Première tentative, avortée, début 2000. Puis en 2020, le patron des éditions Humanoïdes Associés, Fabrice Giger avec l’éditeur et journaliste, Vincent Bernière, décident de relancer le magazine culte de la SF, Métal Hurlant. Près de 14.000 préventes plus tard, sortait le 29 septembre, le premier numéro du magazine, nouvelle mouture, réunissant une équipe de rédacteurs et d’artistes pour une nouvelle aventure. À l’occasion de la sortie du 3e numéro, l’un des fondateurs du périodique et son rédacteur en chef historique, Jean-Pierre Dionnet, nous raconte...
Le 09/06/2022 à 13:01 par Hocine Bouhadjera
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09/06/2022 à 13:01
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En janvier 1975, un météore illuminait le ciel de la bande dessinée à la française dominée par la BD franco-belge : Métal Hurlant. Le magazine, qui ne s’est jamais arrêté dans sa version américaine, Heavy Metal, a inspiré les plus grands cinéastes de l’imaginaire, tels George Lucas et sa saga Star Wars, George Miller et son Mad Max ou encore Ridley Scott pour Blade Runner. La nouveauté à l'époque : une SF sans concession, provocante, innovante et créative. Une première version qui proposa 133 numéros jusqu’en 1996.
Pour le premier numéro de ce Mook de 288 pages qui signa le retour du titre culte, les curieux et passionnés de BD et de science-fiction ont pu découvrir une trentaine de récits inédits d’anticipation, où chaque auteur imaginait un futur proche à l’aune de notre présent.
Après un deuxième numéro qui offrait 23 histoires, créées entre 1975 et 1987, et sélectionnées par son cofondateur et rédacteur en chef historique, Jean-Pierre Dionnet, ce troisième numéro, Vacances sur Mars, revient aux intrigues inédites. Des récits sur notre rapport à la planète rouge signés par des auteurs comme Marc Caro ou Frederik Peeters, agrémentés d’articles et de billets scientifiques autour de la planète des Chroniques martiennes.
ActuaLitté : Qu'est-ce que le retour de Métal Hurlant vous inspire ?
Jean-Pierre Dionnet : Déjà, il y a eu un faux retour de Métal Hurlant en 2000 dans un nouveau format comic book. C’était une mauvaise idée, parce que le périodique n’avait pas trouvé sa place dans les librairies (il n’était pas disponible en kiosques) à côté des titres Marvel et autres DC Comics. Pour le retour de 2021, à part m’avoir prévenu qu’ils allaient relancer le magazine, je n’ai pas été mêlé à cette renaissance. C’est un dénommé Vincent Bernière qui s’est occupé du premier numéro, et si je n’ai pas envie d'en dire du mal, j'ai trouvé que l’ambition de reproduire ce qu'on avait fait à l'époque, ne fonctionnait pas.
47 ans avant, on ne savait pas qu'il y aurait internet, les téléphones portables. On avait une télévision en noir et blanc, on pensait qu’en 2000, il y aurait des autoroutes avec des voitures volantes et qu'on irait sur Mars en 1988. Rien de tout ça ne s’est produit ! (Ndr : en décembre 2021, Vincent Bernière a été remplacé par Jerry Frissen au poste de directeur de la rédaction.)
Quelle direction souhaiteriez-vous que prenne ce nouveau Métal Hurlant ?
Jean-Pierre Dionnet : J'ai rencontré Cécile Chabraud (membre du comité de rédaction) à Paris. J'ai également pu longuement discuté au téléphone avec Jerry Frissen, et je leur ai dit que je souhaitais que Métal Hurlant maintienne l’inventivité de la première mouture, mais avec des nouveaux dessinateurs, scénaristes ou des vieux qui ont compris que le monde avait évolué. D'une telle base, on peut arriver à faire quelque chose de très étonnant et de neuf, et surtout ne pas copier le premier Métal. Et quand j'ai vu le résultat du troisième numéro, ça m’a réjoui.
Qu’est ce qui vous a particulièrement plu dans ce 3e numéro ?
Jean-Pierre Dionnet : J'ai d’abord trouvé que les bandes dessinées étaient bien réalisées. Les vacances sur Mars, c'est une bonne idée. Je m'attendais à retrouver la Mars que je connaissais : la planète rouge avec les martiens à la Ray Bradbury ; et bien je n'ai rien trouvé de cette sorte, et c’est fantastique. Mes martiens datent de 1959, vous imaginez...
Les histoires sont également très bien et proposent de vrais regards sur notre troisième millénaire, que ce soit à partir d'éléments qui se sont déjà réalisés, ou alors potentiellement concrétisables. Certaines sont très originales, avec de vrais points de vue, parfois assez choc. Je ne vais pas donner de nom en particulier, car à peu près tout le monde est bon, sauf un, et je ne dirai pas lequel… J'ai également remarqué qu'il y avait la moitié de femmes, et qu'elles dessinaient toutes bien. A une période, on imposait un quota de femmes, peu importe la qualité. C’était totalement con : elles sont bonnes ou elles ne le sont pas.
