#PenuriePapier – Augmenter le prix des livres, pour lutter contre l’inflation et préserver la hausse des charges de l'industrie, l’idée a cheminé. Ainsi, les clients découvrent depuis des mois que le tarif indiqué sur les ouvrages diffère lors du passage en caisse. Une hausse de 20 à 30 centimes, jamais très agréable, et à régulariser rapidement, indique l’Autorité de médiation.
Le 18/02/2023 à 15:54 par Nicolas Gary
6 Réactions | 1076 Partages
Publié le :
18/02/2023 à 15:54
6
Commentaires
1076
Partages
Prizunic, or not prizunic ? D’après les données communiquées par le Syndicat national de l’édition, la hausse des ouvrages s’élève entre 4 et 10 % sur ce début d’année. En cause, la crise d’approvisionnement et la pénurie de papier. En moyenne, le coût de ce dernier représente 4 à 5 % du prix public : en 2022, la matière a connu une explosion de 85 %… Sacré trou dans le budget.
Le groupe Hachette Livre chiffrait l’augmentation de l’énergie et du papier à 55 millions € pour 2022. Et certainement pas moins à craindre pour 2023. La répercussion devenait imminente.
ActuaLitté l’avait observé, suite aux alertes de nombreux acteurs : les changements de prix ont de réelles répercussions pour le quotidien des commerces. De fait, la loi Lang de 81 permet à l’éditeur de fixer un prix unique, identique et imposé à tous les revendeurs. Le montant est indiqué explicitement sur toute publication.
Sauf qu’au cours des derniers mois, une nouvelle activité occupe les libraires : le ré-étiquetage de leurs titres, car le prix affiché a été réévalué à la hausse. D’où la nécessité d’informer les clients, pour éviter la mauvaise surprise au moment de payer.
Selon les données qu’a communiquées le Syndicat patronal, 10 % des stocks détenus chez les distributeurs seraient concernés par ce réétiquetage pour le début d’année 2023. On parle en outre de « dizaines de millions d’exemplaires » concernés par cette opération de manutention, qui requiert « des moyens et délais de traitement importants ».
Au cours des neuf derniers mois, ce sont 90.000 titres qui ont connu une fluctuation tarifaire, soit plus spécifiquement « 24 % des stocks des librairies indépendantes », poursuit le SLF, d’après des données Dilicom.
« Selon cette source, 63.464 références ont changé de prix de mai 2002 à janvier 2023, représentant 2.618.217 livres, une des caractéristiques du marché du livre étant le traitement par les détaillants d’un petit volume d’exemplaires avec un grand nombre de références. »
« Le problème tient à ce que les distributeurs continuent de livrer des bouquins avec l’ancien tarif. Alors, entre les ouvertures de cartons, les remplissages de cartons, l’accueil des clients, on doit aussi procéder au réétiquetage », nous assurait un gérant en octobre dernier. Car face à lui, se trouvaient des clients ayant le sentiment se faire flouer par un commerçant qui n'y était pour rien.
À LIRE: Prix des livres révisés à la hausse : le calvaire des libraires
« Ça a toujours existé, cette révision à la hausse… À ceci près que c’était marginal. Désormais, on fait des découvertes quasi quotidiennement », poursuivait-il. Face à l’absence de solution collective et de mobilisation de l’interprofession en 2022, il fallait un sauveur. Vite.
Peu avant les fêtes de fin d’année, le ministère de la Culture a donc saisi le Médiateur du livre sur cette situation bien connue – mais jusqu’à lors rangée délicatement sous le tapis. Au terme d’une concertation, l’autorité a rendu un avis et avertit charitablement qu’il « existe un important risque de sanction en la matière ».
Comment justifier en effet d’un prix unique, si ce dernier est recouvert par une étiquette qui le révise à la hausse ? Une circulaire d’application autorisait le procédé, permettant au détaillant de réétiquetter en fonction. Sauf que la pratique fut ainsi autorisée parce rare : l’ampleur que le phénomène a prise impose plusieurs mesures.
En cinq points, le Médiateur tente donc de concilier les avis de chacun (et l’inertie de certains) :
I — Engager sans attendre le réétiquetage des livres concernées en librairie ;
II — Mieux informer les clients par des affichettes en librairie sur cette situation ;
III — Trouver les solutions pour que les éditeurs et distributeurs signalent systématiquement et de façon très claire aux détaillants les prix modifiés lors de la livraison des commandes de réassort ;
IV— Mobiliser et développer les capacités de réétiquetage en entrepôt ;
V — Faire partager par les services de contrôle la nécessité d’une période transitoire d’une durée suffisante avant toute poursuite.
Ces premiers éléments découlent d’une véritable urgence à agir et doivent immédiatement être mises en œuvre. Mais cinq autres visent à améliorer, pour l’avenir, les pratiques :
VI — Veiller pour les éditeurs et leurs distributeurs à annoncer aux détaillants avec un délai d’un mois toute modification de prix en utilisant à cette fin le champ « prix futurs » du fichier exhaustif du livre ;
VII — Sensibiliser et former tous les libraires à la prise en compte et au marquage des modifications de prix en s’appuyant sur les organisations professionnelles et les prestataires de solutions technologiques ;
VIII — Faire progresser également la transparence des prix pour les clients lorsqu’ils sont marqués sur les livres par un code en veillant à la mise en disposition en librairie des affiches qu’impose à ce titre la réglementation (correspondance code/prix) ;
IX — Identifier les moins bonnes et les meilleures pratiques en matière de modification des prix, et notamment de calendrier de mise en œuvre ;
X — Inscrire dans la durée le dialogue interprofessionnel sur l’enjeu partagé que constitue le marquage des modifications de prix et sa mise en œuvre.
