Livre censuré : “Cela en dit long sur la dérive réactionnaire à l’œuvre”
#BienTropPetit – En interdisant la vente aux mineurs d’un roman qui leur est destiné, la France a sombré au coeur de l’été. Le livre que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a mis à l'index, est coupable de pornographie. Vincent Monadé, ancien président du Centre National du Livre, sous tutelle du ministère de la Culture, décrypte les implications profondément politiques de cette censure.
Le 23/07/2023 à 17:32 par Nicolas Gary
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Publié le :
23/07/2023 à 17:32
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ActuaLitté : Peut-on censurer un livre jeunesse ?
Vincent Monadé : Légalement, c’est tout à fait possible. Nous avons heureusement une loi sur les publications jeunesse, la loi de juillet 49, qui permet qu’on ne puisse pas écrire n’importe quoi dans des ouvrages réservés aux jeunes. Pour autant, on peut contester cette loi qui a 70 ans et devrait être rapidement revue et modernisée.
Par ailleurs, la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence, qui se prononce sur les livres, est particulièrement opaque : ainsi, qui sont les deux éditeurs jeunesse et les deux auteurs qui y siègent ? Mystère.
Wikipédia nous apprend même que Riad Sattouf fut convoqué par la police après un signalement de cette Commission... qui ne craint donc pas de se couvrir de ridicule. Elle est en outre placée auprès du Ministère de la Justice, quand elle devrait, à tout le moins, être sous la co-tutelle du Ministère de la Culture...
Laisser, en 2023, la régulation nécessaire des œuvres de jeunesse entre les mains de gens qui n’y connaissent et n’y comprennent rien, c’est cela le vrai problème sur lequel les professionnels comme le législateur devraient se pencher. Si l’attaque contre le livre publié par Thierry Magnier, remarquable éditeur qui a fait grandement progresser les questions du corps et de la sexualité dans les ouvrages jeunesse, pouvait servir à réformer cette loi vieillotte et cette commission inutile et dangereuse, ce serait déjà un progrès.
Cette censure est-elle justifiée ?
Vincent Monadé : En l’espèce non, pas du tout. L’ouvrage est clairement identifié pour un public adolescent parfaitement capable de le lire. Mais il faut toujours lutter contre le fantasme d’une adolescence qui serait désexualisée, ne se poserait pas de questions, ne chercherait pas à découvrir son corps et celui de l’autre...
Le comble de l’hypocrisie étant que le même public peut tranquillement se procurer, via le Pass Culture, du Hentaï ou de la littérature érotique sans aucune vérification. Les seuls ouvrages interdits par le dispositif sont les livres scolaires ou parascolaires...
Cibler un ouvrage spécifiquement publié dans une collection jeunesse pour l’interdire de vente aux mineurs, et donc le tuer commercialement est assez inédit, mais en dit long sur la dérive réactionnaire à l’œuvre.
Quelles sont les implications, politiquement ?
Vincent Monadé : À mon sens, trois choses sont à comprendre et retenir. Tout d'abord, l'attitude délibérée du ministre de l’Intérieur enclin à des positions très conservatrices : on comprend bien que cette stratégie a pour but, en vue de 2027, de siphonner un électorat d’extrême droite – pourtant bien plus complexe que ces petits calculs.
La question n’est pas de savoir si c’est Monsieur Darmanin en personne qui a pris cette décision : bien évidemment non. Il n’avait pas à connaître d’un tel sujet tant il est, à son échelle, picrocholin. Mais en revanche, le maintien de la position du Ministère après que l’affaire a été dévoilée par Actualitté, et alors qu’elle commence à faire du bruit, montre bien une posture politicienne, qui est celle de ce ministre depuis quelques années, dans un décalque sans vision du positionnement passé de Nicolas Sarkozy.
Deuxièmement, la très grande faiblesse du Ministère de la Culture, dont le silence assourdissant effraie. C’est pascalien... Qu’il n’y ait aucune réaction alors que, fait rarissime, un livre pour la jeunesse est censuré en France dévoile la peur qu’inspire la place Beauvau à la rue de Valois. Madame Abdul Malak, bien au contraire, gagnerait à s’exprimer avec clarté et contrer publiquement son collègue : on est fort aussi par les ennemis qu’on se fait.
Enfin, s'exprime le double jeu permanent du Président de la République. On ne peut pas vouloir une Maison du dessin satirique et du dessin de presse en hommage, aussi, à Charlie Hebdo et censurer un livre jeunesse. La main gauche du défenseur de la liberté d’expression Macron ignore la main droite du censeur Emmanuel, qui tient les ciseaux d’Anastasie. C’est inquiétant pour l’avenir...
