Dans ces temps de résurgence de nationalismes, chauvinismes et prurits identitaires, la littérature nous offre heureusement quelques pépites à leur encontre… Figure en bonne place parmi ces romans salutaires une œuvre qui obtint un franc succès juste avant le deuxième guerre mondiale : refusé par Gallimard, publié par Denoël, le roman «Les Javanais» fut couronné du prix Renaudot en 1939 et traduit en plusieurs langues. Par Marie Coat
Le 03/07/2022 à 09:00 par Les ensablés
0 Réactions | 321 Partages
Publié le :
03/07/2022 à 09:00
0
Commentaires
321
Partages
Son jeune auteur de trente ans, Jean Malaquais (du nom d’un pont de Paris), se revendiquera « métèque et apatride » toute sa vie, qui épouse le siècle. Wladimir Malacki naquit en 1908 à Varsovie, qu’il quitta en 1926 pour rejoindre la France, où il exerça divers petits métiers pour survivre, tout en apprenant le français tant auprès des petites gens que dans les bibliothèques où il dévorait les livres, de littérature française contemporaine en particulier. Puis à l’été 1936, il voulut rejoindre en Espagne les rangs du POUM, mais, dénoncé comme agent fasciste et provocateur par les staliniens, il dut rentrer au bout de deux mois en France.
Gide, dont il avait fait la connaissance en 1935 et qui avait décelé son talent d’écrivain, le soutint matériellement pour qu’il se consacre à l’écriture du roman qu’il portait en lui depuis son séjour comme ouvrier dans les mines de La Londe des Maures et qu’il intitula, assez mystérieusement, « Les Javanais ». Mobilisé en 1939 (alors qu’apatride...), il fut fait prisonnier, mais s’évada. Après deux années passées à Marseille dans le dénuement puis hébergé par Giono, il finit par obtenir comme nombre d’intellectuels français un visa pour les Amériques et émigra, via le Vénézuéla, au Mexique où il rédigea ses Carnets de guerre qui furent publiés avant son départ en 1946 aux États-Unis, où il noua une longue amitié avec Norman Mailer (dont il traduira en français « Les nus et les morts »).
À compter de 1947, il fit de nombreux allers et retours entre la France — où, notamment, il traduisit les ouvrages de Marx pour La Pléïade — et les États-Unis, où il enseigna jusqu’en 1968 la littérature européenne. Restant en prise sur les évènements majeurs tels que mai 68 en France ou le mouvement « Solidarnosc » en 1980, il se fixa à Genève dans les années 80, où il s’éteignit fin 1998 non sans avoir revu et corrigé son autre grand roman paru en 1947, « Planète sans visa », qui fut réédité en 1999.
Pourquoi intituler « Les javanais » un roman dont l’exotisme ne doit rien à l’île qui était alors une colonie néerlandaise ? L’île de Java de Jean Malaquais est un misérable camp de baraques en bois et en tôle entre mer et voie ferrée dans le sud de la Provence, où survit une population cosmopolite et bigarrée qui tire ses maigres ressources d’un travail exténuant dans de vieilles mines de plomb et d’argent insalubres, d’exploitation dangereuse, où seuls des damnés de la terre, des « races sans papier ni rien » s’aventurent.
Dans cette « île cachée au fond des bois » cohabitent quelque deux cents travailleurs apatrides ayant, pour certains, femme et enfants : une communauté de déracinés de tous pays ayant fui la misère, l’oppression, les querelles familiales, sans visa ni papiers, en délicatesse avec la justice ou simplement rêvant d’une vie meilleure. Des « Javanais », selon le terme populaire par lequel les Français désignent dans les années 30 toute personne ou langage,... qui leur paraît bizarre et incompréhensible.
Ancré dans une dure réalité qu’il a connue comme mineur à La Londe des Maures, Malaquais nous dresse avec truculence un tableau animé de cette colonie d’apatrides, de cabossés de la vie, venus de dizaines de pays — pour certains fort éloignés — où l’on communique dans un sabir franco-international des plus savoureux. Pendant les quelques mois où se déroule le roman, il croise les intrigues, entre solidarité et lâcheté, fidélité et trahison, et s’attache au parcours et à la personnalité de quelques figures majeures, des Hans, Elyacine, Giuseppe, Kamo, Sofia, Andrzej,… sont croqués avec vigueur et humour, mais aussi poésie et empathie, dans un langage inventif et tonique riche en trouvailles jubilatoires.
