FLP2023 - Mi-février, lors de la conférence de presse, les intervenants se succédèrent pour officialiser la manifestation. Territoire voisin et ami de la France, l’Italie succède à l’Inde comme pays invité. Et de rappeler qu'en 2022, furent réunis 90.000 visiteurs, 800 auteurs et 300 éditeurs. La mouture 2023, du 21 au 23 avril, en rassemblera plus : 100.000 sont espérés, et particulièrement le public adolescent.
Le 17/04/2023 à 15:57 par Fasseur Barbara
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17/04/2023 à 15:57
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Cette année, le Festival du Livre de Paris porte toute son attention sur un public qui l’avait boudé l’an dernier. Pour appâter cette clientèle versatile, le FLP se démène. Surtout qu’aux mêmes dates, s’installe Porte de Versailles Harry Potter, l’exposition. Ironique : feu Livre Paris y avait ses quartiers depuis une trentaine d’années, avant de gagner le Grand Palais Ephémère en 2022. Et le lieu aura bien besoin de magie pour rivaliser.
À LIRE: Le Festival du Livre de Paris 2023 se passionne pour l'Italie
Le succès repose sur l’équilibre de deux ingrédients : d'abord, côté porte-monnaie, avec la gratuité de l'entrée pour les moins de 25 ans – payante à 5 € pour les plus de 26 ans, a récemment précisé le Syndicat national de l'édition. Entre deux, eh bien... mystère ? Ensuite, inédit : un réseau social devient sponsor officiel. TikTok jouera de son #BookTok durant les trois journées. C'est que les écrans, ma bonne dame...
Le récent baromètre Ipsos et du CNL Les Français et la lecture pointe un décrochage des 15-24 ans. Pourtant, 80 % d’entre eux se déclarent lecteurs. Ils resteraient cependant ceux qui lisent le plus, avec 29 titres en moyenne par an. Leur temps de lecture quotidien de 41 minutes est bien inférieur au temps passé devant leurs écrans (4h09), mais ils n’en seraient pas moins assidus.
Sur le devant de la scène
Le véritable combat se déroule donc sur les écrans. Sébastien Cavalier, président du Pass Culture — un budget accordé aux 15/18 pour financer les dépenses culturelles — en atteste : l'outil recense 2 millions d’utilisateurs et quelque 7,5 millions d’ouvrages achetés en 2022 via l’application.
Cette année, le Pass s'associe au Festival : ses bénéficiaires réserveront leur venue et achèteront directement des livres durant leur passage, avec l'appli. Une première corde à l’arc pour inciter à faire le déplacement ? Certes, mais pas que.
En 2021, une étude avait démontré l'importance d'une manifestation gratuite, pour la grande majorité des éditeurs. Il en fut ainsi en 2022. Pour 2023, seuls les moins de 25 ans en profiteront. Les visiteurs de plus de 26 ans verseront 5 € pour entrer. Objectif, selon le directeur général : véhiculer un message aux nouvelles générations prônant l’importance de la lecture.
D'ailleurs, que représentait en 2022 cette tranche d'âge ? Et combien cette année ? Pas de réponse à cette heure. « Sur les 100.000 visiteurs attendus, nous espérons écouler un tiers de billets gratuits, mais pour l’instant, nous n’avons pas d’éléments factuels nous permettant de connaître la proportion de visiteurs sous la barre des 25 ans », nous assure le directeur.
Si le cercle vertueux se construira avec le temps, comment l'autre visitorat percevra le message d'une ponction de 5 € ? Eh bien, estime le FLP, l’entrée payante renforcerait l’implication des visiteurs. L’an dernier, l’inscription était gratuite, mais obligatoire. Sur 2023, on entend limiter le taux de perte. Le visitorat ayant déjà versé son écot, il changera moins d’avis — au risque de perdre son achat.
« C’est aussi un moyen de s’assurer une fréquence instantanée plus haute en termes de visiteur pour, au final, optimiser le taux de fréquentation. » Enfin, la somme de 5 € serait symbolique, sans empiéter sur le pouvoir d’achat. « Je cherche à diversifier le taux de recette de la manifestation », concède-t-il.
Il ne s’agirait pas d’opposer la gratuité d’avant au payant d’aujourd’hui : plutôt d’instaurer une solution compatible avec les différents enjeux de la manifestation : « La gratuité n’est pas un totem » conclut-il. Étrange : en 2022, elle relevait du tabou enfin brisé.
Cette décision est par ailleurs survenue très tard dans le processus, tout comme son officialisation. L'étonnement d'exposants, suite à la conférence de presse de février, le prouve. Pourtant, « la discussion a été très franche et très constructive avec les éditeurs autour de cette décision. Nous avons un véritable désir de transparence. D’ailleurs, je n’ai connaissance que d’un participant qui l’a découvert tardivement et regrette sincèrement cet impair ».
Des jeunes bienvenus, autour de mondes fantastiques et du Young Adult : « On a essayé de particulièrement soigner ce lectorat » note le directeur général. « L’important était également que chacune des maisons d’éditions présentes profite au mieux de l’évènement et de sa structure pour servir leurs auteurs et leurs publications ».