On ne peut qu’espérer que, très rapidement, le Syndicat national de l’Édition, le Syndicat de la Librairie française et l’ensemble des organisations d’auteurs apporteraient leur soutien à Thierry Magnier et à son auteur. Le mien est total.
Crédits photo : Sans titre, Roland Topor, 1975, dessin pour la couverture d'Histoires comme si de Gérard Klein, éditions 10/18 - Exposition Topor à la BnF - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
DOSSIER - “Bien trop Petit”, le livre qu'a censuré Gérald Darmanin
Par Nicolas Gary
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13 Commentaires
NAUWELAERS
24/07/2023 à 00:21
Pour élargir le débat, voici ci-dessous, entre guillemets, un extrait d'une lettre de franceinfo du 27 septembre 2022 concernant la régulation de la pornographie.
Pour ce qui concerne les mineurs.
«Appliquer (enfin) la loi pour interdire l'accès des mineurs à la pornographie
Le constat. Les auteurs dénoncent "une consommation massive, banalisée et toxique" de pornographie chez les enfants et adolescents. Les chiffres cités dans le rapport sont édifiants. Sur les 19,3 millions de visiteurs uniques qui se rendent chaque mois sur un site pornographique, 2,3 millions ont moins de 18 ans. Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers des enfants de moins de 12 ans ont déjà eu accès à des images pornographiques. La première exposition peut intervenir dès le primaire. Les conséquences sont multiples : traumatismes, troubles du sommeil, de l'attention et de l'alimentation, vision déformée et violente de la sexualité… Le Code pénal interdit pourtant toute diffusion de contenu pornographique susceptible d'être vu par un mineur. Mais les recours judiciaires n'aboutissent pas au blocage des sites, regrettent les sénateurs.
"Donner aux enfants des images porno dans la rue, c'est un délit passible de prison, mais le faire sans aucun contrôle ni limitation, c'est possible sur la toile."
Le gynécologue Israël Nisand
devant la délégation
Les recommandations. Actuellement, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA) n'a pas les mains libres pour sanctionner directement les sites accessibles aux mineurs. Elle doit procéder par voie d'huissier et faire des mises en demeure. Le rapport préconise d'assermenter ses agents pour qu'ils puissent constater eux-mêmes les infractions et de permettre à l'Arcom de prononcer une sanction administrative aux montants dissuasifs, comme cela se fait déjà en matière de lutte contre la haine en ligne.
L'autre levier d'action est la vérification de l'âge des internautes. Les sénateurs insistent sur l'urgence de trouver des solutions techniques satisfaisantes pour vérifier leur identité tout en protégeant les données personnelles. Aujourd'hui, aucune méthode n'est complètement fiable. En attendant, la mission réclame que le contrôle parental soit activé par défaut lorsqu'un abonnement téléphonique est souscrit pour un mineur.»
CHRISTIAN NAUWELAERS
Christine Belcikowski
24/07/2023 à 08:33
Quoi qu'il en soit, les jeunes lecteurs méritent mieux que ce genre de livres, dont l'écriture et le propos sont d'une platitude accablante.
Lady Livre
25/07/2023 à 07:07
Des livres qui parlent d'ados, écrits pour les ados, avec des problématiques qui touchent les ados ? Évidemment qu'ils le méritent ! Il faut arrêter avec ce fantasme de la "grande littérature qui élève l'esprit" ! Ce que les ados veulent, ce sont des livres qui leurs parlent, avec leurs mots ! Il veulent se sentir compris, pas méprisés dans leurs questionnements à coups de mots grandiloquents !
NAUWELAERS
25/07/2023 à 12:32
Désolé Lady Livre, pas d'accord.
La grande littérature, ce n'est pas que Proust (indigeste pour beaucoup de monde, je le reconnais) et elle n'est pas nécessairement gorgée de mots «grandiloquents».
J'ai appris à lire avec les fables de La Fontaine et ce fut un bonheur, un enchantement qui a fortement contribué à mon amour de la langue française.
Les ados ont leur univers, c'est normal.
Ils sont accros aux réseaux sociaux, Instagram et autres.
Le vrai rôle de l'école n'est pas de décider comme vous qu'ils sont incapables d'apprendre-certes sans excès (aucun risque !), sans les gaver -la littérature classique, en tentant de la leur faire apprécier.
N'oublions pas le sens du mot «élève».
Ils ne doivent pas s'y rendre en n'obtenant que ce qu'ils ont déjà partout !
Non à la facilité et à la démagogie qui ne mène à rien.
