En novembre, Fnac et Rakuten-Kobo ont lancé leur abonnement ebooks, Kobo Plus by Fnac. L’idée : s’inscrire dans le développement, de tous les secteurs des industries culturelles, de l'abonnement catalogue. Marc Sarfati, manager Marketing chez Rakuten-Kobo et Agnès Panquiault, directrice du développement catalogue Europe de l'enseigne canadienne, nous présentent les spécificités de cet abonnement, mais également la stratégie de l'entreprise pour se faire une place entre l’abonnement Kindle porté par le mastodonte Amazon, et l’abonnement Youboox, porté par le suédois Nextory. Une présentation qui s'étend aux deux nouvelles liseuses de la marque, les Kobo Libra 2 et Kobo Sage.
Le 16/12/2021 à 11:34 par Hocine Bouhadjera
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16/12/2021 à 11:34
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ActuaLitté : La grande annonce de Kobo cette année, c’est la nouvelle offre d’abonnement, Kobo+. Comment fonctionne-t-elle ?
Agnès Panquiault : Pour un prix de 9,99 €, c’est 57.000 titres en français et 600.000 titres en anglais qui sont disponibles pour les abonnés Kobo Plus by Fnac. L’offre est surtout tournée vers le contenu en langue française, puisque les Français, en général, lisent peu en langue étrangère. Les lecteurs peuvent profiter d'une période d’essai de deux semaines, et non un mois comme le fait Netflix, en conformité avec la loi française. Nous proposons enfin un catalogue analogue au poche vis-à-vis de la version grand format, donc des livres qui ont prouvé leur succès auprès des lecteurs. C’est une garantie de largeur d’offre et aussi d’adéquation avec l’attente des lecteurs. Quand on parle d’abonnés, on parle de toute façon de gros lecteurs.
Qu’est-ce qui a motivé ce choix de lancer un abonnement de la part de Kobo, connu pour ses liseuses et sa librairie d'ebooks ?
Agnès Panquiault : On a fait une étude quantitative il y a 3 ans avec la Fnac sur un panel de 1000 lecteurs, donc une étude assez importante. Les questions étaient : est-ce que les lecteurs sont intéressés par des formules d’abonnement ? Et que s’attendent-ils à trouver dans une offre d’abonnement d’ebooks ? Il en était d’abord ressorti que oui, ils étaient intéressés par une formule d’abonnement. Car acheter une nouveauté grand format papier reste un pari, et c’est un coût non négligeable, surtout quand il s’agit d’un gros lecteur.
L’abonnement permet d’avoir accès à une sélection de titres sélectionnés pour rassurer l’abonné, ce qui abolit cette question de prix, et minimise la « prise de risque ». Il était également ressorti de cette étude que les personnes comprenaient, de ce fait, qu’ils n’auraient pas accès aux dernières nouveautés, mais à un catalogue analogue au poche.
Pourquoi cette offre a-t-elle été aussi longue à être déployée au regard de celles déjà existantes ?
Agnès Panquiault : Il y a effectivement déjà deux offres qui nous précèdent : Kindle et Youboox. Mais je dirai que Youboox est déconnecté des libraires, alors que l’intérêt de Kobo By Fnac, c’est justement d’être adossé à un libraire, la Fnac, qui fait des recommandations et s’inscrit dans l’écosystème livre. L’intérêt de Kobo, c’est d’avoir un lectorat qui consomme en papier, en abonnement, en livre numérique, et de faire coexister tous ses lectorats en bonne intelligence. Donc on a pris notre temps, mais on vient avec une proposition originale et personnalisée.
Comment s’articule le partenariat avec Frac pour Kobo + ?
Marc Sarfati : Le partenariat avec la Fnac, qui passe par le label Kobo By Fnac, existe depuis 8 ans maintenant, donc ce n’est que la continuité logique d’un long compagnonnage. Aujourd’hui, Kobo By Fnac, ce sont des liseuses, des ebooks, des livres audio, des cartes cadeaux, et maintenant, c’est aussi un système d’abonnement aux ebooks. On est donc dans un approfondissement d’une relation qui dure et qui continue à se développer. Plus globalement, Rakuten-Kobo, qui est une société canadienne, a un accord avec la Fnac de partenariat exclusif dans plusieurs domaines.
Ce qu’ils nous apportent ? La marque et l’expertise Fnac, spécialiste du livre, et premier libraire français. Ils vont également nous amener leur clientèle de lecteurs. De notre côté, nous pouvons faire valoir notre connaissance d’un métier de service, des liseuses, les catalogues internationaux et les données de lecture (reading data) et la connaissance du lecteur numérique. La base du partenariat, c’est la complémentarité et la réciprocité. La Fnac a fait un partenariat avec nous, parce qu’ils veulent développer le numérique en plus du papier.
