RNL19 — Aux Rencontres nationales de la librairie, à Marseille, Jacques Glénat, fondateur et PDG des éditions Glénat, est intervenu à l'occasion du demi-siècle de sa maison d'édition de bandes dessinées. Un secteur particulièrement important pour la librairie, mais qui n'échappe pas à de nombreuses interrogations, comme le reste du marché du livre.
Le 03/07/2019 à 16:50 par Antoine Oury
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03/07/2019 à 16:50
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Face aux libraires réunis à l'occasion des Rencontres nationales de la librairie, Jacques Glénat est revenu sur un monde de la bande dessinée qu'il avait vu radicalement se transformer en 50 ans de métier, entre des lettres de noblesse acquises avec difficulté par ce mode d'expression et l'émergence de nouveaux publics, attirés par d'autres formats récents comme le manga.
L'éditeur se devait aussi de saluer les libraires, dont certains se sont engagés rapidement pour défendre la bande dessinée : aujourd'hui encore, le format profite aux libraires, et ces derniers le lui rendent bien. La librairie réunit 34 % des acheteurs de BD, soit 2,2 millions de lecteurs, dont le panier annuel atteint 57 €. On compte d'ailleurs parmi ces acheteurs 45 % de moins de 40 ans avec, parmi eux, 24 % de 15-29 ans, une tranche d'âge souvent absente des librairies.
Malgré des chiffres de vente impressionnants, avec 24,1 millions d'exemplaires vendus en 2018 pour un total de 337 millions € (en hausse de 9 % par rapport à 2016) pour la seule BD franco-belge, le secteur de la bande dessinée traverse une crise profonde, pointée du doigt par les auteurs depuis plusieurs années.
La surproduction d'albums, au risque de noyer tous les albums au démarrage pas assez spectaculaire, fait notamment partie des explications données aux difficultés des auteurs contemporains. Interrogé, Jacques Glénat nous explique qu'il voit « le côté positif : avant, il n'y avait pas d'auteurs de BD. À présent, il y en a beaucoup, et cela représente une créativité extraordinaire. Que tout le monde n'arrive pas à en vivre, c'est un peu comme si un sculpteur ou un peintre expliquait qu'il arrêtait parce qu'il n'arrive pas à vendre ses œuvres. Oui, c'est embêtant, mais malheureusement, c'est le succès qui fait la différence. »
Il reconnait cependant que la surproduction représente un problème, pour tous les éditeurs, « qui sont tous d'accord pour baisser les volumes... chez leurs concurrents », s'amuse-t-il. « Nous, nous avons réduit la voilure : au total, il y en a un peu plus chaque année, avec les catégories en croissance comme le manga, générateur de nombreuses parutions régulières et rapprochées. Mais, en BD, nous avons dû baisser d'une quinzaine de nouveautés par an environ, parallèlement à la baisse des tirages », souligne Jacques Glénat.
Rémunérer les dédicaces, vers un « rapport un peu bizarre »
L'une des pistes évoquées par les auteurs de bandes dessinées pour améliorer leurs conditions de vie porte sur la rémunération des dédicaces, étant donné que la réalisation d'un dessin original et personnalisé est monnaie courante lors de ces rendez-vous très prisés des lecteurs.
Le rapport de Pierre Lungheretti sur le monde de la BD le soulignait, d'ailleurs : « La notion de “dédicaces” est très différente selon qu’il s’agit d’auteurs de littérature ou de bande dessinée, la dédicace réalisée par un auteur de BD s’assimile à un travail de création puisqu’il s’agit la plupart du temps d’un dessin personnalisé offert par l’auteur à son lecteur. »
Et les auteurs eux-mêmes l'ont récemment souligné lors d'une discussion qui évoquait notamment l'année de la BD, en 2020 : « Mais de la même manière qu’on prévoit les frais de transport et d’assurance pour déplacer des planches originales dans le cadre d’une exposition, de même l’intervention d’un auteur devrait être financée », indiquait ainsi Denis Bajram.
Une hypothèse de travail qui laisse Jacques Glénat dubitatif : « Comme l'a montré une étude présentée ce matin, un des freins des libraires à faire venir les auteurs, ce sont les coûts », rappelle l'éditeur, qui évoque aussi le cas des salons, y compris ceux dont l'entrée est payante. « Ces événements invitent déjà les auteurs : le budget invitations d'Angoulême, pour l'organisation et pour les éditeurs est déjà gigantesque. Si ces salons doivent en plus payer les auteurs pour leur temps de présence, je ne sais pas comment ils vont réussi à équilibrer leurs comptes. Finalement, c'est l'État qui va se retrouver à payer. »
Sauf que l'État, par l'intermédiaire des aides que peut octroyer le Centre national du livre, apporte d'ores et déjà des subsides publiques aux manifestations, aux librairies, aux maisons d'édition.
L'éditeur estime que « l'auteur qui fait une conférence, cela me parait normal qu'il soit rémunéré, mais celui qui vient faire la promotion de son livre, rencontrer des gens, je ne vois pas pourquoi on le payerait, c'est déjà une opportunité. Qu'on soit payé pour signer un livre, je trouve cela presque contre nature, car l'auteur est content de partager son travail avec les gens, d'entendre des questions, des commentaires... Ce serait un rapport un peu bizarre », conclut-il.
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Eurg
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Si les auteurs ne veulent pas soutenir leurs livres, rien ne les y oblige hein... C'est pas comme si éditeurs libraires et salons leur payaient déplacements, gîte et couvert...
JH
04/07/2019 à 11:13
"Les auteurs quant à eux, viennent tous frais payés : transport (en première et en taxi s'il vous plait)"
Haha.
Mais bien sûr. Et même en Concorde, parfois, avec massage durant le trajet et petits fours au caviar.
Cati baur
04/07/2019 à 11:27
Je dois en déduire que vous, quand vous partez en déplacement pour le boulot (admettons: vous êtes professeur des écoles, vous animez une classe verte/ Vous êtes commercial, vous avez un salon à 500 km de chez vous.) vous refusez d’être payé sous prétexte qu’on vous paye/rembourse le trajet, le gîte et le couvert?
Personnellement si je pars bosser tout un week-end j’exige d’etre rémunérée, et je trouve ça bien normal, « petits miquets» ou pas.
