Ce livre sensible et affranchi, à la croisée des genres de l’essai romancé et de la confession autobiographique, pousse à vouloir aller au-delà du visible, et à comprendre les fondamentaux de l’être dans les situations qui le déterminent et le construisent. Un flux de souvenirs et de sensations s’y déploie, dans une prose sans filtre avec en arrière-fond cette rivière berçant le pays de Charleroi qui entraîne l’esprit du narrateur dans les méandres géographiques, historiques et intimes de la formation d’un imaginaire. Par Louis Morès.
Le 12/05/2024 à 09:00 par Auteur invité
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12/05/2024 à 09:00
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Un narrateur, que l’on peut identifier à l’auteur, nous confie une succession d’« évocations ». Le fil rouge est la découverte de la vie, des sensations, et des premières impressions. Pour entamer cette quête introspective, le narrateur s’interroge sur la méthode qu’il va utiliser pour exprimer ce qu’il connaît de lui et du monde.
Tout est construction, reconstruction, interprétation. Il faut se méfier de la mécanique du souvenir, de l’envoûtement de l’imaginaire historique et surtout de l’emprise de « l’idéologie » sur les deux premiers :
« Le souvenir met mal à l’aise. Nous refaisons avec lui nos apprentissages. […] L’imaginaire collectif, sur lequel souffle le vent de l’histoire opportune, n’organise qu’une supercherie. […] Tout n’est pas faux dans ce qu’il nous propose ; mais son lot de vérités se plie à un talent d’arrangeur de lieux communs. […] L’idéologie ordonne à l’imaginaire de lui obéir, d’endosser l’uniforme qui lui convient […] À la fanfare qui rameute les badauds, je préfère ma petite musique, mélodie de mon paysage sentimental. »
Avec une telle entrée si peu conventionnelle, on peut se demander comment la suite de cette confession parviendra à bâtir un récit de mémoires, où l’interprétation se met elle-même en défaut.
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Le ton sera franc, brut, toujours en recul, sur un style tantôt sobre, tantôt emporté, toujours très maîtrisé et jalonné de phrases courtes et définitives.
Des petites briques de sens qui s’accumulent pour reconstituer un monde où les questions augmentent au fur et à mesure de la recherche… Une première étape, peut-être, pour s’y retrouver : retourner à la terre, à la matière comme matrice.
Il y a ce terroir dont on est issu, qui nous a formés et nourris, qui donne les premières sensations, et cette succession énigmatique des générations dont on apparaît un temps comme le dernier maillon configuré :
La Sambre, ses suies et ses boues, cette eau lourde et le crachin des limailles sur le site encaissé, je n’ai appris leur compagnie qu’au temps des fréquentations interlopes. […] Une famille parmi d’autres, avec des prudences et des timidités, la rage de saisons lointaines qui ne crachaient plus leur enfer et cette saison calme qui ronronnait autour de moi comme une berceuse […] Je n’ai pas eu de racines imaginaires. Ma famille s’est abstenue de m’en donner […] Sans la littérature, je n’aurais rien connu du monde d’à côté et peut-être n’en aurais-je éprouvé aucun manque.
Il cite et vante entre autres Hugo, Morand, Stendhal, Giono, Dumas…, avec une préférence pour le dernier, mais il sait qu’il va d’emblée trop loin. Sa famille lui a tout de même conféré un ancrage et des principes aux sources d’un autre type d’imaginaire, une "poésie au jour le jour", marquée par la tendresse ; la discipline ; par une géographie ancrée dans un « pays étroit ».
En Belgique, on est avant tout d’une contrée fédérée autour d’une ville, ici le Pays de Charleroi. Un quotidien séquencé par une liturgie qui rythme les saisons, une foi qui assure une continuité, qui rassure et qui prend en charge la vie difficile dans la cité ouvrière, où elle se fond quelque peu avec un socialisme d’espérance.
Le personnage clé, le référent de cette enfance et de cette jeunesse, c’est le grand-père ouvrier mineur, presque décrit de manière naturaliste, l’homme qui ne se plaignait jamais et restait toujours très digne et courageux.
Il manquait toutefois à cet homme une part de romanesque, quelque chose qui lui permit, du moins intellectuellement, de dépasser sa condition. Ce manque, le petit-fils l’interprète comme aux fondements de son envie de s’élancer dans les imaginaires littéraires.
Avec un père employé des chemins de fer qui bénéficie de tickets de trains gratuits pour sa famille, les explorations d’autres contrées, dont les noms relevaient encore jusque-là d’une sorte d’exotisme, se rendent accessibles. Liège, par exemple, où il trouve des points de vue analogues, des vallées creusées par des cours d’eau aux abords jalonnés d’industries, des fumées envahissant le ciel. Dans ce brouillard, ce sont les hommes qui travaillent, mais au nom de quoi leur énergie s’évapore-t-elle ?