Pages 211 de Métal Hurlant n°3 (Planche d'Elene Usdin).
Qu'est ce qu'un titre de ce type peut apporter à des auteurs de BD ?
Jean-Pierre Dionnet : Un magazine de ce type, ça sert à progresser. Sur ordinateur, avec la rétro-lumière, tout est beau, mais sur papier, les dessinateurs s’aperçoivent que leurs fameuses magnifiques couleurs, et bien elles ne sont pas si magnifiques. Que leur super trait, il n’est pas si super. En étant une première fois publié, certains ont fait des progrès insensés dès leur deuxième publication. Parfois, il en faut trois, voire plus pour se trouver graphiquement… Frank Margerin a par exemple mis 4 ans pour véritablement maîtriser son sujet.
Comment avez-vous ensuite été intégré dans le nouveau Métal Hurlant en menant le numéro 2 ?
Jean-Pierre Dionnet : La nouvelle équipe de Métal Hurlant souhaite réaliser une alternance de numéros de créations, avec des numéros vintage qui reprennent des histoires historiques du titre. Ils m’ont donc appelé pour discuter du numéro 2, et me soutirer des informations pour le réaliser. Parfois, il m’expliquait avec politesse que mes choix n’étaient pas faisables, car ça ne respectait pas une forme de chronologie (rires).
Au sujet de ce troisième opus, ils m’ont demandé si je pouvais être une sorte de parrain. J’ai répondu que je n’étais pas Don Corleone, mais que je voulais bien être l’ange tutélaire du magazine, comme dans It’s a Wonderful World (La Vie est belle), de Frank Capra. L'ange tutélaire est présent le moins possible, mais a des points névralgiques.
Certains regrettent la dimension contre-culturelle, underground, de l’ancien Métal Hurlant…
Jean-Pierre Dionnet : On n’était pas underground. C'était le monde qui était un peu coincé. L’époque du post-De Gaulle, post-68, ne m'avait pas impressionné d’ailleurs, puisque la révolution s’était arrêtée avec les vacances d'été. On a été le pays où la révolution a été la plus courte : en septembre, c'était plié.
Des projets personnels en préparation ?
Jean-Pierre Dionnet : J’ai des projets de scénario de BD et je travaille sur mon premier roman. Il n’y a pas d’âge pour se lancer. Mais je suis devenu superstitieux, alors j’en parlerai pas. Je dirais simplement que ce roman devrait faire environ 150 pages. J’en ai marre des gros livres, c’est pour ça que j’écris à la main, pour éviter d’en écrire trop… Je retrouve également, toujours avec ce travail, mes pratiques de jeunesse, quand je prenais peu de notes et que je laissais les scénarios tourner dans ma tête. Pourquoi ? Parce que je relisais les phrases que j’avais écrites au milieu de la nuit : d’abord, ce n’était pas lisible, et deuxièmement c’était complètement con ! J'avais des idées d'imbéciles !
Je vais également peut-être revenir à Métal Hurlant nouvelle formule. On m'a demandé une histoire. Si je la fais, ce sera la suite d'un texte que j'ai écrit il y a 40 ans. A la fin de ce premier récit, j’avais mis « à suivre ». Il pourrait donc enfin avoir sa progression, 40 ans plus tard, et en temps réel !
Revenons à Métal Hurlant pour terminer.
Jean-Pierre Dionnet : Dans les périodiques de bande dessinée aujourd'hui, on trouvait encore de l’originalité chez mes amis de Charlie Hebdo et de Fluide Glacial. Avec le retour de Métal Hurlant, espérons que d’autres suivront, et qu'il y aura un nouveau mouvement dans le monde des magazines de BD. Et maintenant, j'attends les numéros suivants.
Pages 125 de Métal Hurlant n°3 (Planche d'Afif Khaled).
Les passionnés de BD et les curieux pourront également entendre Jean-Pierre Dionnet au Festival Lyon BD, le samedi 11 juin. Il participera à une table ronde autour de Métal Hurlant. Ce dernier interviendra également après la projection du film également nommé, Métal Hurlant, sorti en 1980 et inspiré du magazine, au cinéma Comoedia, toujours le samedi.
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Enfin, du 10 au 12 juin, Lyon BD accueillera un stand des Humanoïdes Associés où seront présents des auteurs du troisième numéro de Métal Hurlant, dont Virginie Augustin, Elene Usdin, ou encore Aimée de Jongh.
Crédits : Jean-Marie Marion
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
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