Cité à deux reprises par F. Ouellet (cf. "Un homme tendre" de JH Louwyck et "La femme de Gilles" de Madeleine Bourdouxhe), exhumé du monde des Ensablés par D. Gombert (cf. "Faillite"), Pierre Bost est devenu familier au lecteur de nos chroniques. Je viens d’achever la lecture de Porte Malheur, un vrai coup de cœur. Initialement publié chez Gallimard - maison d'édition pour laquelle Bost était aussi lecteur- le roman a été réédité aux Editions le Dilletante en 2009 avec une intéressante préface de F. Ouellet.
Le 25/11/2018 à 09:00 par Les ensablés
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25/11/2018 à 09:00
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Par Elisabeth Guichard-Roche
Le récit, fort bref, est centré sur les relations entre deux hommes ordinaires. Après des années à avoir travaillé chez les autres, Dupré, la cinquantaine, est parvenu à s’établir à son compte comme garagiste du côté de la Porte de Clichy. Denis Levioux, à peine 20 ans, le seconde avec sérieux. Il est plus attaché à son patron qu’à sa brute de père. Les affaires marchent bien. Complices dans leur travail, les deux hommes s’estiment et apprécient de boire ensemble un Pernod le samedi soir.
Un événement vient troubler cette paisible routine. Berné et manipulé par une femme louche dont il s’est entiché, Denis a besoin d’argent. Une nuit, il va se servir dans le tiroir-caisse du garage. Alerté par le bruit, Dupré descend. Les deux hommes se battent : il reçut sur la nuque un coup violent. Levioux avait réussi à saisir un cric et avait frappé. Dupré s’évanouit et roula. Après s’être enfui, Denis se livre rapidement à la police. Lors de la confrontation chez le juge d’instruction, il espère que son patron va lui pardonner. Furieux contre lui-même, Dupré ne parvient pas à éprouver un désir de vengeance. Fatigué et souffrant d’être seul , il va voir Denis en prison. Il accepte peu à peu l’idée du pardon. Lors de l’audience, il parle en faveur de son employé et demande son acquittement. Denis est libre.
Très vite, Dupré le reprend comme mécano moyennant un salaire réduit à titre de compensation. Le jeune homme se consacre avec sérieux et ardeur à son travail. Les deux hommes retrouvent avec satisfaction l’équilibre d’avant. A eux deux ils travaillaient bien ; ils se comprenaient sans se parler, et dès le premier jour ils avaient été surpris l’un et l’autre, mais sans oser se le dire, de n’éprouver aucune gêne à se retrouver dans ce même endroit où quelques mois plus tôt…
Un an plus tard, Denis fait la rencontre de Marcelle. Épouvanté par les femmes depuis son aventure, il peine à admettre qu'il est amoureux. Cependant, il multiplie les rendez-vous, la raccompagne jusqu’à sa porte, se prive et dépense pour elle jusqu’à son dernier sou. Marcelle le surnomme affectueusement Porte-Malheur parce qu’à deux reprises dans la même journée, elle a manqué une marche en montant l’escalier du métro à son bras. Le jeune homme veut la demander en mariage mais ne parvient ni à en parler à son patron, ni à formuler sa demande.
Un samedi soir, dans un bar de la Place Clichy, le moment propice se présente enfin : Marcelle se serrait contre l’épaule de son ami ; elle était dans un de ces jours où, réchauffée par la présence d’un homme, émue au fond d’elle-même et goûtant le plaisir de vivre, elle souhaitait que Denis voulût l’épouser. Enhardi par un verre de marc, Denis se lance. Maladroitement, il raconte son incartade avec Dupré, le procès, le pardon... Il fait tant l’éloge de son patron que Marcelle souhaite absolument faire sa connaissance. Le couple se quitte froidement. Denis est furieux contre lui-même et se surprend à éprouver de la haine envers Dupré. La pluie et la boue le glaçaient. Il se sentait abandonné, jeté à la rue. Personne ne voulait de lui.
Une semaine plus tard, Denis se confie à son patron qui accepte de rencontrer le couple. Dupré a préparé ce moment avec soin. Il avait bien balayé, et arrangé avec soin les deux pièces où il vivait, s’était fait raser par un coiffeur, avait mis ses habits du dimanche et avait acheté une demi-bouteille de bénédictine, tout exprès pour Marcelle. Très vite, Dupré prend l’ascendant, racontant ses souvenirs et ses exploits de mécano. Marcelle est en admiration. Elle voyait peu à peu se dresser devant elle une sorte de statue du travail récompensé ; il y avait dans tout cela une noblesse à laquelle elle était sensible.
Au terme d’une soirée qui lui parait interminable, Denis raccompagne la jeune fille. Ils se séparent avec un vrai baiser très long. Lorsque la porte cochère se referme, Denis sait que c’est la dernière fois. Il se sent envahi par une solitude terrifiante. Et il savait très bien pourquoi il était abandonné et le serait toujours. Jamais il n’avait si bien compris que son crime l’avait chassé du monde, qu’on l’avait acquitté, mais condamné à vivre seul, privé de tous ses droits humains. Le lecteur se laisse emporter par les quinze dernières pages au cours desquelles le récit s’accélère jusqu’au dénouement sordide.