Madame Eléphant
05/07/2019 à 08:56
Et oui, incroyable, les personnes qui travaillent espèrent avoir un salaire. C'est fou ce que les gens sont exigeants aujourd'hui.
Fishdrake
27/08/2019 à 15:51
"Si les auteurs ne veulent pas soutenir leurs livres, rien ne les y oblige hein..."
Propos d'un simplisme affligeant.
"C'est pas comme si éditeurs libraires et salons leur payaient déplacements, gîte et couvert..."
Parce que vous croyez vraiment que les salons payent les déplacement de TOUS les auteurs ??? redescendez un peu sur terre.
Samantha Bailly
03/07/2019 à 19:26
J'ai hâte qu'une décennie passe, et qu'on relise les déclarations publiques d'un certain nombre d'individus qui auront essayé d'empêcher les auteurs et autrices d'acquérir des droits fondamentaux - par exemple, en l'occurence ici, le droit de faire reconnaître son travail. C'est peut-être d'ailleurs sur le Code du travail qu'on devrait aller.
Bref, Jacques Glénat, éditeur français de la maison du même nom, s'oppose à la rémunération des auteurs et autrices de BD à la présence. Il dit trouver ça "bizarre".
Au.
Secours.
On dirait Livre Paris 2018 bis, avec les mêmes arguments : les auteurs et autrices ont de la "visibilité", ils font "leur promotion", ou encore "ils aiment leur public". L'histoire a montré que le public est choqué d'apprendre les auteurs et autrices travaillent bénévolement dans un cadre lucratif. Car oui, les livres sont vendus dans ces événements. Et eux voient rarement un centime sur ces ventes, comme je l'ai expliqué.
Dans un cadre non lucratif, par exemple, une médiathèque, il ne vient pas à l'esprit des équipes de demander aux auteurs et autrices de travailler gratuitement !
Vous savez quelle BD jeunesse j'adore ? "Lou !", de Julien Neel. Un summum de poésie et de justesse. Parce que je suis dans le milieu du livre, je connais l'éditeur qui publie la série, mais la grande majorité des lecteurs et lectrices ignorent les noms des maisons d'édition qui publient telle ou telle œuvre.
On aime un auteur et on aime son œuvre.
Il se trouve que l'éditeur de Julien Neel est Glénat.
Vous savez quoi ?
Quand je vais en festival BD, et que je vois mes pairs dessiner non stop plusieurs jours d'affiliée, que je sais pour connaître l'envers du décor qu'ils ne sont pas payés, je me demande qui fait la promotion de qui/quoi. En festival, je viens voir un AUTEUR ou une AUTRICE d'un livre que J'AIME. Souvent, d'ailleurs, d'un livre qui a bouleversé ma vie. En festival, le public vient pour les auteurs et autrices, pour la rencontre, le dialogue, la découverte, le supplément d'âme qu'apporte une signature, parfois carrément une œuvre sur la page de garde...
Bref, auteurs et autrices, durant ces moments, nous TRAVAILLONS. Oui. C'est un temps de présence que nous ne passons pas à créer, c'est de la représentation, c'est de l'échange, c'est aussi parfois un acte de création à part entière.
Signer un contrat de cession de droit avec un éditeur, cela n'engage en rien à devenir corvéable à merci au nom de la "visibilité" et de la "promotion".
Rappelons les rôles de chacun : nous, nous créons.
Ensuite, le reste de la chaîne du livre vend nos créations.
Pour le reste, notre temps à une valeur.
Je le disais, ce sont les éditions Glénat qui ont publié "Lou !", de Julien Neel.
Eh bien, si je savais que l'auteur d'une série qui a bouleversé ma vie était rémunéré à sa juste valeur, pour sa création et pour tout le temps et l'énergie engagés en parallèle, je trouverais ça tout simplement... normal.
Thierry MARTINET
03/07/2019 à 22:18
Navrant... Quel mépris. Pendant ce temps là Mr Glénat investit dans des tableaux de maîtres grâce aux auteurs...
koinsky
04/07/2019 à 06:28
D'accord monsieur Glénat, mais dans ce cas, que l'auteur et/ou dessinateur touche un pourcentage double ou triple lors de ses dédicaces..
Piepla
04/07/2019 à 09:46
Les éditions Glénat sont mes éditions préférées: j'ai toujours admiré leur originalité et leur diversité, surtout dans leurs publications jeunesse. J'ai été élevée à grand coup de Tchô, bref, je soutient cette maison depuis toujours.
Mais je suis véritablement choquée des propos de M. Glénat ! Il me semble évident qu'un auteur ait le droit à une rémunération pour tout travail qu'il accomplit. Les arguments qu'il avance me font un peu penser à ceux qui essaient d'exploiter les illustrateurs, surtout dans le milieu de la publicité: "oui, mais ça te fera de la pub..."
C'est navrant qu'un si grand nom, derrière une des maisons d'édition françaises les plus intéressantes à mes yeux, n'ait même pas d'ampathie à l'égard de ceux qui ont fait son succès. A quoi bon changer une recette qui marche, hein, si le profit est là...
marie
04/07/2019 à 10:24
Sans connaître particulièrement les contrats auteurs / éditeurs, je note simplement que sans les 1ers, les seconds n'existeraient pas. Il est normal de payer le travail réalisé ! Je suis curieuse de savoir si les éditeurs enclins à considérer que les dédicaces sont du temps de promotion qui permet aux auteurs de se faire connaître, d'échanger avec leurs lecteurs chéris, auraient le même discours sur eux-mêmes. Après tout, ces dédicaces font connaître leur ligne éditoriale, leurs collections... : pourquoi dans ce cas ne pas reverser leur marge sur chaque vente lors des séances de dédicaces (aux auteurs par exemple, soyons fous ! après tout ce sont eux qui y passent leurs week-ends) ?
Eurg
04/07/2019 à 11:01
Mais oui, bien sûr, que les éditeurs reversent aux auteurs leur marge sur les salons ! ça ira très vite puisque... quasiment aucun stand n'est bénéficiaire sur un salon. Et les ventes des auteurs en dédicace ne compensent pas ne seraient-ce que que les frais engendrés par leurs auteurs.
