Octave Mirbeau (1848-1917) n'est pas un ensablé, ne serait-ce que par le film tiré de son roman, Journal d'une femme de chambre, avec Jeanne Moreau et Michel Piccoli, et sa pièce célèbre Les Affaires sont les affaires. Mais c'est peu au regard de la masse d'écrits qu'il a laissée à la postérité. Et notamment, trop oubliés, ses contes publiés dans la presse, et qu'il considérait comme alimentaires... À tort. Je puis l'affirmer après avoir lu la réédition d'une partie d'entre eux par l'Arbre Vengeur dans sa collection "L'exhumérante". Par Hervé Bel.
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21/02/2021 à 07:31
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La première édition de ce recueil date de 1919. On la doit à la veuve de Mirbeau, la scandaleuse Alice Regnault, ex-courtisane devenue millionnaire grâce à ses charmes, et épousée en catimini par Octave Mirbeau en 1887, sans doute pour sa beauté qu'il jugeait irrésistible; et dont il paya le prix fort, par un pessimisme inguérissable. Toutefois, il ne faudrait pas croire que la publication posthume de "La vache tachetée" ait été la manifestation d'un remords, de la part d'une épouse éplorée... Loin de là!
Déjà, en 1917, tout juste veuve, elle avait fait publier par opportunisme un faux intitulé Le Testament politique d'Octave Mirbeau, dans lequel son mari (qui était incapable d'écrire depuis des années), se déclarait soudain patriote et reniait ainsi les opinions libertaires de toute sa vie. En 1919, comme l'indique Pierre Michel dans le dictionnaire Octave Mirbeau, alors que se prépare le recueil de contes, elle fait « vendre (...) toute la bibliothèque de son mari, tous ses manuscrits, toute sa correspondance et toutes ses œuvres d’art ! Les lettres de Monet et de Rodin, en particulier, n’ont jamais été retrouvées ».
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Il y aurait un roman à faire sur cette femme qui gâcha la vie d'Octave Mirbeau, jusqu'à lui faire considérer que le bonheur était impossible entre l'homme et la femme. Une des nouvelles du recueil réédité par l'Arbre Vengeur porte d'ailleurs sur ce thème. Intitulée Vers le bonheur, elle raconte un amour condamné dès le soir du mariage, lorsque le mari s'aperçoit qu'il ne pense absolument pas comme sa femme. C'est à propos de la couleur de la Lune. Il la voit rose, elle non, et ils se disputent gentiment là-dessus, sans comprendre d'abord que derrière cette nuance, c'est l'abîme qui les sépare. Le texte se conclut par cette phrase, très significative de ce que pensait Mirbeau : « La souffrance est peut-être la seule chose qui puisse rapprocher l'homme de la femme. »
À la lecture du recueil, on ne peut qu'être frappé par l'extraordinaire diversité des nouvelles. Certaines sont fantaisistes, dont ce fameux Concombre fugitif (publié en 1894), clin d'œil à Alphonse Allais qui y répondit lui aussi par un texte intitulé Pour faire plaisir à Mirbeau. C'est l'histoire d'un jardinier (une des passions de Mirbeau soit dit en passant), appelé Hortus, dont la marotte est de collectionner les fleurs que personne ne possède. Dans ce jardin extraordinaire évolue un concombre fugitif, aperçu et jamais saisi... Ce qui donne lieu à de très beaux passages :
Les fleurs que j’aime sont les fleurs de nos prairies, de nos forêts, de nos montagnes. Je vais demander à l’Amérique septentrionale la miraculeuse beauté de ses Composées, la majesté de ses hélianthes et de ses sylphiums. Au Japon, je cherche l’obscène candeur de ses lis, l’exubérante et fastueuse joie de ses pivoines, la verve folle de ses ipomées. L’Orient m’apporte toute la diversité innumérable de ses bulbes, l’extraordinaire chiffonnage de ses pavots, de ses anémones, de ses renoncules. Et que dire de la Suisse, où de chaque pente de rocher sort une merveille de vie végétale, où le caillou est hospitalier à la petite graine qui se confie à lui, où la neige couve et prépare les ardentes soirées printanières ?
C'est que Mirbeau a tous les talents. Il peut être drôle et ironique, comme dans Une lecture qui met en scène un écrivain mondain devant deux femmes du monde extasiées par le texte qu'il leur lit, une somme de niaiseries incroyables.
