La marche comme expérience mystique... En novembre 1974, le réalisateur Werner Herzog apprend que sa grande amie Lotte Eisner, célèbre critique de cinéma allemande qui vit et travaille à Paris à la cinémathèque française, est très gravement malade. Elle risque de mourir. « J’ai répondu : cela ne se peut pas ». Saisissant une veste, une boussole et un sac, Herzog part sur le champ pour la retrouver. Mais il fera le voyage à pied, convaincu que c’est par la marche, vécue comme un acte de foi, qu’il sauvera son ami. Tête baissée, il se lance dans un improbable périple au cœur de l’hiver, quittant Munich pour rejoindre Paris. Sur le chemin des glaces est le journal de bord de sa folle aventure.
Le 05/04/2020 à 09:00 par Les ensablés
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05/04/2020 à 09:00
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Du 23 novembre au 14 décembre 1974, progressant à une moyenne considérable de 50 kilomètres par jour, Herzog va braver les intempéries, la faim, la soif, pour se rendre à Paris au chevet de son amie malade. Il lui faut d’abord sortir de Munich par le Lech avant de s’enfoncer dans la Forêt Noire. Guettant les cabanes, les lieux désaffectés, les maisons vides, les granges, les remises à outils, les auberges quand il en trouve une, Herzog dort et s’abrite où il peut.
Une âme et un corps nouveaux se forgent petit à petit dans l’épreuve. Ses bottes trop neuves lui font mal, ses habits sentent trop fort la transpiration, son sac qui cogne contre ses vêtements forme un trou de plus en plus large. Chaque jour, sa perception s’altère davantage. Son odyssée se transforme en une expérience de « dérèglement de tous les sens », une métempsychose où, par le corps, le marcheur pénitent se met à vivre de l’intérieur, le vol d’un oiseau, la chair d’un fruit cueilli sur l’arbre, le ballet des arbres au gré du vent.
Mais plus le corps d’Herzog donne des signes de faiblesse, plus la rage qui l’anime le pousse à avancer. Comme chez les martyrs, ses pieds deviennent des plaies géantes. Ampoules à chaque doigt, inflammation des tendons, douleur terrible à l’aine, jambe qui gonfle, son état physique empire. Il s’arrête un temps pour se soigner. Et repartir.
« Comment va Lotte Eisner ? Vit-elle ? Vais-je assez vite ? Je ne crois pas, non. Le pays est un tel désert ! J’y vois le même abandon qu’autrefois en Egypte. Si jamais j’arrive un jour, je veux que personne ne sache ce qu’aura été cette marche. Des poids lourds roulent dans la pluie triste. Kirchberg, Hadberg, Loppenhausen ». Enfin Herzog atteint le Danube et les Alpes souabes. La neige a fait son apparition. Elle enveloppe tout le territoire d’un voile blanc et donne un supplément d’irréalité aux choses et aux êtres. Face à un paysan debout, en arrêt devant sa machine dont la mécanique est bloquée par le gel, les deux hommes se rencontrent sans se voir : « nous nous sommes croisés sans nous saluer, nous les fantômes ».
Sorti enfin de la forêt noire, Herzog doit lutter contre le vent. Des pointes à 130 ! Mais rien ne peut le faire renoncer. Il continue en se raccrochant à des petites épiphanies qui, aussi minimes soient-elles, deviennent vitales : le suc d’une mandarine, le sourire d’un enfant croisé en chemin, le réconfort d’une vallée, le spectacle des étoiles. Quand il boit aux rivières, quand il se désaltère aux ruisseaux, il se met désormais « dans la posture de l’animal ».
Enfin Werner atteint le Rhin. Il prend le bac à Kappel et touche les Vosges. « La solitude est-elle bénéfique ? pense-t-il. Oui assurément. Seulement elle nous ouvre à des intuitions dramatiques de l’avenir ».
Ce calvaire voulu, cette passion du Christ vécue dans sa chair, cette expérience fervente et parfaitement déraisonnable pour sauver à distance, par la force de l’esprit et par l’épreuve du corps, son amie des griffes de la mort, Werner Herzog va l’endurer sans faillir - pieusement pourrait-on dire - jusqu’à Paris. « Brûlé, nu, exténué, les sens vidés », au bord de l’abandon, l’espoir renaît cependant à tout moment. Il suffit qu’un miracle se produise. « Devant moi un arc-en-ciel me remplit soudain d’une folle espérance. Quel merveilleux signe au-devant et au-dessus de celui qui marche. La marche ! Chacun de nous devrait marcher. »
Etonnant livre. Court, chargé d’une puissante intensité. Sur le chemin des glaces est paru chez POL en 1988. Il est toujours disponible en petite bibliothèque Payot. Expérience de lecture surprenante, il est la preuve qu’un acte de foi peut hâter la vie. Et la sauver.