Ceux qui passent le plus de temps sur les salons, ce sont les employés des éditeurs, qui ne sont généralement pas compensés pour les heures supplémentaires effectuées (debout toute la journée, bien sûr), faute d'argent. Donc oui, Marie, pas d'inquiétude, ils ont bien le même discours pour eux-mêmes.
Les auteurs quant à eux, viennent tous frais payés : transport (en première et en taxi s'il vous plait), logement et nourriture. Si ce n'est pas une compensation suffisante pour venir rencontrer leurs lecteurs, ils n'ont aucune obligation contractuelle à venir, et peuvent parfaitement rester chez eux. C'est le choix, tout à fait respectable, de certains. Ou alors il faut traiter les auteurs comme les employés sur les salons : d'accord ils seront payés pour leurs 2h de dédicaces, mais ils se déplacent, se logent, et mangent à leurs frais.
Je pense que personne ici n'est conscient des sommes colossales que les éditeurs doivent verser pour les salons, entre le prix (généralement très élevé) du stand, la commande et son transport (et le pilonnage ou le triage des retours), les badges, le matériel et son installation, la main d'oeuvre, et bien sûr tous les frais auteurs mentionnés précédemment. Il y a un moment, il faut peut-être arrêter de leur demander de payer pour tout.
Jean-pierre
04/07/2019 à 11:33
Dans quel dimension vous vivez ou lorsque un employé est en déplacement professionnel son entreprise ne paie pas (en partie ou totalement) son logement/transports/repas? Vous dites vraiment n'importe quoi.
Quant aux employés des maisons d’éditions non rémunérés pour leur heures sup, c'est tout aussi abject. Mais ça ne diminue en rien les revendications des auteurs, au contraire, ça montre d'autant plus que le système est pourri.
marie
04/07/2019 à 12:26
je reprendrai votre phrase : "ils n'ont aucune obligation contractuelle à venir, et peuvent parfaitement rester chez eux. C'est le choix, tout à fait respectable, de certains" pour l'appliquer aux éditeurs qui font le choix de se rendre sur les salons...
Je suis bibliothécaire et n'envisage pas de faire venir un auteur sans le rémunérer pour le trajet et le travail fourni. je ne demande rien à l'éditeur dans ce cas. Et je demande à mon libraire de venir vendre les ouvrages : tout bénef pour l'éditeur qui récupère sa marge ! Je ne sais pas comment monsieur Glénat paie "ses" auteurs, mais critiquer le fait que les auteurs soient rémunérés lors des dédicaces est totalement déplacé de sa part, lorsqu'on sait que c'est souvent la ressource principale des auteurs qui tentent de vivre de leur travail.
quand les éditeurs font travailler "leurs" auteurs sur des salons il est normal qu'ils les paient. et qu'il paient leurs employés. y compris le défraiement. dans quelle autre profession imagine t'on que la satisfaction intellectuelle suffise comme rémunération ?
Quant aux 1eres classes, taxis, logements et nourriture, je n'ai jamais croisé d'auteurs qui avaient ce genre d'exigences... j'ai plutôt eu des retours du type "je peux loger chez l'habitant, et sinon, une bouteille d'eau me suffira"...
Geo
05/07/2019 à 10:52
2 heures de dédicace? Il faut se renseigner mon gars. C'est 6 heures sur un festival, et ça deux jours d'affilée. Quand ce n'est pas plus. Et honnêtement, le public est souvent un public déjà acquis. Peu de "découvreurs". Quand ces festivals se passent plus de 3mois après la sortie de l'album, on fait surtout la promo de la ville ou de l'association.tout est payé, y compris les chapiteaux... Et pourquoi pas les auteurs? Les frais de déplacement ne sont pas des rémunérations, et le "personnel" qui paierait son hôtel, ses repas... Être serait pas rémunéré, mon œil!
Fishdrake
27/08/2019 à 16:00
"Les auteurs quant à eux, viennent tous frais payés : transport (en première et en taxi s'il vous plait), logement et nourriture."
Non mais faut arrêter avec votre délire. Seuls les auteurs les plus célèbres, les plus populaire et les plus vendeurs bénéficient d'un tel traitement. Et ils ne représentent pas la majorité. Les autres, ils viennent à leur frais !
Eurg
04/07/2019 à 12:00
Dans la dimension du monde réel où les éditeurs gagnent à peine 20% du prix misérable des livres, malgré les frais et investissements énormes qu'ils doivent supporter, et ne peuvent donc pas assurer à eux seuls la rémunération de toute la chaîne du livre.
Si les auteurs veulent une rémunération de leurs dédicaces, le plus logique serait de facturer la dédicace au lecteur (puisque c'est lui qui "gagne" quelque chose en plus dans l'histoire).
koinsky
04/07/2019 à 13:52
Êtes-vous rémunéré 10% du travail que vous fournissez ?
wiwi
07/07/2019 à 10:11
Je vous invite à vérifier les revenus/fortunes de quelques uns des grands éditeurs BD, vous verrez que ce ne sont pas eux qui se serrent la ceinture, malgré leurs pauvres " 20%"
Luc
17/07/2019 à 13:57
Dans la dimension du monde réel où les éditeurs ont un budget destiné à la promotion, il ne tient qu'à eux d'en dédier une partie aux auteurs en dédicace plutôt qu'à l'impression de 3000 flyers qui finiront dans les poubelles du salon.
Fishdrake
27/08/2019 à 15:58
"Dans la dimension du monde réel où les éditeurs gagnent à peine 20% du prix misérable des livres"
20 euros le livres, vous trouvez ça misérable ? Les livres en un tome ailleurs découpé en trois dans l’Hexagone (Le Trone de Fer par exemple)
Ces 20 % constituent pourtant la part du lion.
"malgré les frais et investissements énormes qu'ils doivent supporter"
Si ces 20 % ne suffisaient pas pour faire tourner la boutique, croyez bien qu'ils auraient tous mis la clé sous la porte, ou auraient augmenté cette part. Est-ce le cas ?
"et ne peuvent donc pas assurer à eux seuls la rémunération de toute la chaîne du livre."
Ce n'est pas ce qu'on leur demande. Ne mélangez pas tout.
Giemsi
04/07/2019 à 12:17
C'est devenu une vieille habitude : le dessin est juste un plaisir. Pas question de rémunérer les auteurs qui passent leurs WE loin de leur famille puisqu'ils sont heureux de travailler bénévolement à la promotion de leurs livres. Le gîte et le couvert (quand ils sont assurés et ce n'est même parfois pas le cas !) devrait les contenter...