En semaine, les hommes triment sous la férule de petits chefs dans les mines dirigées — si l’on peut dire… – par un Anglais alcoolique qui, jadis dans l’armée des Indes, a perdu un œil et un bras au Bengale ; vétustes, exploitées dans des conditions illégales, elles sont un enfer voué aux accidents (ce qui finira par causer en partie leur fermeture). Le dimanche, les mineurs font une pause, fuyant un quotidien harassant et des réminiscences le plus souvent douloureuses lors d’une virée au village voisin, à l’épicerie-buvette d’une Madame Michel âpre au gain ou à la maison close d’un Estève guère plus recommandable, mais bien calé sur leurs préjugés et leurs certitudes d’enracinés ; moments plus ou moins consolateurs, dans les vapeurs de l’alcool et les bras des filles, où Javanais et locaux se côtoient sans se mélanger.
Les autorités — Carboni le gendarme, Anatole l’adjoint au maire…, dépeint par l’auteur en des termes sarcastiques — ferment avec complaisance les yeux sur les illégalités, jusqu’à ce qu’une série de catastrophes les acculent à y mettre fin, brutalement et sans délai, à la satisfaction des honnêtes gens : les Javanais doivent quitter Java — « île flottante, attachée à la queue du diable » — et reprendre leur errance à la recherche d’un « chez-soi » où ils seront toujours étrangers.
Dédicataire du livre, Gide saluait Malaquais pour son « lyrisme extraordinaire, de qualité tout à fait rare et spéciale » et pour « une grandeur épique, à la fois bouffonne et tragique ».
Si, en effet, Jean Malaquais campe avec empathie et lyrisme ses Javanais, c’est non sans ironie ou sens de la dérision, maniant avec gourmandise, pétulance et maestria sa langue d’adoption qu’il vivifie allègrement, passant avec délectation de son expression la plus pure à un argot des plus crus, d’une belle truculence rabelaisienne. Mais il sait toutefois en user avec une rigueur clinique pour décrire le travail dans les mines et dresser sans concession un contexte social ou psychologique.
Un livre généreux, lucide, tranche de vie à l’image de son auteur dont on dispersa les cendres de « métèque et apatride » là où se trouvaient les mines où il avait trimé, du temps où il était « javanais ».
Marie Coat — juin 2022
Par Les ensablés
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 01/01/2013
256 pages
Editions Phébus
9,10 €
Plus d'articles sur le même thème
Paru en 1968 dans la célèbre collection de Gallimard, « Les trente journées qui ont fait la France », La fin de la IIIerépublique est republiée quelques années plus tard dans une autre collection intitulée «Témoins». Ce passage révèle bien à la fois la nature de cet ouvrage mais aussi celle de son auteur, Emmanuel Berl (1892-1976). S’il est aujourd’hui tombé dans l’oubli (tout juste certains se souviennent qu’il fut le mari de la chanteuse Mireille), il a pourtant marqué la vie intellectuelle des années 1930 par ses positions que ses biographes qualifient volontiers d’inclassables. Par Carl Aderhold
06/07/2025, 10:45
« Nos pays ne sont pas beaux...mais il y a en eux une espèce de grandeur calme et comme un peu dédaigneuse qui est beaucoup plus captivante que la beauté ». Ainsi Charles Braibant (1889-1976), Champenois de lignée et de coeur, décrit-il sa région d’élection dans son roman Le roi dort qui, s’il rata de peu le prix Goncourt, fut couronné du Renaudot en 1933. Par Marie Coat
22/06/2025, 09:00
Dans la fosse commune de l’oubli, Georges Hyvernaud n’a non seulement rien fait pour l’éviter - en ne publiant que deux livres de son vivant - mais y a sauté à pieds joints. La Peau et les os (1949), court mais édifiant récit de sa captivité pendant la seconde guerre mondiale, puis Le Wagon à Vaches (1953), roman implacable de l’impossible réadaptation à une vie dite normale, prouvent que l’écrivain avait pris le parti non négociable d’une vérité humaine très difficile à vendre. Par Nicolas ACKER.
08/06/2025, 19:15
Né en 1908 à Varsovie, Vladimir Malacki - devenu par la suite Jean Malaquais (1908-1998) - quitta la Pologne à l'âge de 18 ans pour venir vivre en France. Mobilisé en 1939, il fut fait prisonnier, puis parvint à s'évader. Juif et apatride, il partagea alors l'existence précaire de nombre de personnes réfugiées à Marseille dans l'espoir d'obtenir un visa. Grâce à l'aide de son ami Gide, il obtint ce précieux sésame et gagna les Etats-Unis où il vécut plusieurs années, enseignant la littérature. Malaquais n'a publié que trois romans : « Les Javanais » (prix Renaudot 1939), « Le Gaffeur » (publié en 1953), tous deux objets de précédents articles et « Planète sans visa », grand roman de la France sous l'occupation, publié en 1947 et qu'il remania jusqu'à ses derniers jours. Ce roman de plus de 500 pages a été réédité en 1999 après sa mort.
