En 2009, Finitude a réédité "Misère du matin" d'un auteur totalement oublié, André Vers (prononcer Versse). Il portait une belle moustache comme Fallet et Brassens, et il affectionnait les vieux cafés comme Hardellet : tout naturellement, il fut l'ami de ces trois hommes-là. De sacrés types qui aimaient l'amitié, les femmes et la bonne chère. Mais attention, ces quatre-là étaient des mélancoliques, cachant comme Trenet, derrière le rire, le sentiment angoissant de la finitude des choses de la vie. De celles-ci, ils en connaissaient donc le prix, et leur gaîté, leur amitié, ce plaisir qu'ils avaient à être ensemble, c'était sans doute une tentative désespérée de les faire durer, de les retenir...
Le 11/03/2019 à 09:00 par Les ensablés
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11/03/2019 à 09:00
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Je ne suis pas sûr de ce que j'avance, je ne les ai pas connus, mais me sentant avec eux comme avec des complices avec qui j'aurais volontiers éclusé quelques verres, dans un café de Brancion de préférence, je suis persuadé de dire vrai. J'ai la nostalgie de ces hommes, vrais écrivains, et simples pourtant: ils parlaient littérature, connaissaient les poètes, Verlaine, Villon entre autres, mais, jamais, ne faisaient des phrases. Ils étaient encore des enfants, même sur le tard. André Vers, donc. Homme de modeste condition, il fut ouvrier d'abord, tout comme Calet et Meckert, puis, saisi par la passion littéraire, il devint romancier. Trois romans à son actif; rien d'autre, dont ce "Misère du matin", premier livre publié en 1953 chez les "Éditions des jeunes auteurs réunis". Sous le titre a priori triste, se cache en vérité un roman vif, gai, comme l'est la vie d'un homme au début de la vie, lorsque les épreuves elles-mêmes semblent des promesses d'une vie meilleure.
André Vers raconte, à la première personne du singulier, ses dix-huit ans en 1942 quand il était "un petit gars aux cheveux bien crantés" obligé de travailler à l'usine "tunnel grouillant d'une vie noire". Orphelin dès onze ans, il vit à Paris avec sa mère, dans un monde pauvre et populaire dont l'évocation n'est pas sans rappeler... Eugène Dabit (dans "Petit Louis") et Henri Calet, à cette façon de raconter les choses graves avec humour, une espèce de légèreté, de tendresse aussi.
On y sent aussi la patine du roman populiste, où les héros sont des petites gens. Pas de grande histoire dans ce roman. Plutôt une éducation sentimentale. Le héros connaît ses premières filles: ce n'est pas toujours brillant. Il y a Jeannette qu'il croit d'abord célibataire et qui lui apprend un beau jour que son mari est prisonnier: coup de sang: André la gifle et la quitte.
Avant, il y a eu, pendant l'adolescence, une certaine Nadia, dame catéchiste de vingt-six ans dont les penchants allaient aux jeunes garçons: "Le traitement se poursuivit les jours suivants. Un peu partout, sans heures fixes. Parfois à la chapelle, elle me demandait de lui frictionner doucement le bout des seins tandis qu'elle jouait de l'harmonium."
Pauvre gosse, mais aimé de sa mère, il poursuit sa petite vie à l'ombre de la guerre: "A la gare Saint Michel une jeune fille m'a offert son sourire (...) La banlieue gracieuse s'étirait et dansait dans les rayons de l'aube (...) Le grand maquilleur de la nuit avait transfiguré les cabanes de jardinier si laides d'ordinaire. Leurs chevelures de tôle étaient mieux ondulés (...) Sur une corde séchait du linge. La veille j'avais remarqué un ridicule caleçon long rapiécé. Ce matin il voisinait avec un minuscule slip de soie noire (...) Le prolétaire au caleçon obèse faisait des heures supplémentaires pour offrir à sa ménagère des dessous affolants.