J'aimerais savoir si Monsieur le PDG n'est pas rémunéré lorsqu'il fait la promotion de ses auteurs. Si ! Car c'est son taf. Et lui l'est sûrement grassement.
Seb
04/07/2019 à 13:31
Il est bien de préciser que dédicace n'est pas synonyme d'autographe.
Un auteur de livre, un romancier va apposer sa signature sur le bouquin que vous achetez. L'auteur Bd va réaliser quant à lui un dessin original. Il faut compter ce temps de labeur et le matériel nécessaire (vous avez vu le prix des copic?)
Certes lorsqu'on débute ou qu'on s'autofinance, le déplacement et l'exercice des dédicaces à ses propres frais semble inévitable.
Même si je trouve qu'un autographe n'a pas grand intérêt à part de marquer la rencontre avec son auteur, une rémunération par dédicace devrait être normalisée sans que qui que ce soit n'y prenne sa marge.
Ismaël
04/07/2019 à 15:09
Mme Bailly. Il y a quelque chose qui m'étonne dans votre argumentation. Vous écrivez :
« On dirait Livre Paris 2018 bis, avec les mêmes arguments : les auteurs et autrices ont de la "visibilité", ils font "leur promotion", ou encore "ils aiment leur public". L'histoire a montré que le public est choqué d'apprendre les auteurs et autrices travaillent bénévolement dans un cadre lucratif. Car oui, les livres sont vendus dans ces événements. Et eux voient rarement un centime sur ces ventes, comme je l'ai expliqué. Dans un cadre non lucratif, par exemple, une médiathèque, il ne vient pas à l'esprit des équipes de demander aux auteurs et autrices de travailler gratuitement ! »
La question d'une rémunération des auteurs et autrices n'est pas à remettre en cause. Cependant, pour connaître le monde des médiathécaires, lorsque les artistes auteurs/autrices vont dans une médiathèque, en général ils ne dédicacent pas d'ouvrages vendus sur place (sauf si un libraire est présent pour cela). Ils sont rémunérés pour une présence-prestation si je puis dire (le plus souvent une rencontre-débat). Quand ils effectuent une dédicace à la suite de cette rencontre-débat, ce qui est loin d'être toujours le cas, il est très très rare qu'ils/elles soient rémunéré(e)s pour cette dédicace en plus de la rémunération pour leur rencontre-débat. Il me semble que c'est aujourd'hui ce qui se passe aussi dans de très nombreux salons, où les auteurs/autrices en rencontre ou en atelier ou en animation ou en spectacle, sont bien sûr rémunéré(e)s pour cela.
Mais comme dans les médiathèques, rarement pour les dédicaces en plus des rencontres. Votre exemple me paraît donc assez mal choisi, d'autant que vous dites qu'ils/elles sont payé(e)s « dans un cadre non lucratif » en médiathèque mais pas dans un cadre lucratif en salon. Or 90 % salons où j'ai pu aller sont ouverts gratuitement au public et sont donc eux aussi des lieux non-lucratifs pour leurs organisateurs (Livre Paris, avec une entrée payante, étant un des quelques contre-exemples absolus qui confirment cette règle générale), les ventes et le chiffre d'affaire généré dans un salon allant aux libraires et/ou aux éditeurs exposants, mais pas aux salons eux-mêmes. Seuls les quelques salons (et ce ne sont pas les plus fréquents, la plupart des manifestations en France sont organisées par des association loi 1901 à but non lucratif justement, parfois par des mairies) organisés par des libraires directement pourraient être considérés comme de véritables « cadres lucratifs ». Et justement, vous n'en faites pas mention, mais les auteurs/autrices qui vont en dédicaces promotionnelle dans des librairies, sont bien dans un pur cadre lucratif (une librairie est un commerce, qui génère un chiffre d'affaires), mais ils/elles n'y sont pas rémunérés ou sans doute très rarement, ni pour une rencontre-débat, et encore moins pour des dédicaces, sinon par le faible % droits qu'ils/elles vont toucher pour ces ventes. Alors pourquoi ils/elles seraient considéré(e)s « en promotion » en librairies, mais « en travail » en salons ? Quelque chose m'échappe dans cette illogisme. Ne faudrait-il pas plutôt instaurer dans ce cas une grille de rémunération des artistes auteurs/autrices qui, en tout lieu, tiendrait compte de leur travail effectif, du temps pris sur leur création, et comme vous dites de « l'énergie engagée en parallèle de leur oeuvre » ?
Dès lors, il faudrait tout simplement annuler le terme de « promotion » dans tous ces cadres (salons, médiathèques, librairies etc.) et ne le réserver qu'à l'espace médiatique et uniquement à lui, où un artiste, sur un plateau télé, au micro d'un journaliste, fait effectivement la promotion de son ouvrage.
Aloes
04/07/2019 à 21:22
On parle depuis le début ici de dédicace de bande dessinée. Une œuvre visuelle qui prend parfois jusqu'à vingt minutes de réalisation, à l'encre, à l'aquarelle etc. Donc en fait si vous ne comprenez qu'il s'agit d'offrir contre aucune rémunération une œuvre originale signée, ça ne vous choque pas vous ? OK. reprenez le contexte d'origine stp. On ne par que de dédicace de BD.
Ismaël
05/07/2019 à 10:16
Aloes : Je crois que vous n'avez pas tout saisi du débat. Si au départ le questionnement de la rémunération s'est posée à partir des dédicaces plus spécifiquement de BD (et il y a déjà quelques années de cela), il a depuis largement dépassé ce cadre. Pour plusieurs raisons :
1- la question ne se pose pas seulement pour les dessinateurs de BD, mais aussi pour les illustrateurs jeunesse qui eux-aussi effectuent une « œuvre originale » lors d'une dédicace.
2- les syndicats d'auteurs ne demandent pas ou plus une rémunération des dédicaces (selon les tarifs de la charte des auteurs par exemple), mais « à la présence » ce qui implique évidemment tous les genres d'invités dans une manifestation soit dessinateurs BD, mais aussi illustrateurs jeunesse et autres, et encore les scénaristes et écrivains.