L’histoire est simple, presque dépouillée : parcimonie de personnages, cadre centré sur les quartiers populaires du nord-est de la capitale. Pourtant le récit est captivant. Bost excelle à raconter l’évolution des relations entre les deux hommes. Il évite les longues introspections. Il ne cède pas au pathos. Il procède par petites touches rythmées et précises. Il privilégie la simplicité voire la banalité. Le lecteur assiste impuissant à la lente et irréversible dégringolade de Denis. Le jeune homme qui est parvenu à s’extraire d’un milieu brutal et miséreux, est inexorablement l’artisan de son propre malheur. Face à Lucie et Marcelle, il n’assume pas son statut populaire. Il a honte de ses vêtements élimés. Il souffre de compter ses dépenses au sou près. Impuissant à lutter contre une forme de fatalité, il cède à la violence et déraille.
Porte Malheur est également l’occasion de retrouver avec nostalgie le Paris populaire des années 30 : combien de petits garages aujourd’hui autour de la Place Clichy ? Qui boit encore un Pernod le samedi soir ? Qui cantonne tel un privilège l’usage de son auto à la sortie dominicale pour profiter du vert à quelques kilomètres de Paris? Qui se rappelle du chemin de fer de ceinture ? Ces images résonnent, rappelant au lecteur certains récits familiaux.
Né en 1901, Pierre Bost est profondément marqué par Alain, son professeur de philosophie au lycée Henri IV . A 21 ans, il écrit "À la Porte" , suivi du Voyage de l'esclave et de son premier roman "Homicide par imprudence" qui sera édité en 1925 et récompensé par le prix des Amis des lettres françaises. Journaliste, romancier, auteur dramatique, Bost publie l'essentiel de son œuvre, soit plus d'une quinzaine d'ouvrages, entre 1924 et 1932: Mademoiselle (1924), Pretexat (1925), Faillite (1928), Le Scandale (1931) qui reçoit le prix Interallié.
Dans les années 40, il se tourne vers le cinéma et écrit , souvent avec Jean Aurenche, nombre de scénarii dont la notoriété est intacte: Le Diable au corps, la Traversée de Paris, la Jument Verte. Éclipsé par la Nouvelle Vague, Bost fait un retour triomphal au début des années 70, avec deux films pour Bertrand Tavernier l'Horloger de Saint-Paul et Le Juge et l'Assassin.
En 1984, soit presque 10 ans après sa mort, B. Tavernier lui rend hommage avec Un Dimanche à la Campagne, une superbe adaptation du dernier roman de Bost écrit en 1945 "Monsieur Ladmiral va bientôt mourir".
Par Les ensablés
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En 1936, elle obtient pour « Sangs » (publié chez Denoël) le prix Femina au 4eme tour, l’histoire d’une enfant à l’hérédité implacable, que l’amour ni la richesse de sa famille ne peuvent guérir, ne peuvent écarter de la malédiction du « mauvais sang »
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« Ouf,
La bonne étape, le relais avant de s’élancer vers d’autres lieux,
à portée de main, en sortant de chez lui la première maison de la rue Granchois. »
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Par Louis Morès.
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J’ai commenté ici même, précédemment, la biographie de Maria Borrély (1890-1963) publiée par Danièle Henky en 2022 (Maria Borrély. La Vie d’une femme épanouie). Les romans de Borrély, qui s’apparentent à ceux de Giono et de Ramuz, sont à redécouvrir impérativement. Danièle Henky, dont le « sujet de prédilection, c’est le destin des femmes », expliquait-elle récemment, s’intéresse, dans son nouvel ouvrage, à l’écrivaine et journaliste Claude Dravaine (1888-1957). La Livradoise. L’Énigme Claude Dravaine est publié chez Hauteur d’Homme, une maison régionaliste sise dans une commune du Massif central. Par François Ouellet.
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Le passage de l’enfance à l’adolescence au Maghreb s’accompagne d’un changement de hammam et de tutorat. L’auteur, personnage principal du roman, devient trop grand maintenant pour continuer à suivre sa mère au hammam des femmes et va appréhender le hammam des hommes avec son père. Il a été surpris à observer le corps des femmes nues, et ce regard devient pour les femmes du hammam « malsain ».
12/05/2025, 09:49
La percée de Sarah Rivens aura duré autant de temps qu'un coach sur le banc du FC Nantes, alors en cette semaine 18 (du 28 avril au 4 mai), on connait déjà la rengaine : Freida McFadden, traduite par Karine Forestier, récupère l'ensemble des places du podium avec La Psy (37.773 ventes), La Femme de ménage (31.513 ventes) et Les Secrets de la femme de ménage (26.928 ventes). Allez... On passe à autre chose ?