Merci de ne pas en faire une question politique.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Lady Livre
25/07/2023 à 12:54
À quel moment ais-je dis que les ados sont incapables de comprendre la littérature classique ? Où ais-je parlé de ce que l'école leur apporte en termes d'apprentissage ? Jamais, nulle part. Je remarque toutefois que, selon vous, il n'y aurait que l'école qui soit légitime à enseigner la vie aux adolescents. Triste de lire ça, vraiment, quand on sait que l'éducation ne s'arrête pas aux portes de l'école, loin de là. L'éducation, c'est aussi permettre à des jeunes, à des ados d'avoir accès à une littérature qui ne soit pas "obligatoire", qui ne soit pas préconisée par un système scolaire défaillant. Les jeunes apprennent beaucoup plus en dehors de l'école, surtout en ce qui concerne la vie et la sexualité. Quand l'école ne fait pas son travail, les ados se trouvent obligés de trouver les réponses à leurs questions ailleurs. Ce n'est pas une question de politique, c'est une question de bon sens. Sortez donc un peu de vos classiques et de vos préjugés...
NAUWELAERS
26/07/2023 à 12:26
Lady Livre,
« Il faut arrêter avec ce fantasme de la "grande littérature qui élève l'esprit" !»
Pour ce qui est des préjugés ne reposant sur absolument rien de sérieux, merci de donner l'exemple et je reprends, entre guillemets ci-dessus, une phrase de votre premier post (25 juillet).
En fait de préjugé...
L'école est là pour instruire d'abord.
L'éducation se fait effectivement dans la vie, notamment la famille, les cercles d'amis et puis...les écrans omniprésents, qui peuvent faire et hélas contrarier l'éducation.
L'école doit justement apporter l'instruction de base élémentaire à toutes et tous les élèves sans distinction de classes sociales ni d'origines.
Le vrai progressisme est le contraire du nivellement par le bas et d'une fausse bienveillance (et un mépris inconscient que je dénonce) qui part du principe que les jeunes sont d'office, en majorité, réfractaires à la joie d'apprendre.
Simplement, il faut tenter de leur donner ce goût essentiel avec empathie, talent, humour...
En sachant que souvent, ce n'est pas une sinécure.
Je le reconnais volontiers.
Mais l'école est à la base un lieu d'instruction.
Le pire préjugé est de vouloir remplacer les parents par l'école pour l'éducation.
Une erreur totale.
Il y a certes la socialisation plus ou moins heureuse...mais l'instruction reste la base, bien entendu.
Et ce que vous appelez «fantasme» (voir en début de post) n'en est pas un le moins du monde.
Désaccord total avec vous.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Lady Livre
26/07/2023 à 12:50
Décidément, le mépris semble être votre spécialité... Je l'ai dis et je le maintiens : l'idée même d'une "grande littérature" est un fantasme (oh le vilain mot !...), tout comme les idées reçues voulant faire croire au nivellement pas le bas qui, s'il existe, est plus à chercher dans le système éducatif qu'ailleurs. Fantasme également quant aux jeunes qui ne liraient plus, au profit d'écrans chronophages. Bien au contraire, les jeunes lisent, différemment, des œuvres différentes également, mais ils lisent. Au lieu de pleurer sur les jeunes qui ne lisent plus et sont collés à leurs écrans, avez-vous eu la curiosité d'aller voir ce qui les attire tant sur les écrans ? Vous êtes-vous intéressée aux réseaux sociaux les plus utilisés par ces jeunes ? Avez-vous la moindre idée du contenu qu'ils consomment ? Je ne pense pas. Les habitudes culturelles et de lecture changent, et tant mieux ! À chaque génération, les mêmes discours, preuve en sont vos commentaires... Ne vous fatiguez pas à me répondre encore, je vois bien à qui j'ai affaire, et j'ai plus intéressant à lire que vos inepties
Aurelien Terrassier
26/07/2023 à 14:43
Lady Livre Vous avez bien raison ne vous fatiguez pas inutile de débattre avec un militant d'extrême droite qui ne cesse de psychologiser voir criminaliser les gens avec qui ce monsieur n'est pas d'accord au détriment de toute argumentation rationnelle et constructive.
Aurelien Terrassier
30/07/2023 à 09:42
Ce sont parfois les mêmes qui cautionnent ou minimisent cette censure et qui il y a quelques mois soutenaient Bastien Vives et ses contenus pedopornographiques qui je le rappelle est prochainement en procès.
