Pierre Sirinelli met le coup de grâce au rapport Racine
Commandé par le gouvernement, le rapport au CSPLA de Pierre Sirinelli et Sarah Dormont était la dernière occasion politique de faire appliquer l’une des préconisations majeures du rapport Racine : revaloriser économiquement l’acte de création lui-même. En renvoyant l’opportunité d’encadrer la commande au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique, l’espoir était amoindri. Le voici définitivement enterré.
Le 29/12/2020 à 18:23 par Nicolas Gary
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Publié le :
29/12/2020 à 18:23
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La présentation du rapport aura eu lieu sans auteurs. La lettre envoyée par l’illustrateur Henri Fellner sera restée sans réponse. Pourtant, c’est bien une partie de l’avenir des artistes auteurs qui s’est jouée à travers le verdict du CSPLA sur l’opportunité d’encadrer la commande de création.
CSPLA: oublie-t-on que le droit d'auteur est celui des auteurs
Le rapport Sirinelli/Dormont a livré un constat plein de circonvolutions et de défiance à l’égard du pouvoir du législateur. Qu’est-ce que la commande ? Comment l’encadrer ? Aucune réponse véritable, mais davantage de questions sur ce qui se produirait si d’aventure un rééquilibrage avait lieu entre les acteurs de l’amont et de l’aval.
Il est vrai qu’un sentiment se fait jour : il est rarissime qu’une construction législative assez complète d’un régime du contrat de commande soit envisagée législativement, mais plus l’intervention du législateur prend de l’ampleur moins les solutions retenues sont favorables aux créateurs.
Rapport Sirinelli décembre 2020
Si le rapport confirme l’existence de la commande de façon plus ou moins forte dans tous les secteurs de diffusion, la conclusion est qu’il serait impossible de rééquilibrer la rémunération du travail des auteurs dans le contexte actuel.
Touche pas à mon législateur
Partant du postulat que les législations étrangères sont défavorables sur la question du contrat de commande, le document en conclut que le législateur français se sentirait contraint, plutôt que de redresser une situation inique pour les auteurs, d’accorder de nouvelles contreparties pour les exploitants.
On entend encore cette phrase terrible, reprise dans l’industrie, et qui recommandait de « légiférer en tremblant », quand il s’agissait « d’inscrire dans la loi une rémunération minimum du prix de vente des ouvrages pour tous les auteurs ».
MISSION: le contrat de commande, ultime bastion
En encadrant la commande, le législateur aggraverait la situation des auteurs, pourtant déjà bien connue comme catastrophique. Le rapport prône par ailleurs des négociations collectives sans aborder la question épineuse de la représentativité, qui a été soigneusement mise de côté par le ministère de la Culture. Récemment, la Guilde française des scénaristes était au cœur de pressions attestant de son absence de liberté syndicale.
Or, de par l’absence d’indépendance et de moyens financiers pour des organisations professionnelles, que peuvent attendre les auteurs autour de la table face aux exploitants de leurs œuvres ?
Un autre risque souligné par des acteurs du secteur culturel est celui selon lequel la création du contrat de commande bouleverse les modèles existants de financement des œuvres. La sanctuarisation de la somme versée en amont augmenterait la charge des exploitants ou, au contraire, n’aurait aucun effet sur la rémunération des auteurs si, par un système de « vases communicants », les exploitants décidaient de baisser la rémunération proportionnelle due au titre de l’exploitation afin de rester dans un montant global de rémunération identique, mais réparti sur les deux phases.
C’est alors démontrer que la voie de l’édification d’un statut pour le contrat de commande imposant deux rémunérations serait de portée nulle, le législateur ne pouvant intervenir sur le montant des pourcentages à accorder. Forts de l’analyse de la situation actuelle, d’aucuns vont jusqu’à prétendre que l’intervention actuelle serait inutile ou dangereuse.
Rapport Sirinelli décembre 2020
Au sein du CSPLA, les auteurs sont en grande majorité représentés par des organismes de gestion collective. Leur l’intérêt principal est de maximiser les rémunérations « aval » des auteurs, une telle conclusion du CSPLA ne crée donc pas la surprise. En enterrant l’opportunité d’encadrer la commande, le rapport Sirinelli/Dormont a achevé d’enterrer le rapport Racine, sous-titré « L’État mis au défi d’agir ».
