Le 4 juillet, les ukrainiens ont rendu hommage à l’autrice de 37 ans, Victoria Amelina. Elle a été assassinée par un tir de missile russe qui s’est abattu sur un restaurant de Kramatorsk le 27 juin dernier. La vente des derniers exemplaires de son livre November Syndrome, or Homo Compatiens, financera la tenue du festival littéraire qu’elle a cofondé à New York. Non dans le pays de Harlan Coben, mais dans un village d’Ukraine dans la région de Donetsk.
Ce 4 juillet, le Monastère Saint-Michel-au-Dôme-d’Or de Kiev a accueilli environ 200 personnes, nous apprend The New Voice of Ukraine. Famille et proches d’Amelina, écrivains, amis, collègues, militants des droits de l’homme, membres de PEN Ukraine dont elle faisait aussi partie, représentants de l’état-major général des forces armées ukrainiennes, et des médias ukrainiens et étrangers, ont assisté à ce moment. Elle laisse derrière elle un fils de 12 ans.
Les funérailles ont lieu le 5 juillet, à Lviv (ouest de l’Ukraine), dans l’église des Saints-Apôtres-Pierre-et-Paul. Elles sont suivies d’une cérémonie d’adieu sur la place du marché et d’un cortège funèbre qui se rend au cimetière de Lychakiv, pour l’enterrement à 16h00.
La philosophe et poétesse ukrainienne Oksana Zabuzhko a défini Victoria Amelina comme une figure importante, parmi les artistes assassinés par les envahisseurs russes.
Le 27 juin 2023, un missile russe a frappé une pizzeria renommée à Kramatorsk, dans le Donetsk à l’est de l’Ukraine. Le décompte provisoire indique 13 morts et près de soixante blessés. L’écrivain colombien Hector Abad et son amie Victoria Amelina figuraient parmi les victimes.
Malheureusement, Amelina, qui avait 37 ans, n’a pas survécu à ses blessures. Elle est décédée le samedi 1er juillet dans un hôpital à Dnipro, dans le centre-est de l’Ukraine, des suites de multiples fractures du crâne.
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Elle documentait la guerre et avait rejoint l’organisation de défense des droits de l’homme, Truth Hounds, en 2022. L'écrivaine a également déterré le journal de Volodymyr Vakoulenko, un autre auteur assassiné par les Russes, à Kapytolivka, près d’Izyum. Ce document précieux, autrefois caché dans son jardin, relate l’invasion russe et ses crimes.
La Presse nous apprend qu'il a récemment été publié en Ukraine sous le titre, Journal de l’Occupation. Dans une préface, Amelina affirmait : « Le soir même, dès que je suis arrivée dans un village où une connexion mobile fonctionnait, j’ai photographié chaque page du journal et j’ai envoyé les photos à Tetyana Pylypchuk, directrice du Musée littéraire de Kharkiv, et à Tetyana Teren, directrice de PEN Ukraine. C’est alors que je me suis sentie un peu plus à l’aise : le message de Volodymyr serait sauvé même si, le lendemain, je devais marcher sur une mine antipersonnel. Tant qu’un écrivain est lu, il est vivant ».
Ces derniers mois, Amelina avait entrepris la rédaction de son premier livre non fictionnel en anglais, War and Justice Diary : Looking at Women Looking at War (Journal de guerre et de justice : Regard sur les femmes, Regard sur la guerre). Il devrait prochainement être publié dans plusieurs pays. Il retrace le parcours et le quotidien des femmes ukrainiennes qui, comme elle, documentent les atrocités de la situation géopolitique.
Engagée pour la cause de son pays, elle a plaidé auprès des gouvernements étrangers pour qu’ils fournissent des armes à l’Ukraine. Elle a également prôné la justice et la mise en place d’un tribunal international pour juger ceux qui ont orchestré et perpétré ces attaques, y voyant une lutte anticoloniale partagée par de nombreuses nations à travers le monde.
Le travail militant et littéraire de l’autrice ne sera certainement pas vain. Yulia Orlova, directrice de la maison d’édition Vivat a annoncé sur Facebook le 3 juillet que la vente des derniers exemplaires du roman November Syndrome, or Homo Compatiens (Le Syndrome de l’automne ou Homo Compatiens) financera le festival littéraire que la victime a cofondé.
Publié en 2015, c’était le premier roman de Victoria Amelina. Cette œuvre philosophique narre l'histoire de Konstantin Nechay, un Ukrainien ordinaire doté d’hyperempathie. Cette capacité, entre pathologie et cadeau, se déploie lors des bouleversements mondiaux du XXIe siècle, en particulier la révolution égyptienne de 2011 et l’Euromaïdan en 2013-2014.
Il a été distingué par le prix Koronacija Slova en 2015 et présélectionné pour plusieurs récompenses littéraires ukrainiennes (Litakcent, Valéri Chevtchouk). Le livre ne sera pas réimprimé : les droits d’auteur de la maison d’édition ont expiré, mais les 390 exemplaires restants du livre ont été achetés en 6 heures. Auparavant, l'ouvrage coûtait 80 hryvnias (soit 1,99 €), mais le prix a été augmenté afin de collecter davantage de fonds. Orlova précise : « ce festival doit vivre, être et résonner ».
The New York Literary Festival, cofondé par Victoria Amelina un an avant la guerre, accueille des auteurs, journalistes, musiciens et artistes venus de toute l’Ukraine. L’évènement s’inscrit dans une tendance de renouveau culturel dans une zone précaire. Contrairement à son homonyme métropolitain d’outre-mer, la ville ukrainienne de New York ne compte aujourd’hui qu’environ 10.000 habitants et dépend administrativement de Toretsk, rappelle Euromaidan Press.
« New York dans l’oblast de Donetsk est un témoignage vivant du fait que notre région a été créée en tant que région européenne. À un moment donné, son histoire a été volée et déformée. Mais elle n’a pas été détruite », avait écrit Pavlo Kyrylenko, chef de l’administration militaire et civile de la région de Donetsk après l'une des éditions du festival. Le lieu de l'évènement a été construit en 1950 pour accueillir des activités culturelles destinées aux travailleurs de l’usine chimique locale de production de phénol et à leurs familles.
Un certain nombre d’écrivains et de poètes ukrainiens ont participé au New York Literary Festival : Serhiy Zhadan (L’Internat et La Route du Donbass, trad. Iryna Dmytrychyn, Noir sur Blanc), Olena Styazhkina, Tamara Orikha Zernya, Halyna Vdovychenko, Olha Herasimyuk…
« Les Ukrainiens survivront, riront et organiseront des festivals de littérature dans tous les New York possibles. Je le promets. » avait déclaré Amelina.
Yulia Orlova conclut : « Je pleure depuis ce matin. Pleure en lisant des posts qui lui sont dédiés, les commentaires déchirants. Nous avons perdu une jeune femme incroyable — talentueuse, courageuse, forte d’esprit. La femme qui a fait et pourrait faire tellement plus de bien pour notre pays. Maintenant c’est notre travail. Alors les amis continuons le festival littéraire de New York ! Pour le bien de Vicki. »
Crédits photo : NearEMPTiness (CC BY-SA 4.0)
Paru le 17/10/2013
368 pages
Les Editions Noir Sur Blanc
23,00 €
Paru le 06/10/2022
266 pages
Les Editions Noir Sur Blanc
22,50 €
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