Pologne : la liberté de la recherche sur la Shoah menacée ?
Jan Grabowski et Barbara Engelking, deux universitaires spécialistes de l’Holocauste, ont dû récemment faire face à un procès en diffamation après la publication de leur dernier ouvrage. Celui-ci portait sur le comportement des Polonais durant la Seconde Guerre mondiale et n’a pas plu à la descendante d’un des citoyens cités. Une affaire considérée par certains comme une menace pour les futures recherches sur la Shoah dans le pays.
Le 10/02/2021 à 12:39 par Gariépy Raphaël
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10/02/2021 à 12:39
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Sur les 1600 pages de l’ouvrage historique des deux chercheurs, un passage a particulièrement retenu l’attention. Intitulé Night Without End : The Fate of Jews in Selected Counties of Occupied Poland, le livre accuse le maire Edward Malinowski d’avoir livré des Juifs aux Allemands lorsque ces derniers occupaient le pays.
Âgée de 81 ans, la nièce de l’homme politique, Filomena Leszczyńska, a intenté un procès aux deux universitaires, estimant que leur ouvrage « violait l’honneur de Malinowski » en « fournissant des informations inexactes ».
La plaignante aurait demandé 100.000 złotys (environ 22.000 €) de dommages et intérêts, ainsi que des excuses publiques. Les pages consacrées au village de Malinowo, dans le nord-est de la Pologne, font état des bonnes et mauvaises actions du maire. Il aurait ainsi permis à une femme juive d’échapper au soldat en la dissimulant, mais d’autres témoignages l’impliquent dans des massacres de Juifs locaux perpétrés par les nazis.
Leszczyńska souligne que son oncle a été acquitté de tout soupçon de collaboration en 1950. Pour elle, le livre contiendrait « des omissions et des erreurs méthodologiques ».
Finalement, le tribunal ne s’est pas attaqué aux portefeuilles des historiens, qui n’auront pas à verser de compensation financière. Cependant, les deux auteurs devront écrire une lettre d’excuse à la descendante du maire et publier un billet d’explication sur le site du Centre de recherche sur l’Holocauste. Enfin le passage ne devra plus apparaître au sein de l’ouvrage dans les éditions futures.
Une menace pour la recherche ?
Cette affaire s’inscrit dans le cadre du débat sur la mémoire de la Shoah qui agite la Pologne depuis plusieurs années. Comme le souligne le Guardian, depuis son accession au pouvoir, le gouvernement polonais actuel ne cesse de vouloir décourager les recherches sur les crimes du pays durant la Seconde Guerre mondiale. En 2018, une loi qui transformait en infraction civile le fait d’accuser la nation polonaise de collaboration avec l’Holocauste était même adaptée.
Filomena Leszczyńska n’était ainsi pas seule pour intenter son procès. Elle avait notamment reçu le soutien de la Ligue polonaise anti-diffamation, qui vise à « défendre la bonne réputation de la Pologne ».
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Malgré les démentis de la juge Ewa Jonczyk, qui considère que cette affaire ne brimera en rien la recherche universitaire, Grabowski et Engelking voient dans cette décision de justice un véritable message. « Il ne fait aucun doute que c’est une sorte d’effort pour geler les recherches — pour montrer aux universitaires qu’il y a des problèmes sur lesquels il ne vaut mieux pas se pencher », a déclaré Engelking.
Les réactions internationales ne se sont pas fait attendre. Le Congrès juif mondial s’est dit « consterné » par la décision, tandis que le mémorial de l’Holocauste de Yad Vashem, à Jérusalem, condamnait le procès. La Fondation pour la Mémoire de la Shoah, basée à Paris, qualifie quant à elle cette affaire de « chasse aux sorcières » et d’« invasion pernicieuse au cœur même de la recherche ».
Les deux universitaires ont annoncé qu’ils feraient appel.
Crédit photo : Détail du Mur des Noms au Mémorial de la Shoah à Paris — Jblevee — CC BY-SA 4.0
Par Gariépy Raphaël
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3 Commentaires
Gayssot
11/02/2021 à 08:27
Amusant d’aller chercher des poux chez nos amis polonais alors qu'en France, ça fait 30 ans qu'on a fait voter la même loi. La Loi Gayssot stipule qu'on ne peut pas faire de recherche sur la Shoah sans remettre en cause la version officielle.
Curieusement, cette loi, votée avec beaucoup d'humour par un cacique communiste directement issue de la belle époque du Soviétisme et de l'alignement du PCF avec l'URSS dont on connaît la parfaite bonne foi en terme de révisionnisme historique, ne fait l'objet d'aucune contestation dans le milieu journalistique et politique.
Elle sert même à faire fermer son clapet (entendre : condamner au tribunal) quiconque (et non pas un historien) émettrait un avis (défavorable) sur le sujet.
Or, la seule façon de progresser dans un débat historique (et dans un débat tout court) est de laisser la parole à tout le monde. Si quelqu'un est persuadé que la Shoah n'existe pas, il n'a qu'à en faire la démonstration avec preuves, que d'autres pourront réfuter (avec preuves aussi). C'est l'essence même du débat, ce que nos anciens appelaient des disputio et qui ont fait progresser l'humanité en confrontant les idées : il y en eut beaucoup entre le christianisme et l'islam, et qui ont fini par tourner court d'ailleurs, car l'islam a fini par renoncer...
On peut se demander quand même la raison de cette loi...
Virginia Wolf
28/05/2021 à 02:55
Vous faites bien de rappeler cette loi. Elle est une conséquence directe de la volonté de la France et des Français de se dédouaner de la responsabilité de la collaboration avec l'Allemagne et des atrocités commises. Merci.
Virginia Wolf
28/05/2021 à 03:20
Ce jugement ne menace aucunement la recherche dans le sens noble du terme. En tant que chercheuse, je condamne vigoureusement ces deux (il y en a d'autres aussi) pseudo-chercheurs qui ne se basent sur une documentation approfondie qui existe bel et bien. Je rappelle que ces personnes ont reçu une grosse somme d'argent (plus d'un demi million de zloty = environ 150.000€) de la part de l'Académie Polonaise des Sciences, institution gouvernementale, dont l'argent vient des impôts des tous les citoyens polonais. C'est une honte et le journal Guardian ou vous, vous vous abstenez de le dire. L'agent dépensé pour le manque total du sérieux et d'objectivité de leurs écrits. La plaignante ne demandait que 22.000€ de dédommagement de ces personnages mal intentionnés dans leurs écrits (d'ailleurs, pas la première fois) pour avoir sali le nom de la famille et cela sur le plan international. C'est grave. PS. Je rappelle que Grabowski a reçu une chaire à L'Université de Toronto, avec appuis de la communauté juive américaine puissante comme récompense des écrits aussi calomnieux et non conformes à la vraie recherche scientifique. ce sont des personnages, comme lui, Jan Grabowski, Barbara Engelking, ou encore, Jan Gros, qui salissent et menacent la recherche scientifique.