09/05/2025, 12:05
Oubliez un instant le Thor de Marvel : Mjöllnir plonge dans une légende nordique où un nain en colère brandit le marteau du dieu du tonnerre. Scénarisée par Olivier Peru et dessinée par Pierre-Denis Goux, la BD sortit en janvier 2013 et revisitait la mythologie viking. Heureux que vous êtes : l’intégrale réunissant les trois tomes est tout juste sortie.
08/05/2025, 19:03
BONNES FEUILLES - Alors que la menace nucléaire se fait de nouveau jour, les commen- tateurs les plus avisés se remémorent son précédent avatar, vieux de plus de soixante ans : la crise des missiles de Cuba. Jamais le monde n’avait alors tant frôlé la catastrophe nucléaire.
08/05/2025, 08:00
BONNES FEUILLES - Sans les hommes de génie, l’humanité serait restée à l’état barbare. Toutefois, sans la présence des idiots, elle se serait probablement éteinte depuis longtemps. Leur supériorité numérique et leur influence constante à travers les âges constituent, en ce sens, un argument de poids en faveur de la Providence.
08/05/2025, 07:00
« J’ai grandi là où une rivière se jette dans l’océan, au croisement de deux univers. Celui que je connais, la mer. Et celui qui m’est souvent apparu empli de mystères, l’intérieur, le territoire du caribou. » Années 1960, au cœur de Nunavik. La jeune Saullu fait la rencontre de Ulaajuk, Inuk solitaire venu du Nord. Immédiatement séduite par sa manière de voir le monde et la tendresse qui habite son regard, elle accepte de le suivre.
07/05/2025, 13:27
Love Shall Not est un projet éditorial inédit, en deux volumes, « qui entrelace en un langage narratif unique photographie, bande dessinée, graphisme, écriture et interprétation », et vise à capturer l’intérêt d’une génération façonnée par les images.
07/05/2025, 08:30
BONNES FEUILLES - « Tout est vivant et l’univers en son entier est un fleuve éternel de vie. » Tel est le fondement de l’œuvre de Paracelse (1493-1541), lui-même garanti par une expérience intime et immédiate de cette vie exubérante. À partir de ces prémisses, qui donnent leur cohérence à l’ensemble de son œuvre, Paracelse répond aux nouvelles questions posées par l’époque : pourquoi le temps ? Que représente l’homme dans l’univers ? Qu’est-ce que la maladie ?
07/05/2025, 08:00
BONNES FEUILLES - Le cordon ombilical constitue le lien vivant entre le créateur et ses personnages, le temps de la gestation de l’œuvre. Publié en 1962, un an avant la disparition de son auteur, ce livre peut être considéré comme son testament littéraire.
07/05/2025, 07:30
BONNES FEUILLES - Mannequin puis photographe, muse puis journaliste, Lee Miller incarne une figure résolument avant-gardiste. Première femme américaine accréditée comme correspondante de guerre, elle fut aussi capable de saisir, avec une détermination saisissante, les images des camps de Buchenwald et de Dachau.
06/05/2025, 07:00
Quelques mois après la parution de Comme une mule, corollaire de 450 pages à une blague qui ne passe pas, François Bégaudeau psychologise. Son péché - véniel ou mortel, c’est affaire de point de vue - l’aurait donc conduit dans les bras d’une bourgeoisie qui, fidèle à sa tactique, s’empresse de brandir les cas particuliers pour mieux dissimuler les structures où elle évolue, à son aise, comme poisson dans l’eau ?
05/05/2025, 17:51
Les éditions Gallimard fêtent les dix ans de leur collection « Folio Sagesses » et lancent pour l’occasion la série « Folio Sagesses vertes ». Cette déclinaison met en avant des auteurs et autrices sensibles à la nature.
05/05/2025, 17:44
Dans un récit à la fois érudit et personnel, Alain Gnaedig prend le volant d’une Saab 900 pour retracer, au fil de la route, l’histoire d’un pays, de son industrie, et de ses utopies sociales. Un carnet de bord singulier où mécanique et mélancolie se confondent.
05/05/2025, 11:58
Vicki Jarrett est une autrice écossaise de romans et de nouvelles. Elle s’est fait connaître avec Nothing is Heavy (2012), nommé pour le prix littéraire écossais Saltire Scottish First Book of the Year, puis avec Toujours le nord (trad. Olivier Bérenval - 2019), une œuvre marquante sur la crise climatique. Elle vit aujourd’hui à Édimbourg, où elle enseigne l’anglais langue étrangère et l’écriture créative.
05/05/2025, 11:51
BONNES FEUILLES - Parmi les prêtres engagés dans la Révolution, l’abbé Grégoire se distingue par son parcours singulier. À une époque où la religion était vivement attaquée, il parvint à concilier les idéaux révolutionnaires avec le message évangélique, qu’il considérait comme porteur des mêmes valeurs d’égalité et de fraternité.
05/05/2025, 10:55
Roman noir au pied des montagnes enneigées de l'Épire. Une tragédie grecque à la frontière albanaise où l'avenir, déjà écrit, surprendra le lecteur. On n'a jamais eu trop de chance avec les auteurs grecs de polars : aucun d'eux n'a vraiment retenu mon attention jusqu'ici.
05/05/2025, 10:00
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