Pour les fêtes, la lecture de bandes dessinées s’invite en gare. En cette année où la lecture est devenue « Grande cause nationale », il est apparu essentiel au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême et à SNCF Gares & Connexions de renouer avec la mise en avant du 9e art dans de nombreuses gares réparties dans l’Hexagone. D’abord installé dans une dizaine de gares à partir du 20 décembre, le dispositif se déploiera ensuite dans une vingtaine d’autres gares tout au long du mois de janvier.
Le premier temps fédérera des gares emblématiques et des créations qui le sont tout autant. Ces œuvres appartiennent à un patrimoine littéraire, revisité par des auteurs contemporains (telles que Corto Maltèse, Goldorak ou le Marsupilami) ; certaines ont le regard posé sur des sujets historiques tels que Madeleine, Résistante ; ou encore le traitement d’enjeux sociétaux : c’est le cas notamment de Le Monde sans fin centré sur la question écologique, ou de l’univers dystopique déployé dans Léviathan.
Des albums qui font écho à l’actualité, comme les récits dédiés aux plus jeunes tels que Bergères Guerrières, odyssée d’une jeune héroïne, et Lettres Perdues, une aventure qui réunit monde des humains et monde des animaux, ou encore Un jour dans la nuit, dont l’action se déroule sur fond de la pandémie dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Heureusement, Petit poilu semble épargné par toutes ces questions et continue d’avancer – cette fois avec les voyageurs – non sans vivre au passage, il est vrai, des aventures aux multiples rebondissements.
Gare d’Austerlitz : Madeleine, Résistante de Dominique Bertail, Jean-David Morvan & Madeleine Riffaud (Dupuis)
Fille d'instituteurs, Madeleine Riffaud a rejoint la Résistance en 1942 à Paris, où elle a pris le pseudonyme de Rainer, en hommage au poète allemand Rainer Maria Rilke. Amie de Paul Éluard, Picasso ou Hô Chi Minh, poétesse et écrivaine elle-même, elle est devenue grand reporter après la guerre.
À partir de ses souvenirs, Jean-David Morvan et Dominique Bertail transposent en BD son témoignage direct et intègrent même certains de ses poèmes dans le fil du récit. Le premier tome, axé sur la jeunesse de l’héroïne, a d’ores et déjà valu à Jean-David Morvan et Madeleine Riffaud, le prix Goscinny du meilleur scénario 2021.
Gare de Lyon : sur le parvis, Corto Maltèse de Bastien Vivès & Mathieu Quenehen, d'après Hugo Pratt (Casterman) et sur la palissade : Marsupilami, de Franquin à Batem (Dupuis)
Sur les eaux de la mer de Chine, le profil d’un pirate bien connu se dessine dans l’ombre d’une cabine de pilotage… Corto Maltese est de retour, à l’abordage d’un yacht de luxe. Des rues bondées de Tokyo jusqu’aux sommets des Andes, le gentilhomme de fortune poursuit un trésor mythique, disputé par une société secrète nationaliste et des narcotrafiquants sans scrupules... Mais plus que jamais, ce sont les sentiments qui vont mener le célèbre marin romantique.
La série Le Marsupilami, outre Franquin et Greg, profitera du talent de nombreux scénaristes de renom, comme Yann à partir de Mars le noir (1989), Éric Adam et Xavier Fauche à partir de Rififi en Palombie (1996), Olivier Saive et Jean-Michel Bourcquardez pour Un fils en or (2000), Dugomier à partir de C'est quoi ce cirque !? (2001) et Colman, à partir de Magie blanche (2006). Mais Batem scénarise lui-aussi quelques albums, comme Trafic à Jollywood (1998) ou Le défilé du jaguar (1999). Parmi ces albums, nombreux sont ceux à être publiés dans Le journal Spirou, habitat naturel du Marsupilami !
Gare du Nord : Goldorak de Denis Bajram, Brice Cossu, Yoann Guillo, Xavier Dorison & Alexis Sentenac, d'après Gō Nagai (Kana)
Alors que la série animée mélangeait habilement dessin animé japonais et influences américaines – à commencer par le costume de cow-boy d’Actarus – les cinq auteurs ont croisé les approches graphiques du manga, du comics et de la BD Franco-Belge pour créer des images riches et détaillées, et des couleurs pop. Ils réussissent le pari fou de rendre un hommage géant à l’œuvre de Gō Nagai en respectant l’original tout en apportant une touche de modernité, véhiculant des messages nobles et à la fois étonnement contemporains.
Gare Montparnasse : dans le hall 2, Le Monde sans fin de Christophe Blain & Jean-Marc Jancovici (Dargaud) et le long du quai 24 : Léviathan de Shiro Kuroi (Ki-oon)
Faut-il investir dans l’éolien ou le nucléaire ? Dans l’électrique ou l’hydrogène ? Doit-on prôner la décroissance ? Réduire nos déplacements ou notre consommation ? Limiter les naissances ? À quoi ressemblera notre quotidien en 2050 ? En 2100 ? Quand un des plus grands spécialistes français des questions énergétiques et climatiques, l’éminent vulgarisateur scientifique Jean-Marc Jancovici, rencontre Christophe Blain, auteur majeur de la bande dessinée, cela donne Le Monde sans fin, un album de bande dessinée intelligent, fourmillant d’informations mais limpide, sérieux mais non dénué d’humour, qui explique sous forme de chapitres les changements profonds que notre planète traverse actuellement et quelles conséquences cela implique.
