Paris : des bibliothèques en grève contre le Pass sanitaire
Les usagers, pas plus que les personnels, ne semblaient emballés à l’idée qu’un Pass sanitaire soit exigé pour entrer dans une bibliothèque. Rendu toutefois obligatoire pour tout espace culturel accueillant du public, cet outil irait en effet à l’encontre des missions mêmes des établissements de prêt. Or, le décret d’application, s’il ne laisse plus planer de flou concernant la vérification des cartes d’identité, reste implacable sur le Pass.
Le 24/07/2021 à 13:18 par Nicolas Gary
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Publié le :
24/07/2021 à 13:18
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Au lendemain des annonces d’Emmanuel Macron, la présidente de l’Association des bibliothécaires de France, Alice Bernard, faisait part à ActuaLitté des incohérences de la mesure : « Une bibliothèque, c’est un libre accès, sans contrôle à l’entrée : une ouverture à tout un chacun, sans filtrage ni discrimination. Le contrôle qu’induit le Pass sanitaire, niveau inclusion et liberté d’accès, cela ne va vraiment pas dans le bon sens. »
Moralité, pour échapper aux contrôles, certains établissements ont abaissé la jauge à 49 personnes — de quoi tomber sous la limite de 50 au-delà de laquelle le contrôle du Pass est obligatoire.
Préavis de grève
Pour autant, la publication du décret d’application du 19 juillet rend formelle la mesure : plusieurs documents deviennent impératifs pour l’accès aux établissements de lecture publique « lorsqu’ils accueillent un nombre de visiteurs, spectateurs, clients ou passagers au moins égal à 50 personnes ».
Ainsi, on présentera, au choix :
- Le résultat d’un test ou examen de dépistage réalisé moins de 48 heures avant l’accès à l’établissement
- Un justificatif du statut vaccinal (le fameux Pass sanitaire)
- Un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19
En réaction, plusieurs établissements parisiens ont décidé, ce 23 juillet, d’une fermeture pour protester. Et ce 24, six sont également fermés. Un collectif a également adressé une lettre ouverte à la maire de Paris, Anne Hidalgo. D’ailleurs, et plus globalement, les syndicats de la Ville appellent, ce 29 juillet à une grève, dénonçant les conditions dans lesquelles la mairie a mis en place ce système de vérifications.
« Les bibliothécaires rappellent par cette lettre leur attachement aux valeurs défendues : l’accès égalitaire pour tous les publics à nos établissements, la même qualité de service pour tous.
Les bibliothèques restent les seuls lieux culturels gratuits et ouverts à tous. C’est pour cela que lors du deuxième confinement, le gouvernement les avait considérés comme lieux essentiels rappelant leurs missions auprès du public. Or il semblerait qu’il ait changé d’avis puisque nous changeons de catégorie, passant de lieu essentiel à lieu culturel et donc soumis aux restrictions sanitaires (jauge, Pass sanitaire). Enfin, pas toutes les bibliothèques, seules les bibliothèques de lecture publique des collectivités territoriales sont soumises à ces restrictions, la BPI, la BNF, les bibliothèques spécialisées et universitaires en étant exclues.
La Mairie de Paris a fait appliquer le décret sans consultation des principaux intéressés à savoir les directeurs d’établissements et leurs équipes. Elle demande aux bibliothèques la règle la plus stricte à savoir le contrôle du Pass sanitaire, règle la plus inégalitaire du décret.
Comme l’a rappelé la défenseuse de droits, la carte des plus faibles vaccinations recoupe celle de la pauvreté, de la fracture numérique, de l’accès aux services publics. Les nouvelles mesures comportent ainsi le risque d’être à la fois plus dures pour les publics précaires et d’engendrer ou accroître de nouvelles inégalités. Or depuis toujours les bibliothèques travaillent à l’inclusion de ces publics tissant des liens étroits avec les associations, proposant des services (accès internet gratuit, ateliers informatiques, ateliers de conversation pour les migrants...), un accès libre des locaux. On sait la difficulté de tisser des liens de confiance avec ce public, ce que le Pass sanitaire va mettre à mal.