Connu pour son tempérament à risque et surnommé « le cinéaste de l’impossible » (son seul autre texte est Conquête de l’inutile où il décrit l’enlisement ubuesque du tournage de Fitzcarraldo avec Klaus Kinski, complètement allumé, que les Indiens embauchés sur le tournage lui proposent de tuer gratuitement), Werner Herzog, loin de ses folles mises en scène baroques, relate dans Sur le chemin des glaces une expérience de vie si intime qu’elle confine au dépouillement sublime. Elle tient toute entière dans un journal de bord et le récit quotidien d’un homme qui s’est mis dans la tête qu’il sauverait son amie en marchant jusqu’à elle. « Je me mis en route pour Paris par le plus court chemin, avec la certitude qu’elle vivrait si j’allais à elle à pied ».
Fou Herzog ? Aberrante cette prière en marchant ? On pourrait voir aussi dans cette bravade disproportionnée la conduite de l’enfant entêté qui entend du réel qu’il se confonde à son désir. Pensée dite magique ou conjuratoire. Toujours est-il que le samedi 14 décembre 1974, Wermer rejoint Lotte, terriblement marquée par la maladie. Il lui parle, ils se sourient. Elle va guérir. Elle ne mourra que bien des années plus tard. Les fous, les enfants et les saints ont toujours raison.
Werner Herzog, trad. allemand Anne Dutter - Sur le chemin des glaces - Petite bibliothèque Payot - 9782228916622 - 6,80 €
Par Les ensablés
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 16/11/2016
112 pages
Payot
6,80 €
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J est un instituteur de CM2 aimé de ses élèves et respecté de ses collègues. À l’école Turgot, il s’investit corps et âme dans sa classe, tout en découvrant les joies et les bouleversements de la paternité avec Tam, sa compagne, et leur fille, Lola. Mais l’arrivée de Brayan, un élève de onze ans au parcours chaotique, va faire vaciller ses certitudes.
11/07/2025, 08:30
À la fois percutant et parfois clivant, cet ouvrage réunit une sélection de textes rédigés pour la presse – mooks, magazines, journaux – ainsi que des préfaces et des conférences. Tous sont datés, de 2000 à 2024. Ils témoignent d’une époque, s’inscrivent dans l’histoire et retracent à la fois le parcours de Nancy Huston et celui de notre temps.
11/07/2025, 08:00
Après Le Temps gagné et Krasnaïa, ce nouveau texte, intime et élégiaque, prolonge la veine autobiographique de l’auteur tout en s’inscrivant dans une tradition de la littérature du deuil où la musique devient un organe de survie, un langage d’amour, une forme de résistance à la disparition.
11/07/2025, 07:30
Javier Cercas, écrivain résolument athée, anticlérical, laïc convaincu, rationaliste inflexible et impie revendiqué, se voit proposer une mission des plus inattendues : accompagner le pape François lors d’un déplacement officiel, à l’initiative même du Vatican.
11/07/2025, 07:00
Jean-Hugues Oppel signe avec Envahir la Pologne un roman coup de poing, à la frontière du pamphlet politique et de la fiction d’espionnage, en immersion totale dans les coulisses les plus troubles du renseignement et de la guerre moderne. Un récit ultra-documenté mais souvent écrasé par sa propre verve.
10/07/2025, 18:03
Le sida les a tous deux assaillis ; tous deux ont lutté comme des damnés sur le radeau de l’écriture, les mots plaqués au corps telle une couverture de survie. Le premier, c’est Hervé Guibert, auteur du célèbre À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990, Gallimard) et disparu en 1991 à l’âge de 36 ans – « Sid’assassiné », chantait Barbara.
10/07/2025, 12:21
« Pour Vanessa ». C’est ce que Michel Schneider a inscrit sur une pochette destinée à sa fille. Après sa mort, elle y trouve, parmi des papiers, un roman d’un auteur qui leur est cher, Sándor Márai : Ce que j’ai voulu taire. Est-ce un message ?
10/07/2025, 09:00
Les lecteurs de biographie et autres auditeurs de La Grande Traversée sont communément avides de savoir comment un quidam s’est métamorphosé en grande figure. Comment le lieutenant Bonaparte est devenu Napoléon, la fille de Saint-Sauveur-en-Puisaye Colette, ou Kanye Omari West, Kanye West, puis Ye, puis l’artiste le plus sulfureux des dernières années...