Ainsi va la vie, de petites joies en soudaines tristesses. Un soir, comme il longe la Seine: "Comme il doit s'ennuyer ce fleuve à l'eau si sombre, condamné pour toujours à traîner des chalands, à recevoir des corps que la vie a déçus (...) Bien sûr, il y a les guinguettes aux couples amoureux, les airs d'accordéon et les lampions du soir, mais pour si peu de temps, car les lampions s'éteignent." Je songe, en lisant ces lignes, aux films des années trente. Ceux qui aiment Jean Renoir, Carné, les retrouveront dans ce roman parfois long, où l'on sent le plaisir de celui qui écrit son premier roman et veut tout y dire. La vie, en 1942, n'était pas forcément mauvaise pour le jeune André. La fin de l'année 43 finit mal.
Rattrapé par le STO, André est affecté aux usines de Fourchambault. Il n'entre pas dans la résistance, aucun héroïsme romanesque en lui, il obtempère et découvre un "village monotone composé de pavillons à deux étages, absolument semblables, plantés dans d'identiques jardinets". C'est là, en ce lieu sinistre, qu'il découvrira l'amour avec une jeune serveuse de la cantine, une certaine Mireille, sérieuse, mystérieuse. Ce sera une des grandes passions dans sa vie (nous en avons si peu)... Et soudain, le roman bascule: l'amour le rend grave, fou. C'est elle, ce sera elle! Personne d'autre, jamais!
A la fin de la guerre, il leur faut se séparer provisoirement. L'amour résistera-t-il? Oui, il semble. D'ailleurs, elle vient le voir à Paris, fait la connaissance de sa mère, cette mère qu'il adore, et dont le moindre signe de faiblesse lui fait craindre qu'elle meure (magnifiques passages sur l'amour filial). Mais tout est toujours plus compliqué qu'on ne le pense. Il est déjà difficile de rester soi-même constant. Qu'en est-il des autres? de Mireille?
Allons, les amours tristes appartiennent à la vie. Il faut y passer. Y renoncer un jour, consciemment, et d'une certaine manière entrer définitivement dans l'âge adulte, l'âge du renoncement. Livre beau et simple où l'on sent palpiter la jeunesse et sa beauté. Plaisir gratuit de la littérature. Pas de grands discours. Une couleur sépia plane sur ce texte à relire grâce à Finitude.
Hervé BEL - Juin 2014
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« Ouf,
La bonne étape, le relais avant de s’élancer vers d’autres lieux,
à portée de main, en sortant de chez lui la première maison de la rue Granchois. »
Ainsi débute la grande aventure de Francis Dubalu, représentant de commerce la firme Breganti, qui part pour la première fois démarcher de nouveaux clients en province.
Ce sont les éditions de La Grange Batelière dont on connaît le riche catalogue, qui ont eu la bonne idée de republier le premier roman de Bernard Waller.
Initialement paru dans la prestigieuse revue NRF en novembre 1960 avant de connaître, un an plus tard les honneurs de la collection blanche, Dubalu est un texte d’une incroyable modernité, qui n’a pas pris une ride.
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Dans cette fiction historique qui prend place durant les Cent-Jours avec comme moment culminant la bataille de Waterloo, un Bruxellois d’origine flamande, Jean Van Cutsem, vit une crise existentielle : alors que le frère de sa fiancée wallonne rejoint Napoléon, il est pour sa part enrôlé dans l’armée hollandaise sous le commandement du Prince d’Orange… Un roman engagé et détonnant, où les questions de l’identité, de la loyauté et du courage s’affrontent avant tout dans le for intérieur d’un jeune soldat jeté malgré lui sur les routes de la guerre.