Le choix de la mairie de Paris est d’autant plus incompréhensible que lors de sa première année de mandature, madame la Maire avait fait de la grande précarité et de la lutte contre l’exclusion, la Grande Cause parisienne et qu’elle se dit attachée à l’accès aux services publics pour tous.
Nous demandons, comme pour la BPI et la BNF ou d’autres bibliothèques du réseau la Ville de Paris, l’ouverture sans restrictions hormis les gestes barrière (masque, nettoyage des locaux, lavage des mains, distanciation sociale) de nos établissements. »
Mouvements de grève
Selon les auteurs du texte, il s’agit de « contrôles contradictoires avec les missions des bibliothèques et la promotion de la lecture publique ». D’autre part, « la vaccination est plus faible chez les plus modestes, nos établissements doivent rester ouverts à tous-tes (avec port du masque, gel hydroalcoolique, respect des gestes barrières) ».
Les contrôles viennent ajouter aux tâches du service public, « qui seront plus lourdes même que les contrôles de jauges alors que le réseau des bibliothèques parisiennes continue à souffrir d’un manque chronique d’effectifs ».
Le préavis pour le 23 était déjà annoncé, et dans la foulée des mouvements sociaux à venir, l’intersyndicale invite « les collègues à faire grève à partir du jeudi 29 juillet ». Ainsi, le 23 juillet, les établissements suivants avaient fermé leurs portes : Assia Djebbar (XXe), Edmond Rostand (XVIIe), Crimée (XIXe), Maurice Genevoix (XVIIIe), Glacière (XIIIe) et Drouot (IXe).
Social Nec Mergitur indique que pour le 24, se sont ajoutés : Arkoun (Ve), Vaclav Havel (XVIIIe) et Goutte d’Or (XVIIIe), Marguerite Yourcenar (XVe) et Louise Michel (XXe). Rostand Sorbier et Assia Djebbar ont, elles, prolongé leur grève. La Goutte d’or avait déjà organisé une fermeture exceptionnelle, ce 22 juillet : « Conformément aux dispositions légales en vigueur, l’accès aux bibliothèques de prêt se fait désormais sur contrôle du Pass sanitaire ou sur présentation d’un test négatif de moins de 48 heures. Les enfants de 0 à 18 ans peuvent continuer d’accéder librement aux bibliothèques, dans le respect des gestes-barrière. À noter qu’à partir du 30 septembre 2021, les adolescents de 12 à 17 ans devront eux aussi présenter leur Pass sanitaire », pouvait-on lire sur le Facebook de l'établissement.
Louise Michel, pour sa part, explique sa démarche : « Chers vous qui nous fréquentez, la bibliothèque est fermée aujourd’hui pour cause de grève. Nous espérons en effet pouvoir bientôt vous accueillir avec une jauge et non le Pass sanitaire afin de rester un lieu ouvert à toutes et à tous. Merci de votre compréhension. »
À cette heure, aucune réaction de l’adjointe à la mairie pour la Culture, Carine Rolland pas plus que d’Anne Hidalgo.
Pass et vaccins
Des manifestations sont prévues sur tout le territoire pour protester contre l’extension du Pass sanitaire. D’autres dénoncent la vaccination obligatoire qui ne dit pas son nom. Comme le rappelle Dossier familial, l’article L. 3131-1 du Code de la Santé publique conférerait les pouvoirs nécessaires au ministre de la Santé pour imposer l’obligation vaccinale.
« En cas de menace grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de prévenir et de limiter les conséquences de cette menace sur la santé de la population » prendre les mesures nécessaires – impliquant l'obligation vaccinale, indique le texte.
La volonté politique est ici seule en jeu.
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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15 Commentaires
Lucien Latour
24/07/2021 à 14:16
Qu'est-ce que c'est que ces histoires de prétendues "discriminations" ? Il s'agit uniquement de santé publique ! Personnellement je refuserai de mettre les pieds dans une bibliothèque à l'entrée de laquelle le pass sanitaire ne serait pas exigé.
Leni
24/07/2021 à 19:38
N'importe quoi !
