Sarraute parle de tout et apporte, non sans finesse, une touche de légèreté dans le quotidien des lecteurs. Mais quelle gageure pour elle de rendre chaque jour à 9h30 précises son papier ! Dans les jours sans inspiration, ce sont alors des « chéri », « mon amour », « ma puce » qui résonnent comme un chant d’oiseau dans les couloirs de la rédaction, où elle va puiser auprès de ses collègues des histoires croustillantes à raconter plus tard.
En 1992, elle met un point final à sa dernière chronique au Monde pour embrasser la suite de sa carrière. Plus de billet peints sur le vif donc, mais des livres et des émissions de radio. Elle est ainsi l’autrice d’une quinzaine de romans – qu’elle s’amuse à appeler des « romans de plage » – entre 1985 et 2017. Sur les ondes, elle ravit le public avec son franc-parler d’abord comme pensionnaire des « Grosses têtes » avec Philippe Bouvard, puis avec Laurent Ruquier dans « Rien à cirer » et « On va s’gêner ». Ceux qui ne connaissaient que ses écrits et sa plume découvrent avec délice alors son merveilleux sourire et son sens de la répartie.
À quatre-vingt-cinq ans, Claude Sarraute quitte la radio puis nous livre, en 2017, ses meilleurs souvenirs truffés de commentaires pétillants sur l’époque actuelle dans un dernier ouvrage : Encore un instant. Nous aimerions, nous aussi, retrouver encore un instant son œil averti et son irrévérence.
J’adresse à sa famille, à ses proches et à tous ceux qui ont pendant soixante ans attendu impatiemment la parution de ses chroniques, mes plus sincères condoléances.
Photographie : Crédits photo © Philippe Matsas / Flammarion
Paru le 25/01/2017
192 pages
Flammarion
19,00 €
Paru le 19/11/2009
258 pages
Plon
20,00 €
4 Commentaires
Marie
21/06/2023 à 13:21
Bien qu'il soit communément admis que "personne n'est irremplaçable"...cette sacrée "dame" a marqué son temps...Rien ne remplaça sa chronique "Sur le vif" dans" le Monde". Des pensées émues pour ses enfants et sa famille.
André Droulin
22/06/2023 à 21:23
La question est : qui est Rima Abdul-Malak ?
Aurelien Terrassier
30/06/2023 à 10:51
Andre Droulin la ministre de la culture.
Aurelien Terrassier
30/06/2023 à 10:54
Claude Sarraute fut non seulement une grande romancière mais aussi à une époque et c'est comme ça que je l'ai connu chroniqueuse chez Laurent Ruquier dans "On a tout essayé" entre 2001 et 2006. Claude Sarraute faisait aussi partie de l'Admd qui lui rend hommage. Paix à son âme.