Conclusion : l’État n’aura rien fait pour les auteurs.
Le rapport est à consulter et / ou télécharger ci-dessous :
Dossier - De l'auteur à la création : le rapport Racine, une nouvelle politique publique
crédit photo Derks24 CC 0
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6 Commentaires
Ed
29/12/2020 à 19:49
Sirinelli, le nom ne m'est pas inconnu : ce n'est pas à lui que l'on doit d'avoir fait aboutir le contrat d'édition nouvelle mouture que tout le monde a fini par s'approprier pour en fait ce qu'il voulait ?
Antoine
29/12/2020 à 20:14
Waouh...! on apprend avec Sirenelli et Dormont que le legislateur français déteste les auteurs à un point... il aura fallu un an pour enterrer le fameux rapport Racine favorable aux auteurs... À la place de ces deux-là je serais mal à l'aise d'avoir joué le jeu des lobbies des éditeurs et des OGC. C'est moche.
Pascal R.
29/12/2020 à 20:40
En tant que spécialiste de Beaumarchais, je peux vous dire que j'adore ce rapport très défavorable aux auteurs. Merci mon Pierrot.
Machia
29/12/2020 à 21:27
Tout à fait d’accord. Il est essentiel que la défense des auteurs reste assurée par des OGC dont le pouvoir dépend de l’action culturelle que le gouvernement veut bien leur laisser collecter sur le produit de la copie privée. Cette collusion pouvoirs/publics OGC est la seule à même de garantir que les récits collectifs diffusés sur les médias de masse soient bien contrôlés par un système récompensant massivement ceux qui écrivent ce que l’on veut bien qu’ils écrivent. Sinon cela pourrait vite devenir l’anarchie et conduire à permettre à des récits trop contestataires d’exister ! Merci au professeur Sirinelli d’aider ainsi à conserver la maîtrise de ceux qui écrivent les récits ! On a eu chaud ...
PYG
29/12/2020 à 21:20
L’Association des services internet communautaires (ASIC), créée en 2007, s’était déjà sérieusement interroger sur les rapports entre le Pr Sirinelli et l’industrie culturelle.
https://www.nextinpact.com/article/16720/91731-les-acteurs-web-craignent-remise-en-cause-liberte-d-expression
Malheureusement on imagine bien qu’ils n’ont jamais eu les réponses à leurs interrogations...
Mais c’est vrai qu’à force ça poste question...
Pour info, l’ASIC est la première organisation française à regrouper les acteurs du web collaboratif.
Fondée à l’initiative d'AOL, Dailymotion, Google, PriceMinister et Yahoo!, elle réunit également AirBnb, Amazon, Deezer, eBay, Facebook, Loopsider, Microsoft et Twitter.
Principal interlocuteur des pouvoirs publics, l'association constitue un espace de réflexions et d'échanges sur les sujets liés à la régulation des activités numériques. Elle est, à ce titre, un lieu de rencontre régulier entre représentants de la société civile, des internautes, des entreprises de services du numérique et des décideurs publics.
Sa principale mission est de formuler des propositions visant à promouvoir et préserver un Internet, libre, ouvert et responsable tel que nous le connaissons actuellement
L’ASIC est actuellement présidée par Giuseppe de Martino, co-fondateur de Loopsider.
sue r
31/12/2020 à 14:57
Décisions prises sans représentation des artistes auteurs nous-mêmes ! L'acte de création en amont toujours sous-valorisé par ceux qui en profitent !
Ceci est "une bataille perdu" mais pas tout la "guerre", je pense. Trois pas en avant, un pas en recule.
Il y a eu du progrès conséquent car les auteurs toutes professions se réunissent progressivement, car nos associations et syndicats éclairés (ceux qui soutient véritablement les auteurs)ont travaillé depuis de longues années pour nos droits et notre statut, benevolent et avec expertise. Ils nous éduque et informent ; Ils informent et militent auprès des administrations, diffuseurs, collectivités... La création et le nouveau statut artiste auteur sont d'actualité dans les médias et dans nos professions.
A nous de continuer ! Par exemple, faire partie des assoc et syndicats utiles, s'informer et aussi éduquer nos clients. Savoir dire non en amont pour des projets trop mal payés... si ce n'est pas toujours possible car il faut vivre, alors fournir seulement le travail qui correspondent à leur budget... faire son propre "système D" en restant solidaires...