La société Shangri-La, éditeur de la solution Paperus, permettant la vente simultanée de livres papier et numérique, dans le cadre d'une offre couplée, ne manque pas d'idées. Le principe est d'ailleurs tellement simple, que l'on comprend mal comment il n'a pas été adopté plus tôt : arrivé en caisse, dans sa librairie, le lecteur se voit proposer, pour une somme variable en plus, d'acheter la version numérique de l'ouvrage. Simplissime ? Un peu, oui.
L'offre couplée ne date pas vraiment d'hier, et il convient toujours de rendre à Publie.net ce qui appartient à Publie.papier. En commercialisant les livres de son catalogue numérique, mais en Impression à la Demande, l'éditeur propose gratuitement un QR code de téléchargement pour se procurer la version numérique. D'ailleurs, les éditions Dialogues avaient fait de cette solution technologique un véritable argument de vente, au lancement de la maison. C'était en janvier 2010...
Depuis, d'autres se sont lancés, comme les éditions Fleurus, mais jamais encore on n'avait réuni plusieurs éditeurs autour d'un même service. C'est ce que tente Paperus, avec un certain succès.
5 à 10 % des clients achètent le numérique avec le papier
Florian Olivier-Koehret, PDG de Shangri-La, nous explique qu'à ce jour, 10 librairies ont mis en place la solution logicielle leur permettant de proposer les 1200 titres du catalogue, qui composent l'offre couplée. Les délais de mise en place, en fonction du processus décisionnel, peuvent varier en librairie, entre deux et cinq semaines, bien que la mise à jour du logiciel de vente soit extrêmement rapide. En revanche, du côté des maisons d'édition, on se heurte à des validations plus longues... parfois jusqu'à plusieurs mois.
D'ici la fin du mois d'avril, on devrait compter sur une cinquantaine de librairies participantes, sachant que bien souvent, les expériences pilotes permettent d'inciter les autres à se lancer. « C'est le cas avec les librairies Procure d'Évry et de Poitiers, qui sont regardées par les autres établissements, et servent de références quand nous souhaitons présenter notre solution », explique le PDG.
Pour l'heure, aucun retour négatif, chez les librairies contactées, les deux seuls ayant refusé Paperus ont expliqué qu'ils étaient en train de vendre leur commerce. Il faudra voir avec les repreneurs. D'ailleurs, dans les librairies qui prennent part au projet, les résultats sont plutôt encourageants : entre 2 et 5 ventes, chaque jour, par librairie, s'accompagne de l'achat de la version papier. Avec un taux de conversion de 5 à 10 % des lecteurs qui acceptent de se laisser tenter. Il reste encore à démocratiser le concept, en réunissant plus de librairies encore, pour assurer que le développement soit efficace.
Mais Paperus ne se contente pas de modifier subtilement les relations de la librairie au livre numérique. « Plusieurs opérations qui seront annoncées dans les semaines à venir, notamment dans le cadre de la rentrée littéraire. Marc Levy avait, un jour, évoqué le fait que le livre numérique puisse être gratuit, dans certains contextes. Nous allons travailler autour des best-sellers de la rentrée, mais tout cela reste encore très confidentiel. »
Diverisifer les offres, en élargissant les champs éditoriaux
Restent alors les secteurs BD et manga, qui semblent pour l'heure exclus des champs d'application de la solution couplée Papier+Numérique. « Pour la BD, quelque chose arrivera durant l'été », promet Florian, sans pour autant en dévoiler plus. « Il est certain que les amateurs de planches ne seront pas laissés pour compte. Quand on voit ce que Marvel a pu réaliser sur l'offre couplée, beaucoup de choses sont possibles en France. »
Par ailleurs, Marvel a mis à disposition depuis mars 2012 les versions numériques de certains imprimés papier, après achat. Les sorties mensuelles, vendues à 3,99$, seront ainsi vendues sous plastique, avec un code à l'intérieur pour accéder à l'ebook. Pour ce qui est du manga, Paperus a réfléchi à une solution qui soit à même de lutter efficacement contre le scan-trad, véritable plaie pour les éditeurs.