Gare de Bordeaux : Hall 3, Léviathan de Shiro Kuroi (Ki-oon)
Le Léviathan, ce monstre mythologique marin, est également le nom donné à un navire spatial à la dérive. Alors qu’il était porté disparu depuis des années, trois pilleurs d’épaves le retrouvent avec, à son bord, un journal intime relatant les événements qui ont eu lieu à bord de ce paquebot interplanétaire. À sa lecture, l'évidence s'impose : un survivant de la catastrophe se cache quelque part dans le dédale des ruines !
Signé du mangaka Shiro Kuroi, cet album de science-fiction, version grand format, alterne les styles graphiques et les lignes temporelles pour plonger les lecteurs au cœur d’un récit tragique.
Gare de Lille Europe : Petit poilu de Pierre Bailly & Céline Fraipont (Dupuis)
À la fois ludique et pédagogique, plein d'humour et de poésie, Petit Poilu accompagne les enfants dès 3 ans vers la lecture autonome grâce au parti pris d’un récit uniquement graphique. À travers des univers fantasmagoriques aux couleurs pop et acidulées, ces histoires muettes abordent les sujets de la vie quotidienne : la météo, les humeurs du jour, le bricolage, les saisons mais aussi la jalousie, la timidité, la maladresse ou encore la tolérance et l’injustice, l’amitié et la colère.
Gare de Marseille Saint-Charles : palissade Narvik, Un jour dans la nuit de Virgile Dureuil & Foucauld Duchange (Autrement & NGE) et sur le parvis, Lettres perdues de Jim Bishop (Glénat)
Avec Lettres perdues, les aventures corrosives d’Iode à la recherche de sa mère prennent des allures de cavalcade absurde naviguant entre humour, douceur et drame mélancolique. Empreint de doux surréalisme, ce premier roman graphique virtuose est signé par un prodige du dessin nourri au travail de Hayao Miyazaki et de ses mondes enchantés. Il offre un récit initiatique où la rondeur du dessin et la beauté irradiante des couleurs forment paradoxalement une œuvre tragique qui perturbera les âmes les plus sensibles.
Gare de Nantes : Bergères guerrières de Jonathan Garnier & Amélie Fléchais (Glénat)
Alors que depuis dix ans, les hommes du village sont partis, mobilisés de force pour la Grande Guerre, la jeune Molly a rejoint l’ordre prestigieux des Bergères Guerrières : un groupe de femmes, choisies parmi les plus braves, pour protéger leurs troupeaux et le village. Dans le dernier opus de la série, Molly et ses compagnons de route vont enfin apprendre ce qui est arrivé aux hommes du village et découvrir si le père de Molly est encore vivant. Avec ce récit d'apprentissage et d'amitié, régi par une inversion des rôles, puisque dans cette contrée de bergères combattantes, les garçons envient le statut des filles, Jonathan Garnier et Amélie Fléchais mènent de front une épopée merveilleuse et un parcours initiatique teinté de féminisme, le tout porté par un graphisme chaleureux.
Au mois de janvier, une vingtaine d’autres gares, parisiennes ou régionales, seront impliquées dans ce dispositif. Elles mettront plus particulièrement en avant les 83 livres composant les Sélections Officielles de la 49e édition du Festival (Fauve Jeunesse 8-12 ans ; Fauve Jeunesse 12-16 ans ; Fauve Polar SNCF ; Fauve du Patrimoine ; Fauve Série ; Éco-Fauve RAJA). Ces œuvres seront regroupées selon des thématiques, ce qui permettra de refléter la richesse et la diversité des styles graphiques et narratifs qu’offre aujourd’hui le paysage de la bande dessinée.
La mise en avant de ces créations en gare s’inscrit dans une double démarche. D’abord celle d’une valorisation des œuvres, par une médiation originale et spécifique. Il ne s’agit pas d’exposition au sens classique du terme, mais d’une proposition ouverte qui permet au voyageur-spectateur d’exercer son libre arbitre en fonction du temps dont il dispose en gare. En suscitant un choc esthétique par le face-à-face avec des dessins aux proportions singulières, c’est bien une plongée dans l’esprit des artistes et dans le processus créatif que permet ce dispositif.
Ensuite et avant tout, celle qui consiste à inciter davantage à la lecture. Offrir de nouveaux espaces de découverte des livres, aller à la rencontre des voyageurs en gare en sortant les œuvres des pages, c’est précisément s’engager dans cette démarche. Il s’agit d’inviter le voyageur à cette autre forme de voyage que permet le livre, à redécouvrir en somme le plaisir de la lecture !
Le Festival, soutenu dans son entreprise par SNCF Gares & Connexions et par son territoire d’origine, la Nouvelle-Aquitaine, elle-même actrice du développement de la lecture, affermit et développe ainsi son rôle de médiateur. En cette période de fin d’année propice aux voyages, il va dès à présent au-devant des Françaises et des Français. Une rencontre qui annonce de joyeuses lectures pour ces fêtes !
Alain Rousset, Président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, a déclaré : « La Région Nouvelle-Aquitaine aime la BD, toutes les BD. Et s’il y a plus d’une manière d’entrer dans ses univers, alors le 9e Art a toute sa place dans les gares, car les deux incitent au voyage et à l’évasion. » Avant d’ajouter :
« La bande dessinée, c’est la liberté avec des ouvrages qui en disent long sur le réel, qui réinventent des manières de raconter des histoires, de construire des fictions nouvelles toujours plus excitantes et passionnantes, de franchir les frontières du temps comme les frontières géographiques... Voyageurs du quotidien ou au long cours, découvrez dans cette gare les autrices et auteurs de la sélection du Festival d'Angoulême, les héritiers des grands maîtres de la BD franco-belge, des comics ou du manga, véritables créateurs prêts à toutes les folies graphiques et narratives. »
Crédit : © Scénographie SNCF Gares & Connexions
Commenter cet article