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18/02/2024, 09:00
J’ai commenté ici même, précédemment, la biographie de Maria Borrély (1890-1963) publiée par Danièle Henky en 2022 (Maria Borrély. La Vie d’une femme épanouie). Les romans de Borrély, qui s’apparentent à ceux de Giono et de Ramuz, sont à redécouvrir impérativement. Danièle Henky, dont le « sujet de prédilection, c’est le destin des femmes », expliquait-elle récemment, s’intéresse, dans son nouvel ouvrage, à l’écrivaine et journaliste Claude Dravaine (1888-1957). La Livradoise. L’Énigme Claude Dravaine est publié chez Hauteur d’Homme, une maison régionaliste sise dans une commune du Massif central. Par François Ouellet.
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Chers lecteurs des Ensablés, avec cet article d'Isabelle Luciat, se terminent nos chroniques de l'année 2023, l'occasion pour nous de vous souhaiter une très bonne année 2024 et de vous remercier pour votre fidélité (15 ans déjà). Hervé BEL
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Avec une préface documentée de Nicolas d’Estienne d’Orves (notamment romancier « Prix Roger Nimier » et spécialiste de Rebatet), la collection « Bouquins » a publié récemment un recueil des œuvres principales de Hugues Rebell dont seuls les gens de mon âge rappelleront qu’elles furent rééditées dans les années 80 par Hubert Juin, dans la collection 10/18, avec d’autres auteurs « fin de siècle ». Par Hervé Bel.
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Décédé en 2013 à l’âge de 64 ans, Denis Belloc ( (1949-2013) a marqué d’une empreinte noire la littérature française. Son œuvre, une dizaine de romans parus, s’abreuve au sirop de la rue. Mais ce liquide est violent et amer. C’est l’univers de la toxicomanie dans Képas (Lieu commun, 1989) ou de la prostitution dans Suzanne (Lieu commun 1988) qui forme le décor des romans de Belloc dont l’entière matière est autobiographique. Par Denis Gombert.
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04/10/2024, 13:08
Martial Cavatz a écrit un premier roman prometteur. Rien d’étonnant à ce que ce premier opus fasse parler de lui. Les caractériels est un roman d’apprentissage abouti. C’est un texte touchant et valeureux au sens le plus noble du terme. Il est sans concession sur la classe populaire et le handicap. Il est pourvu d’une rébellion propre au narrateur, ce qui en fait un texte passionné.
04/10/2024, 10:39
Marie Vingtras fait partie de ces rares auteurs européens qui écrivent comme les Américains. Un excellent roman noir où le shérif est ... une femme ! Nous revoici avec entre les mains un ouvrage de la rentrée qui concourt aux prix : Les âmes féroces de Marie Vingtras. Il a d'ailleurs déjà reçu le prix Fnac. Son précédent roman, Blizzard (2021) avait lui aussi été couronné de plusieurs prix.
03/10/2024, 16:40
En 1940, l’Allemagne inflige un sort tragique aux armées alliées dans les Ardennes, tirant avantage de leur désorganisation. Quatre ans plus tard, les trois armées allemandes qui s’élancent contre les lignes américaines affaiblies ne connaîtront pas le même succès.
03/10/2024, 13:49
Un ouvrage qui parcours l'histoire des reines de France, de Constance d'Arles à Marie-Antoinette. Nées à l’étranger pour la plupart, souvent même issues de dynasties rivales, les princesses qui deviennent reines de France renoncent à une part d’elles-mêmes.
03/10/2024, 12:45
Explorez les mondes enchantés des femmes décalées et fougueuses de Sangita Jogi. Des rêves qui prennent vie devant vos yeux ! Extravagantes ou à la pointe de la mode, pleines de fougue et de joie de vivre, confiantes quelle que soit la situation...
02/10/2024, 13:20
Le maître du « polar sudaf » se renouvelle avec un scénario de braquage ! Leo (trad. Georges Lory) est le thriller le plus « cinéma » de la série avec un minutage ultra-précis et parfaitement maîtrisé par un scénariste dopé à l'adrénaline !
01/10/2024, 11:25
Quarante-trois, ce sont quarante-trois courtes biographies de femmes qui ont choisi d’écrire sous pseudonymes masculins qui nous sont présentées ici. Ils sont elles, c’est le titre du livre de Catherine Sauvat publié chez Flammarion et qui nous présente des femmes, parfois connues, souvent oubliées, qui ont préféré signer d’un nom d’homme leurs écrits.