Quelle est la valeur ajoutée du service par rapport à la concurrence ?
Agnès Panquiault : La valeur ajoutée c’est d’abord, tout simplement, les liseuses.
Marc Sarfati : Effectivement, on propose tout un écosystème : on a les liseuses, on a une application gratuite qui est téléchargeable sur iOS, sur le site de Kobo, depuis la liseuse, les applications... Aujourd’hui, le lecteur lit partout, à différents endroits, à différents moments de la journée. À chacun de ces moments, on a une préférence sur un type de lecture, et notre but, avec la Fnac, c’est d’ouvrir cet éventail et répondre à toutes les demandes.
ActuaLitté : Quelles sont vos projections en termes d’abonnement et vos attentes ?
Marc Sarfati : Aujourd’hui peu d’acteurs partagent leurs données. Kindle n’en partage évidemment aucune. Youboox tire de son côté principalement ses utilisateurs de ses partenariats avec des opérateurs de télécommunications que sont Free et SFR. En nous appuyant sur notre historique, nous estimons que les abonnements représenteront 10 % de nos ventes à la fin de la première année pleine.
Suite au rachat de Youboox par le suédois Nextory, la croissance de Storytel, ou encore les développements de Spotify, quel est votre analyse du marché concernant l’audiolecture numérique ?
Agnès Panquiault : Pour le livre audio, on a une proposition d’abonnement qui est celle du marché français : le token. Et bien sûr l’achat à la carte, unitaire, mais à un prix qui est souvent assez élevé. La raison : le prix catalogue des éditeurs reste pour l’instant assez élevé, et ils refusent, jusqu’à présent, le modèle de streaming. C’est la raison pour laquelle Storytel n’est pas encore en France.
Même Audible est en système token. Il faut payer, comme chez nous, 9,99 €, et vous avez le droit à un livre audio par mois qui reste à la possession de l’abonné. À mon sens, c’est ce qui limite aujourd’hui le marché du livre audio. Nous avons une proposition livre audio depuis maintenant trois ans, avec tous les catalogues éditeurs disponibles, mais c’est vrai qu’il est peu large et reste cher.
En revanche, il existe déjà le streaming de livres audio dans d’autres pays, notamment européens. On vient par exemple de lancer Kobo+ en Italie. On a également lancé une offre streaming en Hollande, et cette offre audio est plus pertinente puisque le consommateur peut à la fois avoir accès aux ebooks et découvrir les audiobooks. En France, c’est pour l’instant un peu plus compliqué.
Marc Sarfati : Si on est tous des concurrents sur le livre audio, on a aujourd’hui trois approches différentes sur le secteur. Celle d’un Deezer par exemple, qui a un système uniquement d’abonnement, va bien évidemment s’orienter vers des audiobooks qu’elle pourra inclure dans son abonnement. Nous, à côté, avons un volet à la carte, tout en développant des originals, même si ce n’est pas notre métier principal. Donc nous n’arrivons pas vraiment avec les mêmes produits ni les mêmes approches.
Il y a d’autres acteurs qui vont offrir des abonnements d’audiobooks, mais avec un système Ayce : All you can eat. Ceux qui proposent ces abonnements vont miser sur un catalogue qu’ils vont produire eux-mêmes. On est tous dépendants de la même chose : la volonté des éditeurs de participer et le catalogue disponible.
Quels sont les futurs projets pour les productions Kobo, Kobo Originals ?
Agnès Panquiault : Chez Kobo, notre premier métier, c’est libraire, libraire numérique. Nous avons débuté comme éditeur, avec Kobo Originals, avec les livres audio du fait de la pénurie de catalogues, notamment en littérature de genre qui correspond aux attentes de notre lectorat. Pour ce faire, on s’appuie sur les reading data, qui nous permettent de connaître les livres les plus lus, les fameux page turners.
Nous allons ainsi commander des titres qui correspondent aux attentes de lecture : des séries, des héros récurrents ; et des genres qui sont plébiscités : du polar, du feel good et de la romance. C’est vraiment un développement depuis 2 ans. Cette nouvelle activité s’est accélérée avec le confinent et le développement de l’usage numérique. On profite également d’être un acteur international en traduisant nos succès au Canada ou en Hollande.
Quelles sont vos ambitions à court, moyen et long terme pour cette offre d’abonnement ?
Agnès Panquiault : On s’appuie sur l’exemple de la Hollande : on a lancé il y a quatre ans un abonnement ebooks, et on a pu démontrer qu’il n’y a pas de cannibalisation des abonnements sur la vente de livres, qu’ils soient papier ou ebook. Et dès la première année, l’abonnement représentait 10 % du chiffre d’affaires.