25/05/2025, 09:41
Anne Lacroix (1897-1982) n’aurait publié qu’un seul roman, La Saint-Michel et le Pont-Euxin chez Grasset en janvier 1933. À cette date, elle a déjà commencé un deuxième roman, Rézle (et même annoncé un troisième titre, Les Bergers d’Arcadie), soumis en décembre de la fin de cette même année pour le Prix du roman du Temps ; les quelques voix qu’elle récolte seront insuffisantes pour qu’elle obtienne ce prix qui consiste dans la publication du roman dans les pages du quotidien. Mais, cinq ans plus tard, en mars 1938, Rézle paraîtra en feuilleton dans Le Temps. Il ne semble pas que la carrière d’Anne Lacroix ait connu d’autres développements. Par François Ouellet.
11/05/2025, 09:00
Lorsque la critique d’un livre est aussi intéressante, voire plus, que le livre dont elle parle, lorsqu’on se régale de son style, de son ironie, de sa drôlerie, et si transparaît à travers ses mots l’originalité de l’homme lui-même, alors on peut se dire qu’elle est elle-même œuvre littéraire, et que son auteur est un sacré bonhomme. Voilà la réflexion que je me suis faite après la lecture de ce recueil d’articles de Frédéric Berthet, récemment paru chez La Table Ronde sous le titre L’Impassible. Par Hervé BEL
27/04/2025, 09:00
Happe-Chair, un titre qui a tout de suite attiré mon attention. Je me trouvais alors dans une des dernières librairies anciennes de la rue Saint-Sulpice (pour combien de temps encore sera-t-elle là ?), dans la bonne odeur des vieux livres, lorsque je suis tombé sur la réédition de 1908 de ce roman de Camille Lemonnier publié une première fois en 1886 chez Kiestmaeckers… par Hervé Bel.
13/04/2025, 12:28
À l’occasion du centenaire de sa mort, la collection Bouquins consacre un volume à Jacques Rivière, critique et essayiste, véritable cheville ouvrière de la Nouvelle revue française dont il assura la direction durant plus de 10 ans. Mort prématurément en 1925 à l’âge de 39 ans, celui qui fut à la fois le grand ami et le beau-frère d’Alain Fournier, l’auteur du Grand Meaulnes, révèle par la quantité d’articles qu’il donna à la revue une perspicacité critique étonnante. Sensuelle et inspirée. Par Denis Gombert
30/03/2025, 09:00
Le monde des livres sous l’Occupation a déjà été étudié par l’historien Jacques Cantier qui s’était intéressé à la trajectoire de l’une des figures maudites des lettres françaises avec sa biographie de Pierre Drieu La Rochelle (Perrin, 2011). Cette fois, avec Lire sous l’Occupation, publié en 2019 et en poche en 2024 aux Éditions CNRS, il nous présente un panorama global de la lecture entre 1939 et 1945. , par Nicolas Acker.
16/03/2025, 16:50
En mars 2023, Gallimard publiait dans sa collection L’imaginaire un grand succès de son catalogue paru en 1929, réédité à huit reprises puis repris en 1934 dans sa collection de poche : La femme qui boit », première oeuvre d’une jeune femme de 29 ans, Pauline Toutey. Par Marie Coat
02/03/2025, 19:56
Né en 1908 à Varsovie, Vladimir Malacki - devenu par la suite Jean Malaquais - quitta la Pologne à l'âge de 18 ans pour venir vivre en France. Cette période de sa vie fut marquée par une grande précarité et par la volonté farouche de vivre de sa plume. Mobilisé en 1939 puis fait prisonnier, il s'évada et émigra vers le continent américain. Par Isabelle Luciat
16/02/2025, 10:09
Jean Meckert (alias Jean Amila, 1910-1995) est mort il y a trente ans… Pas tout à fait mort, car ses romans ont continué d’être réédités et nous n’avons pas manqué d'en parler dans nos colonnes (1). Cette fois, c’est la courageuse Ronces éditions (2) qui republie Le boucher des hurlus paru chez Gallimard en 1982 et signé du nom Jean Amila qu’il avait adopté pour ses romans publiés dans la Série Noire. Par Hervé BEL
02/02/2025, 19:38
Fille de José Marie de Heredia, épouse du poète Henri de Régnier, Marie de Régnier n’eût peut-être d’autre choix que de devenir une femme de lettres. Mais en adoptant un nom d’homme tout de même, société corsetée oblige ! C’est ainsi que Marie de Régnier entama très tôt une carrière littéraire au confluent de deux siècles, à la période de la Belle Epoque, sous le nom de de Gérard d’Houville, puis de Gérardine (la renommée de Caroline Rémy, dite Séverine, étant peut-être passée par là). Par Denis Gombert.