3- A partir du moment où l'on s'engage vers une rémunération à la présence, il est inenvisageable d'effectuer une sorte de sélection, incluant quelques-uns (dessinateurs/illustrateurs) et pas les autres (auteurs/scénaristes). Je vois mal comment un scénariste de BD puisse gentiment se retrouver assis à côté de son compère dessinateur à dédicacer, l'un étant payé et pas l'autre... !
4- Voir les multiples tribunes d'auteurs/autrices à droite et à gauche, sur ce site ou ailleurs, notamment tout récemment celui de Silène Edgar (ici : https://www.actualitte.com/article/tribunes/dedicaces-remunerees-que-gagne-un-editeur-a-denigrer-ainsi-notre-travail/95663), laquelle est autrice et explique bien que les mêmes problématiques se posent pour les écrivains ou scénaristes. A savoir paupérisation généralisée des créateurs, coût personnel et professionnel des déplacements en salons, etc.
5- La demande de rémunération « à la présence », implique un revenu accessoire supplémentaire pour tous les artistes auteurs qu'ils soient écrivains ou dessinateurs BD, ce n'est plus tant la seule question de la création d'une œuvre originale à « offrir » par le biais de la dédicace et qui devrait être payée comme telle qui est débattue aujourd'hui que le soutien aux auteurs/autrices en grande difficulté dans le cadre d'un marché du livre qui va mal, d'une surproduction éditoriale, d'une baisse des ventes moyennes, d'un taux de droits souvent réduit, de droits sociaux en berne, etc etc...
Inbor
04/07/2019 à 16:00
Il me semble que tout le monde est d'accord pour dire qu'un travail doit, en toute logique, être rémunéré. Mais la question centrale reste : qui paie la dédicace ?
L'éditeur ? Comme il a été dit plus haut, quand il se déplace en festival, l'éditeur investit déjà énormément (entre la location de l'emplacement pour un salon, la main d'oeuvre, les frais pour déplacer, loger et nourrir les auteurs...) et ne rentre quasiment jamais dans ses frais. On peut donc se dire que sa part dans la promotion de l'oeuvre est remplie. Si on lui ajoute des frais supplémentaires, il invitera tout simplement moins d'auteurs ou ne viendra plus du tout.
Donc pas sûr que les auteurs s'y retrouvent.
Le lecteur ? Quelque part, lui aussi paie de sa personne et de son temps en attendant parfois des heures dans des conditions difficiles. Ajoutez à cela le prix de l'ouvrage et, éventuellement, l'entrée du salon qui est souvent payante elle aussi. Pas sûr qu'il voudra encore ajouter un coût supplémentaire, ou alors que pour un nombre restreint d'auteurs, qu'il estimera suffisamment "cotés". Mathématiquement, les gros vendeurs en bénéficieront et les petits auront encore moins de monde.
Donc pas sûr que les auteurs s'y retrouvent.
L'organisateur de l'événement ? C'est une économie que je maîtrise moins, mais j'imagine que lui-aussi a des frais considérables, et que les conséquences de frais supplémentaires seront de le forcer : pour un salon, à augmenter le prix de ses entrées, à réduire sa voilure (donc moins d'auteurs invités), voire disparaître ; pour une librairie, de se concentrer sur les auteurs qui vendent beaucoup et qui leur permettront un meilleur retour sur investissement. Et une fois encore, ce sont les "petits" qui trinqueront.
Donc pas sûr que les auteurs s'y retrouvent.
Personnellement, je ne serais pas contre le fait de répartir le "coût" de cette dédicace sur les différents acteurs (lecteurs compris) qui profitent tous de la venue des auteurs et de leur travail sur place. Mais cela demande une véritable réflexion de fond qui risque d'apporter son lot de nouvelles problématiques. Genre la loi du prix unique du livre par exemple...
Eurg
04/07/2019 à 16:27
Très bon récapitulatif de la situation
Fich
04/07/2019 à 16:59
Je suis consterné par ces propos. C'est mal connaître ou ne pas vouloir voir que les conditions dans lesquelles vivent la plupartdes auteurs aujourd'hui sont déplorables, sauf pour ceux qui ont du succès. A tout travail mérite salaire, dit-on ! Cela mériterait d'y réfléchir car on est loin du compte. Faire payer les dédicaces serait une façon pour un auteur de vivre un peu mieux de son art, sans vraiment résoudre le problème de fond. Si on fait des dédicaces, c'est pour le plaisir du lecteur. Mais 0.40 centimes de droits d'auteur par bouquin pour 15 ou 30 minutes de dédicace, qui peut dire qu'il s'agit là d'un réel privilège ? On fait certes la promo de son bouquin, mais au final, qui en retire le plus de bénéfices de cette promos ? Sûrement pas les auteurs. Aujourd'hui, j'en arrive à me demander si je continue ce métier ou pas, tellement les conditions sont devenues difficiles. Et je sais que de nombreux auteurs se posent la même question. S'il y avait un peu plus d'équité dans le partage des royalties, les auteurs n'auraient pas à se demander quelles astuces trouver pour boucler leurs fins de mois difficiles. Si on veut tuer un métier qui est censé faire rêver, c'est sûr, on est sur le bon chemin.
Neril
04/07/2019 à 17:36
Quand on regarde la répartition du prix d'un livre, on a (dans les grandes largeurs) :
10% pour l'auteur, 30% éditeur + imprimeur, 10% diffuseur, 10 % distributeur, 40% point de ventes.
Le problème est que sur un salon, ca devrait être autrement :
Le Diffuseur : il est hors de coup. Il ne fait rien sur le salon puisque justement, le but de la dédicace est de se montrer en direct sans son intermédiaire.
De la même façon, le salon est souvent adossé à une librairie. Maintenant la dite libraire est un des grands gagnants : un CA énorme par rapport à un jour normal, moins de frais de stock, batiment, etc. Dans d'autres cas, c'est l'éditeur qui vend directement (mais dans ce cas, il paye son stand, et ce n'est pas forcément donné).
Si on ne veut pas rémunérer l'auteur à l'heure pour sa présence, la moindre des choses serait de revoir les % pour les ventes en salon.
1- l'auteur assure lui-même sa diffusion. C'est lui qui est visité par le lecteur, c'est lui qui va "vendre". On peut donc déjà lui reverser les 10%.