Cette comparaison entre Charleroi et Liège l’amène à éprouver un regret : derrière ces façades industrialisées, Liège, ancienne capitale de Principauté durant 1000 ans, possède un ancrage historique plus fort et affirmé que Charleroi.
Lui qui a soif de racines a du mal à trouver ses références, et les propositions d’identité wallonne ou belge qui lui sont suggérées ne le satisfont pas. La même question revient : ce manque pourrait-il être imaginaire, littéraire, déterministe ?
À quoi tient la destinée d’un imaginaire ? Un oncle à Namur, et j’aurais reçu mon baptême d’un autre fleuve, escaladé la montagne, claironné Sambre et Meuse du promontoire de la citadelle, dessiné le panorama de la vallée. Des vacances en Ardenne, et j’aurais eu la forêt pour plage, un paganisme romantique de paysan maraudeur. Pourquoi sommes-nous ce que nous sommes devenus, centaure des bois ou centaure des flots ? […] Ce n’est rien que de naître au monde, on accomplit pour nous les travaux d’approche et les travaux forcés du terme. Mais naître à soi-même !
Naître à soi-même. Une formule révélatrice, c’est peut-être là que s’explique la poétique de ce court ouvrage de confessions, aux trois quarts consacrés à l’enfance et à la jeunesse. Les problématiques exposées apparaissent finalement toujours non résolues.
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Conscient des influences qui ont fait ce qu’il est, ainsi que de l’impossibilité de s’en arracher complètement ou de se greffer totalement à autre chose, il ne reste, avec la maturité de l’âge et le recul, qu’à assumer et à continuer cette recherche permanente du soi, et de l’autre.
Une chose, finalement, à cultiver et à retrouver toujours : « notre sensibilité des premiers jours, le jaillissement poétique de ce temps-là et son escorte miraculeuse, le mystère en nous comme un feu ».
Pol Vandromme (1927-2009) a mené, durant la seconde moitié du XXe siècle, une carrière complète de littérateur en Belgique et en France. Écrivain et critique prolifique, sa plume s’est notamment attelée à l’écriture de nombreux essais, de pamphlets ou encore de biographies renouvelant les approches d’auteurs de son siècle (Simenon, Céline, Maurras, Ghelderode, etc.). La politique, l’histoire, la mémoire littéraire, l’identité, les idées, tout cela passionnait aussi ce grand journaliste qui reçut en 1992 le Grand prix de la critique de l'Académie française pour son « Journal de Lectures ».
Par Auteur invité
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Avec DogsRed, Satoru NODA (Golden Kamui) nous entraîne de nouveau sur les terres froides d’Hokkaido, mais cette fois-ci il prend pour toile de fond le sport star de l’île qu’il affectionne particulièrement : le hockey sur glace. L’auteur nous offre du grand spectacle où il mêle avec brio aventure, humour et surtout, une incroyable galerie de personnages complexes et fascinants !
14/02/2025, 08:30
#PiktosJeunesse – Myrtille la chenille doit bientôt se transformer en papillon, or elle pense qu’elle n’y arrivera pas… Une histoire pleine d’espoir pour montrer que chaque petit pas compte. Nila Aye et Hollie Hugues inaugurent une série de trois albums “Petites bêtes, grands sentiments”, avec Tu vas réussir, petite chenille (trad. Lamidémo).
14/02/2025, 08:00
#PiktosJeunesse – Un clin d’œil au conte classique Jack et le haricot magique, avec des illustrations détaillées et dynamiques, fourmillant de petits éléments à explorer… La graine magique, d’Emily Ann Davison et Adrianna Fong (trad. Lamidémo) célèbre la créativité et l’imagination des enfants.
14/02/2025, 07:30
« La lune s'était cachée derrière les nuages. Le vent cinglait la neige glacée en diagonale.
À travers une fente de la haute palissade noire, trop fine, semble-t-il, pour laisser passer une personne, la jeune fille se faufila jusques aux vastes, jusques aux terribles terres sauvages. » Ainsi commence cette fuite désespérée.
13/02/2025, 15:46
Autrice de fantasy française, Claire Krust s’est fait connaître dès 2015 pour son roman Les Neiges de l’Éternel paru aux éditions ActuSF, un récit de fantasy inspiré du Japon féodal, qui mêle histoires entrecroisées et atmosphère contemplative. En 2018, elle publie L’Envolée des Enges, un roman explorant des thématiques comme l’errance et l’identité à travers une intrigue teintée de merveilleux.
