Le 23 avril 2019, les éditions Nouveau Monde publiaient une enquête, Les guerres de l'ombre de la DGSI, mettant en lumière les coulisses de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Ce travail de longue haleine a été réalisé par le journaliste d’investigation Alex Jordanov. En 2020, l'auteur est entendu par les autorités suite à une plainte déposée par le service de renseignement français, avant d'être placé en garde à vue le 22 juin 2022, et finalement mis en examen pour divulgation de secret-défense.
Le 02/11/2023 à 18:33 par Hocine Bouhadjera
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02/11/2023 à 18:33
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Il est également accusé de recel de violation professionnelle, recel de violation du secret de l’instruction et révélation d’information permettant l’identification d’une source.
Alex Jordanov a sollicité l'abandon des charges à son encontre, mais la cour d'appel de Paris a décidé de la continuation des poursuites, suivant l'avis du parquet général. L'ex-policier, présumé être la source du journaliste, Malik Naït-Liman, est également poursuivi. On le suspecte notamment d'avoir fourni au journaliste des données confidentielles de la DGSI, dont certaines étaient classées.
Lors de l'audition du 27 septembre, Me William Bourdon, avocat d'Alex Jordanov, avait invoqué « la violation du droit à la liberté d'expression garanti par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) » ainsi que de l'article 2 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, comme mentionné dans la décision de la chambre de l'instruction du 25 octobre, nous apprend l'AFP.
La cour a finalement estimé que toutes les actions entreprises durant l'enquête préalable et l'instruction, même celles ayant potentiellement compromis le secret des sources journalistiques, étaient justifiées par un « impératif prépondérant d'intérêt public », en relation avec « la préservation du secret de la défense nationale et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation »,.
Les juges ont par ailleurs considéré que la mise en examen d'Alex Jordanov était étayée par divers éléments, dont « des témoignages recueillis, des objets trouvés lors des perquisitions, des données bancaires et téléphoniques, et des enregistrements audio retrouvés sur le dictaphone de Malik Naït-Liman ».
Face à la récente décision de la cour d'appel, l'avocat du journaliste n'a pas masqué son mécontentement. Il a vivement critiqué la décision, soulignant qu'elle est « absolument contraire à une jurisprudence constante de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) ». Selon lui, « il n’existait aucun impératif prépondérant d’intérêt public », et il a annoncé qu'un pourvoi en cassation allait être formulé.
L'avocat de Malik Naït-Liman, Vincent Brengarth, a aussi exprimé son étonnement face à cette décision, trouvant « parfaitement incompréhensible que la cour d’appel ne sanctionne pas la véritable collecte de données opérée par les services enquêteurs de la DGSI ».
Il est à noter qu'une législation datant du 30 octobre 2017 précise qu’un député, un juge, un avocat ou un journaliste ne peut faire l'objet d'une mesure de surveillance « en lien avec l'exercice de sa fonction ou de son métier ». Toutefois, il existe une exception basée sur un « impératif prépondérant d’intérêt public », si, selon l'appréciation judiciaire, les écrits ont le potentiel de compromettre la sécurité nationale.
Sollicité par ActuaLitté, son éditeur Yannick Dehée attend de pouvoir lire la décision de justice avant d'éventuellement réagir : « Ce n'est pas une décision sur le fond », rappelle-t-il.
Le 22 juin 2022, Alex Jordanov a été placé en garde à vue avec plusieurs policiers, à la fois anciens et actuels membres de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), au siège de la DGSI situé à Levallois-Perret. Dans son ouvrage, l'ancien correspondant au Moyen-Orient, otage en Irak en 2004, avait notamment réussi à obtenir des témoignages d'agents du service de renseignement toujours en fonction.
Pour son enquête parue chez Nouveau Monde éditions, qui a duré deux ans, le journaliste a recueilli les témoignages d'agents actifs de la DGSI. Il a notamment traité des sujets tels que les actions du service de renseignement face à la menace terroriste et les méthodes d'écoute utilisées par l'agence.
Son domicile avait aussi été perquisitionné. Il était alors accusé de « compromission du secret de la défense nationale ». Deux ex-policiers, dont Malik Naït-Liman, ont finalement été identifiés par l'enquête comme étant ses informateurs et ont également été inculpés pour avoir compromis le secret de la défense nationale.
Déjà le 27 février 2020, le journaliste d'investigation avait été convoqué par la Police Judiciaire (BRDA) pour un entretien sans contrainte, à la suite d'une plainte déposée par le service de renseignement. On lui reprochait alors d’avoir enfreint le secret de la défense. Lors de cette audition, les responsables de l'enquête avaient demandé à Alex Jordanov de révéler ses sources. Une requête rejetée, invoquant le secret des sources journalistiques et le droit à l'information.
« Il y a tout lieu d’être préoccupé si, dans la France actuelle, on use, à l’égard des journalistes enquêtant sur les éventuels dysfonctionnements de l’État, de moyens d’action qui semblaient jusqu’ici réservés aux terroristes », s’était ému Yannick Dehée, dans son communiqué en 2020.
Dans une lettre partagée aux libraires ce 28 juin, appelant à la solidarité avec le journaliste d’investigation après sa mise en garde à vue, ce dernier avait notamment expliqué : « Ces 15 dernières années, Nouveau Monde a publié des dizaines d’ouvrages, plus ou moins pointus ou grand public, sur le renseignement et son histoire, parfois en partenariat avec des institutions publiques. Si on nous avait signalé des passages problématiques, nous les aurions retirés de nous-mêmes. »
Il avait par ailleurs souligné que le processus menant à la publication du livre avait comporté des examens minutieux du contenu par des experts en renseignement, conduisant à des modifications telles que « des coupes et des micro-coupes de passages croustillants ».
