Force majeure et imprévision : La Charte avance une clause d'annulation
La pandémie du coronavirus avait pris le monde entier de court, poussant à une vague de confinements et de restrictions des libertés sans précédent. Dans le secteur littéraire, de nombreux événements, dans le monde et en France, se trouvaient annulés sans autre forme de procès. Et, pour des auteurs déjà économiquement fragiles, disparaissait tout aussi brusquement une source de revenus non négligeable. L'association La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse ajoute à son modèle de conventionnement une clause d'annulation, pour éviter ces conséquences négatives.
Le 22/04/2022 à 11:30 par Antoine Oury
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Publié le :
22/04/2022 à 11:30
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Fermetures des librairies et bouleversements des programmes éditoriaux avaient déjà eu des conséquences graves pour les revenus des auteurs, mais les annulations d'événements, et donc des dédicaces et des interventions, ont représenté une autre source d'angoisse financière.
Au niveau européen, révélait une étude mi-2020, 97 % des auteurs et traducteurs avaient connu des baisses de revenus dues à l'annulation d'une intervention en festival au cours des mois précédents et, en France, « 66 % des auteurs interrogés ont été touchés par la crise en tant qu’intervenants sur un salon ou un festival, lors d’une rencontre ou d’une résidence, 35 % en tant qu’exposants sur une manifestation littéraire », relevait un rapport sur l'année 2020 des auteurs de 9 régions françaises.
Même en dehors de la pandémie, les annulations d'événements ne préviennent guère les auteurs, qui apprennent souvent à la dernière minute la disparition d'une source importante de revenus.
En février dernier, La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse déplorait ainsi dans une tribune le peu de cas fait du maintien de la rémunération des auteurs en cas d'annulation d'un événement. « Nous ne pouvons [...] qu’inviter les structures organisatrices, dans des “situations de crise”, à adopter une “communication de crise” envers les auteurs qui ne sont pas une variable d’ajustement, tant pour la rémunération qui leur est due, que dans la gestion de leurs agendas », indiquait l'organisation à cette occasion.
Force majeure et imprévision
Afin de garantir une certaine rémunération des auteurs intervenant dans les festivals et salons, La Charte avait mis à disposition une convention, à signer par les intervenants et l'organisme qui les sollicite. Ce document précisait le montant de la rémunération, les dates, la durée de l'intervention, les conditions d'hébergement, de restauration, et les conditions d'annulation.
La Charte a modifié cette dernière partie, en ajoutant l'événement de force majeure ou d'imprévision « qui nécessite de trouver un accord à l'amiable entre l'auteur·rice et le diffuseur, soit sous la forme d'un report de l’événement à une date ultérieure, soit la forme d'une proposition alternative d’intervention dans les mêmes conditions de rémunération que celles qui étaient initialement prévues ».
Si aucun accord n'est trouvé, précise cette clause, la rémunération de l'auteur est entièrement due. Cette clause entend ainsi faciliter un maintien de la rémunération des auteurs, même hors du cadre particulier de la pandémie - où CNL et Sofia avaient maintenu leurs subventions pour les événements annulés à la condition stricte d'un maintien du paiement des auteurs.
Ce nouveau modèle de convention est accessible à cette adresse.
Photographie : Festival Le Livre à Metz 2022 (illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
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1 Commentaire
Ismaël
22/04/2022 à 17:15
Les auteurs sont rémunérés pour les rencontres effectuées sur un salon, pour un atelier, une lecture, etc... ce qui est bien normal puisqu'ils effectuent, de fait, une "prestation".
En tant que prestataire, donc, ils attendent une rémunération et sont donc fort marris lorsque l'organisme qui les emploie (une manifestation) se voit contraint d'annuler ladite « prestation » demandée. Ce qui est cependant un peu surprenant, c'est que, par exemple, parmi tant d'autres, le traiteur, ou bien le loueur de mobilier, ou bien l'entreprise qui installe un chapiteau, etc, bref, tous ces prestataires employés par le même organisme, eux, lorsque l'organisme est contraint, pour un cas de force majeure (tempête, inondation ou pandémie...), d'annuler, ils ne reçoivent, dans le meilleur des cas, qu'une partie du devis validé en amont, jamais la totalité, voire rien du tout (prenons l'exemple des hôtels qui comptent sur des clients qui en définitive ne viennent pas). Ce qui est bien compréhensible évidemment. Si l'organisme est contraint d'annuler l'événement, et que le loueur de chapiteaux par exemple n'a pas monté lesdites structures, ce dernier ne va pas être rémunéré pour une prestation non effectuée. Tout au mieux touchera-t-il un pourcentage lié à une assurance annulation (quand elle existe dans le contrat). En revanche, alors que les syndicats d'auteurs réclament la considération d'un statut professionnel, d'être considérés par tout le monde comme des intervenants professionnels, ils n'acceptent pas les règles communes des professionnels. Une manifestation qui ne peut avoir lieu pour cas de force majeure, et dont les subventions ne seraient pas maintenues, ne serait pas en mesure de rémunérer les auteurs malgré leur absence par exemple.