Ensuite sur la part commerciale (les 40%), ce n'est pas choquant que l'auteur en prenne une partie, même faible pour lui.
Au total, si l'auteur touchait 25 à 30% du prix de vente, ça n'aurait rien de choquant et ne remettrai pas en cause la répartition. Evidemment, ça rognerait sur la part d'autres. Mais justement, c'est cette part qui est problématique. Ces 15 à 20% du prix de vente qui vont dans la poche de personnes qui n'ont pas de légitimité à toucher cette somme parce que c'est l'auteur qui fait leur part de boulot sur un salon
koinsky
04/07/2019 à 17:40
S'ils continuent à se foutre ouvertement de nous, on va finir par trouver comment se passer d'eux.
BAD
05/07/2019 à 00:11
Je viens de parcourir de nombreux avis et je suis moi-même auteur de BD. Je vais donc parler de ce que je vis dans le métier, ce qui pourra peut-être éclairé un peu le sujet de la rémunération des dédicaces.
J'ai travaillé pendant plus de 12 mois sur un album très technique, de par son sujet, mais aussi, de par mon graphisme puisque je suis un dessinateur réaliste ; dans la veine "Largo Winch", "XIII", "Michel Vaillant", pour vous situer mon coup de crayon...
J'attaquais mon travaille vers 7h00 du matin, pour finir, grosso-modo, vers 22h30, voir 23h00. Du lundi au vendredi, car le samedi et dimanche y compris les jours fériés, je levais un peu le pied mais pas trop, pour ne pas prendre de retard sur le délai de réalisation imposé par l'éditeur. Une vie de dingue, où les amis et la famille y ont une toute petite place. Tout cela, pour le formidable salaire de 600 euros environ, par mois. En effet, avec le dessin réaliste, qui est une école de travail exigeante, complexe à mettre en place, plus, toute la doc à ingurgiter pour être efficace et qui devient vite chronophage, je tournais à 3 planches par mois. Arriva donc ce qui devait arriver : 10 mois pour boucler l'album, délai trop court pour ce type de boulot, j'ai pris du retard sur le délai. Je m'en suis expliqué avec moult déférence et humilité, le directeur de collection m'a fait un peu la gueule, mais sans plus... Sauf qu'au bout de quelques temps, lorsque je me suis aperçu que la personne nommé à la colorisation faisait tout et n'importe quoi, j'ai commencé à m'insurger. Normal, lorsque l'on passe autant de temps devant sa planche à dessin et que quelqu'un de la boîte vous fusille le travail, ça à le mérite de vous crisper quelque peu. Pas de panique me suis-je dit, j'ai un contrat d'auteur, qui m'autorise en plus à changer de coloriste, autant le faire puisque je ne suis pas satisfait du travail. Résultat, l'éditeur m'a dit "pas de problème, t'es en retard sur le délai, la personne à la colorisation reste, mais c'est toi qui saute" !
On m'a donc viré, l'album a été finit (à 10% restant...) par un autre dessinateur, je me suis retrouvé du jour au lendemain au RMI et j'ai même failli finir à la rue. Mon contrat d'édition n'a pas été respecté, le pot de fer gagne toujours contre le pot de terre. Bref, si on veut continuer à créer dans ce pays, on la met en veilleuse, on produit comme un malade même si c'est pour faire de la bonne grosse daube et tout le monde est content ! C'est pas formidable la démocratie ? Alors forcément, en passant par tout ça, je me dis qu'avant la rémunération pour des dédicaces, il serait déjà pas mal que les droits des auteurs sur les contrats, leur avis professionnel, soit respectés par les éditeurs. On ne brise pas les reins de quelqu'un ou sa vie, juste parce-qu'il est en désaccord avec les désidérata du staff éditorial ! C'est ubuesque...
Ha oui, j'allais oublier, qui est l'éditeur ?... roulement de tambour... les éditions Glénat !!!
Manu
02/09/2021 à 22:47
Franchement si tu ne peux pondre que 3 planches en 1 mois (peu importe le style, aussi "complexe" soit il) c'est que tu n'es pas fait pour le métier
je suis moi même auteur de BD (plutôt style Marcinelle mais c'est pas non plus des trucs torchés en 5 minutes). Même en glandant, je fais une planche en 2 jours. 3 si c'est super complexe et encore.
Bref, si je bossais à fond de mon potentiel, je peux réaliser un album entier en 3 ou 4 mois maxi. Et à vrai dire on est nombreux dans ce cas là.
Après je reconnais volontiers que dessiner dans un style réaliste à la "Alix" ou "Largo Winch" demande plus de temps, mais quand même. Faut pas une semaine pour faire une planche non plus, aussi complexe soit elle. T'es ce que j'appelle un dessinateur "appliqué" mais au final pas le style de dessinateur fait pour la BD du coup
wiwi
03/09/2021 à 11:09
Bravo de tenir ce rythme, cher collègue! J'imagine cependant que vous travaillez avec un scénariste ? Comment quantifier le temps de conception, les story, les recherches de perso, de décor ? Faire 3 pages par semaine d'une série avec des persos et environnements qu'on maitrise, oui c'est facile, mais quid de ceux qui entament un projet ? Y a t-il une BD qui vaut plus que l'autre, ou doit on être tous soumis à la productivité, ce qui revient à en nier la dimension artistique ? Il y a plein de Romans grphiques dont on peut imaginer que la moindre planche prend une semaine oui. Les pages de Barbe ou de M-A Mathieu demandaient peut-être juste un jour de dessin, mais combien de story et découpages pour en arriver là ?
Bref, il n'y a pas une vérité.
Manu
03/09/2021 à 13:01
Non je travaille seul, je suis mon propre scénariste et mes BD demandent aussi pas mal de recherches en amont. (C’est au final ce qui prend le plus de temps quand j’entame un nouvel album). Je fais tout, dessin, décors, texte et le plus souvent aussi les couleurs. (Toutefois quand je disais qu’il me faut « seulement » 3 ou 4 mois pour faire un album complet je ne parle que du dessin, encré, ça va de soi. Sans la couleur donc).