19/01/2025, 09:00
L’Avenue Louise est l’une des plus importantes artères de Bruxelles. On oublie souvent qu’elle fut dédiée à la princesse Louise (1858-1924), fille aînée de Léopold II, le roi bâtisseur qui rénova la ville. Et l’on a tout autant perdu le souvenir de l’histoire rocambolesque et tragique de sa déchéance au sein des cours européennes de son temps... Ces mémoires romancés offrent au lecteur les confessions rares d’une princesse égarée par le destin. Par Louis Morès.
05/01/2025, 09:00
On ne pouvait pas laisser s’achever cette année 2024 sans célébrer les cent ans d’un des chefs-d’œuvre romanesques du XXe siècle. Des chefs-d’œuvre, la littérature française en a produit son lot, et les centenaires à venir ne manqueront pas : en 2026, ce sera Les Faux-monnayeurs, en 2032, Voyage au bout de la nuit, en 2038, La Nausée, etc. Mais les auteurs ensablés aussi ont leurs grands et petits chefs-d’œuvre, dont certains ont été chroniqués ici même : L’Enfant à la balustrade, Les Javanais, par exemple. Et maintenant Mes Amis d’Emmanuel Bove : avis à ceux qui ne l’auraient pas encore lu. Par François Ouellet.
15/12/2024, 16:14
Un peu avant l'excellent Elisabeth que nous avons chroniqué , les éditions Le Passeur avaient réédité en 2023 le roman Le poil de la bête de René-Jean Clot (1913-1997). Une fois de plus, soyons reconnaissants à cet éditeur d’oser ainsi remettre au goût du jour des auteurs injustement oubliés. René-Jean Clot l’est inexplicablement. Par Hervé Bel
01/12/2024, 09:00
Lorsqu’il y a tout juste vingt ans, Anne de Tourville (1910-2004) décéda à 94 ans, elle était bien oubliée du monde littéraire et l’est encore à ce jour. Elle avait pourtant remporté le Prix Femina en 1951 avec son roman «Jabadao» devançant entre autres, dès le deuxième tour, Louise de Vilmorin et Michel de Saint Pierre. Par Marie Coat
11/11/2024, 09:40
La vie de Paul Gadenne (1907-1956) a été marquée par l'épreuve de la maladie qui le contraint à abandonner une prometteuse carrière de professeur de lettres classiques et à séjourner périodiquement au sanatorium de Praz-Coutant, en Savoie (cadre de son premier roman « Siloé », objet d'un précédent article). Paul Gadenne termina ses jours à Cambo-Les-Bains, station thermale du pays basque reconvertie dans les années 30 en centre de cure pour les tuberculeux. Par Isabelle Luciat.
27/10/2024, 09:00
Non, Paul Nizan (1905-1940) ne fut pas seulement l’auteur d’un incipit resté célèbre et redécouvert par la jeunesse étudiante de mai 1968. « J’avais 20 ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ». Cette « accroche » solennelle cache hélas un peu trop une oeuvre hybride passionnante. Mort en soldat à 35 ans en 1940, il fut jeté aux oubliettes de l’Histoire, répudié par ses camarades communistes.
Par Nicolas Acker
13/10/2024, 18:34
On ne lit plus Octave Feuillet (1821-1890), auteur à très grand succès du Second Empire et favori de lˊImpératrice Eugénie ; seul son nom sur la plaque bleue dˊune rue tranquille et banale du XVIème arrondissement, où habitaient de bons amis, m’a un jour rendu curieux de le connaître.
Les titres de ses romans ont l’odeur des armoires à linge bourgeoises, encaustique et lavande : « La Petite Comtesse » (1856), « Histoire de Sybille » (1862), « Julia de Trécoeur » (1872), voire réminiscents de la Comtesse de Ségur « Le Roman dˊun jeune homme pauvre » (1858)… Par Herbert Dune.
29/09/2024, 09:00
Paru en 1925, puis réédité dans une édition illustrée en 1930, La Revanche d’André Thérive (de son vrai nom Roger Puthoste) est un livre qui parle de la vieillesse, de la sénilité, de la mort, et surtout de la mesquinerie des vivants… Rien qui puisse a priori attirer le lecteur « feel good » Mais le style est magnifique, avec, l’air de rien, une musique enchanteresse. Quant à la fin du roman, autant le dire, elle est sublime. Soudain, après le crépuscule, c’est la lumière qui surgit, d’autant plus incandescente qu’elle est environnée d’ombres..