Le cas de la pandémie, où les auteurs ont pu être rémunérés quand les salons et festivals annulés étaient subventionnés par le CNL ou la Sofia (qui avaient maintenu leurs aides justement pour cela), n'est pas forcément valable pour d'autres cas de figure que cette pandémie (tempête, inondation, glissement de terrain, accident sur site, etc...), et à tout le moins, cela ne touche pas tous les salons et festivals (mais seulement ceux soutenus pas ces organismes)...
De surcroît, la plupart du temps, la seule solution pour un diffuseur de trouver un accord amiable avec l'auteur est de lui proposer de le réinviter aux mêmes conditions l'année suivante, or cette proposition ne convient pas à bien des auteurs qui réclament leur dû pour l'année en cours, et non un report d'un an de la rémunération qu'ils attendaient. Sans compter qu'il est quasiment impossible pour un événement qui réunit des dizaines d'invités de proposer pour chacun d'eux, une proposition alternative (cela reviendrait à des dizaines de propositions à étaler sur des mois, ce qui est rarement faisable sur un territoire x ou y). Mais quand c'est l'auteur qui refuse cette proposition de report d'un an par exemple, là le diffuseur se devrait de le rémunérer quand même... ?
En outre, toutes les personnes qui travaillent sur une manifestation, en dehors des bénévoles, en particulier les agents publics de catégorie C qui comptent sur les quelques heures supplémentaires qu'ils touchent lors de ces événements pour arrondir un peu leur fin de mois difficiles, eux en cas d'annulation ne touchent strictement rien. Ils n'accomplissent pas leurs heures, alors ils ne sont pas rémunérés pour un travail non effectué, voilà tout. Il est surprenant, encore une fois, que les auteurs dits professionnels disposent d'un autre traitement, sans doute parce qu'ils estiment que les agents publics payés au smic ont suffisamment de revenus comparativement à eux... ? (il est vrai que la plupart des auteurs « professionnels » touchent moins que le smic mensuel, les smicards apparaissent riches à leurs yeux, ou bien pensent-ils que dans ce cas, il n'y a qu'à payer aussi ces gens-là. Bien sûr, avec des « il n'y a qu'à... », puisqu'encore faudrait-il modifier le règlement de la rémunération des agents publics auprès de la chambre des comptes pour cela d'abord).
Enfin, ce qui est aussi assez étonnant, c'est que ce genre de disposition semble évidemment aller toujours dans un seul sens. L'auteur qui ne peut effectuer sa « prestation » pour cause d'annulation de la manifestation se doit d'être rémunéré malgré tout ; en revanche, si c'est l'auteur qui annule sa présence dans une manifestation, pour des raisons qui bien souvent n'ont rien d'un cas de force majeure et qu'il ne justifie même parfois pas du tout, là, la manifestation n'a rien à dire, elle doit faire avec l'absence de cette « prestation d'auteur » qui pourtant lui porte préjudice, et porte préjudice aux visiteurs et lecteurs venus pour cet invité absent... Ne serait-elle pas en droit de réclamer un justificatif à son "prestataire auteur", voire une indemnité ? C'est pourtant ce qu'elle fait quand un prestataire technique par exemple ne produit pas la prestation demandée. Mais comme « sans auteur pas d'événement » bien sûr, les diffuseurs n'ont qu'à bien se tenir et surtout ne pas oser en parler, puisque c'est bien connu, dans le monde dans lequel nous vivons, les auteurs sont des êtres à part, voire à peine humains, et donc ne peuvent avoir ces comportements tristement humains d'impolitesse, de mépris ou d'égoïsme... L'auteur, n'est-ce pas, est forcément au-dessus de cela, évidemment, toutes et tous ont une moralité extraordinaire, se comportent formidablement bien avec les organisateurs, sont d'une gentillesse rare avec le personnel et les bénévoles, etc etc... Revenons sur terre une minute... Parmi les auteurs, il y a des gens bien et d'autres moins, comme partout, et surtout comme dans toute profession, et donc il y a aussi des malotrus qui plantent les salons et leur public sans autre procès, point. Cessons cet angélisme syndical qui fait de TOUS les auteurs de gentilles personnes. La plupart sont sympathiques, avenants, respectueux, oui. La plupart... De même qu'il serait temps de cesser, dans le discours ambiant des syndicats d'auteurs, de laisser entendre que TOUS les diffuseurs, organisateurs de salons et festivals, n'ont qu'une idée en tête, ne surtout rien payer quand ils le peuvent ! 90% de ces événements n'ont rien à gagner à une annulation dudit événement, ni en « économie », ni en « trésorerie quelconque » (sachant que de trésorerie, il n'y en a pas, et que la plupart des salons sont organisés par des bénévoles... aidés par des agents communaux).