Pas d’Amazon en 2022, c’était promis, pas plus en 2023. Les moins de 25 se souviennent-ils que le cybermarchand fut vendeur de livres ? Ou le service de streaming Prime Video l’a-t-il emporté dans la vision qu’ils en ont ? McDonald, premier marchand de livres jeunesse en France, déroulera son catalogue, mais cible un lectorat bien plus jeune. Pour les préados, ados et adulescents, tout repose sur TikTok.
Car en matière d’écran pour attirer l’attention des jeunes, quoi de plus hype et trendy qu’un réseau social chinois ? Elodie Ricquier Veybel, Content Partnership Manager Tiktok, avait exposé en février le partenariat liant le réseau et le festival. Le hashtag #BookTok représenterait une communauté comptant près de 17 millions de vidéos, vues et partagées 109 milliards de fois depuis son apparition.
Car le géant chinois se déploie largement : sponsoring, création de contenus in situ, studio Tiktok intégré. « En parlant avec les codes de cette génération, on entend faire tomber les frontières d’accès à la culture », promettait Elodie Ricquier Veybel en février.
Accès aux œuvres… ou aux informations ? Voilà longtemps que le réseau social est accusé d’espionnage et vol de données, directement transférées en Chine. Ces derniers mois, plusieurs institutions, en France et au niveau européen, ont interdit la présence de l’application sur les mobiles professionnels. Les gouvernements canadien et américain ont fait de même, du fait de cette collecte d’informations.
En décembre dernier, Forbes avait dévoilé le pot aux roses : TikTok avait servi à espionner plusieurs de ses journalistes — et la firme l’avait avoué. Plus récemment, rappelle Le Monde, les jeunes utilisateurs, cœur de cible de la plateforme, se changent en victimes passives. Caractère addictif, exposition à la désinformation ou à des contenus préjudiciables que valorise l’algorithme. Les usagers ne sont pas à l’abri : était-il crucial de les surexposer et légitimer l’outil dans une manifestation littéraire ?
Jean-Baptiste Passé n’écarte pas les questionnements ni les risques et tente de nuancer. L’intervention du réseau serait différente pour le FLP, et impossible de nier que l’application devient un outil dans la promotion des livres. « C’est un des moyens pour nous d’aller solliciter ces fameux décrocheurs de la lecture. »
Argument alambiqué : ceux qui ne lisent pas s’intéresseraient aux vidéos promouvant des livres sur TikTok ? Mieux : les utilisateurs qui préfèrent les réseaux aux ouvrages y reviendraient par mimétisme : « Les jeunes eux-mêmes ne seraient-ils pas les meilleurs prescripteurs ? Lorsque l’on voit des utilisateurs comme des Jeanne, des Valentine ou même Augustin Trapenard qui cherchent leurs tonalités, tout comme nous », s’amuse le directeur.
Avant de poursuivre : « On a ouvert notre compte sur le réseau avant tout pour tendre le micro aux autres. » Ainsi, l’éditeur Robert Laffont puise aux mêmes sources. Dernièrement, un concours lancé sur TikTok cherchait à recruter de nouveaux écrivains. On fait ce que l’on peut, en somme.
De fait, le réseau chinois grignote l’industrie du livre avec voracité : voilà un an, il devenait partenaire officiel d’une manifestation d’envergure en Angleterre, le Hay Festival. Paris n’a pas l’exclusivité de sa démarche, puisque les visiteurs avaient profité d’une offre très similaire pour l’événement britannique. Cela, et le fait que TikTok passe désormais des accords avec des libraires pour vendre des livres directement…
Ainsi, se féliciter de l’absence d’un stand Amazon devient plus complexe. Surtout que le cybermarchand intervient comme… sponsor officiel du Tiktok Book Club : le logo qui sourit jaune s’impose sur la plateforme chinoise, moins ostensiblement qu'au sein d'un salon.
La présence du réseau et du restaurateur américain en refroidit certains, qui craignent d'autres dérives. Jean-Baptiste Passé rétorque que « le raccourci est un peu facile. Mc Donald reste avant tout un exposant, là où TikTok se présente en véritable partenaire de la manifestation ».
Et d’ajouter : « C’est un projet culturel. Nous sommes dans une autre séquence de l’évènement pour nous accorder à une nouvelle époque, nous avons à cœur de porter cette nouvelle représentation et la mise en place de ce moment concorde de l’intégralité de la chaîne. »
La Grand messe de l’industrie rend-elle les armes ? S’en remettre à TikTok pour séduire les adolescents en dit long sur la capacité à mobiliser : foin des questions de sécurité et de données personnelles, mieux vaut qu'entre le loup dans la bergerie – et si possible, par la grande porte.