« Le contexte inflationniste n’est pourtant pas voué à disparaître à court terme et il importe de tirer les leçons de la situation connue en 2022 en adaptant les pratiques aux nouvelles réalités économiques et technologiques », ajoute le Médiateur. De fait, la Banque de France prévoit pour 2023 une inflation de 6 %, comparable à celle de 2022. Et de conclure qu’en ces circonstances, s’impose « à l’ensemble des acteurs de la filière une forme de solidarité et des comportements responsables que favorisera un dialogue suivi dans la durée ».
Urgence, il y avait bien et à plus d'un titre : dernièrement, le Syndicat de la librairie française alertait de ce que la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s'était « saisie de la question de l’affichage des prix des livres en magasin ». Avec de forts probables contrôles à la clef. Finalement, le risque aurait été écarté.
Cependant, toute affiche visant à alerter les clients est en réalité illégale et doit être retirée — nombre de professionnels avaient choisi cette option pour aborder le sujet avec un peu de pédagogie. Le SLF avait néanmoins obtenu la validation d’un message utilisable dans les commerces :
Information relative aux prix des livres
D’importantes augmentations des coûts ont conduit les éditeurs, qui fixent le prix des livres en application de la loi du 10 août 1981, à augmenter le tarif de certains d’entre eux.
Votre libraire a engagé le travail de réétiquetage au sein de son stock, mais certains prix marqués sur les livres peuvent de manière transitoire ne plus correspondre au tarif qui vous sera demandé en caisse.
Nous restons à votre disposition pour répondre à vos questions et vous remercions de votre compréhension pour cette situation exceptionnelle.
Ce dernier ne décharge pas de l’obligation de réétiquetage, dont la responsabilité incombe, de toute manière, au point de vente. Le SLF précise, à toutes fins utiles, que le délai d’information, par l’éditeur ou l’importateur aux réseaux de vente, en cas de modification tarifaire « ne devrait normalement pas être inférieur à quinze jours ».
Reste que cette hausse ne résout en rien la question de l’inflation et du pouvoir d’achat : elle répond simplement à la crise autour des matières premières, répercutant les coûts. Depuis des mois, le secrétaire général du SLF ne cesse de le répéter : il faudra augmenter, prochainement, le prix de vente tout court. Un peu pourrait ne pas être assez, trop deviendrait dangereux.
À LIRE: Jeux de rôle : manuels et coffrets concernés par le prix unique
Si cet équilibre est à trouver, il ne présenterait pas de risque, poursuivait Guillaume Husson auprès de l’AFP : « Les gens ont tendance à considérer qu’un livre est toujours trop cher. Mais peu de lecteurs se plaignent des augmentations, sauf un, de temps en temps, qui est scandalisé. »
Et de poursuivre auprès du Télégramme : « Depuis plus de 20 ans, la croissance des prix des livres est inférieure à l’inflation. Si les prix augmentent trop, ce serait un problème, mais s’ils n’augmentent pas du tout, c’est aussi un problème… »
L'avis du Médiateur est disponible ci-dessous en consultation et/ou téléchargement :
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
DOSSIER - Pénurie de papier : crise et tensions dans le monde du livre
6 Commentaires
Toinou
19/02/2023 à 17:36
En lisant le décret, il y a un point que je trouve étrange : c'est au détaillant d'indiquer la modification de prix mais il doit le faire par une étiquette portant le nom de l'éditeur (et en indiquant la date de la modification). Logistiquement, c'est assez saugrenu. Franchement, une modification du texte portant strictement la responsabilité sur l'éditeur ou le diffuseur serait beaucoup plus simple.
Benjamin
20/02/2023 à 11:31
Le prix (pas si) unique du livre
http://www.cultivateurdeprecedents.org/20221102_Le_prix_pas_si_unique_du_livre.html
Richard
20/02/2023 à 13:55
Puisque le problème vient des éditeurs, pourquoi ça ne serait pas à eux et leurs distributeurs de procéder à ce ré-étiquetage massif ?
Romuald
21/02/2023 à 12:01
Dans le rapport Culture du plan de transition énergétique français, y avait pourtant bel et bien une proposition d'interdire le réétiquetage de livres, afin de ne pas pousser les distributeurs à les pilonner par la suite.
Et dans le cas d'un livre déjà imprimé, son coût de production est déjà payé, pourquoi le prix devrait il changer ? On pourrait peut être se passer de cette logique de flux ?
Philippe larrode
22/07/2023 à 12:01
Salut,
Je me demande comment on peut justifier l'augmentation du prix d'un livre, alors qu'il est en stock chez mon libraire depuis 3 ans et que les augmentations des prix de l'énergie ou du papier récentes ne l'on pas touché ?
Cela mérite de poser la question à la justice, non ?
P. L.
Anne H
18/09/2024 à 10:17
J'en pense que c'est un pur scandale. Je viens d'acheter "Ce que les oiseaux ont à nous dire" chez Fayard, le prix affiché est de 18 € et j'ai dû payer... 22 €. On est loin des qq centimes indiqués dans l'article. Et pourquoi payer plus sur un livre rétroactivement ? Il est imprimé depuis longtemps, l'auteur je présume n'a rien touché de plus sur cette vente ? Les 4 € vont-ils direct dans la poche de Bolloré ? C'est tout simple de l'escroquerie de la part de l'éditeur.