Par Hervé BEL.
15/09/2024, 09:00
Romancier, auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont La Fleur qui chante, chroniqué pour Les Ensablés par François Ouellet, André Beucler est un homme aux multiples talents. Il s’intéresse ainsi au cinéma, pour lequel il écrit plusieurs scénarios et même réalise quelques films. Mais Beucler brille aussi dans un tout autre exercice, le journalisme. De par ses contraintes notamment en termes de longueur et de style, l’article de journal s’apparente à l’art de la nouvelle ou du découpage en scènes du cinéma, un art dans lequel Beucler s’épanouit avec une aisance et un brio remarquables. Par Carl Aderhold.
25/08/2024, 09:00
Après la réédition du chef-d’œuvre Campagne (prix Femina 1937) dont même Le Monde s’est fait largement l’écho en 2023, les éditions Le Passeur republient aujourd’hui Élisabeth, troisième roman de Raymonde Vincent. Comme Marguerite Audoux (voir notre article sur Marie-Claire), elle fut un phénomène littéraire, s’avérant capable d’écrire un grand livre aussitôt remarqué et publié, alors qu’elle avait été illettrée pendant toute son enfance. Par Hervé BEL.
04/08/2024, 09:29
Encore connu des cinéphiles pour les adaptations au cinéma de ses romans Remorques (adapté par Jean Grémillon) et Capitaine Conan (prix Goncourt 1934, adapté par Bertrand Tavernier), Roger Vercel est un remarquable écrivain de récits maritimes, inspirés de témoignages de marins, recueillis à Dinan, ville où il vécut et exerça le métier de professeur de lettres. Par Isabelle Luciat
14/07/2024, 09:00
L’écoute d’un opéra de 1920 ensablé jusqu’à la fin du dernier siècle peut mener à la lecture d’un roman également ensablé pendant plusieurs décennies, l’un comme l’autre très célèbres en leurs temps et fort heureusement resurgis… quoiqu’ insuffisamment pour le livre, qui mérite largement un coup de projecteur. Par Marie Coat
23/06/2024, 09:00
C’est au début des années 80 que l’on commence à reparler Raymond Guérin. Les éditions « Le tout sur le tout » ont alors le courage de rééditer certaines de ses œuvres. Jean-Paul Kaufmann écrit sa biographie, remarquable comme tout ce qu’il fait, dans 31 rue Damour. Des articles sortent… Puis nouvel oubli, même s’il reste publié dans la collection Imaginaire, antichambre de l’oubli définitif. un oubli relatif à dire vrai. Régulièrement, des maisons d’édition (où trouvent-elles ce courage?) rééditent en effet une de ses œuvres. Finitude est de celles-ci. Par Hervé Bel
09/06/2024, 09:00
Merveilleuse parution chez Bouquins d’un inédit de Jean-René Huguenin. Les enfants de septembre, roman ébauché et par conséquent forcément inachevé révèle toute la palette émotionnelle et stylistique de JRH, auteur génialement prometteur décédé à 26 ans. Par Denis Gombert
26/05/2024, 09:00
Ce livre sensible et affranchi, à la croisée des genres de l’essai romancé et de la confession autobiographique, pousse à vouloir aller au-delà du visible, et à comprendre les fondamentaux de l’être dans les situations qui le déterminent et le construisent. Un flux de souvenirs et de sensations s’y déploie, dans une prose sans filtre avec en arrière-fond cette rivière berçant le pays de Charleroi qui entraîne l’esprit du narrateur dans les méandres géographiques, historiques et intimes de la formation d’un imaginaire. Par Louis Morès.
12/05/2024, 09:00
Né en 1899 à Saint Brieuc, dans une famille de condition modeste, Louis Guilloux a publié de nombreux romans dans lesquels il a témoigné d'une attention particulière pour les pauvres et les laissés pour compte. Son premier roman La Maison du peuple, publié en 1927, évoque la figure de son père, cordonnier et militant socialiste. Son œuvre la plus célèbre Le Sang noir (objet d'un précédent article) s'inspire de la vie de George Palante qui fut son professeur de philosophie et son ami. Par Isabelle Luciat.