Vous êtes en plein délire.
mari
24/07/2021 à 20:26
Restez donc chez vous. La vie vous sera facilitée.
wild7
25/07/2021 à 08:10
C'est pourtant clair : "la carte des plus faibles vaccinations recoupe celle de la pauvreté, de la fracture numérique, de l’accès aux services publics. Les nouvelles mesures comportent ainsi le risque d’être à la fois plus dures pour les publics précaires et d’engendrer ou accroître de nouvelles inégalités."
En bibliothèque, on accueille tout type de public, incluant des personnes sans papiers, sans domicile, sans accès à internet, sans couverture sociale. Selon les territoires, les bibliothèques peuvent accueillir des personnes ne parlant pas ou peu le français, en décrochage administratif, qui auraient peut-être justement besoin de l'aide des professionnels des bibs pour faire les démarches nécessaires à l'obtention du pass sanitaire.
Il n'est pas seulement question de santé publique. Tant que la question des inégalités sociales face aux soins ne sera pas abordée, il ne s'agira en réalité que de la santé publique d'une partie de la société, réunissant les classes hautes et moyennes. La réaction des bibliothécaires de Paris est fondée, ce que leur demande le gouvernement va à l'encontre de leurs missions et du travail qu'ils mènent au quotidien sur le plan des discrimination et de l'accès à la culture et à l'information.
KlrM
25/07/2021 à 13:50
Donc vous n'irez plus non plus dans les Fnac et autres supermarchés, où le pass sanitaire ne sera pas obligatoire ?
Un monde absurde
24/07/2021 à 22:19
Au nom d'une pseudo "liberté", les bibliothèques en grève. Ainsi, plus personne n'a accès à la culture. Une fois de plus, sous prétexte d'égalité, on nivelle par le bas.
Tatou
25/07/2021 à 08:58
Incroyable irresponsabilité d'une profession qui se croit détenteur d'une vérité proclamée ! Qu'ils se rassurent, lorsqu'ils seront atteints de la covid, on ne leur demandera aucun certificat, ni aucun pass sanitaire, ils pourront mourir en toute quiétude. Ces gens sont affligeants.
Biblio-taquet
25/07/2021 à 10:35
À donneur de leçon, donneur de leçon et demi : nous ne sommes pas en grève pour lutter contre la vaccination ni le Pass. Et pour autant qu’il y a de Français opposés ou favorables à ces mesures, nous sommes tout autant représentatifs. Mais là n’est pas le point.
La grève dénonce d’une part l’incapacité physique (matérielle, économique) de mettre en place ces mesures de contrôle, autant qu’elle rappelle que nous sommes des établissements dont l’ouverture n’est pas soumise à des critères, quels qu’ils soient.
Si un monde de Pass sanitaire vous convient, bravo : l’article le rappelle, c’est une absence de volonté politique, quand le droit est pour eux, qui aboutit à ce qu’un Pass (obligation qui ne dit pas son nom) soit mis en place. Moralité, les citoyens s’entre-déchirent – comme vous le faites ici très bien – au lieu de prendre la hauteur nécessaire pour mesurer la couardise d’un président qui entend maintenir sa parole de ne pas imposer la vaccination.
Avant de chercher la paille dans nos yeux de bibliothécaires, cherchez donc la poutre dans ceux de Macron, pleutre politique et arriviste démagogue.
NAUWELAERS
26/07/2021 à 00:02
Allons, allons Biblio-taquet (25 juillet, 10h35) !
Comment osez-vous émettre la moindre critique envers un aussi remarquable Président que la Belgique ne vous envie pas tout à fait néanmoins (elle est servie, elle aussi, pour ce qui est de patauger dans l'absurde avec de grands clapotis sinistres mais passons) ?
Voyez entre guillemets ci-dessous une communication de l'Élysée, du 17 juin 2021.
«La lecture, grande cause nationale : se mobiliser pour la ...
https://www.elysee.fr › emmanuel-macron › 2021/06/17
17 juin 2021 — La lecture, grande cause nationale. En visite à Château-Thierry, dans le cadre du 400e anniversaire de la naissance de Jean de La Fontaine, le ...»