Poétique, quand il évoque certains paysages de Bretagne et de Normandie, il est aussi féroce vis-à-vis de son prochain. Peut-être parce qu'il souffrait lui-même, il ne supportait pas la souffrance des autres, même celle des animaux. Dans Le petit gardeur de vaches, il met en scène l'horreur d'un petit chat torturé par un jeune garçon, que le héros révulsé par cette abomination (et la perspective de ce que fera plus tard le bourreau) finit par assassiner. Ailleurs, ce sont deux petits ramoneurs qui meurent dans le froid.
Le monde, pour Mirbeau, est affreusement cruel. Que les intoxiqués du "livre qui fait du bien" passent leur chemin. Misanthrope, peut-être, Mirbeau fut aussi toujours du côté des victimes. Rappelons qu'il paya de ses deniers l'amende infligée à Zola lors de l'affaire Dreyfus. Il était riche, ce qui ne l'empêchait pas d'être sincère. Il ne cherche pas à donner de leçon : il écrit et agit quand il le peut.
Il hait l'hypocrisie. Dans Croquis bretons, il dresse le portrait d'un socialiste ayant fait fortune, et qui, tout en continuant à discourir sur l'injustice du monde, maltraite ses paysans. Le texte reste actuel. Il y aurait beaucoup à dire sur les millionnaires télévisés qui ne cessent de nous abreuver de morale...
Mais Mirbeau est bien plus que cela, un grand écrivain. La plus longue nouvelle du recueil vaut à elle seule le détour. Intitulée Un homme sensible, elle fait toucher au lecteur l'incommensurable noirceur du mal. On y sent certes l'influence de Poe et de Dostoïevski, mais Mirbeau sait y mettre sa pâte avec son style net, précis, classique, français en un mot. Écrit à la première personne, le récit met en scène un jeune homme, fils de famille, obsédé, dénué de toute morale, et qui, un jour, jette son dévolu sur une jeune fille du village, merveilleusement belle et sensuelle.
Malheureusement pour lui, elle le refuse, lui préférant un jeune bossu que le héros prend en horreur. Alors, l'obsession ne le quitte plus (on songe au Cœur révélateur de Poe) : il lui faudra un jour ou l'autre tuer le petit bossu, pour prendre la fille, et ce n'est pas fini... Je n'en dirai pas plus. Tout au long du texte, on espère une lueur, quelque chose à quoi se raccrocher. Rien ne viendra. Le monde est décidément atroce... Comme le dit Stéphane Babey dans son introduction : « Ce texte d'une violence inouïe est assurément un sommet de l'œuvre d'Octave Mirbeau. »
Chers lecteurs, allez en librairie chercher ce formidable ouvrage qui vous donnera, comme à moi, l'envie de vous plonger dans les œuvres moins connues de Mirbeau, comme ce roman Le Calvaire dont on me dit le plus grand bien.
Hervé BEL.
(1) Alice Regnault, veuve Octave Mirbeau, Pierre Michel. 1994. On trouvera sur la toile plusieurs études de ce spécialiste de Mirbeau. Il est par ailleurs, avec Jean-François Nivet, l'auteur d'une biographie Octave Mirbeau, l'imprécateur au cœur fidèle (1990).
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BONNES FEUILLES - Dans un moment de semi-veille devant un documentaire sur les pittoresques villages corses, Margaux est prise d'un vertige émotionnel lorsqu'elle croit apercevoir sa mère dans un tableau exposé, une femme qu'elle n'a pas vue depuis quinze longues années, depuis sa disparition soudaine qui a laissé un vide dans la vie de son père, de sa sœur et d'elle-même.
18/03/2024, 18:11
Édith Piaf revient beaucoup dans l’actualité, ces derniers temps. Emmanuel Macron souhaiterait en effet voir la chanteuse d’origine malienne Aya Nakamura interpréter un morceau de la Môme pour l’ouverture des Jeux olympiques de Paris, cet été, ce qui soulève une énorme polémique. Beaucoup reprochent à cette dernière d’être vulgaire, de ne pas incarner l’esprit français… L'occasion, peut-être, de se pencher à nouveau sur cette figure de la chanson française. Texte par Étienne Ruhaud.
18/03/2024, 12:17
BONNES FEUILLES — Dans un New York post-apocalyptique, le désordre domine et un brouillard mystérieux donne naissance à des entités effroyables. Les adultes sont manipulés par une force monstrueuse, obligeant les enfants à se regrouper pour leur survie. Quelles circonstances ont mené à cette situation chaotique ? Quelle est la nature de ces êtres terrifiants ? Quels sont leurs objectifs ? Est-il possible de triompher de ces horreurs ?