28/04/2024, 10:59
Ces derniers temps, j’ai lu une romancière à l’écriture discrète et touchante qui se nomme Laurence Algan. On ne saurait presque rien d’elle si, en juillet 1944, elle n’avait répondu à l’enquête biographique que le journaliste et romancier Gaston Picard menait à l’époque auprès des écrivains pour le compte du Centre de documentation de la BnF ; les éléments biographiques fournis par l’écrivaine, Paul Aron les présente succinctement dans un article qu’il a intitulé « Une femme si simple » et qui est paru dans Les Nouveaux Cahiers André Baillon en 2014. J’y suis allé voir de plus près. Par François Ouellet
14/04/2024, 09:00
A l’automne dernier, sur les tables de la librairie chargées de l’abondante moisson de la rentrée littéraire, le regard est attiré par un livre relié entoilé d’un jaune éclatant, d’une romancière inconnue, Marie Laure. Son titre primesautier - La chambre des écureuils - intrigue : conte pour enfants ou ouvrage libertin ?
Ni l’un, ni l’autre, et il s’agit d’une réédition, chez Seghers, d’un roman écrit en 1946 -mais publié en 1955- par une femme hors du commun, bien plus célèbre comme mécène des arts et instigatrice de fastueuses fêtes mondaines, que comme écrivaine. Le pseudonyme de Marie Laure est en effet celui de Marie-Laure de Noailles, surnommée par l’une de ses biographes « la vicomtesse du bizarre ».
Par Marie Coat
31/03/2024, 09:00
La vie de Louise Hervieu (1878-1954) n'a pas été facile. Née hérédosyphilitique (cela existait encore en ce début de Troisième République), elle eut une santé fragile qui la contraignit à un moment de sa vie de se retirer et ne plus se consacrer qu’à l’art graphique et à l’écriture… Enfin, pas tout à fait. Sensible pour des raisons évidentes aux problèmes de santé, elle milita activement à l’instauration du « carnet de santé » et parvint à ses fins en 1938.
En 1936, elle obtient pour « Sangs » (publié chez Denoël) le prix Femina au 4eme tour, l’histoire d’une enfant à l’hérédité implacable, que l’amour ni la richesse de sa famille ne peuvent guérir, ne peuvent écarter de la malédiction du « mauvais sang »
On n’échappe pas à son malheur.
Par Henri-Jean Coudy
17/03/2024, 09:00
« Ouf,
La bonne étape, le relais avant de s’élancer vers d’autres lieux,
à portée de main, en sortant de chez lui la première maison de la rue Granchois. »
Ainsi débute la grande aventure de Francis Dubalu, représentant de commerce la firme Breganti, qui part pour la première fois démarcher de nouveaux clients en province.
Ce sont les éditions de La Grange Batelière dont on connaît le riche catalogue, qui ont eu la bonne idée de republier le premier roman de Bernard Waller.
Initialement paru dans la prestigieuse revue NRF en novembre 1960 avant de connaître, un an plus tard les honneurs de la collection blanche, Dubalu est un texte d’une incroyable modernité, qui n’a pas pris une ride.
Par Carl Aderhold
03/03/2024, 09:00
Dans cette fiction historique qui prend place durant les Cent-Jours avec comme moment culminant la bataille de Waterloo, un Bruxellois d’origine flamande, Jean Van Cutsem, vit une crise existentielle : alors que le frère de sa fiancée wallonne rejoint Napoléon, il est pour sa part enrôlé dans l’armée hollandaise sous le commandement du Prince d’Orange… Un roman engagé et détonnant, où les questions de l’identité, de la loyauté et du courage s’affrontent avant tout dans le for intérieur d’un jeune soldat jeté malgré lui sur les routes de la guerre.
Par Louis Morès.
18/02/2024, 09:00
J’ai commenté ici même, précédemment, la biographie de Maria Borrély (1890-1963) publiée par Danièle Henky en 2022 (Maria Borrély. La Vie d’une femme épanouie). Les romans de Borrély, qui s’apparentent à ceux de Giono et de Ramuz, sont à redécouvrir impérativement. Danièle Henky, dont le « sujet de prédilection, c’est le destin des femmes », expliquait-elle récemment, s’intéresse, dans son nouvel ouvrage, à l’écrivaine et journaliste Claude Dravaine (1888-1957). La Livradoise. L’Énigme Claude Dravaine est publié chez Hauteur d’Homme, une maison régionaliste sise dans une commune du Massif central. Par François Ouellet.
04/02/2024, 09:00
Après Romans exhumés (chez EUD, 2014), Littérature précaire (toujours chez EUD, 2016), notre ami et chroniqueur des Ensablés, François Ouellet, publie aujourd’hui, sous sa direction, un nouvel opus dédié à la redécouverte d’auteurs oubliés, vaste domaine, on le sait, qu’une vie ne suffira jamais à explorer totalement. Il s’est entouré pour cela d’éminents spécialistes dont le regretté Bruno Curatolo, savant érudit, par ailleurs un des « redécouvreurs » de Raymond Guérin. Pour nos lecteurs assidus depuis quatorze ans (déjà !), ce livre est indispensable. Par Hervé Bel.