Après, oui c’est vrai, il est plus facile de dessiner un environnement qu’on connaît, des personnages qu’on dessine depuis toujours, etc…bref, de rester dans son univers c’est plus facile. Mais je pense que cela ne fait pas tout. Il y a simplement des dessinateurs qui sont très « graphiques » et dessinent vite et bien (ce qui, sans prétention est mon cas). J’en connais d’autres, même des dessinateurs très connus, ils leur faut déjà 10 minutes pour faire une ébauche d’un personnage… et en dédicace. Partant de là, j’imagine la productivité…
Je pense que simplement on est tous différents. Certains arrivent à dessiner vite et bien parce que c’est dans leur nature, ils ont toujours dessiné comme ça, avec aisance, et pour d’autres, on est plus proche du dessin « appliqué » qui prend plus de temps. Ca ne s’explique pas, c’est comme ça. C’est comme en animation, en général les mecs ont un dessin plus spontané, donc plus rapide. Je pense que ça vient aussi de ses habitudes depuis qu’on dessine.
Personnellement je suis toujours étonné de voir un dessinateur BD s’appliquer comme s’il faisait un dessin d’art, en dessinant son personnage avec plein de petits traits et d’hésitations alors qu’habituellement beaucoup fond ça en 4 traits, vite fait, sans hésitation et c’est nickel. C’est une manière de travailler qui est différente mais peut être ont-ils plus ça dans le sang, alors ça sort plus facilement que le gars qui sait dessiner mais doit quand même s’appliquer pour cela. Hélas la BD demande une certaine productivité, c’est pourquoi, comme je le disais, ce n’est pas un métier adapté aux dessinateurs « appliqués ». Ce n’est pas rentable pour eux, ils passent trop de temps sur une planche.
Après il y a aussi la méthode de travail. Personnellement ça fait un moment que j’ai abandonné la manière « traditionnelle ». Je réalise toutes mes cases séparément sur des feuilles volantes. Je suis plus spontané et comme je n’ai pas peur de foutre en l’air ma planche (qui n’existe plus en tant que telle du coup) à cause d’une case ratée, ça me stresse moins et au final je me plante moins souvent et donc je travaille plus vite. Cette technique m’a beaucoup aidé car avant j’avais le « syndrome de la planche bien faite » comme une unité qu’est la planche dans son ensemble. Aujourd’hui, je m’en fiche, seul le résultat compte. Donc je travaille façon puzzle et je réassemble tout ensuite sur Photoshop. (J’ai vu d’ailleurs que nous sommes de plus en plus nombreux à travailler de cette manière. Comme David De Thuin par exemple) Enfin, j’utilise des crayons inactiniques, ce qui m’épargne aussi l’étape longue et laborieuse du gommage. Je peux scanner directement mes dessins encrés
J’ai donc développé une technique, une méthode de travail qui me permet de travailler rapidement et sereinement, sachant qu’en plus à la base, je suis déjà plutôt rapide.
Je pense que BAD devrait trouver sa méthode de travail, qui lui convienne et lui permette de rester aussi qualitatif mais en étant plus productif.
Après,y a t-il une BD qui vaut plus que l'autre, ou doit on être tous soumis à la productivité, ce qui revient à en nier la dimension artistique ? Non, je ne le pense pas. Mais là nous ne sommes plus dans la discussion de comment être productif sans se stresser et sans sacrifier la qualité pour autant. Comme je l’ai dit, je pense que cela vient de deux facteurs : sa propre facilité naturelle à dessiner rapidement (et bien) et trouver sa méthode de travail. Si ce n’est pas le cas, forcément ça devient plus compliqué.
Enfin, pour répondre à votre dernière question, oui il y a des planches qui peuvent prendre une semaine mais ce n’est pas TOUTES les planches d’un album. Dans un album on a toujours 4 ou 5 planches plus complexes que d’autres qui demandent plus de temps parce que grand décors, poses complexes, etc…Mais on peut se « rattraper » sur le reste. Faire une planche en 1 semaine, revient en gros à faire 1 case par jour. Honnêtement ça me dépasse. Il ne faut pas une journée pour dessiner un personnage en plan américain. On peut consacrer une journée à une demie planche particulièrement complexe et fournie en détail, mais plusieurs jours…Franchement j’avoue ne pas comprendre comment c’est possible.
Regardez des dessinateurs comme Alexis Nesme. C’est en couleurs directes, c’est bourré de détails, etc…chaque case c’est une illustration à elle seule. Et pourtant il est productif si on compare à la somme de travail que demande la réalisation de ses albums. Et sans tomber dans cet exemple extrême, du temps des périodiques (Journal Tintin, Spirou qui existe encore, etc…) les dessinateurs arrivaient bien à pondre 3 planches par semaine sans souci. Aujourd’hui les auteurs qui sortent un album par an sont légions aussi. Et si c’est seulement un album par an, c’est par ce que c’est une limitation de l’éditeur, mais beaucoup peuvent techniquement en réaliser 2 par an.
Je sais pas…Je suis de la vieille école, j’ai principalement connu l’ancienne génération des dessinateurs de chez Spirou et les mecs étaient plutôt productifs. Les auteurs qui aujourd’hui prennent leur temps c’est parce qu’ils sont plus âgés et/ou se reposent sur le succès de leur série donc s’en fichent un peu d’être plus réguliers dans les sorties. Mais les Wasterlain, les Derib et tous ceux de cette génération arrivaient à sortir facilement 2 albums par an. Et c’était autrement plus détaillé que les BD « humour » nullisimes qu’on peut voir aujourd’hui où le décor se résume à un fond de couleur et les personnages, souvent dessinés avec le minimum syndical.
Alors, c’est triste pour les gens de talents, il y en a beaucoup, mais je crois vraiment qu’on est fait pour la BD ou pas. Tout comme on l’est pas pour l’animation ou l’illustration, la peinture, etc... La base reste le dessin, mais la manière de travailler, les impératifs, etc… Ne sont pas les mêmes. Chacun son truc en fait. Par exemple, autant je m’estime bon dessinateur, autant je suis un peintre médiocre. J’en ai conscience donc je me suis plutôt tourné vers la BD et l’illustration jeunesse. Logique. J’ai laissé la peinture comme loisirs. Parce que je n’ai ni la technique ni la « mentalité » peintre à vrai dire. Donc par rapport aux « vrais » peintres, je ne vaux pas tripettes. Je n’essaie donc pas de m’imposer dans un domaine où je sais que ne peux pas concurrencer les autres. A l’inverse, j’ai vu des peintres s’essayer à la BD, c’était une catastrophe. On peut donc être bon dans sa discipline et pas dans les autres mêmes si elles sont proches.