D'après les informations que nous avions obtenues, le traitement réservé au journaliste d'investigation pendant son interrogatoire aurait été similaire à celui d'un individu suspecté d'activités terroristes. Après la période de détention, les officiers impliqués dans l'opération auraient justifié leurs actions en affirmant qu'ils pensaient avoir affaire à « quelqu’un de dangereux ». Lors de l'interrogatoire, les enquêteurs portaient des cagoules et Jordanov n'aurait eu à sa disposition qu'un rouleau de papier toilette pour sa toilette, cela après sa seule douche, survenue le second jour de sa détention.
Il y a un détail amusant à noter : Alex Jordanov s'était retrouvé, révélait le Canard Enchaîné, parmi les finalistes pour un Prix de l'essai le 29 janvier 2021, décerné ni plus ni moins que par l’Académie du Renseignement, une institution instaurée en 2010 sur décision de Matignon. Le journaliste n'avait cependant pas remporté le prix, qui avait été attribué à Andreï Kozovoï pour son livre intitulé Les services secrets russes. Des tsars à Poutine, publié chez Éditions Tallandier.
De plus, selon les informations du même hebdomadaire, le journaliste d'investigation avait reçu, pour un de ses autres ouvrages, une note manuscrite de Bernard Squarcini, qui avait dirigé le renseignement intérieur de 2008 à 2012 et qui est maintenant mêlé à diverses controverses judiciaires. La dédicace disait ceci : « À mon cher Alex, à toi qui cherches toujours la vérité »...
En mars 2020, Mediapart notait que les deux ouvrages uniquement dédiés au service de contre-espionnage français, Les guerres de l’ombre de la DGSI et L’Espion du président (2012, Robert Laffont), ont été l'objet de poursuites judiciaires à l'encontre de leurs auteurs.
La cour d’appel de Paris, le 17 septembre 2015, a infligé une amende de 2000 €, avec sursis, aux auteurs et à l'éditeur de L’Espion du président. Ils devaient également verser un euro symbolique pour dommages et intérêts. Ils avaient été jugés responsables d'avoir dévoilé l'identité véritable d'un agent d'un service de renseignement spécialisé.
Cette enquête portait sur Bernard Squarcini, alors à la tête de la structure prédécesseur de la DGSI. Cette sanction était la conséquence d'une plainte déposée par cinq membres du service qui avaient été explicitement nommés dans l'ouvrage.
Crédits photo : Nouveau Monde Éditions
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
1 Commentaire
Larissa
03/11/2023 à 11:01
"Qu'en pensez-vous ? " demandez-vous.
Eh bien voilà qui fleure bon une certaine société secrète qui a colonisé tout l'espace de sociabilités où s'exerce un "Pouvoir", entre autres dans les milieux bancaire, militaire, institutionnel (police et justice), politique, religieux (Opus Dei), mais pas seulement, loin s'en faut.
Et il y a du monde en piste !
Aucun chef d’Etat ne peut le devenir s’il n’est pas franc-maçon.
Après avoir réalisé de quoi il s'agissait, Stéphane Blet (1969-2022), pianiste, compositeur et polémiste français, ancien franc-maçon 32è degré, a quitté cette société secrète quand il a voulu passer le 33è degré.
Il l'a dénoncé et a tout de suite été vilipendé et menacé de mort. Il a dû fuir le pays et s'est exilé en Turquie.
En janvier 2022 il s'est rendu à Genève en Suisse ... et a été retrouvé mort au bas de son hôtel après avoir chuté du balcon de sa chambre.
Cause officielle de la mort : Suicide. On a bien compris ...
Un autre ... Né en 1963, Olivier Roney, ex franc-maçon, a été retrouvé mort chez lui le 10 sept 2021 (il serait décédé fin août 2021), un décès suspect après avoir révélé l’appartenance de Flaubert au GODF.
Quels enseignements secrets Gustave Flaubert aurait-il pu recevoir en tant que maçon ?
Quels enjeux politiques se sont joués dans ces réseaux au 19e siècle ?
Y a-t-il un lien entre l’œuvre de Gustave Flaubert et les mystères de Rennes Le Château ?
A travers son "J'accuse", Emile Zola, franc-maçon, remettait en question la traîtrise de Dreyfus.
Or, Dreyfus était coupable, traître à la France, comme l’ont confirmé nombre d’historiens par la suite.
Les ressentiments contre les juifs ont surgi dans le contexte d’une longue suite de scandales, de décrets forcément arbitraires puisque non soumis aux Français (décret Crémieux-Gambetta-Rothschild en 1870 décrétant que les Maghrébins juifs sont français), nombreux scandales de corruptions et escroqueries au cours de la IIIe République et ses « lois scélérates », dans lesquels des juifs, quelques protestants, et les Rothschild apparaissent au premier plan.
(Caisse Générale des Chemins de Fer et le courtier Jules-Isaac Mirès ; l’Union Générale, banque royaliste et catholique à laquelle le franc-maçon juif Gambetta était ouvertement hostile, entrainée dans la faillite par les exactions en bourse de Rothschild contre cette banque ; scandales d’entreprises coloniales, affaire de Tunisie, etc…. tous ces scandales sont décrits par l’écrivain Maupassant dans « Bel-Ami »).
Enfin, et plus contemporaine, cette affaire ramène à la sinistre conjoncture J Assange ...