22/01/2024, 12:17
Autres articles de la rubrique Livres
« Les lieux de drague, en France, on en compte presque autant que de supermarchés. » C’est depuis ce constat que s’ouvre le livre d’Adrien Le Bot, qui nous entraîne dans des espaces aussi nombreux que méconnus, souvent dissimulés à la vue de tous : l’arrière d’une zone commerciale, une aire de repos, la lisière d’une forêt.
20/07/2025, 09:00
Mobilisant des découvertes scientifiques récentes qu’elle croise avec des travaux anthropologiques novateurs, Sarah Blaffer Hrdy révèle au grand public les fondements biologiques de l’attachement paternel et le rôle transformateur des bébés.
20/07/2025, 07:00
Lorsque les frère et sœurs Larkin quittent le foyer parental, chacun vit un fragment du « rêve américain ». Myra travaille comme infirmière en prison tout en élevant seule son fils ; Lexy mène une vie confortable dans une banlieue aisée ; Fiona s’installe dans le milieu artistique de New York ; Alec, ancien enfant de chœur, disparaît dans les marges de l’Amérique rurale. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Porte.
19/07/2025, 08:00
Un beau matin, Christophe Siébert est allé voir son éditrice, Marion Mazauric du Diable Vauvert, et il lui a dit quelque chose du style : « J’ai inventé un minuscule État coincé entre la Russie et l’Ukraine, il compte 4 millions d’habitants. Je vais y raconter tout plein d’aventures bizarres. Ah ! Et aussi, ça me prendra 20 volumes ». Ce à quoi l’éditrice lui aurait simplement répondu : « Ok ! allons-y ! »
18/07/2025, 19:35
Nous nous excusons d'avance auprès des amateurs de sensations fortes et de rebondissements, car en cette semaine 28 (du 7 au 13 Juillet 2025), les meilleures ventes sont aussi palpitantes qu'une étape de plaine du Tour de France. Surtout lorsqu'on connait d'avance le vainqueur au sprint : Freida McFadden pour l'équipe Femme de ménage.
18/07/2025, 12:25
Rue Banérgatan, Stockholm, juin 2016. L’été est caniculaire. Un élément qui peut aider à expliquer que Bea et Niklas se sont disputés plus tôt. Lui devait s’occuper d’une réservation, mais ne l’a pas fait. Elle ne rêve que d’une chose : enfin aller à Gotland, au frais, avec sa petite famille. Leurs vacances sont ainsi compromises. Il est désormais plus de minuit, et Niklas ne répond toujours pas aux messages de sa femme – qui commence, sans surprise, à perdre patience…
18/07/2025, 10:47
Voilà un texte âpre et incisif, où se brosse le portrait d’une fratrie cabossée par l’histoire familiale et la violence sociale, au cœur d’un Paris populaire. À travers le regard désabusé du benjamin, l’ouvrage déroule un récit familial marqué par l'abandon, les non-dits et les cicatrices héritées d'un passé colonial encore brûlant.
18/07/2025, 09:01
Comment revenir dans sa ville natale, trente ans après l’avoir quittée. Convoqué par son frère au chevet de leur père mourant, Jean-Noël Dutilheul renoue avec un territoire familial et intime qu’il avait tenté d’effacer. À travers ce récit en clair-obscur, l’autrice interroge l'exil intérieur, la mémoire des lieux et les blessures du passé.
18/07/2025, 08:56
En cette rentrée littéraire, les éditions Sabran nous offrent une autre relecture féministe de la mythologie grecque, signé Jennifer Saint. Cette fois-ci, elle redonne de la voix et de la puissance à Atalante, seule femme parmi les Argonautes. Aux côtés d’Artémis, d’Hercule, de Jason et de son équipage légendaire, découvrez cette héroïne qui trace sa propre voie, et refuse les rôles imposés par un monde dominé par les hommes.
18/07/2025, 08:30
Si vous avez aimé If We Were Villains, de M. L. Rio (trad. Louise Malagoli, Hauteville), vous aimerez à coups sûrs ce nouveau roman, promettent les éditions De Saxus. L'intrigue ? Un garçon qui, un jour, enfonce une lame dans sa propre poitrine et se l’ouvrit... Pour s'arracher le coeur.
18/07/2025, 08:00
Entre flacons et éditions reliées, la frontière se trouble. Depuis longtemps, la littérature prête ses mots, ses ambiances, ses personnages à l’univers des senteurs. Certaines fragrances naissent d’un roman, d’une poésie ou d’une figure iconique des lettres. Ce dialogue discret, mais constant, entre le nez et la plume, esquisse une cartographie sensible du lien entre lecture et parfum.
