Covid, fermeture des librairies, distanciel via Zoom et autres Google Meet : les maisons d'édition avaient dû faire face à des éléments déchainés pour la promotion de leurs ouvrages entre 2020 et 2021. Cette année, avec un goût de revanche, Robert Laffont a vu grand pour la rentrée littéraire : des retrouvailles entre écrivains, éditeurs, libraires et journalistes sous le signe du voyage. Et trois titres, très différents, qui seront proposés.
Ce jeudi 9 juin, donc, c’étaient les grandes embrassades entre libraires et éditeurs. Se retrouver, certes, mais surtout transmettre, en vue de cette rentrée littéraire 2022. Un choix fort et assumé de trois titres, des auteurs aux voix distinctes, composent la rentrée littéraire de la maison.
Pour Sophie Charnavel, directrice générale, le « désir de porter chaque texte à hauteur de leur talent et de leur unicité » a guidé cette approche. « Nous avions des rentrées plutôt autour de 7 à 8 ouvrages, les années passées », nous précise-t-elle. Et l’on mesure d’autant mieux combien le travail fut âpre.Ainsi, Camille Pascal, Philippe Vilain et Ann-Helén Laestadius deviendront les ambassadeurs premiers du mois d'août.
La thématique du voyage est prégnante : de la présentation des titres sur une péniche, aux sujets mêmes – à travers le froid polaire des communautés Samis, jusqu'aux dans les ruelles suffocantes de Naples, en passant par les méandres d’un passé disparu tout en complot... Et pour que le périple soit inoubliable, une invitée spéciale s'est jointe à la présentation, qui sera publiée en septembre : Tatiana de Rosnay, autrice reconnue d'Elle s'appelait Sarah.
« Ce choix, assez novateur, permet de défendre les ouvrages, sans les noyer », poursuit Sophie Charnavel. La rentrée littéraire est en effet un moment très important pour le monde du livre, mais qui suscite également l'attraction : en 2021, 521 ouvrages s'étaient affrontés lors de la rentrée littéraire, entre fin août et début novembre.
Philippe Vilain a ouvert le bal des présentations : il rejoint cette année la maison Robert Laffont avec La Malédiction de la Madone. Dans ce livre, il part sur les traces d'Assunta Maresca, mieux connue sous le nom de Pupetta, figure de la Camorra napolitaine. Fasciné par « l’incroyable histoire de cette jeune femme au destin romanesque », il la compare à Antigone : une femme prête à tout pour venger, et restaurer l'honneur de son mari, assassiné par un tueur à gages commandité par un rival Camorrista. Pupetta ne cherchera qu’à faire le bien dans un milieu pourri, questionnant notre vision manichéiste de l’existence par son désir de bien quand elle-même vient du mal, d’un milieu criminel et populaire.
Autre auteur à rejoindre les rangs de Robert Laffont, Camille Pascal propose cette année, après La chambre des dupes, un autre roman historique. Quittant Plon, il est de retour pour cette rentrée avec L’air était tout en feu. On y (re)découvre une toute autre poupée, la Duchesse du Maine, que l'on surnomma la Poupée de Sang. Née princesse, son mariage avec un bâtard de Louis XIV sera pour elle une véritable atteinte à son intégrité vécue comme une humiliation tout au long de sa vie. Minuscule par la taille, elle n'en reste pas moins un personnage théâtral au tempérament plus que sanguin, naviguant constamment aux frontières de la folie, portant avec fierté une lourde hérédité.
Entre complot politique contre le Régent, création d'une véritable Cour - « l’Ordre de la Mouche à Miel » - et manigances, Camille Pascal embarque le lecteur dans une machine spatio-temporelle pour le mener toujours plus profondément dans les ombres et secrets des alcôves du château de Sceaux. « S’il est un sens à la littérature, c'est de faire palpiter la chair ; sinon, on s'ennuie à mourir », affirmait l'auteur.
Romans de la rentrée littéraire 2022 : découvrez les bonnes feuilles
Enfin, c'est du nord de la Suède que nous vient le troisième roman de cette rentrée littéraire. Stöld, d'Ann-Helén Laestadius, nous embarque avec le peuple Sami, dont vient la jeune écrivaine. Ancienne journaliste spécialisée dans la justice, elle fut élevée près de Kiruna, au niveau du cercle polaire, et n'est connue, pour le moment, que pour ses ouvrages jeunesse.
Elsa, 8 ans, assiste impuissante au meurtre de son petit faon ; sa famille est éleveuse de rennes. En grandissant, elle continuera à se battre contre le braconnage de ces animaux typiques, symbole, pour les Sami, du racisme, de la colonisation, et d'une colère sourde envers une justice impuissante. « Elsa est petite et très en colère, comme moi. », explique Ann-Helén Laestadius. Paru en 2021 en Suède, traduit en France par Anna Postel, il a permis à son pays, notamment à ses habitants du sud, de se rendre compte d'une réalité qui leur est inconnue.
Pour Caroline Babulle, directrice de la communication des Éditions Robert Laffont, cette rentrée resserrée permettra de mettre en avant ces ouvrages de manière plus efficace. Toutefois, elle l’assure : « Nos autres titres seront défendus en temps et en heure, selon leur propre temporalité. » Un discours confirmé par Sophie Charnavel : les trois ouvrages, très différents, ne créeront ni compétition entre les auteurs, ni noyade dans la folie de la rentrée littéraire. « Nous avons fait le choix éditorial de deux auteurs français et une autrice étrangère, de manière à ce que les livres plaisent à des libraires différents, à des journalistes différents, et que leur singularité soit mise en avant. »
La crise du papier ambiante, qui met en difficulté le secteur tout entier, est-elle la cause de cette publication restreinte ? « Pas du tout », infirme Sophie Charnavel. « C'est un véritable carnage, c'est vrai. Mais cette décision fut prise bien avant le début de la crise, dans une optique toute autre, et grâce à des choix éditoriaux très précis. »
Caroline Babulle abonde en ce sens : aucun impact de la pénurie de papier sur les décisions inhérentes à la rentrée prochaine. « Nous subissons une hausse des prix, il est vrai. Mais appartenir à un grand groupe comme Editis permet de surmonter la crise sans trop de remous. Les prix ne peuvent se répercuter sur les livres, et Editis s’occupe des commandes de papier. » La directrice de la communication confirme tout de même que « le discours ne doit pas être le même pour les petites maisons d’édition. Leur situation doit être très difficile ».
En attendant de connaître les couvertures définitives des trois ouvrages d'août publiés par Robert Laffont, Tatiana de Rosnay, invitée spéciale de cette présentation, a dévoilé plus d'informations sur Nous irons mieux demain, son prochain ouvrage à paraître en septembre. L'écrivaine nous invite cette fois-ci hors des murs, qui lui sont si chers, mais dans l’intériorité d’une vie, d’une femme qui se laisse ronger de l’intérieur jusqu’à une rencontre solaire et flamboyante qui changera son destin.
Un roman où s’entremêlent les mémoires, les passés et les présents - sans oublier un voyageur du temps, Émile Zola, qui s’y invite clandestinement. « J’aime quand les lecteurs sortent de leur zone de confort », explique-t-elle, insistant sur le caractère intime de son ouvrage. « Mon livre est un hommage au pouvoir salvateur de la littérature. »
Article co-écrit par Barbara Fasseur et Clémence Leboucher
Crédits : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Paru le 25/08/2022
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