Mehdi Meklat : des tweets antisémites à la résidence d'auteur, aux frais du contribuable
Mehdi Meklat, avec la sortie de Arthur Rambo, revient sur le devant de la scène. Ce film est focalisé sur Marcelin Deschamps, triste pseudonyme que l’auteur et réalisateur avait utilisé voilà quelques années sur Twitter. Il s’en était alors servi pour dérouler une série de messages haineux, à caractère ouvertement misogyne et antisémite. Marcelin devenu Arthur, voilà qui ouvre à quelques questions.
Le 03/02/2022 à 11:51 par Nicolas Gary
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Publié le :
03/02/2022 à 11:51
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Pour se replonger dans l’histoire, il faut comprendre la transition narrative opérée : dans le film, c’est un certain Karim D. – écrivain débutant mais déjà auréolé de gloire – qui est au cœur de l’intrigue. Karim D, c’est Mehdi Meklat, star des plateaux télés qui, comme le héros du film, avait une double vie sur les réseaux, animant un compte antisémite et homophobe.
Toute ressemblance avec des faits avérés n’aurait rien de fortuit.
Région et ministère aux finances
Au-delà de la production audiovisuelle, la presse s’est engouffrée dans l’histoire qui a inspiré la fiction — belle occasion de revenir sur la tempête médiatique de février 2017. Rappelons les faits : Mehdi Meklat, journaliste, documentariste, ancien animateur sur France Inter, romancier, chouchou des médias de gauche et bête noire de ceux de droite postait régulièrement, par le biais d’un compte sous pseudonyme, des tweets misogynes, homophobes et antisémites.
L’affaire fit tant de bruit que François Busnel, qui venait d’inviter Mehdi Meklat dans La Grande librairie, fit amende honorable en découvrant le pot aux roses : « Merci aux followers de La Grande Librairie de m’avoir alerté : je découvre, comme tout le monde au lendemain de l’émission du 16 février dernier, les tweets de Mehdi Meklat. Ces propos sont odieux et inacceptables. Ils discréditent totalement leur auteur. Rien, à la lecture du livre ou sur le plateau de jeudi soir, n’indiquait l’idéologie contenue dans ces tweets. Mais si j’avais eu connaissance, avant l’émission, de l’existence de ces tweets, je n’aurais bien évidemment pas invité leur auteur », annonçait l’animateur, certes un peu tardivement.
Ce qui intrigue plus encore certains de nos lecteurs, c’est que Mehdi Meklat est actuellement en résidence d’artistes aux ateliers Médicis – un Établissement public de coopération culturelle, où siègent la Région Île-de-France (donc sa présidente, Valérie Pécresse) ainsi que le ministère de la Culture (donc la locataire de Valois, Roselyne Bachelot). Basée à Clichy-Montfermeil, cette décalque de la Villa Medicis se veut un laboratoire expérimental artistique.
L’Etat verse 3,7 millions d’euros par an de budget de fonctionnement aux Ateliers Médicis, auquel il a généreusement ajouté, en 2021, 650.000 € pour la première édition du festival Transat, organisé par la structure. De son côté, la Région Ile-de-France verse aux Ateliers une subvention d’exploitation à la hauteur de 150.000 €. Florence Portelli, vice-présidente à la culture de la Région Ile-de-France, par ailleurs porte-parole de la candidate à la présidentielle Valérie Pécresse, représente l’institution au Conseil d’Administration des Ateliers Médicis.
Du côté de l’Etat, ce ne sont pas moins de six représentants qui siègent, dont le Préfet de Région, le Directeur Régional des Affaires Culturelles et la Directeur Général de la Création Artistique.
Si, dans le cadre de résidence, il est de coutume que le conseil d’administration vote pour les auteurs invités (et ici rémunérés à la hauteur de 11.000 €), ou bien qu’à tout le moins une commission se prononce sur la validité des projets et la qualité des invités, rien de tel aux Ateliers Médicis, où fonctionne encore le fait du prince.
En effet, contactés, les ateliers Médicis expliquent à ActuaLitté que « le choix des auteurs en résidence dépend entièrement de la direction et que ni la région ni le ministère de la Culture n’avaient voix au chapitre quant aux décisions artistiques ». Pour autant, attendu que les deux opérateurs financent les lieux, qui aspirent à une ampleur nationale, ils n’en demeurent pas moins responsables des choix opérés.
Autant il paraît sain que le pouvoir politique ne se mêle pas de choix artistiques, autant il demeure sidérant que deux tutelles admettent qu’un auteur en résidence, financé par de l’argent public, ait été pointé du doigt pour avoir tenu notoirement, et publiquement, des propos antisémites et homophobes.
Résidence, bien dense
Si comparaison n’est pas raison, le cas Gabriel Matzneff revient à l’esprit : ce dernier bénéficiait d’une aide extraordinaire du Centre national du livre, dont la tutelle est exercée par le ministère de la Culture. Les ministres ne décident pas nécessairement des choix artistiques, mais ils doivent en assumer les conséquences. D'aileurs, Frank Riester, devant l'ampleur de l'affaire Matzneff, avait décidé de supprimer l'aide perçue. Pour l’instant, dans le cas de Mehdi Meklat, Roselyne Bachelot est aux abonnées absentes…
Les ateliers, s’ils bénéficient du soutien de la Région, émanent directement de la volonté du ministère — Frédéric Mitterrand les avait annoncés sous l’ère Sarkozy, Fleur Pellerin les a officialisés… en somme, un pur produit de la rue de Valois. Et en l’absence d’appel à projets pour évaluer la pertinence des résidences pour les créateurs, la prudence et la vigilance seraient un minimum requis.