17/07/2025, 10:46
Un narrateur truculent, un jeune Honoré de Balzac, entraîné dans une enquête noire sur fond de société post-révolutionnaire... Faux roman historique et vraie farce tragique, ce texte aussi théâtral que littéraire n’échappe pas à ses propres excès. Mais un peu trop, c'est juste assez pour moi, disait presque Cocteau.
17/07/2025, 09:17
À contre-courant d’une historiographie francophone lacunaire, cet essai de Michael Lucken interroge avec rigueur l’occupation américaine du Japon après 1945. En faisant du pragmatisme le fil rouge de son essai, l’auteur explore les ambiguïtés d’un projet démocratique sous contrôle militaire.
17/07/2025, 09:13
Mettre au monde, c’est le métier de Jill, sage-femme dans un hôpital de la banlieue parisienne. Ne pas mettre au monde, c’est le sujet de Marguerite, chercheuse à l’université, qui étudie l’histoire des avortements illégaux et prépare un colloque sur la loi Veil.
17/07/2025, 09:00
Peter est un jeune garçon, différent des autres, qui dit ce qu’il pense, un peu torturé, souffre-douleur des brutes de sa classe dont Gus, son voisin particulièrement violent. L’arrivée de Charlie qui va prendre sa défense et vouloir devenir son amie, lui ouvrira de nouveaux espoirs pour alléger un quotidien bien lourd à porter.
17/07/2025, 08:41
Avec éclat, la comédie musicale états-unienne incarne et justifie l’artifice de Hollywood. Pénétrer dans son intimité, tel est le but de cet opus. Avec ses coutumes et ses légendes, sa frivolité et sa morale, sa passion des corps et son goût de l’espace, pendant trente ans, le musical fut un monde. Il fallait examiner sa genèse, ses lois et sa fin, décrire ses régions, Warner, mgm ou Fox, mais aussi découvrir son unité et son sens.
17/07/2025, 07:00
Ruth vit dans une maison victorienne avec Dino, son ancien compagnon, un petit trafiquant au comportement fantasque. Les journées s’étirent entre désœuvrement et mélancolie, jusqu’à ce qu’elle entame une nouvelle vie sous le nom de Baby, danseuse dans un club de strip-tease. Sous les projecteurs, elle revêt un autre visage. Mais la disparition soudaine de Dino fait basculer son fragile équilibre.
16/07/2025, 17:17
« Il est incroyable que la perspective d’avoir un biographe n’ait fait renoncer personne à avoir une vie ». Cette boutade de Cioran ne s’applique guère à la biographie d’Antoinette Fouque sous la plume de Jocelyne Sauvard. En effet, elle relève avec brio le défi d’avoir à faire surgir d’entre ses pages la figure d’une femme, une femme à la raison ardente, au pragmatisme inspiré, à la fougue réfléchie, une femme écartant les césures artificielles pour affronter le réel et pour dire la réalité d’un combat pour les femmes. Texte par Laurence Zordan.
16/07/2025, 14:03
Avec Les héros du peuple sont immortels, Stéphane Oiry raconte l’histoire de Gilles Bertin, de l’ascension du groupe punk Camera Silens qui a animé la scène bordelaise entre 1981 et 1986, d’un braquage désormais fameux, d’un exil douloureux, de relations amoureuses, d’une maladie infectieuse et finalement d’une rédemption salvatrice. Il retrace toute une époque (presque une épopée), à travers une destinée hors du commun et pourtant profondément humaine.
16/07/2025, 13:52
Dans Rêve d’une pomme acide, Justine Arnal dissèque la vie ordinaire d’une femme mariée et mère de famille avec une lucidité implacable. Sous une prose apparemment douce s’enroule un texte tendu, ironique et amer, où l’usure domestique se mêle à la résignation silencieuse.
16/07/2025, 09:48
Dans ce nouveau roman et brûlent les enfances, Virginie Noar dissèque l’enfance sous un jour peu flatteur, loin des clichés d’innocence et de spontanéité. Un récit dense, porté par une langue nerveuse, où le désespoir affleure sous les faux-semblants du quotidien.
16/07/2025, 09:40
Le jour de la rentrée, Emma, 12 ans, partage un petit rituel secret avec ses meilleures amies. Un moment complice, entre amulette improvisée et formule murmurée. Chacune glisse un vœu dans l’univers, sans vraiment y croire. Sauf que, cette fois, quelque chose se passe.
15/07/2025, 18:38
Commenter cet article