La lecture est une grande cause nationale !
Il a déclaré cela à Château-Thierry, pour le quatre centième anniversaire de la naissance de Jean de La Fontaine !
En fait, il s'agit peut-être de relire une fable qui présente de très troublantes résonances avec la situation sanitaire d'aujourd'hui (et surtout, tout ce qui s'ensuit...): «Les Animaux Malades de la Peste»...
Et puis, on ne s'en doutait pas, mais le don de la lecture à développer chez nos jeunes et les populations défavorisées met sous nos yeux des choses instructives et enrichissantes à lire, du type QR-code et passe sanitaire...
Il suffit donc de recontextualiser cette déclaration vibrante et lyrique du Président, qui ressemble à une gigantesque baudruche qu'une simple aiguille -celle du cap totalement délétère choisi par le triste team au pouvoir -fait éclater !
Et on se retrouve dans les bibliothèques et tant d'autres lieux (et moyens de transport) face à la situation que vous osez dénoncer.
Mais dans les bibliothèques, on est infestés de gauchistes, c'est bien connu...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Lyo
25/07/2021 à 13:53
Merci à tous les professionnels en contact avec le public de faire de leur mieux pour qu'une certaine égalité soit assurée.
Personnellement en raison d'une opération lourde et d'un désert médical, je dois attendre le feu vert du médecin spécialiste en charge de mon cas pour procéder à une vaccination. Un spécialiste que je ne vois qu'une fois tous les six mois et la dernière fois c'était en juin et pour le vaccin c'était déconseillé. Je n'ai plus aucun contact depuis, il m'a juste dit qu'en décembre ça se debloquerait sûrement.
Impossible d'avoir son secrétariat et vous pensez bien qu'au prix de 78€ le rendez-vous, je ne vais pas en prendre un juste pour avoir une dispense de vaccination. J'attends toujours le remboursement du mois de juin.
Quand j'ai vu que les bibliothèques ne seraient plus accessibles, j'en ait pas dormi de la nuit.
Ironiquement, je suis également une personne à risque.
Je suis super en colère de toute cette hystérie et discrimination. Macron a passé des mois à remettre en cause le vaccin Astra Zeneca et maintenant il puni tout le monde.
Il fait prendre des risques de sécurité au personnel des établissements qui devront demander le pass sanitaire. Vous imaginez, vous pauvre serveur, aller demander à la bande de six mecs qui viennent d'arriver s'ils ont leur pass ?
La colonne des faits divers ne risque pas de s'alléger
Eh lecteur
26/07/2021 à 06:53
Au fait, vous aviez voté pour qui à la dernière élection ?
Yasmina
27/07/2021 à 10:16
Humm...vous venez de me gifler. Leçon reçue. Plus jamais de " vote contre " ! (Aux modérateurs : ma réponse au tout premier commentaire n'est pas sur votre site, c'était dimanche matin)
Yves
30/07/2021 à 15:57
Bien que je sois pleinement vacciné et possesseur du pass, je suis heureux de de voir que les bibliothécaires tentent de résister au passe sanitaire. Adhérer à un tel contrôle, c’est mettre créer un antécédent, pouvant être utiliser dans l’avenir comme justificatif pour d’autre restrictions que je vous laisse imaginer (climatique-écologique, sécuritaire, origine non nationale, voir religieuse etc.) Tous les prétextes possibles pour nous réduire à des robots obéissant.
Alba
05/08/2021 à 14:48
Merci à tous les bibliothéquaires pour votre démarche. Lire est un acte citoyen grâce auquel nous apprenons à exercer notre capacité de discernement et à nous défendre de tout sectarisme, de la pensée unique. Il fait de nous des hommes plus fraternels et tolérants. Il ne faut jamais l'oublier afin de ne pas répéter les terribles erreurs du passé.
BSA28
10/08/2021 à 10:53
Bravo à vous, j'espère que toutes les bibliothèques de lecture publique vont suivre, de même qu'il faut défendre la gratuité pour l'accès à tous, aucun tri d'aucune sorte n'est acceptable