Marc Sarfati : Effectivement, il y a notre expérience sur les autres pays : Le Canada et les Pays-Bas, mais il faut avoir en tête que chaque pays s’inscrit dans des habitudes de lecture différentes. Mais il est vrai que ces expériences nous poussent à penser qu’il y a une appétence pour ces abonnements. Clairement, ce n’est pas parce qu’on a un abonnement qu’on s’arrête de lire à côté par d’autres méthodes. On continue à acheter en numérique, parfois même plus. Le format abonnement pour accéder à un catalogue existe à présent dans tous les domaines des industries culturelles. Il faut que l’ebook passe également à ce format, donc ce n’est qu’une étape supplémentaire qui vient compléter ce qui existe déjà. Et pourquoi pas revenir plus tard avec de nouvelles propositions qui incluront le livre audio.
Ce système par abonnement répond-il à une attente identifiée ?
Agnès Panquiault : Alors oui, pour reprendre mon analogie, on pourrait dire qu’on est, pour les abonnements ebooks, ce que l’édition poche est à l’édition grand format. Une accessibilité par le prix et la proposition de livres qui ont déjà connu un succès. On propose finalement une sorte de club de lecture 2.0. Sur ce même créneau, on peut citer France Loisirs, par exemple, qui l'a occupé pendant un moment. La curation de catalogue reste très importante pour le format abonnement.
On va proposer par exemple des newsletters où l’on va mettre des titres en avant. On va également mettre l’accent sur les recommandations du libraire et des auteurs. Ces apports pour faciliter les choix de lecture sont clairement plébiscités et appréciés par les lecteurs.
Quels types de livres sont plébiscités par les lecteurs de livres numériques ?
Agnès Panquiault : Il y a une partie qui duplique les best-sellers papier. Dans le numérique, on est beaucoup en fiction, la lecture plaisir, la lecture de genre et moins en document. On est de très bons vendeurs de romans dits feel good par exemple.
Vous sortez également deux nouvelles liseuses. Comment ces produits se différencient-ils des précédents appareils de Kobo ?
Marc Sarfati : Chez Kobo, deux nouvelles machines sortent chaque année, un taux de renouvellement qui est fort par rapport aux autres marques du secteur. La liseuse Libra 2 est une liseuse milieu de gamme, et Sage, une liseuse haut de gamme. Principales évolutions du produit : la qualité de l’écran, avec des écrans plus réactifs. C’était un défaut de nos liseuses. Et la grande nouveauté, c’est la compatibilité des deux liseuses avec les audiobooks.
Grâce à leur module Bluetooth, écouter des livres audio depuis sa bibliothèque Kobo au travers d’une enceinte Bluetooth, soit d’un casque Bluetooth. Attention, il n’y a pas de prise jack, ça passe seulement par le système Bluetooth. On est également passé de 8 à 32 Go, notamment pour répondre à cette intégration du livre audio, soit 150 livres audio ou 24.000 livres numériques.
Plus généralement, nous avons été les premiers à proposer des technologies innovantes, comme le rétroéclairage, l’anti-lumière bleue, le waterproof ou les écrans 12 pouces. On veut le meilleur confort de lecture pour la meilleure expérience de lecture pour le consommateur. Ce sont les retours consommateurs sur l’expérience de lecture qui vont piloter nos nouveautés.
Après une année 2020 aux résultats exceptionnels, quelle est la situation des ventes de livres numériques en 2021 ? Et pour les liseuses ?
Agnès Panquiault : Effectivement, l’année 2020 a été exceptionnelle avec le recrutement massif sur les usages numériques. Cette année, on sera un peu en retrait, par rapport à l’année dernière, mais ça reste de bons résultats, cela reste une croissance importante sur deux ans.
Marc Sarfati : Pour les liseuses, on a constaté un léger recul en 2021 face à 2020. En revanche, l’année dernière, malgré 350 points de vente qui ont été fermés, et qui font normalement les 2/3 de nos ventes de liseuses, les ventes ont été équivalentes à 2019. Ça signifie que le web a réussi à couvrir quasiment 100 % des ventes et à rattraper ce que les magasins physiques ne pouvaient plus offrir durant leur fermeture. Donc, clairement, c’est une année exceptionnelle. En revanche, c’est vrai que cette année, il y a un rattrapage, et qu’en termes d’unités, on est en retrait.
Avez-vous déjà identifié des habitudes de lecture qui se sont mises en place depuis les différents confinements ?
Agnès Panquiault : On a recruté de nouveaux consommateurs au moment des confinements, et si certains sont revenus au papier, on a bien un tiers de ceux qui s’étaient tournés vers les ebooks qui sont à présent des lecteurs réguliers. Les confinements ont clairement accéléré le développement du livre numérique.
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