« Événement organique et humain », le Festival ne se résume pas à des chiffres, reprend son directeur général. Pour autant, il espère attirer a minima 10.000 visiteurs de plus. « Avec force d’humilité et de travail, nous avons pu observer en un an les éléments qui conviennent et ceux qui ont moins bien fonctionné. »
Toutefois, le bilan de l’édition dernière ne semble pas trouver écho dans le discours de cette journée de présentation puisque Paris Librairies sera de nouveau responsable du Festival du Livre de Paris. Le système de caisse centrale et de ses files d’attente à rallonge avait refroidi plus d’un acheteur l’année passée, mettant à mal le chiffre d’affaires des éditeurs présents.
Marie-Madeleine Rigopoulos, directrice artistique de l’événement, avait précisé que les libraires volants seront présents en plus grand nombre cette année. Cela devrait rassurer les visiteurs concernant le retour de la caisse centrale. Jean Baptiste Passé appuie la nouvelle en affirmant que cette dernière a été doublée et dotée d’un nouvel accès afin d’augmenter la visibilité tout en réduisant la perception du temps d’attente.
Autre point noir : l’absence des indépendants pour la refonte de l’édition. Tout avait commencé lors de la présentation des espaces commercialisés : des coûts difficiles à assumer pour de petites structures et un modèle économique réduisant drastiquement les recettes des exposants. Aucun consensus n’avait pu être trouvé, laissant les indépendants sur le carreau. Cette année, tout va mieux.
Deux heures par jour seront consacrées aux petites structures pour valoriser leur présence. Intitulée Les Indés les yeux fermés et organisée en collaboration avec Fontaine O Livres, l’opération tend à soutenir la richesse de l’édition indépendante. Étrangement si les indépendants ont droit à ces heures de gloire, il n’est aucunement question du retour des régions.
« Nous avons essuyé une véritable polémique l’an dernier avec les agences régionales du Livre. Au final, les subventions ont été annulées pour les maisons d’édition régionales. Pour autant, la relation existe de manière régulière et nous avons voulu trouver une réponse plus globale. C’est ainsi que sont nées des relations indépendantes avec, eh bien, les indépendants, aidés par leur Région ou pas. Nous voulons rester dans une logique de grande pluralité », conclut finalement Jean-Baptiste Passé.
La précédente version de cet article citait explicitement les Éditions du Net, comme unique opérateur à avoir découvert l’entrée payante et s’en être plaint. Le directeur général a souhaité amender sa citation pour et leur présente ses excuses « pour les avoir citées nommément et précise qu’elles ne se sont manifestées que pour déplorer le manque de communication formelle ».
Crédits photo : ActuaLitté (CC BY-SA 2.0)
Par Fasseur Barbara
Contact : bf@actualitte.com
3 Commentaires
MB
18/04/2023 à 07:37
Les chiens ne font pas des chats : en connaissants les intérêts qui sont derrière le Festival, n'en attendont pas une attention particulière pour les éditions indépendantes.
Pour rencontrer les indés, autant venir à L'autre Livre qui se tiendra aux mêmes dates !
Aurelien Terrassier
18/04/2023 à 10:57
Ce n'est pas un salon du livre très ordinaire. A part une partie des best-sellers, je ne pense pas que Tik-Tok amène véritablement les jeunes vers la lecture mais plus vers le temps passé sur les reseaux sociaux là où l'interactivite rend addict pour le meilleur comme pour le pire. Et puis voir Mc Do comme partenaire de ce salon du livre pas très ordinaire est révélateur. Je ne doute pas du talent de certains influenceurs et influenceuses sur les reseaux sociaux, ils aiment la lecture mais pour transformer l'essai à un moment donné, il faudra bien passer par la radio et la télévision comme Augustin Trapenard car les médias traditionnels qu'une partie de l'opinion critique tant parfois avec certains arguments qui manquent de crédibilité n'ont pas d'interaction ce qui permet une plus forte concentration du cerveau et ne recueillent aucune donnée personnelle aussi. Au delà de ça, je prends aussi en compte que la télévision se consomme en replay mais ce n'est pas du tout le même plaisir quand il.s'agit d'emissions en direct. Cela dit pour amener les jeunes un peu plus vers la lecture, il faudrait je pense une émission littéraire sur Culturebox à la limite.
Les Editions du Net
18/04/2023 à 12:46
Monsieur Passé peut toujours prétendre que nous sommes les seuls à avoir découvrir que l'entrée du Festival du Livre était payante à l'ouverture de la billetterie sur son site début avril, il n'empêche qu'à aucun moment les exposants n'en ont été informé par le Festival !!! Et quoiqu'il en soit pas en novembre 2022 quand nous avons signé le contrat puisque la décision a été prise fin janvier 2023 !
Et quand j'ai demandé des explications, il m'a été répondu que c'était de "la faute de Rachida Dati qui ne voulait pas d'une manifestation populaire au Grand Palais Éphémère réservé à des évènements de prestige" (sic) donc le Festival a parfaitement conscience que le prix d'entrée va diminuer le nombre de visiteurs. La contradiction entre l'objectif de visiteurs et l'entrée est payante est d'ailleurs relevé par le Figaro qui titre "Le successeur du Salon du livre espère attirer 100.000 visiteurs cette année, du 21 au 23 avril, en dépit de la mise en place d'une entrée payante."