13/02/2025, 10:55
BONNES FEUILLES – Publié en 1966, Taï-Pan s’est immédiatement imposé comme un best-seller. Adapté au cinéma vingt ans plus tard, en 1986, il confirme James Clavell comme une figure majeure de la littérature inspirée de l’Asie. Aujourd’hui, alors qu’un autre de ses romans, Shōgun, cartonne en adaptation sur Disney+, les éditions Callidor remettent Taï-Pan en lumière avec une traduction révisée par France-Marie Watkins, Ivan Berton, Thierry Fraysse, et 150 pages inédites.
12/02/2025, 13:48
BONNES FEUILLES – Des États-Unis, où Donald Trump incarne un retour du masculinisme assumé, à la France, où le procès Mazan a provoqué la sidération, les relations entre hommes et femmes sont au cœur de nombreux débats. Entre charge mentale, lutte pour l’égalité et crispations identitaires, les femmes vont-elles libérer les hommes ? Pour y répondre, Laure Adler, Emma Becker, et Romain Roszak ont prêté leur plume.
12/02/2025, 13:47
Si l'on peut lire des ouvrages de fiction pour s'évader, il est aussi possible de rechercher à faire évoluer nos capacités à travers des ouvrages qui nous façonnent et nous aident à développer nos talents, notamment dans un cadre professionnel.
12/02/2025, 12:56
BONNES FEUILLES – L’autrice de la trilogie Daevabad, Shannon Chakraborty, revient sur le devant de la scène littéraire avec une nouvelle fantasy historique : Les aventures d’Amina al-Sirafi, traduit par Gaspard Houi aux éditions Sabran. Au programme : histoires de piraterie, légendes, et grands frissons...
12/02/2025, 11:39
Second épisode de la saga de Frédéric Paulin sur l'histoire récente du Liban. Le récit est toujours aussi soigneusement documenté et toujours instructif et passionnant. Nous voici maintenant au cœur des années Mitterrand, avec la période 1983-1986.
11/02/2025, 11:08
#PiktosJeunesse – Des illustrations douces et poétiques, pour raconter une déclaration d’amour dans laquelle chaque parent se reconnaîtra. Jack Carty et Natasha Carty proposent dans L'Amour que j'ai pour toi, une narration qui invite à la lecture chantée ou murmurée (trad. Lamidémo).
11/02/2025, 09:02
Voilà une résurrection qui fait plaisir autant qu’elle est importante ! L’année poétique reparaît chez Seghers, après une interruption de plusieurs années, grâce à Jean-Yves Reuzeau, déjà bien connu par ses anthologies thématiques aux éditions du Castor Astral. C’est un événement majeur au sein de la littérature francophone d’aujourd’hui quand le poème en est le ferment primordial. Par Jean Doutrepont.
10/02/2025, 14:25
C'était l'époque dorée du cinéma et paradoxalement, la période de la Grande Dépression. Ce Los Angeles des années 30, qui sert de décors à Zoé Brisby pour Hollywoodland s'est inspiré de la tragique tragique de Peg Entwistle. Parcours d'une jeune actrice surnommée la "Hollywood Sign Girl" dans une enquête-fiction qui plonge dans les coulisses du rêve hollywoodien entre glamour et désillusion.
10/02/2025, 11:31
C’est à une véritable enquête de police que nous convie le docteur en histoire Patrice Lajoye, sur les traces de Georges Ostrowski, rat d’hôtel à la Belle Époque. Publié par les éditions du CNRS, ce livre nous fait découvrir « une profession » et un homme, gentleman cambrioleur à la Lupin, mais qui, dans les faits, nous rappelle plus le rôle tenu par Cary Grant dans La Main au collet de Hitchcock.
07/02/2025, 18:12
Dans Le Pinceau Divinatoire, Maxime Fontaine et Bertrand Puard poursuivent leur relecture du mythe des Trois Mousquetaires à travers l’un des personnages les plus fascinants de l’univers de Dumas : Milady de Winter. Cette fois, l’intrigue nous plonge dans une enquête haletante mêlant art, manipulations et secrets enfouis, avec une héroïne plus insaisissable que jamais.
07/02/2025, 16:45
À force de lustrer ses premières places, il ne restera plus rien pour le grand nettoyage de printemps. Freida McFadden, encore et toujours, avec les aventures de sa Femme de ménage (trad. Karine Forestier), occupe – monopolise ! – les premières positions. Et laisse loin derrière tous les autres ouvrages, encore un peu plus loin d’ailleurs.
07/02/2025, 09:52
Le journaliste français David Hury nous propose un polar à Beyrouth. Une façon séduisante de réviser notre leçon d'histoire du pays tout en suivant un duo d'enquêteurs original : un vieux roublard maronite et une jeune chiite sortie du rang.
06/02/2025, 12:56
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