09/07/2025, 16:33
Ça commence et se termine par une boule à neige. L'insolite ligne en « T renversé » qui longe à travers champs une route et une voie de chemin de fer du côté d'Orléans, crée une formidable impulsion pour écrire. Comme… imaginer quelle aurait pu être la vie d'un de ces ouvriers qui participa à ce grand chantier abandonné. Disons… Gino ?
09/07/2025, 10:32
« C’est au retour, dans la voiture, que nous avons commencé à nous raconter notre propre histoire. Ça te paraissait le bon moment pour tout récapituler, et nous dire ce que nous n’avions jamais réussi à nous dire jusqu’alors. Le bon moment aussi pour nous rappeler ensemble ce que nous avions partagé. »
09/07/2025, 09:00
Printemps 2024, soixante-dix ans après les événements de 1954. Dans une rue en pente d’une ville méditerranéenne, baignée de lumière écrasante, la mer attend au bout. Deux figures s’en approchent, portées par un face-à-face inévitable.
09/07/2025, 08:00
Suivre les pas de Wasif Jawhariyyeh, musicien arabe né à Jérusalem au début du XXᵉ siècle, c’est accepter de se perdre dans les méandres d’une ville fascinante. Et à Jérusalem, se perdre est un art en soi. Labyrinthique, écrasée sous le poids de son histoire et des montagnes de livres qui prétendent la déchiffrer, la cité demeure insaisissable. Tant de fois racontée, elle nous échappe encore.
09/07/2025, 07:00
Alors que le télétravail se développe très fortement depuis la Pandémie, de nombreuses entreprises mettent l'accent sur de nouvelles formes de séminaires pour arriver à fédérer leurs équipes sur des projets innovants. Il devient en effet primordial de réunir l'ensemble des collaborateurs sur des temps forts alors même que les salariés sont amenés à travailler dans des lieux très éloignés les uns des autres.
08/07/2025, 16:51
Zoé est morte en juillet. Rien n’avait préparé ceux qui l’entouraient à la voir disparaître. L’accompagner dans sa dérive relevait autant du dévouement que de l’ensorcellement : on s’y laissait emporter, sans jamais en revenir tout à fait. Une question reste suspendue : que laisse-t-on derrière soi, quant tout s’arrête ?
08/07/2025, 09:00
Dans un récit à la frontière du roman et de la biographie rêvée, Marina Seretti imagine un Cezanne vif, mélancolique, tenace, et parfois cruel. Mais sous les élégances littéraires affleure une œuvre en quête d’un rythme juste, d’une profondeur géologique autant qu’humaine.
08/07/2025, 08:47
Vive est une enfant dont le monde se construit entre les arbres du jardin familial, les fragrances lointaines que son père, parfumeur, rapporte de ses voyages, et les mots qu’elle collectionne dans son carnet pour mieux apprivoiser ce qui l’entoure. Pourtant, derrière cette douceur se dissimulent des blessures profondes, longues à cicatriser…
08/07/2025, 08:00
Croyez-vous aux coïncidences ? Nous pensons découvrir dans une succession de situations qui s’enchaînent une forme d’exceptionnel alors que si nous écoutions notre intuition, nous trouverions ces successions logiques et naturelles. L’intuition est un langage invisible, une « petite voix » qui nous informe spontanément et sans analyse d’une action en cours ou à venir dans laquelle nous serions impliqués.
07/07/2025, 09:50
Avec Chez nous (trad. Charles Recoursé), l’écrivain américain Phillip B. Williams livre un premier roman puissant et singulier, qui paraîtra en traduction française aux éditions Robert Laffont le 22 août 2025. Ce texte, salué aux États-Unis dès sa parution en 2024, entremêle réalisme historique, légendes et récit contemporain pour donner vie à Ours, un village afro-américain fondé au XIXᵉ siècle et effacé des cartes par la magie.
07/07/2025, 09:03
Loin du mythe, Christian Duverger prête à Hernán Cortés une voix intime, façonnée d’orgueil, de nostalgie et d’autojustifications. Une plongée littéraire dans l’esprit du conquistador, entre grandeur, mauvaise foi et aveux partiels.
07/07/2025, 08:48
Tout ce que vous chérissez finit par vous échapper. C’est le fardeau qui semble poursuivre les sœurs Mikkola, et peut-être Jonas lui-même, qui passera trente ans à tenter de lever le voile sur leur disparition. Stockholm, 1991.
07/07/2025, 08:00
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