Un observateur, proche du dossier, insiste : « Il n’est pas question de refuser une seconde chance. Mehdi Merklat a fait amende honorable de ses messages antisémites ou homophobes. Un repenti en somme. » Pour autant, le choix intrigue : « Repenti, c’est une chose. Et l’on peut pardonner des erreurs — même si certaines sont difficiles à avaler. Ici, l'entre soi observé, l'absence de sélection préalable font un peu saigner des yeux. » Car certes, chacun a droit à une seconde chance, mais est-ce à l’argent public de la financer ? À ce que l’on sache, le CNL n’a pas attribué de bourse de création à Yann Moix après la découverte de son passé antisémite.
Un an après l’affaire des tweets exhumés, Mehdi Meklat était revenu sur cette période, expliquait que cette polémique dévoilait « un fantasme raciste : comme si l’Arabe de banlieue tétait l’antisémitisme avec le lait de sa mère », rapportait Marianne. « Si je m’appelais Maximilien Prat, est-ce que j’aurais eu droit à une forme d’impunité, à une différence dans le traitement médiatique ? », ajoutait-il dans l'émission Quotidien.
Laurent Cantet, réalisateur du film qui s’inspire donc de cet épisode, l’analyse auprès du Huffington Post : « Même à la fin, tout reste sinon opaque, du moins ouvert. On le regarde se débattre dans une situation inextricable, un peu comme un entomologiste observe des comportements. Le film accepte de ne pas tout expliquer. »
Et la rue de Valois, et la Région Ile-de-France, qu’acceptent-elles ?
crédits photo : Ateliers Médicis
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6 Commentaires
NAUWELAERS
03/02/2022 à 21:40
Espérons que personne ne sera assez stupide pour accuser Nicolas Gary de pencher vers l'extrême droite...ce qui n'est en rien le cas !
Non on ne doit pas jeter aux orties ce Meklat et encore moins Yann Moix, tout en désavouant leurs errements, qu'ils ont eux-mêmes reniés de façon qu'on peut croire sincère.
Mais financer Meklat, ce qui correspond à un choix arbitraire dont d'autres auteurs (et autrices) de peut-être plus grande valeur ne bénéficient pas....exact, cela interpelle.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Virgilius
10/03/2022 à 16:45
Soit tu es naïf, soit tu te fous de nous. Quand on tweet de telles insanités c'est bien évidemment qu'on les pense. Il faut être vraiment débile de croire que c'était pour tester :
- Les blancs vous devez mourir Asap !
- Je trouve la phrase ‘Moi la mort, je l'aime comme vous vous aimez la vie' de Mohamed Merah, troublante de beauté
- Ben Laden me manque
Du Midi
04/02/2022 à 08:27
Ah le beau repentir que celui de l’accusé qui dit « J’m’esscuse » en regardant le jury la larme à l’œil.
A-t-on esscusé Céline et Drieu ? Non, et c’est très bien comme ça. On les publie, on les critique, on lit en conscience. Le jeune homme qui se repent sou-disant, s’il arrêtait de gémir et s’il écrivait quelque chose contre l’antisémitisme, ou pour défendre les homos victimes de persécutions, ça serait intéressant, non ? Digne de foi en tout cas.
Mais le gars qui retourne le gant en jouant la victimisation du pov’Arabe ostracisé, c’est bon on a donné.
NAUWELAERS
04/02/2022 à 19:31
Enfin parlons clairement et franchement: qui donc connaît vraiment et se soucie de l'auteur Mehdi Meklat, même en faisant abstraction de ses errements sur réseaux pas toujours sociaux ?
Et si on essayait d'échapper à cette espèce de totalitarisme des réseaux sociaux ?
Si on se foutait d'obtenir des likes, qui selon moi correspondent à des hochets qui n'ont aucune signification sérieuse ni utile ?
Le jour où je lirai un texte remarquable de Meklat, je pourrai m'intéresser à lui.
Pour le moment, il ressemble plutôt à un agrégateur de buzz et moi je ne vis pas pour les buzz, qui nous tombent sur la tête chaque jour et pour rien.
CHRISTIAN NAUWELAERS
caro
08/02/2022 à 07:24
... sous le pseudo ''marcellin deschamps'', il a envoyé une moultitude de tweets racistes, haineux et homophobes...
...
et on fait un film sur lui.
honteux.
caro
08/02/2022 à 08:19
... vu l'extrait de quotidien, le gars arrive quand même à se placer comme victime de racisme parce que ses excuses n'ont pas effacé la violence raciste et homophobe de ses tweets....
facile de passer des années à balancer du racisme en utilisant un pseudo (et quel pseudo!) et puis après dire 'euh pardon, suis désolé, on r'part tout de zéro et vous oubliez tout'...