01/10/2024, 11:09
Chaque nuit, le même échange secret. Chaque nuit, cet espoir fou, murmuré par le jeune David uniquement pour les oreilles de sa sœur jumelle : « Un jour, Olive, je serai un train. » Une comptine, un sermon, une promesse indélébile, tout ça à la fois et plus encore. Ce pacte, s’il semble purement idéaliste, devient une prédiction funeste pour la famille tout entière. À travers ses yeux d’adultes, Olive chemine à travers son enfance jusqu’à cette nuit, moment fatidique de non-retour.
01/10/2024, 10:31
Les classes sociales furent longtemps le principal outil d’analyse de la structure de nos sociétés. Puis cette sociologie connut une éclipse, comme si les classes s’étaient évaporées dans un monde de plus en plus fragmenté.
30/09/2024, 15:57
RomansRentree2024 – Voici la première adaptation en bande dessinée intense et poétique du premier tome de la série de romans qui a conquis les lecteurs du monde entier. L'histoire de l'amitié entre Raffaella et Elena, Lila et Lenù.
30/09/2024, 09:00
S’inspirant de La Vie mode d’emploi de Perec, Zone base vie (éditions Gallimard, 2024) est le dernier roman de Gwenaëlle Aubry. Au fil de trois saisons dramatiques (PRINTEMPS, AUTOMNE, ÉTÉ...) condensées en trois heures vues aux prismes de personnages qui hantent le même immeuble parisien, son histoire couvre les trois premières vagues de Covid qui déferlèrent en France à cette période.
29/09/2024, 19:02
Librement inspiré de faits historiques, Jaadugar nous transporte au XIIIe siècle, dans une Perse menacée par les incursions de l’Empire Mongol sur son territoire. La petite Sitara est esclave, mais son jeune maître se prend d'affection pour elle et lui permet d’étudier. C’est son savoir qui va la sauver, puis sa rage qui va la propulser jusqu'à un fabuleux destin. Un subtil manga d’intrigue historique, aux allures de Persépolis.
28/09/2024, 19:41
Le binôme qui avait réalisé Toutes les morts de Laila Starr (trad. Benjamin Rivière), a remis le couvert, au sens presque propre, dans une oeuvre démoniaquement gastronomique. Manger pour vivre, vivre pour manger ? Quand on songe un instant au temps passer entre les courses, les repas, la digestion, l’évacuation… la réponse est dans la question, non ? Alors, va te laver les mains, avant de passer à table.
28/09/2024, 12:43
Valérie Perrin frappe fort et se hisse tout en haut des meilleures ventes de la semaine (du 16 au 22 septembre), avec 22.557 de livres écoulés pour Tata, paru aux éditions Albin Michel. Elle est talonnée par Gaël Faye qui a vendu 18.056 exemplaires.
27/09/2024, 15:41
Didier Wampas a le rock dans le sang. Transporté par les premiers morceaux qu'il entend, gamin, sur la radio familiale, il se prend une vraie claque lorsqu'à 17 ans il découvre les Undertones, mais aussi Clash, les Sex Pistols ou les Ramones.
27/09/2024, 10:57
Les éditions Dépaysage publient des auteur·e·s autochtones d’Amérique du Nord (collection « Talismans ») ainsi que des essais sur les populations autochtones (collection « L’entaille d’Orphée ») et sur les grands problèmes contemporains abordés par les sciences humaines et sociales en général et par l’anthropologie en particulier (collection « Sous l’écorce »).
27/09/2024, 06:44
Olivier Mannoni explore les distorsions du langage et leurs impacts sur la démocratie. Il dénonce les manipulations et confusions qui freinent les débats essentiels. Dans Traduire Hitler (2022), il évoquait déjà la montée de discours toxiques.
26/09/2024, 16:19
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