Ainsi, depuis longtemps, l'éditeur Kazé envisage non pas de lutter contre cette pratique par le biais d'une politique répressive ou législative comme Hadopi, mais entend fixer certaines conditions, ainsi que nous l'expliquait l'éditeur en avril 2011 : « Nous n'avons pas l'intention de créer un Hadopi du manga. Aujourd'hui, nous sommes très conscients des pratiques sur internet et l'on ne pourra pas enrayer ces consommations. Nous souhaitons juste redéfinir et fixer des limites.
Le manga ne doit pas évoluer sur internet dans des zones de non-droit. Notre politique est d'abord d'informer. Ensuite, on montera en puissance. Mais nous avons passé des semaines, pour ne pas dire des mois, à recenser les sites et les teams. Nous les connaissons, et allons les avertir que leurs pratiques sont destructrices. » (voir notre actualitté)
Pour l'heure, l'offre de Paperus est posée sur le papier, seuls les éditeurs manquent. « Il faut partir du constat : les fans de manga souhaitent lire les nouveautés, et ne supportent pas les délais de publication. C'est pour cette raison que les équipes de scan-trad sont aussi présentes sur le secteur. Mais beaucoup d'entre elles, oublions celles qui en font commerce, seraient disposées à s'arrêter, si elles disposaient d'une solution efficace et simple, pour profiter des nouveautés le plus rapidement possible. »
S'adapter aux habitudes des lecteurs de manga
Pour ce faire, Paperus a conçu une solution de diffusion qui repose sur une véritable mutation du modèle économique pour les éditeurs de manga. « Le principe ne varie pas : associer les librairies à l'écosystème numérique. Ainsi, si le dernier Naruto n'est pas encore disponible, son ISBN existe déjà. Paperus peut mettre en place une solution où le lecteur achète le prochain tome qui n'a pas encore été publié - ni imprimé - en français, et ressortir de la librairie avec un simple ticket de caisse où est imprimé un QR Code. »
La suite est simple : chaque semaine, le lecteur recevrait sous la forme de prépublication numérique, un nouveau passage du manga, jusqu'à ce que le titre soit disponible dans sa version papier, qu'il ira retirer chez le libraire où il l'a commandé. « Évidemment, cela implique une modification importante du modèle économique, puisqu'il faut que le travail de traduction soit débuté le plus en amont possible, afin de proposer cette prépublication numérique dans les meilleures conditions, et les plus brefs délais. »
S'inspirant du travail réalisé par les équipes de scan-trad, « qui opèrent dans la nuit, et en quelques heures », le nettoyage des fichiers imprimés, « alors que la qualité du papier n'est pas terrible », ainsi que la traduction des oeuvres, il semble possible de parvenir à un degré d'efficacité optimum. D'ailleurs, un éditeur de manga avait avoué à ActuaLitté qu'il pourrait tout à fait travailler avec des équipes de scan-trad à l'avenir.
Et pour revenir à lui, l'éditeur Kazé avait assuré qu'il n'était pas impossible de travailler avec des équipes de scantrad. « Elles sont nombreuses, réactives et pleines de volonté. Et c'est connu, les meilleurs hackers, si l'on parvient à les convaincre, deviennent souvent des chefs de la sécurité informatique au sein de certaines sociétés. Simplement, je vous signale deux choses : d'abord, il faut les identifier, ces équipes, mais dans ce cas, je ne suis pas contre faire affaire avec elles et tenter de contractualiser. Mais il faut ensuite les convaincre de travailler dans ce cadre-là. Et surtout, bien leur faire comprendre que l'on n'est absolument pas là pour légaliser les sites de piratage », expliquait Raphaël Pennes à ActuaLitté.
Pour Florian, la solution de Paperus apporte de réelles modifications aux habitudes. « Il s'agit avant tout de s'adapter aux nouveaux modèles de lecture et aux habitudes que les consommateurs ont pu prendre. Paperus peut mettre en place des solutions de diffusion qui réunissent papier et numérique. Mais nous ne pouvons pas effectuer le travail des éditeurs. Semaine après semaine, pour le lecteur, c'est le plaisir de découvrir son manga en prépublication que nous apportons, mais également un outil permettant de modifier les comportements, avec le temps, sur la question du piratage des fichiers manga. »
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