Madame So
24/07/2023 à 09:38
Quand on y pense c’est drôle. La censure c’est l’interdit. A un âge où l’interdit doit être bravé pour se développer c’est du pain béni. En son temps Sade avait pris cher. Nos baby boomers ont juste oublié qu’il est interdit d’interdire. (Oui Darmanin est peut-être un peu plus jeune…encore que)…je vais attendre qq temps mais il faut que je pense à mettre ma bibliothèque sous clefs 😈
Lucien X. Polastron
24/07/2023 à 10:12
J'avais de l'estime pour Vincent Monadé au CNL.
Elle a maintenant doublé.
Aurelien Terrassier
24/07/2023 à 11:57
En effet Rima Abdul Malak gagnerait à s'exprimer et cette censure a pour but de faire venir les électeurs d'extrême droite en vue de 2027 avec un candidat Renaissance qui serait sur une ligne similaire à celle de Laurent Wauquiez soit la droite extreme réactionnaire. Je ne pense pas non plus que Gabriel Attal le nouveau ministre de l'éducation nationale soit sur la même ligne que son collègue ministre de l'intérieur mais comme dirait Jean-Pierre Chevenement "Un ministre ça ferme sa g... ou ça demissionne". Ce qui concerne aussi la ministre de la culture.
Madame Michu, l' epouse de monsieur .
24/07/2023 à 12:48
---- pour information :
" Petite bite, petit pénis, voire petite chatte " --- sont des entrées ou rubriques thématiques ( ' catégories ' , le nom utilisé adéquat ) de nombreux sites --- dits " pornographiques ".
Que la thématique surgisse dans une publication livresque, au sein d' une collection --- erotique ou porno -- pour mineurs (!) , ne semble pas contradictoire ni si différent que ça , avec l ' ensemble de cette ligne de production ---- erotique et pornographique.
Par ailleurs , qu on en soit à avoir eu l idee d' une telle collection pour des mineurs semble être un fait de société et de civilisation qui en dit long sur l ' absence de transmission culturelle littéraire, donc l ' inculture, l ' acculturation proliférante tant parentale ou familiale que du point de vue des différents appareils scolaires, l ' inadaptation régressive ou rétrograde des programmes à leurs publics.
Et dans cette inculture, le grand témoignage par l' absence de la force subjective de transmission de valeurs --- en ce qui concerne le rapport ou relation sociale intersubjective d' attraction impliquant le Désir , dont --- le désir erotique de jouissance nommé par rigidité scientifique " sexualité " ou " sexe " , aux fins de détacher ces activités de toutes articulations psycho - sociales. ( conception mal heureuse ).
La Jouissance erotique est un rapport social ou chacun(e) s' y entreprete , par reciprocité.
C est la reciprocité qui y pose certains interdits fondant le lien social de libre circulation du geste.
C est parcequ ' adultes mûrs , on a un problème avec çà que ce problème rejaillit sur les jeunes générations.
Il n ' en demeure pas moins que l ' on peut se rapporter au desir erotique de jouissance comme rapport social, par la litterature, les grandes œuvres qui l ' ont faites.
On peut transmettre langagierement à l ' adolescence que ce qui importe n est pas ce qu on effectue dans le lit, il n y a pas de figures imposées, c est pas un concours sportif.
Ce qui s' y passe ne s' y passe que dans l intersubjectivité duelle ( ou plus, peu importe....! !! ) accordée par les partenaires, l ' entrepret, réciproquement, y compris ce qui peut relever de l ' excés, ou d' un plus ' transgressif' dont la seule limite est l ' absence de nuisance physique et conséquences gravissimes pour chacun(e) , dans l objectif de satisfaire à la jouissance, à la félicité de l ' autre.
C est ça l ' echange erotique relationnel.
Ceci est entendable par quiconque car c est écrit , noir sur blanc , ou à l ' encre "" sympathique """ , partout , dans toutes les oeuvres de la litterature, dés qu ' y apparaît le relationnel attractif " passionnel ".
Le relationnel au lit est inscrit dans le relationnel social décrit --- manifestement.
Ça aussi, c est à transmettre, langagierement, et ça se peut.
On a donc nul besoin d' une litterature erotique ou pornographique pour mineurs en tant qu ' initiations heureuses à l' erotisme, à la sexualité.
On a nul besoin d' une litterature spécialement conçue pour adolescents.
A partir de quinze ans, la Litterature suffit amplement.
Il ne suffit pas de savoir l ' enseigner, le jonglage entre thématiques et formalismes compositionnels et rédactionnels.
Il faut que --- les programmes suivent.
Y compris dans tout ce qui s' incluait , il y a longtemps, mais de manière toujours latente, dans le vocable : amours.
Une page vient de se tourner, et tristement.
Dans les faux problèmes.
Il est temps d' en écrire le mot --- " FIN ".