Bref, la seule vérité est que la BD demande une certaine rapidité d’exécution (sans sacrifier la qualité). Si on ne peut pas la fournir parce que son style ou sa méthode de travail ne le permet pas, alors je pense que l’on est pas fait pour ce média. Vincent Dutrait par exemple l’a bien compris. Il s’est essayé à la BD mais a vite pigé que sa technique ne lui permettrait pas d’être productif, sans parler du style un peu rigide de son dessin. Il ne serait donc pas « rentable ». Au final, il est mieux dans l’illustration et ça lui convient à mon avis aussi, mieux. (Autant par rapport à sa technique, son style que sa méthode de travail).
Pourquoi Patrice Pellerin n’est pas capable de sortir un album en moins de 5 ans voire plus quand Jean Yves Delitte, pour une qualité équivalente, est capable d’en sortir au moins un par an ? On en revient au fond du problème et à ce que je disais au début de ce message.
C’est pourquoi je pense qu’on ne doit pas s’obstiner sur un média qui ne nous correspond pas. On peut se faire plaisir si on veut faire une BD pour l’expérience, mais après il faut être lucide aussi et sur ses capacités et sur le métier. Après c’est un choix personnel mais il ne faut pas non plus venir se plaindre de s’obstiner dans un domaine où les autres font aussi bien que vous en 3 fois moins de temps. Parce que la BD c’est certes un art, mais aussi un business et dans le business, nos considérations artistiques pèsent hélas peu de poids
Em
06/07/2019 à 10:06
Eurg, vous portez fort bien votre pseudo.
« Les éditeurs gagnent à peine 20% du prix misérable du livre »
Hahahhahaha!!! Et l’auteur standard lui, 8%
Connaissez-vous les prix proposés aux auteurs pour un album? Savez vous ce que « rapporte » à un auteur un an de sa vie à créer une bd qui ne rapportera que 20% du prix misérable du livre??
Vous me répondrez sans aucun doute qu’on a cas trouver un vrai métier.
Et à vous lire, c’est presque à souhaiter.
Mcb
07/07/2019 à 00:01
Mr Glénat, vous ne manquez pas d'air ! "C'est contre nature de payer les auteurs qui dédicacent ?"
Mr Glénat, ça s'appelle comment de faire travailler des gens gratuitement et de ramasser le fruit de leur labeur ?
Mr Glénat, vous ne voulez pas un fouet pour obtenir plus de rendement ?
BAD
07/07/2019 à 01:24
Le problème dans ce métier, c'est qu'il n'y a pas de véritable solidarité entre auteurs. C'est un job d'individualiste. Tout le monde à peur de ne plus trouver de contrat chez les éditeurs. Lorsqu'un auteur est accablé par les évènements, tous les autres se disent "Oh, le pauvre ! Il n'a pas de chance...", mais ça ne va pas plus loin, chacun priant pour que ça ne lui arrive pas un jour. Les conditions de contrat se durcissent de plus en plus, contrairement à ce que l'on entend dans les médias il y a de moins en moins de lecteur, surtout chez les plus jeunes, même si depuis quelques années la gente féminine est beaucoup plus présente dans les rayons BD. Les années qui viennent vont être terribles ; au mieux, tu as un autre boulot indépendamment de la BD et ça roule, au pire, tu ne trouve plus d'éditeur et tu abandonnes le métier. L’hécatombe que ça va être… l’hécatombe ! Car s'en sortir juste en faisant de la BD, c'est impossible, sauf si on aime les nouilles à tous les repas, rester reclus chez soi pour ne pas trop dépenser et vivre en dehors de la marche de la société. Quant à l'auto-édition, cet espèce d'eldorado fantasmé, c'est pire. Tout au plus on peut espérer gagner entre 200 et 400 euros par mois, si tout va bien sur les festivals BD en terme de vente. Ce n’est pas du pessimisme, c’est juste la réalité, certes, ça n’est pas très glamour, mais ça fait bien longtemps que la BD n’est plus un métier. De toute façon, en tant qu’auteur, vous êtes soumis aux lois du marché et on vous fait vite comprendre que si vous n’êtes pas content, il y en a 50 qui attendent derrière la porte...
BAD
07/07/2019 à 01:40
Dernier point et non des moindres ; si vous voulez toucher des droits d'auteur (un pourcentage sur chaque album) sur les ventes, il vaut mieux atteindre les 50.000 exemplaires écoulés. Ce qui, avec la surproduction actuelle, est quasiment impossible. Sauf, énorme coup de bol, le public vous découvre et fait votre succès. Autant jouer au Loto, on a plus de chance de gagner le "gros lot"... Bref, en plus de dix ans de métier, je n'ai jamais touché un seul centimes d'euros de droit d'auteur ! Et je ne suis pas un cas isolé dans la profession. Pourtant, mes ventes d'albums sont très honorables, mais c'est le système qui veut ça. D'ailleurs, peu importe vos ventes ; si vous êtes un auteur dont les albums partent bien auprès du public mais que vous n'en faites qu'un tous les deux ans, l'éditeur préfèrera garder l'auteur dont les ventes seront peut-être médiocres, mais capable de pondre deux albums par an !
Captain Kérosène.
13/07/2019 à 05:05
Les artistes devraient faire payer la dédicace, tout simplement. Comme le font les dessinateurs américains qui les mettent aussi parfois aux enchères.
Surtout que les festivals sont aussi visités par "des pros" qui revendent immédiatement la dédicace sur ebay ou sont organisés pour empêcher les autres d'en avoir (sacs posés dans les files d'attente).
Et puis, enfin, un dessin c'est quelque chose, quoi ! Ce n'est pas anodin. Si les auteurs eux-mêmes considèrent que cela n'a aucune valeur, pourquoi les éditeurs ne feraient pas de même à plus vaste échelle ?
Faire payer les dédicaces serait une manière de récupérer une partie de la plus-value que prend le livre orné d'un dessin inédit et une compensation au fait de devoir rester assis à une table pendant des heures à dessiner pour des gens qui souvent ne vous adressent même pas la parole et estiment qu'une dédicace est un droit.