17/03/2024, 10:00
BONNES FEUILLES — Lorsqu'un orphelin de 13 ans se lance dans une quête pour retrouver ses parents et atterrit accidentellement en pleine préhistoire, il est confronté à la nécessité d'innover en créant le feu, le savon, les voyelles, tout en essayant de survivre au milieu de créatures terrifiantes et d'individus peu raffinés...
17/03/2024, 09:30
BONNES FEUILLES — Cette adaptation émouvante du best-seller semi-autobiographique de Gaël Faye, lauréat du prix Goncourt des lycéens en 2016, est l'œuvre de Marzena Sowa et Sylvain Savoia. Sélectionnés personnellement par Gaël Faye parmi de nombreux candidats pour leur projet, ils apportent à l'histoire une dimension visuelle aussi belle que bouleversante.
16/03/2024, 10:08
BONNES FEUILLES — Mélie et Kréa continuent leur aventure, franchissant les portails vers des univers nécessitant leur aide, qu'ils parviennent à sauver grâce aux créatures fantastiques créées par le Monster Maker Club et animées par la jeune fille.
16/03/2024, 09:30
BONNES FEUILLES - Située dans le décor vibrant de la New York de 1913, l'histoire débute avec Laura Lyons, dont la vie semble comblée auprès de son mari, surintendant de la bibliothèque publique de New York, et leurs deux enfants.
16/03/2024, 08:30
10e semaine de l'année, et c'est un duel au sommet qui se joue entre Guillaume Musso et Joël Dicker, avec un net avantage pour le premier. L'auteur d'Antibes pique la tête du classement à celui de Genève, il vend 69.860 de son nouveau roman, Quelqu'un d'autre. Le Suisse doit se contenter de la 2e place, avec 47.237 ventes pour Un animal sauvage.
15/03/2024, 13:02
BONNES FEUILLES — En 1779, le capitaine James Cook de la Grande-Bretagne trouve la mort sur une plage d'Hawaï. Deux siècles plus tard, les astronautes d'Apollo 11 sont envoyés par la NASA à la conquête de la Lune. À la fin du 20e siècle, les astronomes découvrent avec étonnement que l'univers est en grande partie composé d'énergie noire, un phénomène mystérieux.
15/03/2024, 07:32
BONNES FEUILLES — Les histoires des transfuges de classe ont connu un grand succès ces dernières années, dans divers domaines tels que la littérature, la sociologie, la politique et les médias, et sur différents supports : livres, journaux et réseaux sociaux. Mais que cachent-elles réellement ?
14/03/2024, 06:30
Bien que publié aux Etats-Unis à la fin des années 60, Le Parrain de Mario Puzo a connu un destin incroyable. Avec l’adaptation en trilogie par Francis Ford Coppola au début des années 70 ce récit est devenu une saga internationalement célébrée.
13/03/2024, 16:54
Plaquant son job d'attachée parlementaire, Alice se réfugie loin de l'agitation, dans le Pays basque : direction Saint-Just. Ici, sa famille à conservé une maison, dans la ville natale de sa tante Diane disparue 20 ans plus tôt. Le mystère est depuis resté complet. Au contact des habitants, passant au crible les archives, elle découvre l'existence d'une jeune fille nommée Rose, abritée en secret par sa tante.
13/03/2024, 16:18
Rivière-Brûlée. Petite municipalité bucolique du Québec. Tout débute pourtant sous les meilleurs auspices ce vendredi de la fin août, lorsque trois adolescents, Judith, Abigail et Alexandre, décollent pour leurs journées au grand air. Le projet ? Camper en forêt.
13/03/2024, 15:15
Dans le petit village fictif de Tordinona en Italie, la population est coincée par une violente tempête de neige. Les gendarmes Marcus et Nadia, s’apprêtaient à quitter les lieux, mais sont stoppés net. Le garde champêtre Orazio a découvert le corps de Caroline Gay, 17 ans… morte. Morte ?
13/03/2024, 12:53
Dix ans après le succès phénoménal de La Liste de mes envies – 1,5 million d’exemplaires, best-seller international traduit en trente-cinq langues, adapté au cinéma et au théâtre – Grégoire Delacourt réussit, avec La Liste 2 mes envies, son pari : le retour de Jocelyne, la mercière d’Arras, encore plus surprenante, plus drôle et plus touchante.
13/03/2024, 09:58
1 Commentaire
MICHEL Pierre
21/02/2021 à 10:46
Bravissimo ! Et très sincèrement merci !