En cette mi-juillet, le romancier Yasmina Khadra entamait une tournée promotionnelle, amorçant son prochain livre – Les Vertueux. À paraître en France chez Mialet Barrault, il sera publié simultanément par Casbah Éditions, le 24 août. « Le préféré de tous mes romans », a affirmé l’écrivain qui s'est rendu en Algérie, du 16 au 19 juillet. Un périple qui, fallait-il s’y attendre, a fini par provoquer polémiques et révoltes...
Le 24/07/2022 à 14:58 par Clément Solym
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Publié le :
24/07/2022 à 14:58
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Début juillet, Yasmina Khadra partageait quelques remarques dans le JDD : évoquant la recherche de repères pour l’Algérie, ce « peuple-boomerang », il parcourt soixante années depuis le coup d’État du 19 juin 1965. « Nous avons tout subi, la vacherie des slogans creux, la tyrannie par moments, l’exclusion par endroits, le terrorisme, nous avons touché le fond, connu l’humiliation, l’injustice, la spoliation, les gouvernements voyoucratiques, la démagogie assassine, l’une des corruptions les plus ahurissantes, exercée comme une seconde nature à tous les niveaux, du portier au directeur, du guichetier au ministre. »
Mais il vantait aussi la résilience d’un pays, sa résistance autant que la fierté qui empêche de céder ou de se résigner, devant ce qui semble un naufrage pour le territoire.
DOSSIER: Yasmina Khadra : le goût de la liberté
Et de conclure : « Aujourd’hui, on parle d’une ère nouvelle, d’une Algérie guérie de ses vieux démons. Je ne demande qu’à le croire, en dépit d’un manque flagrant de projet de société, d’une gestion catastrophique tous azimuts, des arrestations aussi arbitraires qu’absurdes qui frappent de simples facebookers pleins de rêves pour un pays qui prend l’eau de toute part et qui refuse crânement de couler. »
De ce regard porté, sans aucune concession, l’écrivain a fait face aux reproches formulés — ceux d’une minorité, devant l’engouement et l’enthousiasme qui accompagnaient ses interventions. En cause : une invitation formulée par l’ambassadeur de France à Alger.
Plusieurs médias en font état : la colère et la rancœur à l’encontre de tout ce qui symbolise la France demeurent vives. Probablement parce que les partisans d’une Algérie arabisée (arabisante ?) s’efforcent de détruire tout ce qui rappellerait la présence française de jadis, de même que les traces qu’elle a pu laisser. Parler ou étudier en français reviendrait, comme le note Observer l’Algérie, à « un acte d’allégeance à l’ex-colonisateur ».
Les trois rendez-vous prévus sur le territoire algérien ont réuni des milliers de lecteurs. « Quelle tournée ! Quelles merveilleuses retrouvailles. Vous avez été éblouissants. À Oran. À Alger. À Tizi Ouzou. Des rencontres heureuses. De véritables fêtes où chacune et chacun de vous a été un chant d’été. Ce n’est pas moi, c’est vous qui prouvez que l’Algérie n’est pas menopausable, qu’elle continue d’engendrer des enfants splendides, attentifs aux beautés de ce monde malgré tant de déconfitures », lançait Khadra au terme de son voyage.
Mais les détracteurs n’ont pas manqué : le 20 juillet, Yasmina Khadra a déjeuné chez l’ambassadeur français, à Alger. Une rencontre officialisée par l’institution, accompagnée d’une photographie, en compagnie de François Gouyette. « Un agréable moment d’échange autour de l’Algérie et de la littérature francophone », signe l’ambassade.
Revers de la médaille, la popularité et le succès ont donné matière à raviver les braises. Traité de partisan, voire de collaborateur au service de la France, les commentaires se sont faits parfois haineux. Le tout entraînant des échanges houleux, pas vraiment pacifiques — certains reprochant que l’on mette en avant des écrivains étrangers, au détriment de “véritables” auteurs algériens.
« Je suis navré pour les quelques journalistes qui ont déformé mes propos ou exagéré outrageusement mes déclarations, désolé pour les captures d’écran fallacieuses, désolé de causer tant de peine à des détracteurs qui n’ont aucune raison sérieuse de l’être. Je ne suis qu’un romancier qui essaye de donner à lire ni mégalo ni insolent, un homme de vérité dans un monde rongé d’incertitudes et de méfiance exacerbée », répond pour sa part Yasmina Khadra.
Et plus encore, de rappeler qu’aucun ministre du pays n’a pris le temps de le recevoir. « Que Dieu leur pardonne, moi, j’ai épuisé tout mon stock d’indulgence. Il est des êtres qui, si on venait à leur offrir la lune sur un plateau, ne verraient que l’éraflure sur le plateau », assure-t-il.
Il reprend : « On me reproche d’écrire en français (une langue que j’aime et qui me le rend bien ; une langue qui me permet de dire et qui me comble de ses bienfaits) et on oublie que j’ai sacrifié mon enfance, ma jeunesse et les plus belles années de ma vie pour ma patrie. Comment peuvent-ils s’en souvenir ? Les têtes brûlées n’ont pas de mémoire. »
Son manifeste propose, dès lors, une tout autre approche : « Quant à moi, la haine ne fait pas partie de mes fibres sensibles. Je n’arrive même pas à haïr ceux qui me vouent aux gémonies. Je suis fait d’amour et de chants antiques. Je suis un rêveur impénitent. J’aime aimer. Il n’y a que l’amour d’essentiel en ce monde. Aussi aimez autant que vous pouvez. »
Le romancier sera membre du Jury du Festival du film américain de Deauville qui aura lieu du 2 au 11 septembre 2022.
crédits photo : Yasmina Khadra, Lire en poche 2021 (Gradignan) ; ActuaLitté, CC BY SA 2.0
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1 Commentaire
NAUWELAERS
25/07/2022 à 19:48
BRAVO à cet écrivain !
CHRISTIAN NAUWELAERS